LA VOIE INTRA-OSSEUSE DANS L’ABORD POSTERO-LATERAL DES HERNIES DISCALES THORACIQUES DORSAL DISC HERNIATED. POSTERO-LATERAL APPROACH JP. Chirossel, O. Palombi, E. Gay Servie de Neurochirurgie - UF de Pathologie Vertébro-Médullaire et de la Base du Crâne - CHU Laboratoire d’Anatomie - Faculté de Médecine. Université Joseph Fournier - Grenoble. Résumé Summary a technique proposée est celle d’une approche intra-osseuse conduite par évidement à la fraise des structures classiquement réséquées (costo-transverso-pédiculectomie) dans l’abord postéro-latéral des hernies discales thoraciques. Cette méthode permet d’éviter toute dissection en périphérie osseuse au contact des structures nobles qui représentent les dangers de cette chirurgie (plèvre, paquet inter-costal et surtout moelle et pédicule foraminal). Cette technique exploite de façon idéale la topographie anatomique d’éléments osseux qui ainsi évidés, forment un conduit guidant naturellement le geste vers l’espace discal latéral. he postero-lateral approach of the dorsal herniated disc is very interested. It’s an anatomical approach with very musch security. Neverless an arteriography is necessary before the surgery. The arthropediculo-processus and the proximal rib are the two principal anatomic site for finding the extradural space.Three nivels must be exposed, a drill and the microscope are used for a good view of the herniated disc. T L RACHIS - Vol. 15, n°1, Février 2003. 37 DOSSIER Article original JP. Chirossel, O. Palombi, E. Gay a confrontation de matériels anatomiques radiologiques et opératoires permet de préciser cette micro-anatomie des rapports intra-osseux. Deux complexes anatomiques se partagent effectivement le barrage postéro-latéral dans l’abord du disque : le complexe arthro-pédiculo-transverse est le plus médial, il surplombe en partie l’espace discal, et borde latéralement le canal vertébral. Le second accolé en canon de fusil au précédent, est formé par l’extrémité costale qui aboutit par son articulation bi-corporéale sur l’aplomb discal latéral conduisant donc directement à l’espace discal lui-même en longeant la cavité pleurale. L’évidement successif intra-osseux de ces structures conduit en toute sécurité en avant de la paroi antérieure du canal vertébral. La hernie peut alors être abaissée dans une sape creusée sous la face ventrale du canal. La situation plus ou moins médiane de la lésion, son enchassement variable dans l’axe neuro-méningé peuvent amener à une pénétration intra-canalaire complétée ou non d’un contrôle intra-dural. La voie postéro-latérale réalisée par abord intra-osseux sous microscope opératoire, apparaît au total une procédure de grande sécurité. Elle nécessite une exposition unilatérale sur trois niveaux pour dégagement très latéral des masses musculaires au-delà des extrémités costales. Le repérage radiographique, pré et per-opératoire du niveau, doit être d’une totale rigueur. L’artériographie est pour nous une précaution pré-opératoire indispensable. La spécificité de la voie pstéro-latérale que nous avons définie depuis 1987 sous le terme de voie intra-osseuse ne tient pas tellement à l’identité des différentes structures osseuses sacrifiées dans l’arc postérieur de la vertèbre, mais surtout dans la manière même de la faire, puisqu’il s’agit d’une approche intra-osseuse ou intra-périostée réalisée par fraisage par l’intérieur des structures ostéo-articulaires. L ■ Deux complexes anatomiques se partagent effective- ment le barrage postéro-latéral ans l’abord du disque : le complexe arthro-pédiculo-transverse est le plus médial, il surplombe en partie l’espace discal, et borde latéralement le canal vertébral. Le second accolé en canon de fusil au précédent, est formé par l’extrémité costale qui aboutit par son articulation bi-corporéale sur l’aplomb discal latéral conduisant donc directement à l’espace discal lui-même en longeant la cavité pleurale. Le complexe arthro-pédiculo-transverse est évidé en entonnoir par la fraise rotative, le spongieux étant éliminé en conservant la fine couche corticale. L’évidement de ce complexe assure à la fois le surplomb foraminal et discal, et jouxte par en dehors les formations discales herniées. Cet évidement est conduit à la fois aux dépens de l’articulaire crâniale, de la transverse creusée en “tuile de toit”, et de la lame adjacente ; ce fraisage conduit directement au spongieux pédiculaire dont l’évidement lui-même guide vers la profondeur. Est formé ainsi