Experts-conseils 1 Pansements liquides Pour les blessures mineures, il y a de plus en plus de « pansements liquides » commercialisés. Quels sont les avantages et les inconvénients de ces produits ainsi que leurs mécanismes physiopathologiques? — Question posée par Dre Monique Bourbeau, Boucherville (Québec) À l’heure actuelle, sur le marché, il existe plusieurs produits de pansements dits liquides (Tableau 1). Certains se spécialisent dans les coupures superficielles et les éraflures alors que d’autres sont utilisés pour les lacérations mineures comme alternative aux points de sutures. Tous n’utilisent donc pas les mêmes composantes; le principe de fond reste cependant le même. Les pansements liquides sont composés de monomères liquides dissous dans un solvant (habituellement dans l’alcool ou dans l’eau) qui, lorsqu’exposés à la peau, s’engagent dans une réaction exothermique menant à la formation de tissus polymériques résistants. Cette fine couche de polymères fige et protège la plaie. Chacun des types de pansements comporte des avantages et des inconvénients (Tableau 2). Dr Simon Nigen et Dr Yanick Verlaan, résident, ont répondu à cette question. Tableau 1 Pansements liquides disponibles sur le marché et indications Nom commercial Dermabond Advanced™ Band-Aid Single Step®, PeriAcryl®, Xoin®, Gesika®, Indermil® Tissue Adhesive LiquiBand®, HistoacrylMD, Glubran® New-Skin® NexcareMC Ingrédients 2-cyanoacrylate d’octyle cyanoacrylate d’éthyle Indications Lacérations mineures Coupures superficielles et éraflures cyanoacrylate de n-butyle Lacérations mineures Alcool, huiles de clous de girofle, solution de proxyline, sulfate d’hydroxy-8 quinoléine Hexaméthyldisiloxane, 2,2,4-triméthylpentane, polyphénylméthylsiloxane Coupures superficielles et éraflures Coupures superficielles et éraflures Tableau 2 Propriétés des pansements selon leur catégorie Lacérations mineures Avantages Inconvénients • Moins douloureux • Pas d’anesthésie au préalable • Réparation plus rapide • Pas de points de suture à enlever • Hydrofuge • Esthétisme • Risque de bris du pansement si le site de la plaie est sujet aux mouvements répétés (mains, pieds, articulations) • Moins efficace si forte pilosité • Non efficace sur les muqueuses • Moins efficace si patient avec trouble de circulation • Possibilité de réaction allergique Coupures superficielles • Esthétisme • Moins efficace sur coupures et éraflures extensives et profondes • Durable • Moins efficace si patient avec trouble de circulation • Facile à utiliser • Possibilité de réaction allergique • Prévient les infections • Utile pour les sites difficilement accessibles avec les pansements traditionnels • Hydrofuge 10 Clinicien plus • juillet/août 2013 Experts-conseils 2 Soins avancés en réanimation cardiovasculaire Que pensez-vous des nouvelles normes en soins avancés en réanimation cardiovasculaire (SARC)? — Question posée par Dr Daniel Couture, Deauville (Québec) Je n’en pense que du bien... La dernière mise à jour des recommandations des SARC date de 2010. Les points à retenir par rapport aux recommandations de 2005 sont les suivants : 1. Le capnographe est recommandé pour la confirmation du bon positionnement du tube endotrachéal; 2. L’accent est mis sur la bonne qualité du massage (100 bpm, 5 cm de profondeur, laisser le thorax se ré-expandre complètement avant d’effectuer l’autre compression) plutôt que sur la ventilation puisque le massage est associé à un certain degré de ventilation (les données sont insuffisantes pour exclure la ventilation de l’algorithme); 3. L’atropine n’est plus recommandée de routine dans l’asystolie et la dissociation électromécanique; 4. Les médicaments inotropes en perfusion sont maintenant recommandés comme alternative à l’entraînement épicardique dans la bradycardie instable ou symptomatique; 5. L’adénosine est recommandée dans la prise en charge initiale des tachycardies monomorphes à complexes larges non différenciées (tachycardie ventriculaire versus tachycardie supraventriculaire paroxystique avec aberrations de conduction). Sinon, il n’y a pas d’autres changements marquants. Dr Mathieu Bernier a répondu à cette question. 