Annexe A Aspects pratiques - Précis d`anesthésie cardiaque

Précis d'anesthésie cardiaque 2012 - 04 Spécificités de l'anesthésie cardiaque
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CHAPITRE 4
SPECIFICITES DE
L'ANESTHESIE POUR LA
CHIRURGIE CARDIAQUE
Mise à jour: Septembre 2013
Précis d’Anesthésie Cardiaque
PAC
Précis d'anesthésie cardiaque 2012 - 04 Spécificités de l'anesthésie cardiaque
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Table des matières
Remarques générales 2
Caractéristiques de l'anesthésie cardiaque 2
Stratégie anesthésique 6
Choix du monitorage 8
Stabilité hémodynamique 15
Rôle de l'anesthésiste 18
Effets hémodynamiques des agents d'anesthésie 20
Rappel pharmacocinétique 21
Agents intraveineux 27
Agents volatils 34
Opiacés 38
Myorelaxants 41
Choix des agents d'anesthésie 42
Conduite de l'anesthésie en chirurgie cardiaque 49
Prémédication 49
Choix de la technique d'anesthésie 53
Induction 56
Ventilation 63
Période précédant la CEC 69
Anesthésie pendant la CEC 73
Sevrage de la CEC 79
Période suivant la CEC 87
Insuffisance ventriculaire post-CEC 95
Réveil et extubation 105
Besoins liquidiens 109
Epargne sanguine et transfusions 113
Contrôle métabolique 116
Situations particulières 117
Anesthésie loco-régionale 121
Risque 121
Physiopathologie 122
Analgésie péridurale 123
Analgésie intrathécale 124
Appréciation 124
Médicaments cardiovasculaires peropératoires 126
Catécholamines 126
Inotropes non-catécholaminergiques 130
Vasopresseurs 133
Vasodilatateurs 135
Anti-arythmiques 140
Autres agents 144
Conclusions 145
Bibliographie 146
Auteur 157
Ce chapitre décrit le déroulement d'une intervention standard de chirurgie cardiaque. Il a pour but de
familiariser le néophyte avec ce type d'opération et ses contraintes particulières. Les descriptions
détaillées relatives au monitorage, à la circulation extra-corporelle (CEC), à la chirurgie à cœur
battant et aux différentes pathologies seront traitées dans les chapitres correspondants.
Remarques générales
Caractéristiques de l'anesthésie cardiaque
Les patients
Par définition, les patients de chirurgie cardiaque souffrent d'une cardiopathie sévère: ischémie
coronarienne, valvulopathie, dysfonction ventriculaire ou maladie congénitale. Ils sont classés le plus
souvent dans les catégories ASA III ou IV. Leur fragilité est telle que la majeure partie d'entre eux
serait récusée pour une intervention de chirurgie générale. Ils nécessitent donc une prise en charge
conséquente et un monitorage invasif. Leur état se caractérise essentiellement par trois éléments.
Dépendance étroite d'un équilibre hémodynamique particulier entre la précharge, la
postcharge, la fréquence cardiaque et la contractilimyocardique;
Couplage serré avec la stimulation sympathique, qui peut être bénéfique (insuffisance
cardiaque) ou dangereuse (ischémie coronarienne);
Perte de la faculté d'adaptation aux variations hémodynamiques (volémie, résistances
artérielles, inotropisme, pression intrathoracique, etc); la baisse de la fraction d'éjection en est
un bon marqueur.
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Alors que leur capacité fonctionnelle de base paraît encore satisfaisante, ces malades fragiles ont
perdu toute réserve, parce que leur capacifonctionnelle maximale s'est effondrée (Figure 4.1) [53].
Ils ne peuvent plus compenser la moindre altération de leurs conditions hémodynamiques. On peut
réaliser une chirurgie majeure chez ces patients avec un taux de succès élevé, à la condition que
l'homéostase soit rigoureusement maintenue. L'anesthésie, la chirurgie et la circulation extra-
corporelle (CEC) doivent se dérouler sans le moindre à-coup. Comme chez les personnes âgées, le
plus petit incident entraîne immédiatement des complications majeures.
Intervenir sur le cœur fait que l'on prend en charge deux patients différents avant et après la CEC, car
les conditions hémodynamiques sont profondément modifiées par le geste chirurgical. La correction
de la cardiopathie peut avoir des retombées immédiates variables.