un entonnoir tri-folié qui affleure la paroi latérale du canal vertébral et s’enfonce en profondeur au-delà de sa paroi antérieure. ● Technique En matière de hernie discale thoracique, l’approche chirurgicale latérale s’est imposée en fonction des barrages anatomiques sagittaux, représentés en avant par les éléments cardio-vasculaires et la moelle en arrière. Effectivement, la laminectomie a montré ou son insuffisance ou sa iatrogénie, qu’elle soit utilisée pour des abords discaux par voie extra ou intra-durale, ou parfois même pour simple décompression postérieure (Singounas, 1977). La costo-transversectomie inaugurée par Ménard (1900) et mise en valeur par Sédon (1935), Alexander (1946) ou Capenner (1954), a été adaptée à la hernie discale thoracique de façon plus récente par Hulme (1980). L’introduction du microscope opératoire dans ces gestes postéro-latéraux, a permis à Carson (1971), Jefferson (1976) puis Patterson (1978), de compléter en dehors la laminectomie par l’arthropédiculectomie, étendue encore pour Lesoin (1984) à la transversectomie. RACHIS - Vol. 15, n°1, Février 2003. L’évidement du complexe costo-disco-corporéal élargit l’entonnoir précédent aux dépens de l’extrémité costale dont est conservée la corticale profonde, protégeant la plèvre. Ce canal costal conduit ainsi directement sous la face antérieure du canal après qu’ait été exposée la “triangulation fibreuse” de l’articulation costo-bi-corporéale, centrée sur l’espace discal. ● ● L’effondrement de la paroi antérieure ostéo-discale de la paroi antérieure du canal vient ensuite. Le fraisage progressivement conduit sous la face antérieure du canal vertébral réalise ainsi une véritable “sape” dans laquelle on pourra effondrer la fine pellicule corticale et fibreuse supportant la base d’implantation souvent calcifiée de la hernie. On s’aidera ici, de l’ablation de la corticale antéro-latérale du canal qui permet le contrôle prédural. Plus la hernie est latérale, plus elle est facile à 38 La voie intra-osseuse dans l’abord postéro-latéral des hernies discales thoraciques Cette précaution d’étude artériographique pré-opératoire, presque systématique dans nos cas, n’a entraîné aucune morbidité par elle-même et nous a permis de n’avoir aucune aggravation neurologique post-opératoire. atteindre, alors que pour des situations plus médianes, une forte obliquité de l’outil sera nécessaire. Les contrôles tomodensitométriques en coupes axiales, ou en reconstructions sagittales, permettent d’évaluer la qualité de cette résection. La voie postéro-latérale réalisée par abord intra-osseux sous microscope opératoire, apparaît au total une procédure d’une grande sécurité. Elle nécessite une exposition unilatérale sur 3 niveaux pour dégagement très latéral des masses musculaires au-delà des extrémités costales. Le repérage radiographique, pré et per-opératoire du niveau, doit être d’une méticulosité extrême ; l’artériographie est pour nous une précaution pré-opératoire indispensable. La voie intra-durale peut être associée pour faciliter le désengagement de la hernie. ■ Le passage intra-dural reste exceptionnel. Il permet de refouler par l’intérieur du fourreau dural des hernies proéminentes coiffées de dure-mère. Une telle situation a été observée dans 4 cas, dans lesquels la dure-mère n’a jamais été trouvée perforée spontanément. Ces manoeuvres sur une dure-mère très fragilisée par cette invagination herniaire peuvent provoquer une perforation qu’il faudra s’attacher à colmater soigneusement. La hernie coiffée de ce dôme dural peut être également fortement enchassée à l’intérieur même de la moelle. I s’agit alors dans ces cas d’un véritable geste de chirurgie intramédullaire. Ces manoeuvres délicates peuvent malgré tout être effectuées par cette voie sans iatrogénie. Les limites à cette technique peuvent être trouvées dans les cas de niveaux thoraciques inférieurs, où l’aplomb costal se fait uniquement mono-corporéal, para-discal, donnant une approche moins franche sur l’espace discal. Dans ces niveaux inférieurs également la largeur plus grande du canal rend moins aisé l’effondrement en totalité des socles herniés calcifiés. Dans de tels cas, il est possible de réaliser une voie d’abord bilatérale selon la même technique, mais le risque de déstabilisation implique une fixation greffe associée. L’alternative d’une voie antérieure plus invasive pourrait ici être discutée. ■ L’approche ainsi réalisée des hernies discales thora- ciques, doit