Condensation de Bose-Einstein
Arnaud Triay
Stage effectué à l’Institut Henri Poincaré en Juin-Juillet 2013
sous la direction de Mathieu LEWIN (CNRS & Université de Cergy-Pontoise)
Table des matières
1 Introduction 2
1.1 CondensationdeBose-Einstein ................................... 2
1.2 Énergie d’une particule quantique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.3 Énergie d’un système à Nparticules ................................ 2
1.4 Condensation............................................. 3
2 État fondamental des opérateurs de Schrödinger 3
3 Modèle de Hartree 8
3.1 Étudepréliminaire .......................................... 8
3.2 Théorème : existence et unicité de l’état fondamental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
4 Condensation de Bose-Einstein 11
4.1 Cas de ˆw0............................................. 11
4.1.1 Convergencedelénergie................................... 11
4.1.2 Condensation de Bose-Einstein : convergence en loi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
4.2 Casgénéral .............................................. 14
4.2.1 Casdeladimensionnie .................................. 16
4.2.2 Cas de la dimension quelconque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
Références 20
1
1 Introduction
1.1 Condensation de Bose-Einstein
La condensation de Bose-Einstein est un phénomène quantique se manifestant à très basse température
pour un gaz de bosons très dilué. Initialement prédit par Satyendranath Bose pour des photons [1], il a été
généralisé au cas des atomes par Albert Einstein en 1925. Dans cet état de la matière, toutes les particules
du système occupent le même état quantique de plus basse énergie. La première réalisation d’un condensât
date de 1995 par Eric Cornell et Carl Wieman, ce qui leur valut le prix Nobel de physique en 2001. Pour cela
des atomes de rubidium ont été piégés et refroidis par technique "d’évaporation". Il existe plusieurs manières
de piéger des particules : mise en rotation, puits de potentiel, etc. Dans ce qui suit, on considèrera que les
particules sont piégées par un potentiel confinant V(x), x R3avec V(x)→ ∞ quand x→ ∞.
1.2 Énergie d’une particule quantique
Rappelons tout d’abord qu’en mécanique quantique, les objets ne sont pas décrits comme des particules
ponctuelles comme c’est le cas en mécanique classique, mais par une probabilité de présence, de densité notée
|u(x)|2, x R3uest appelée fonction d’onde de la particule. On prouve, d’après des postulats physiques,
que la densité de probabilité d’impulsion pR3(grandeur physique donnant accès à l’énergie cinétique d’un
système) est |bu|2buest la transformée de Fourier de u.
L’énergie d’une particule classique soumise à un potentiel Vest
Ecl(x, p) = |p|2
2m+V(x).
Le premier terme représentant l’énergie cinétique et le second l’énergie potentielle. Par analogie, l’énergie
moyenne, c’est-à-dire l’espérance de l’énergie mesurée d’une particule quantique est la fonctionnelle suivante,
définie sur un sous-ensemble de la sphère de L2(R3)par
Eq(u) = ZR3
|p|2
2m|bu(p)|2dp +ZR3
V(x)|u(x)|2dx =ZR3|∇u(x)|2
2m+V(x)|u(x)|2dx. (1)
1.3 Énergie d’un système à Nparticules
Soit un système de Nparticules quantiques, introduisons sa fonction d’onde Ψ(x1, ..., xN), xiR3, qui
représente l’état quantique du système : |Ψ(x1, ..., xN)|2est la densité de probabilité de trouver les particules
n˚ien xi. De même, on introduit t(p1, ..., pN) = |b
Ψ(p1, ..., pN)|qui est la densité de probabilité de trouver les
particules n˚iavec une impulsion pi. Les particules étant indiscernables |Ψ|2et |b
Ψ|2doivent être symétriques,
ce qui impose à ψd’être symétrique ou bien anti-symétrique.
Définition 1. Si un système de particules identiques possède une fonction d’onde Ψqui est symétrique, ces
particules sont appelées bosons.