Effet immédiat bénéfique: court-circuit d'une sténose coronarienne proximale serrée et
rétablissement du flux myocardique distal, normalisation de la postcharge après
remplacement valvulaire pour sténose aortique, par exemple;
Aggravation des conditions de travail ventriculaire: après la correction d'une insuffisance
mitrale, par exemple, le VG passe d'une situation à précharge élevée et postcharge basse, bien
tolérée, à celle d'une restriction au remplissage et d'une augmentation de la postcharge, qui est
mal supportée.
De plus, la CEC, la cardioplégie, le syndrome inflammatoire systémique et les manipulations subies
par le cœur tendent à diminuer momentanément les performances du myocarde. Après une poussée
catécholaminergique passagère au sortir de CEC, la fonction systolo-diastolique diminue et atteint son
nadir entre la 4ème et la 6ème heures postopératoires, puis récupère progressivement jusqu'à 24 heures
(voir Insuffisance ventriculaire post-CEC, page 95) (Figure 4.2) [244]. Il faudra donc adapter
l'anesthésie à ces variations de situations.
Les principaux facteurs de risque qui péjorent le pronostic de la chirurgie cardiaque sont les suivants
(voir Chapitre 3, page 3, Facteurs de risque préopératoires) :
Choc cardiogène ;
Insuffisance ventriculaire (FE < 0.3) ;
Insuffisance rénale (créatinine > 200 µmol/L) ;
Age (années)
%
20
40
60
80
100
10
20
30
40
50
60
70
80
Réserve
fonctionnelle
Capacité basale
Figure 4.1: Evolution de la
réserve fonctionnelle en
rapport avec l'âge. L'âge est
un exemple typique de la
réduction progressive de la
réserve fonctionnelle
lorsque s'installe une
fragilité modynamique.
La capacité basale est peu
altérée, mais la capacité
fonctionnelle maximale est
dramatiquement réduite;
les patients ont perdu toute
facul d'adaptation aux
variations des conditions de
charge ou à l'effet inotrope
négatif des substances
(d'après référence 53).
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Age (> 75 ans) ;
Opération en urgence, réopération ;
Opération combinée (PAC + opération valvulaire), opération complexe ;
Sténose sévère du tronc commun, lésions tritronculaires, angor instable ;
Status polyvasculaire ;
Diabète (glycémie > 10 mmol/L) ;
Sexe féminin.
L’évaluation préopératoire et les indices de risque pour la chirurgie cardiaque sont développés en
détail au Chapitre 3 (voir page 5, Indices de risque).
L'anesthésie
L’anesthésie cardiaque a ceci de particulier qu’elle exige une bonne connaissance des cardiopathies,
de l’acte chirurgical et de la circulation extra-corporelle pour pouvoir être efficace. La collaboration
avec le chirurgien est plus étroite que dans les autres disciplines ; dans la chirurgie à cœur battant,
cette collaboration estme la clef du succès de l’intervention. En contrepartie, l’anesthésiste ressent
clairement que ses préoccupations concernant l’hémodynamique sont entièrement partagées par
l’opérateur. Ces quinze dernières années, cette coopération s’est étendue aussi à la cardiologie,
notamment grâce à l’échocardiographie peropératoire. Ainsi, l’anesthésiste se trouve au sein d’une
réelle activité pluridisciplinaire et assume peu à peu un rôle de cardiologue-consultant en salle
d'opération. Il ne faudra donc pas s’étonner de trouver beaucoup de données relevant de la chirurgie
et de la cardiologie dans cet ouvrage.
Une autre caractéristique de la chirurgie cardiaque est d’intervenir sur la pompe centrale de
l’organisme, et souvent de l’arrêter momentanément, alors que les autres organes sont parfaitement
fonctionnels et ont une espérance de vie normale. Ce fait implique de faire preuve de beaucoup
d’opiniâtreté en cas de défaillance myocardique ou d’arythmies malignes, car le potentiel de
récupération de l’individu peut rester intact tant que la perfusion est artificiellement assurée. Le fait
d’être confronté à l’adversité n’est pas une raison pour baisser les bras : dans la situation aigde la
salle d’opération, peu de critères permettent de décider ex abrupto qu’une situation est dépassée. Tous
les centres de chirurgie cardiaque ont connu des cas de défaillance ventriculaire aiguë ou de
fibrillation ventriculaire itérative jugés perdus qui ont parfaitement récupéré après quelques jours
d’assistance circulatoire ou plusieurs dizaines de défibrillations. Une myocardite virale aiguë peut
tuer en trois jours, alors que quelques semaines d’assistance ventriculaire permettent une récupération
100%
50
%
Pré-op CEC 1 h 5 h 12 h 24 h
Figure 4.2: Evolution de
la fonction cardiaque
après pontage aorto-
coronarien en CEC
(d'après référence 244).