soulever également le problème vasculaire. L’artériographie pré-opératoire a été systématique dans nos observations. Le danger artériel peut se présenter de trois façons : ● Soit qu’une artère radiculo-médullaire, type artère d’Adamriewicz, pénètre le foramen au niveau même du disque hernié. Le cheminement intra-osseux protège en principe du danger vasculaire dans cette conformation, mais l’effraction de la corticale par la fraise ne doit malgré tout entraîner aucune coagulation sur le contenu foraminal. La sécurité acquise par la connaissance du passage d’une telle artère est de toute façon considérable pour la tranquillité du geste. Résultats et complications De 1986 à 2000, 31patients dont 4 avec lésions multiples ont été opérés par abord postéro-latéral intra-osseux. L’étude rétrospective des résultats et complications est abordée sur cette série. Plus dangereuse peut être, est la naissance d’une artère radiculo-médullaire au niveau sous-jacent à celui du disque hernié, puisque la trajectoire ascendante de l’artère vient très latéralement se présenter derrière la barre discale. Cette situation la plus risquée, doit être parfaitement identifiée en pré-opératoire. ● L’âge moyen est de 45 ans (30-66), le sex ratio est de 0,3 (7 H / 24 F). L’analyse des signes qui ont conduit à l’intervention permet de retrouver l’expression d’une souffrance médullaire dans 27 cas sur 31. A névralgie intercostale est associée aux signes de myélopathie dans 12% des cas et peut, de façon exceptionnelle, représenter à elle seule, l’indication opératoire dans des formes particulièrement hyper-algiques et chroniques (10% des cas). Tous les patients ont bénéficié d’une artériographie médullaire pré-opératoire. Enfin, il faut reconnaître une déviation possible de l’axe spinal antérieur lui-même, par le dôme de la hernie, puisque dans certains cas les manipulations peuvent être conduites, comme nous l’avons vu, à l’intérieur du fourreau dural lui-même au contact de la moelle, et donc au contact de cet axe spinal antérieur déplacé par le sommet du dôme hernié. ● RACHIS - Vol. 15, n°1, Février 2003. Les caractères anatomiques en répartition de niveau ou en position transversale de la hernie dans le canal ont été 39 JP. Chirossel, O. Palombi, E. Gay étudiés ainsi qua la nature calcifiée (61 % des cas) ou fibreuse des lésions. Le recul moyen post-opératoire est de 5 ans. Le suivi moyen est de 42 mois (3 à 99 mois). L’exérèse radicale de la lésion a été constatée dans tous les cas. Les résultats sont considérés comme : - excellents s’il n’existe plus de symptômes, - bons en cas d’amélioration partielle appréciée positivement par le patient, - moyens en cas d’amélioration faible modifiant peu le statut fonctionnel du patient, - et mauvais en l’absence d’amélioration ou en cas d’aggravation. Les patients ont été revus en consultation et/ou contactés téléphoniquement. Aucune aggravation neurologique postopératoire n’a été à déplorer. L’efficacité de la technique a été appréciée au plan neurologique par des résultats : - excellents dans 54 % des cas - bons dans 26 % - moyens dans 20 % - et mauvais dans 9 %. Ces 3 mauvais résultats relèvent, en réalité d’une pathologie associée où la lésion discale n’était en fait qu’n élément contingent : sclérose en plaques dans 2 cas et cyphose dorsale dans 1 cas. A noter la persistance prolongée (> 1 mois) de dorsalgies post-opératoires pénibles dans près de 22 % des cas. On insiste particulièrement sur la nécessité d’un repérage méticuleux des niveaux vertébraux en pré et per-opératoire. ■ Bibliographie Patterson RH, Arbit A. Surgical approach through the pedicle to protruded thoracic discs. J Neurosurg 1978 ; 48 : 768-772. Privat JM, Aboulker J, Bitoun JJ, Brunon J, Caron JP, Chirossel JP, Comoy J, Lesoin F, de Tribolet N. Les hernies discales dorsales acquisitions récentes - aspects diagnostiques et thérapeutiques actuels. Rachis 1989 ; 5 : 375-385. Rosenthal D, Rosenthal R. Removal of a protruded thoracic disc using microsurgical endoscopy. A new technique. Spine 1994 ; 19 : 1087-1091. Safdari H, Baker R. Microsurgical anatomy and related techniques to an anterolateral transthoracic approach to thoracic disc herniations. Surg Neurol 1985 ; 23 : 589-593. Seddon HJ - Pott’s paraplegia : prognosis and treatment. Br J Surg 88 : 769-799. Tribolet (de) N, Schnyder P, Livio JJ, Boumghar M. L’abord transthoracique des hernies discales dorsales. 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