3 Sténoses carotidiennes Quelles sont les recommandations concernant les sténoses carotidiennes complètes et asymptomatiques chez un patient à haut risque? — Question posée par Dr Jacques Boisselle, Jonquière (Québec) Le traitement des sténoses carotidiennes asymptomatiques de 60 à 99 % reste quelque peu controversé et dépend de l’expertise du centre hospitalier. Cependant, une analyse de trois études adressant le sujet (Veterans Affairs Cooperative Study Group1, The Asymptomatic Atherosclerosis Study2 et Asymptomatic Carotid Surgery Trial3) a permis de déterminer que les patients avec comorbidités bénéficient moins de la chirurgie, et qu’un centre où le risque d’AVC péri-opératoire et de décès est supérieur à 3 % doit s’abstenir d’offrir la chirurgie. Références : 1. Study design for randomized prospective trial of carotid endarterectomy for asymptomatic atherosclerosis. The Asymptomatic Carotid Atherosclerosis Study Group. Stroke 1989; 20(7):844-849. 2. Moore WS, Vescera CL, et coll. Selection process for surgeons in the Asymptomatic Carotid Atherosclerosis Study. Stroke 1991; 22(11):1353-7. 3. Halliday AW, Thomas D, Mansfield A. The Asymptomatic Carotid Surgery Trial (ACST). Rationale and design. Steering Committee. Eur J Vasc Surg 1994; 8(6):703-10. Dre Nicole Khairallah a répondu à cette question. Clinicien plus • juillet/août 2013 11 Experts-conseils 4 Sorbitol Est-ce que le sorbitol ou le xylitol sont des médicaments tout à fait anodins chez les diabétiques? — Question posée par Dr Jean-Pierre Leung, Calgary (Alberta) Le sorbitol et le xylitol sont des sucres-alcools qu’on retrouve dans des aliments sucrés artificiellement dont l’absorption est incomplète. On les considère des succédanés de sucre dits nutritifs et on les retrouve dans la gomme à mâcher, les bonbons, les confitures, les sirops, la crème glacée, les barres nutritives et les pastilles contre la toux. La réponse glycémique est donc plus faible que celle liée aux sucres habituels. Si on veut être précis en ce qui concerne la quantité de glucides ingérés, on doit déduire la moitié de ces sucres-alcools de la quantité de glucides qui est inscrite sur les étiquettes. Par exemple, si on a 30 g de glucides et 6 g de sorbitol sur une étiquette, on doit considérer qu’on a pris 27 g de glucides [30 g - (50 % de 6 g)]. Selon la quantité de ces sucres-alcools consommés, il n’est pas toujours nécessaire d’en tenir compte dans le calcul des glucides. Références : 1. DIABÈTE QUÉBEC, Calcul avancé des glucides, [En ligne], 2009. [http://www.diabete.qc.ca/html/materiel_publications/calcul_glucides.html] (Consulté le 5 mars 2013). 2. Unité de jour de diabète de l’Hôtel-Dieu du CHUM. Connaître son diabète...pour mieux vivre. 7e édition (2009), Éditions Rogers Medias, Montréal, 310 p. Dre Hortensia S. Mircescu a répondu à cette question. 