Alexandra Estiot
26 avril 2013 13-17
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economic-research.bnpparibas.com
Vue d’ensemble
La démonstration était presque parfaite
Un excès d’endettement public ne peut être qu’un frein à la
croissance. Plus une dette est importante plus son service est éle,
limitant le revenu qui peut être alloué au financement d’autres
dépenses, alors que la sensibilité des finances publiques aux
niveaux des taux d’intérêt est accrue. D’autres risques peuvent
exister : les agents privés peuvent constituer une épargne de
précaution en anticipation d’une augmentation de la fiscalité ; les
besoins de financement de l’Etat peuvent être tels qu’ils limitent
l’accès des entreprises aux financements, ce qui peut par ailleurs
conduire à une augmentation des taux d’intérêt. Finalement, face à
une dette trop importante, un Etat pourrait choisir de faire défaut,
brutalement (restructuration) ou moins (inflation).
La récente crise économique et financière a conduit à une
dégradation des finances publiques, aux travers des effets du cycle,
des différents plans de sauvetage et des efforts de relance. Mais dès
les premières prémices de reprise, la volonté de réduire les déficits
publics a vu le jour. L’éruption de la crise grecque a donné des
arguments aux tenants de l’austérité. Certains ont vu dans ce cas
pourtant très spécifique la réalisation du risque qui pèserait sur tous
les Etats : un excès de dépenses publiques ne pourrait que
déclencher une envolée des taux d’intérêt, elle-même conduisant à
une crise de liquidité évoluant rapidement en crise de solvabilité. Par
ailleurs, les tenants de l’austérité budgétaire ont basé leur
argumentaire sur des études empiriques, notamment celle d’Alesina
et Ardagna
, et celle de Reinhart et Rogoff
. Pour les premiers,
l’austérité pouvait être expansionniste, alors que les seconds
mettaient en lumière un ralentissement marqué de la croissance dès
lors que l’endettement public dépassait 90% du PIB.
Ces travaux ont été, depuis, discutés
. Dans le cas d’Alesina et
Ardagna, une revue détaillée des épisodes de rigueur
expansionniste soulève deux questions. Si certains pays ont
effectivement pu réduire leur ratio d’endettement public sans pour
autant plonger leur économie dans la récession, c’est qu’une
politique monétaire accommodante permettait d’atténuer les effets
d’une politique budgétaire restrictive, alors que les pays en question
profitaient d’un relais de croissance externe. On pense ici tout
particulièrement au Canada des années 1990. La deuxième question
tient à l’estimation des mesures de correction des déficits, puisque
les auteurs ont retenu les réductions de déficits constatées ex post,
qu’elles résultent de la mise en place de mesures restrictives ou du
jeu des stabilisateurs automatiques. Cette approximation a conduit
les auteurs à identifier davantage d’épisodes de rigueur
expansionniste que l’histoire en a, en fait, connus. L’autre conclusion
Large Changes in Fiscal Policy: Taxes Versus Spending”, Alberto F. Alesina et Silvia
Ardagna, NBER Working Paper n°15438, octobre 2009.
Growth in a Time of Debt”, Carmen M. Reinhart et Kenneth S. Rogoff, NBER Working
Paper 15639, janvier 2010.
Par le FMI, notamment. Voir «Will it hurt? Macroeconomic effects of fiscal consolidation»,
World Economic Outlook, October 2010, et «The good, the bad and the ugly: 100 years of
dealing with public debt over hangs» World Economic Outlook, October 2012.
de ces travaux a aussi conduit à privilégier la réduction des
dépenses à l’augmentation des prélèvements. Au-delà du postulat
qui veut que le marché alloue plus efficacement les ressources que
le gouvernement, les auteurs voyaient dans cet équilibrage les
fondements d’un retour de la confiance, ingrédient nécessaire à une
croissance auto-entretenue.
Après quelques années d’expérimentation au Sud de la zone euro, la
question des bénéfices supposés de l’austérité reste très débattue :
la récession se prolonge en Italie, Espagne, Portugal, Grèce, le choc
de confiance n’a pas eu lieu et, malgré l’action de la BCE, les taux
d’intérêt restent trop élevés. Avec le recul de l’activité, les ratios
d’endettement ont continué d’augmenter. Les mesures d’austérité
ont eu des effets d’autant plus marqués qu’elles n’ont pas été
compensées par des valuations ou, comme aux Etats-Unis ou au
Royaume Uni, par des achats de la banque centrale
. Elles ont
probablement contribué à abaisser le niveau d’activité potentiel dans
certains pays (Grèce), puisqu’ont été réduites, aussi bien les
dépenses de fonctionnement que les dépenses d’investissement
(infrastructures, recherche et veloppement, éducation). Quant à
l’effet d’éviction (les besoins de financement publics assèchent les
financements du secteur privé), sa réalisation dans certains pays en
crise semble liée aux disfonctionnements du marché monétaire : les
banques commerciales des pays en crise ne peuvent compter que
sur la BCE pour leur accès à la liquidité, les obligeant à détenir
suffisamment de collatéral éligible, ce qui les conduit à privilégier les
achats de titres souverains à la distribution de crédit à l’économie.
Certes, l’Europe du Sud n’avait d’autre choix que la rigueur, puisque
d’ores et déjà confrontée à une envolée des taux d’intérêt. Mais en
dehors de la zone euro, d’autres pays l’ont adoptée, sans pression
aucune des marchés. Au Royaume-Uni, les résultats ne sont que
légèrement moins décourageants qu’en Europe continentale et si
l’économie américaine résiste mieux, la croissance peine à dépasser
2%. De Reinhart et Rogoff, nous aurions préféré que soient retenus
leurs travaux précédents, et notamment leur livre, paru en 2009, This
Time is Different, dont l’une des conclusions aurait être au centre
des préoccupations : suite à une crise de la dette, qu’elle soit privée
ou publique, bancaire ou non, la croissance reste déprimée pour une
décennie au moins. Ce seul constat aurait repousser l’austérité à
un second temps, après qu’un policy-mix accommodant eut permis
un retour à la croissance. Au moins, la tentation de la rigueur
semble-t-elle moins forte. En Europe, la Commission Européenne
accorde plus de temps pour le respect des objectifs budgétaires,
alors que les critiques à l’encontre de l’austérité britannique se
multiplient (FMI, agences de notation). S’il est plus difficile de trouver
des éléments encourageants dans l’actuelle politique budgétaire
américaine, au moins la Fed conduit-elle une politique qui brille par
son absence d’automatisme et de dogmatisme.
Les données de l’OCDE montrent des réductions annuelles de déficits structurels, de 2010
à 2012, de 5,5 points de PIB en Grèce, 2,2 points au Portugal, 1,9 point en Espagne et 1,1
point en Italie.
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