Hervé This, Équipe INRA de Gastronomie moléculaire, AgroParisTech 2
moléculaires stabiliseraient les complexes ? Cela signifie explorer des interactions
moléculaires : la mécanique quantique s’impose, puisqu’il s’agit d’établir des liaisons, et que
les liaisons ne sont pas réductibles à de petits traits entre des lettres, sur une feuille de
papier, pour comprendre quels angles de liaisons sont possibles, quelles directions sont
celles où des liaisons peuvent s’établir.
Pour faire de la technologie, également, la mécanique quantique est utile, parce qu’il faut
utiliser des connaissances nouvelles pour introduire des produits nouveaux. Mieux encore,
l’institution ne ferait pas bien son travail si elle enseignait des connaissances anciennes, car
les possibilités d’innovation seraient nulles : le risque que l’on ait déjà pensé à appliquer des
connaissances anciennes est grand. Pour produire des avancées technologiques, il vaut
mieux penser à appliquer des connaissances récentes. Le bon technologue doit être formé par
les connaissances les plus fraîches (et un bon conseil à lui donner est de continuer de
chercher à connaître les avancées de la science, non pour en faire, mais pour en tirer des
applications).
Dans tous les cas, les disciplines clé sont la chimie, la physique, la biologie.
Pendant longtemps, la chimie a cherché la constitution des corps. Elle a ainsi compris
progressivement que certains étaient faits de molécules, faites elles-mêmes d’atomes ;
d’autres (les métaux, les solides cristallins…) étaient faits d’atomes, liés différemment. Dans
les deux cas, il y a des atomes.
La première phase du développement de la chimie, l’étude de l’organisation des atomes,
s’est poursuivie de deux façons principales. Ayant conçu l’idée des atomes, on a cherché si
l’on pouvait diviser ces derniers. Ont été découvertes les particules subatomiques (protons,
neutrons, électrons), puis, quand on a augmenté l’énergie de fractionnement de ces objets, on
a découvert d’autres particules, jusqu’aux quarks.
La chimie, elle, s’est arrêtée à l’énergie de dissociation des molécules, mais elle s’arrête à
l’énergie qui dissocie les atomes. En revanche, son développement ne s’est pas arrêté : après
avoir collectionné des papillons, on a cherché leur « fonctionnement ». Autrement dit, les
chimistes se sont intéressés aux mécanismes des réactions chimiques.
Qui dit réaction chimique dit (notamment en chimie organique, laquelle concerne tout
particulièrement les pharmaciens) réarrangements d’atomes, et modifications de liaisons. Or,
on l’a vu, les liaisons ne sont pas des tiges en plastique entre des boules, mais résultent plutôt
de la répartition des électrons entre les noyaux atomiques. Leur mécanique n’est pas celle des
boules de billard… mais une mécanique qui a pour nom « mécanique quantique ».
Et c’est ainsi que la science et la technologie pharmaceutique ne progresseront véritablement
que s’ils se fondent sur des notions de mécanique quantique (bien sûr, j’exagère, mais
n’oublions pas que je veux convaincre !).
La mécanique quantique permet de comprendre que les atomes ne s’unissent pas au hasard,
que des géométries moléculaires particulières sont imposées par des « lois invisibles » de la
nature.
1. Le spectre de l’hydrogène et la théorie de Bohr