5 Clairance de la créatinine en gériatrie Quelle formule utiliser pour calculer la clairance de la créatinine en gériatrie? — Question posée par Dr Gilles Langevin, Québec (Québec) Il existe plusieurs formules pour calculer la clairance de la créatinine : celles qui sont les plus utilisées sont la Modification of Diet in Renal Disease (MDRD) et l’équation de Cockcroft-Gault. D’autres formules sont régulièrement publiées, mais elles sont toujours comparées aux deux formules précédentes ainsi qu’aux clairances mesurées sur des collectes urinaires de 24 heures. Dans la pratique gériatrique, l’équation de Cockcroft-Gault est retenue, car il s’agit de la formule qui présente le moins de variabilité en comparaison aux clairances mesurées. Cette formule peut parfois sous-estimer la clairance, mais elle a l’avantage de prendre en considération non seulement l’âge, mais aussi le poids du patient. Avec la formule MDRD, on note une tendance à la surestimation de la clairance, surtout chez les patients plus âgés. Compte tenu que le but de ce calcul est pour des ajustements de dose de médicament, on préfère une légère sousestimation plutôt qu’une surestimation de la clairance. Quand on utilise ces formules, il faut se souvenir qu’idéalement on utilise des valeurs stables, et que, pour un patient avec un surpoids, il faut utiliser le poids idéal et non pas le poids réel, car la créatinine provient des muscles et non du gras. Voici l’équation de Cockcroft-Gault : (140 - âge) x poids/créatinine x 1,223. Pour une femme, on multiplie le résultat par 0,85. Dre Lucie Boucher a répondu à cette question. Clinicien plus • juillet/août 2013 13 Experts-conseils 6 Infection bactérienne ou non Quels sont les indicateurs de la présence d’une infection bactérienne lors d’une sinusite aiguë? — Question posée par Dr Len Grbac, Etobicoke (Ontario) Le Center for Disease Control and Prevention (CDC) recommande de réserver le diagnostic de rhinosinusite bactérienne aiguë pour les patients qui présentent des symptômes compatibles pendant 7 jours au moins, avec sécrétions nasales purulentes et au moins un des trois types de symptômes suivants : • Douleur aux maxillaires; • Sensibilité au visage ou aux dents (surtout si c’est unilatéral dans les deux cas)1. Le consensus canadien suggère comme critères au moins deux symptômes majeurs parmi les suivants : • Douleur/pression faciale; • Obstruction nasale; • Sécrétions nasales purulentes/écoulement nasal postérieur coloré; • Hypo-osmie/anosmie2. Il suggère de considérer ce diagnostic si une infection des voies aériennes supérieures dure plus de 10 jours ou si elle se détériore après 5 à 7 jours de symptômes similaires. Références : 1. Hickner JM, Bartlett JG, et coll. Principles of appropriate antibiotic use for acute rhinosinusitis in adults: background. Ann Emerg Med 2001; 37(6):703-710. 2. Desrosiers M, Evans GA, et coll. Canadian clinical practice guidelines for acute and chronic rhinosinusitis. J Otolaryngol Head Neck Surg 2011; 40 Suppl 2:S99-193. Dr Louis-Philippe Boulet a répondu à cette question. 14 Clinicien plus • juillet/août 2013 Experts-conseils 7 Traitements en gériatrie En gériatrie, quand débuter un traitement, quoi donner et quand arrêter un traitement dans les pathologies fréquentes suivantes : ostéoporose, hypertension artérielle (HTA), Alzheimer, dyslipidémie? — Question posée par Dr Gilles Langevin, Beauport (Québec) En gériatrie, l’âge du patient, ses comorbidités, son niveau fonctionnel ainsi que ses valeurs personnelles sont les différents éléments pris en considération lors de la décision de débuter ou d’arrêter un traitement. Le choix du traitement lui-même se fera en fonction des autres médicaments pris par le patient ainsi que par son mode d’élimination, hépatique ou rénal, afin d’ajuster les doses en conséquence. Pour l’ostéoporose, on suit les lignes directrices disponibles en optimisant les apports en calcium et en vitamine D. On ajoute en première intention un bisphosphonate en s’assurant que le patient comprenne la manière de le prendre ainsi qu’en ajustant la dose en présence d’insuffisance rénale. Advenant des problèmes d’intolérance digestive, on utilisera la voie intraveineuse une fois par année. Pour l’hypertension, encore une fois nous suivons les