On considère un système de Nbosons soumis à un potentiel V, confinant, c’est-à-dire V(x)→ ∞ quand
|x|→∞. Les interactions entre couples de particules sont représentées par un potentiel wque l’on suppose
radial, c’est-à-dire "w(x) = w(|x|)". On suppose que l’interaction entre particules tend vers 0quand N→ ∞
et est un Θ( 1
N), c’est l’approximation de champ moyen. L’énergie du système s’écrit donc
E(Ψ) = ZR3N
1
2m
N
X
i=1 |∇xiΨ|2+
N
X
i=1
V(xi)|Ψ|2+1
NX
1i<jN
w(xixj)|Ψ|2dx. (2)
On supposera que Vest une fonction continue et quitte à ajouter une constante à Von supposera que
V1.
2
1.4 Condensation
L’état fondamental d’un système est l’état de plus basse énergie, le système tend très rapidement vers cet
état, il est l’objet de notre étude. Ainsi, si E(Ψ) est l’énergie moyenne du système représenté par la fonction
d’onde Ψ, il est question de chercher la fonction d’onde Ψ(si elle existe) qui minimise Esur la boule unité
de L2. Formellement la condensation de Bose-Einstein se traduirait par la convergence de Ψ(en un sens à
préciser) vers une superposition d’un même état, par exemple : u0(x)N=u0(x1)...u0(xN). La convergence
de Ψvers uNn’a pas lieu dans L2mais on montrera dans un premier temps qu’elle a lieu au sens des
probabilités marginales.
Le but de ce mémoire est de formaliser le phénomène de condensation de Bose-Einstein et de le prouver
dans le cadre de la limite de champ moyen. Il suit notamment le travail de Mathieu Lewin, Phan Thành
Nam et Nicolas Rougerie [5]. Dans la section 2, nous montrons l’existence et l’unicité d’un état fondamental
pour un système d’une particule plongée dans un potentiel confinant. L’opérateur de Schrödinger associé
admet une plus petite valeur propre et l’espace propre associé est de dimension 1. De plus, toute fonction
d’onde minimisant l’énergie admet une régularité qui dépend de celle de la fonction V. Dans la section 3,
nous nous intéressons au modèle de Hartree qui décrit l’énergie d’une particule plongée dans un potentiel
comprenant dorénavant un terme d’interaction avec une autre particule de même type, en plus du potentiel
confinant. L’étude de ce modèle est un préliminaire à la démonstration du résultat central. Nous prouvons
l’existence et l’unicité d’un état fondamental pour l’énergie de Hartree. Enfin dans la section 4, nous don-
nons différentes interprétations mathématiques du phénomène de condensation et nous nous appliquons à
les montrer. On prouve dans un premier temps un résultat de convergence des lois marginales et dans un
second temps la convergence d’opérateurs dits "densité" qui caractérisent la fonction d’onde du système.
Pour ce dernier résultat, une première preuve s’appuie sur le lemme de Schur et traite le cas d’un espace de
dimension finie, tandis qu’une seconde preuve traite le cas de la dimension quelconque et utilise un résultat
d’analyse convexe : le théorème de Choquet [3].
Définition 2. La loi de kparticules est la loi de probabilité marginale :
ρk(x1, ..., xk) = Z|Ψ(x1, ..., xN)|2dxk+1...dxN
On appelle alors condensation de Bose-Einstein les propriétés suivantes :
ρNu0dans H1, pour un certain u0
ou
k, ρk
N→ |uk
0|2dans L1
ou
lim
N→∞
inf{E(Ψ),||Ψ||L2(R3N)= 1,Ψsymétrique}
inf{E(uN),||u||L2(R3)= 1}= 1.
Remarque 3. Cette dernière propriété est à interpréter de la manière suivante : l’énergie fondamental du
système s’approxime par l’énergie fondamentale d’un système dont on a supposé les particules décorrélées.
