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En janvier 2002, la Cour a considéré que la notion d’entreprise au sens des règles européennes de
concurrence ne vise pas un organisme tel que l’Istituto nazionale per l’assicurazione contro gli
infortuni sul lavoro (INAIL), qui est chargé par la loi de la gestion d’un régime d’assurance
contre les accidents du travail et les maladies professionnelles. Elle a en effet relevé que le
régime d’assurance en cause est fondé sur l’absence de lien direct entre les cotisations acquittées
par l’assuré et les prestations versées à celui-ci, ce qui implique une solidarité entre les
travailleurs les mieux rémunérés et ceux qui, compte tenu de leurs faibles revenus, seraient privés
d’une couverture sociale adéquate si un tel lien existait.
En mars 2004, la Cour, faisant à nouveau application de la jurisprudence Poucet/Pistre, a jugé,
dans l’affaire AOK Bundesverband, liée à une action intentée par des sociétés pharmaceutiques
allemandes en vue de contester la pratique des fédérations allemandes de caisses publiques
d’assurance maladie consistant à établir des montants fixes maximaux pour la participation
desdites caisses aux coûts des médicaments et des matériels de soins, que ces caisses ne sont pas
des entreprises au sens des règles européennes de la concurrence. À l’appui de cette analyse, elle
a relevé, notamment, que ces caisses «sont légalement contraintes d’offrir à leurs affiliés des
prestations obligatoires pour l’essentiel identiques qui sont indépendantes du montant des
cotisations» et qu’elles «sont regroupées en une sorte de communauté fondée sur le principe de
solidarité», une compensation étant en effet effectuée «entre les caisses de maladie dont les
dépenses de santé sont les moins élevées et celles qui assurent des risques coûteux et dont les
dépenses liées à ceux-ci sont les plus importantes». La relative marge de liberté dont les caisses
disposent pour fixer le taux des cotisations et se faire une certaine concurrence pour attirer des
affiliés n’est, selon la Cour, pas de nature à remettre en cause cette analyse. La Cour a ajouté que
les fédérations de caisses maladie ne constituent pas des entreprises ou des associations
d’entreprises, lorsque, en exécution d’une obligation légale visant à réduire les coûts dans le
secteur de la santé et à garantir la pérennité du système de sécurité sociale allemand, elles
établissent des montants fixes maximaux correspondant à la limite maximale du prix des
médicaments pris en charge par les caisses.
Elle a toutefois pris soin d’ajouter qu’«il ne peut être exclu que, hormis leurs fonctions de nature
exclusivement sociale dans le cadre de la gestion du système de sécurité sociale allemand, les
caisses de maladie et les entités qui les représentent, à savoir les fédérations de caisses, se livrent
à des opérations ayant une finalité autre que sociale et qui serait de nature économique. Dans ce
cas, les décisions qu’elles seraient amenées à adopter pourraient éventuellement s’analyser
comme des décisions d’entreprises ou d’associations d’entreprises».
Il importe de souligner que, dans son arrêt de mars 2004, la Cour s’est radicalement démarquée
des conclusions de M. l’avocat général Jacobs présentée dans cette affaire. En effet, celui-ci,
après avoir souligné que le régime légal d’assurance maladie allemand «présente assurément un
certain nombre de points communs avec les régimes en cause dans les affaires Poucet et Pistre»,
avait estimé que le régime concerné possède également plusieurs caractéristiques qui introduisent
«une dose de concurrence». Il avait constaté, en premier lieu, que les caisses allemandes se font
dans une certaine mesure concurrence sur les prix en ce sens que les salariés ont un choix en ce
qui concerne la caisse à laquelle ils s’affilient et que les caisses déterminent elles-mêmes le
niveau de cotisations qu’elles réclament à leurs assurés, lequel varie donc quelque peu selon les
caisses. Il avait relevé, en deuxième lieu, qu’il existe également une certaine possibilité pour les
caisses d’être en concurrence sur les services qu’elles offrent (ainsi, il leur est permis de décider