Chapitre 4 : Intervention publique dans l’économie
b/ Approche positive des choix publics
En supposant résolus les problèmes de définition d’une norme sociale, la justification de
l’intervention publique face aux défaillances de marché conduit à élaborer des propositions
sur ce que devrait être cette intervention pour maximiser le bien-être social. L’analyse
positive, dans cette optique, se borne à l’étude des mécanismes par lesquels l’action publique
affecte l’ensemble de l’économie. Une fois repérée la politique optimale, la question de sa
mise en œuvre ne se pose plus. Elle est en effet sans intérêt dès lors que l’Etat, dans cette
conception d’inspiration normative, apparaît comme un despote éclairé et bienveillant qui
s’efforce toujours de mettre en œuvre la politique optimale.
Dans une conception de l’Etat relevant davantage d’une démarche positive, la mise en œuvre
du contrat social implique une délégation du pouvoir dans un cadre où l’information n’est
jamais parfaite et où la rationalité individuelle n’est pas nécessairement bienveillante. Dans
cette optique, la réflexion sur les processus de décisions collectives se décline à travers des
analyses qui proposent une approche économique des phénomènes politiques et
institutionnels. Plaçant l’analyse sous l’angle du comportement rationnel individuel des
décideurs publics, ces approches s’efforcent tout à la fois de reconnaître la possibilité que
l’Etat ne reflète pas toujours dans ses choix les préférences de la collectivité et de préciser les
contraintes qui le relient à cette même collectivité. Les visions normative et positive tendent
alors à s’articuler dans une recherche d’explication des écarts entre ce qui est et ce qui devrait
être.
Lorsque l’analyse renonce, au moins temporairement, à définir les normes idéales de l’action
publique pour s’intéresser aux objectifs effectivement poursuivis par ceux qui en ont la
responsabilité, la question des objectifs de l’action publique se trouve renouvelée. Dans cette
perspective, l’analyse peut aboutir à substituer à la fonction de bien-être social une fonction
de préférences des décideurs publics. On retrouve ainsi une forme d’organicisme de fait.
L’inspiration individualiste n’est pas nécessairement absente de ce type d’analyses. Elle
conduit à s’interroger sur les processus qui lient les préférences des décideurs à celles du
corps social qu’ils représentent et sur les relations entre les différents agents qui composent le
secteur public.
Ainsi, appliquée à une organisation sociale démocratique, l’analyse des choix publics est
amenée à reconnaître explicitement et à intégrer dans son cadre de modélisation
l’hétérogénéité de l’Etat, entité qui recouvre à la fois des décideurs politiques directement
responsables devant la collectivité et des agents administratifs en charge de la préparation et
de la mise en œuvre technique des décisions. Les comportements des premiers, que l’on peut
regrouper sous l’appellation de gouvernement, sont plus sensibles à des considérations
politiques, idéologiques et électorales, que ceux des seconds, souvent regroupés sous le
vocable « bureaucratie ». Ces différences dans les objectifs ou contraintes qui guident les
choix des uns et des autres posent problème dans la mesure où les imperfections de
l’information, sa distribution asymétrique entre les groupes, voire à l’intérieur d’entre eux, ne
permettent généralement pas un contrôle total du gouvernement sur la bureaucratie. On est
alors confronté à des relations d’agence, c’est-à-dire à des relations entre un « principal »,
donneur d’ordre, et un « agent », chargé de l’exécution mais conservant une certaine liberté de
manœuvre.