2 État fondamental des opérateurs de Schrödinger
Dans cette section, on prouve l’existence et l’unicité de l’état fondamental d’une particule soumise à un
potentiel confinant. Ce résultat sera réutilisé dans les sections ultérieures où l’on posera une condition sur le
potentiel d’interaction à deux corps pour se ramener au cas d’un potentiel confinant.
Rappelons l’expression de l’énergie d’une particule dans l’état u, soumise à un potentiel V, que l’on a
supposé continu et confinant (V(x)→ ∞ quand |x| → ∞) :
3
E(u) = ZR3
|∇u(x)|2
2m+V(x)|u(x)|2dx,
Dans la suite, pour simplifier les calculs, et sans perte de généralité, on prendra 2m= 1. L’état fonda-
mental d’une particule est la fonction u0qui minimise E.
Théorème 4. Si V∈ C0et vérifie V(x)→ ∞ quand |x|→∞alors le problème de minimisation
E0= inf
uH1,kukL2=1 nE(u) = ZR3|∇u(x)|2+V(x)|u(x)|2dxo= inf
uH1,kukL2=1 Du, ∆ + VuEH1,H1
est atteint en un unique u0H1(modulo U). De plus u0∈ C1,u0>0et résout
∆ + Vu0=E0u0,
au sens des distributions (ou dans H1). Par ailleurs, si v0,kvkL2= 1 et vérifie (∆ + Vv=λv, alors
v=u0.
Remarque 5. Le caractère C0de Vne sert qu’à montrer la régularité de u0, prendre Vdans L2
loc suffit,
en fait, à montrer l’existence et l’unicité de l’état fondamental.
Démonstration. La démonstration s’effectue en trois étapes : existence, régularité et unicité. L’existence d’un
état fondamentale est un résultat de compacité qui tient à ce que le potentiel est confinant et empêche la
perte de masse à l’infini. La régularité est une conséquence du théorème d’injections de Sobolev. On prouve
l’unicité par deux méthodes dont les résultats seront réutilisés ultérieurement.
Étape 1 : existence d’un minimiseur
Considérons V=uH1,E(u)<muni du produit scalaire induit par la forme quadratique E.
(u, v)V=RR3u.v+V uv dx. On rappelle que l’on a supposé V1et que cela implique E(u) = kuk2
V≥ kukH12.
Lemme 6. (V,k.kV)est un espace de Hilbert.
Démonstration. Soit (un)∈ VNune suite de Cauchy pour k.kV, alors elle est aussi de Cauchy pour k.kH1.
Comme H1est complet, on peut considérer u0, sa limite dans H1. Il reste à montrer que u0∈ V et unu0
dans V. La partie gradient converge grâce à la convergence dans H1. Il suffit de montrer que RV|unu0|20.
Soit alors  > 0et n0tel que p, q n0:RV|upuq|2< . La convergence ayant lieu aussi dans L2, il existe
une extractrice telle que uϕ(p)u0presque partout. Alors RV|u0uq|2=Rlim infp→∞ V|uϕ(p)uq|2
lim infp→∞ RV|uϕ(p)uq|2. Ce qui implique RV|u0|2<et unu0dans V.
Soit alors unH1,kunkL2= 1, une suite minimisante, c’est-à-dire telle que E(un)→ E0. Alors (un)
est bornée dans Vet dans H1. Les deux espaces étant des Banach, leur boule unité est compacte pour la
topologie faible. En effet :
Lemme 7. Soit E un Banach. Alors E est réflexif si et seulement si BE(0,1) est compacte pour la topologie
faible.
Quitte à extraire on peut supposer que un* u0faiblement dans Vet que un*˜u0faiblement dans H1.
Or on la le
Lemme 8. Théorème de Rellich : L’injection canonique de H1(Ω) dans L2(Ω) est compacte pour est un
ouvert à bord C1.