Cette courbe est
construite à partir de
plusieurs références;
pour cette raison, la
performance
myocardique, évaluée de
manière différente et à
des temps différents
selon les études, n'est pas
exprimée en unités mais
en pourcentage de la
valeur préopératoire.
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suffisante pour assurer une survie normale. La persévérance et la ténaci sont donc des facteurs
essentiels dans la prise en charge de ces malades et dans le succès de l'opération.
La chirurgie
En chirurgie cardiaque, les périodes de stimulation sympathique et/ou douloureuse alternent avec des
périodes très calmes. Les principaux épisodes de stimulation sont les suivants.
Intubation endotrachéale (stimulation sympathique);
sinfection (stimulation par la solution froide sur la peau);
Incision cutanée (stimulation douloureuse);
Incision et écartement du sternum (stimulation douloureuse);
Dissection péri-aortique et canulations (stimulation sympathique, arythmies);
Refroidissement en CEC (stimulation sympathique);
Sortie de CEC (stimulation sympathique);
Relâchement de l'écarteur sternal (stimulation douloureuse);
Pose des drains (stimulation douloureuse);
Pose des fils métalliques sternaux (stimulation douloureuse);
Mise au lit (changement brusque de position).
Pour maintenir la stabili hémodynamique et freiner la poussée hypertensive associée à la
tachycardie, les moments de stimulation sont gérés par approfondissement de l'anesthésie (stimulation
sympathique) ou de l'analgésie (stimulation douloureuse). A d'autres moments, comme lors de la
canulation et de la décanulation aortique, il est au contraire recommandé de maintenir un certain
degré d'hypotension artérielle (PAM 60-70 mmHg).
La chirurgie cardiaque évolue actuellement dans plusieurs directions différentes.
Le vieillissement de la population et la tendance à prendre en charge des patients de plus en
plus lourds nécessitent une technologie complexe et des investissements importants. Reculer
les limites du faisable peut être fascinant pour les decins et nécessaire aux progrès de la
médecine. Cependant l'énergie et les dépenses qui y sont investis laissent parfois planer un
doute sur leur pertinence en terme de santé publique.
Les avancées technologiques et le manque de donneurs d’organes ont poussé à utiliser de plus
en plus fréquemment des systèmes d'assistance ventriculaire à moyen et à long terme.
Les succès de la cardiologie invasive ne laissent au chirurgien que les échecs des dilatations
et les patients coronariens les plus gravement atteints parce qu'au-delà des possibilités
techniques de la PCI (Percutaneous coronary intervention).
Depuis quelques années, la possibilide créer un circuit rapide (Fast-track anaesthesia) pour
les patients qui subissent une intervention bien codifiée et peu invasive permet de réduire
l’équipement et la durée de la ventilation mécanique postopératoire, et d’appliquer des
techniques nouvelles comme l’anesthésie loco-régionale. Le but est d'offrir les mes
prestations tout en réduisant les investissements et la durée des séjours hospitaliers.
Dans la même optique, les endoprothèses vasculaires aortiques, l'implantation valvulaire
endocavitaire (TAVI: transcatheter aortic valve implantation) ou la plastie mitrale
percutanée (clips d'Alfieri, anneau implandans le sinus coronaire) visent à simplifier la
prise en charge et à offrir des thérapeutiques minimalement invasives à des malades dont la
mortalité en CEC serait excessive.
Ces nouvelles voies de développement sont autant de défis pour l'anesthésiste, mais elles lui offrent
d'innombrables possibilités de s'investir dans des domaines qui lui sont inconnus et dans lesquels ses
connaissances hémodynamiques et ses prestations échocardiographiques deviennent capitales pour la
réussite de l'entreprise. De simple service de soutien, l'anesthésie acquière ainsi un nouveau rôle dans
la thérapeutique.
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