4
Alors on a u0= ˜u0. En effet, prenons Ω = B(0, N), la suite (un)est bornée dans H1(Ω) car convergente
faiblement, on peut donc en extraire une sous-suite convergente dans L2(Ω). Appelons ˜
˜u0sa limite. Pour
ϕ∈ D(Ω) :(ϕ, un)H1=Rϕun+ϕun=R(ϕ+ϕ)unR(ϕ+ϕ)˜
˜u0(car un˜
˜u0dans L2). Mais
on a aussi, par hypothèse : (ϕ, un)H1(ϕ, ˜u0)H1. Donc ˜
˜u0H1et ˜
˜u0= ˜u0par identification sur D(Ω).
Le même raisonnement permet d’identifier u0à˜u0.
Lemme 9. Soit E un Banach et (fn)(E)N. Si fn* f alors (kfnk)est bornée et kfk ≤ lim inf kfnk.
Démonstration. Par le théorème d’Hahn-Banach, il existe un élément de xEtel que x(f) = fet
kxk ≤ 1. Alors x(fn)x(f)et pour tout entier n,kx(fn)k ≤ kxkkfnk, en passant à la limite inférieure on
a : kx(f)k=kfk ≤ lim inf kfnk.
Nous pouvons maintenant terminer la preuve de l’existence. On a E(u0) = klim unk2
Vlim inf kunk2
V=
E0. Il reste à montrer que ku0kL2= 1. Rappelons les hypothèses, on a :
un* u0faiblement dans H1
unu0fortement dans L2(Ω) (pour ouvert à bord C1(et donc borné)).
Mais cela ne suffit pas à montrer ku0kL2= 1. Par exemple : un(x) = f(xn)avec fH1satisfait
les propriétés précédentes mais sa limite simple est nulle. Cependant, dans le modèle étudié, la particule est
confinée à l’aide d’un potentiel coercif et elle ne peut pas "s’en aller à l’infini". Montrons que la masse se
concentre dans un compact.
Lemme 10. Pour tout  > 0, il existe un ouvertà bord C1et n0tel que pour tout entier nn0:
k1cunkL2,
Démonstration. En effet, sinon : on trouve  > 0tel que pour tout à bord C1il existe ϕune extractrice
qui vérifie : k1cuϕ(n)kL2> . Soit un tel ,V(x)→ ∞ quand |x| → ∞, on peut alors trouver r0tel que
pour |x| ≥ r0on ait V(x)>E0+1
. Alors E(uϕ(n))R|x|≥r0V|uϕ(n)|2>E0+ 1. Ce qui contredit le caractère
minimisant de (un).
Montrons maintenant que la convergence a lieu dans L2. Soit  > 0,n00et un boule centrée en
l’origine qui concentre la masse des termes de la suite à près à partir du rang n0et aussi celle de u0, c’est-
à-dire ku0.1ckL2< . Alors : kunu0kL2≤ k(unu0).1ckL2+k(unu0).1kL22+k(unu0).1kL2.
Le second terme tend vers 0d’après le théorème de Rellich (Lemme 10). La convergence a donc lieu dans
L2et ku0kL2= 1, ce qui montre que le minimum est atteint.
Étape 2 : régularité
On montre maintenant que u0est C1et que u0>0(modulo U).
Lemme 11. Tout minimiseur u0pour Evérifie u0+V u0=E0u0au sens de H1.
Démonstration. Si u0est une solution au problème de minimisation, alors pour tout hH1, l’application
φ:t7→ E(u0+t.h)
ku0+t.hk2admet une dérivée nulle en 0. Ce qui donne :
φ0(0) = 2<(Zu0h+V u0h− E0u0h)=0
Le résultat s’obtient en effectuant les changements de variable hh, et hih.
Comme VL
loc et u0L2, on vient de montrer que uL2
loc et donc u0H2
loc. Le théorème
d’injections de Sobolev donne la régularité de u0.
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