recommandations des lignes directrices. Si un patient présente de façon répétée une tension artérielle supérieure à 160 mm Hg systolique ou 90 mm Hg diastolique, nous amorçons un traitement pharmacologique qui sera un diurétique ou un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA), ou un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine (ARA), ou un bloqueur des canaux calciques selon les comorbidités du patient. L’utilisation des bêtabloquants pour le traitement de l’hypertension chez la personne âgée n’est pas recommandée. Le traitement sera ajusté selon la réponse clinique en surveillant la possibilité d’apparition d’hypotension orthostatique, que l’on retrouve plus souvent chez la personne âgée. Lors du diagnostic de la maladie d’Alzheimer légère à modérée, un traitement par un inhibiteur de la cholinestérase est toujours offert au patient. Le choix de la molécule dépend de prime abord du patient, de ses comorbidités ainsi que du soutien qu’il a. Le traitement sera ajusté ou modifié en fonction des effets secondaires et de la réponse clinique. Il n’existe pas de recommandations pour le dépistage et le traitement de la dyslipidémie chez la personne âgée en prévention primaire. La dyslipidémie sera traitée chez les personnes à risque élevé d’événements cardiovasculaires ou en prévention tertiaire. La première ligne de traitement demeure les statines, mais il faut faire attention à l’apparition de douleurs musculaires, qui est plus fréquente chez la personne âgée. Finalement, il n’existe pas de consensus pour l’arrêt de traitement. Il faut cependant revoir régulièrement la prescription et se demander pour quelle raison le patient prend cette thérapie, et quels sont nos objectifs de traitement. Dre Lucie Boucher a répondu à cette question. Clinicien plus • juillet/août 2013 15 Experts-conseils 8 Traitement de l’angiodysplasie du tube digestif Pourquoi traiter l’angiodysplasie du tube digestif avec un contraceptif oral, en occurrence le désogestrel-éthinylestradiol? — Question posée par Dre Lise Dauphin, Verdun (Québec) L’hormonothérapie (œstrogène) est utilisée pour diminuer le saignement des angiodysplasies du tube digestif. Son efficacité est toutefois controversée. Il faut distinguer les angiodysplasies du cirrhotique des autres patients. Chez les patients cirrhotiques, la meilleure efficacité a été démontrée dans le syndrome d’ectasies vasculaires antrales (watermelon stomach). Par extension, l’hormonothérapie a été utilisée avec un certain succès dans les autres localisations des angiodysplasies du tube digestif. Chez les patients non cirrhotiques, l’hormonothérapie a été utilisée chez ceux atteints d’un syndrome d’Osler-Rendu-Weber, d’une insuffisance rénale et chez ceux avec une maladie de von Willebrand. Le mécanisme par lequel les œstrogènes pourraient améliorer les épisodes de saignement est incertain. Quelques rapports de cas et une étude avec un petit nombre de patients et un temps de suivi écourté sont en faveur d’une efficacité des œstrogènes, mais pas selon une étude à répartition aléatoire contrôlée. L’hormonothérapie dans l’angiodysplasie n’est donc pas un traitement validé, et les effets néfastes, comme les thromboses, pourraient dépasser les bénéfices escomptés. Les docteurs Mickael Bouin et Stéphanie Maynard, résidente en gastroentérologie, ont répondu à cette question. 9 Intolérance au gluten : effets secondaires Quels sont les effets secondaires de l’intolérance au gluten? — Question posée par Dr Marc Paquin, Sainte-Agathe-des-Monts (Québec) Chez les patients atteints de maladie cœliaque (ou intolérance au gluten), l’ingestion répétée de gluten peut entraîner des symptômes non spécifiques tels : • Des douleurs abdominales; • Des ballonnements; • De la diarrhée. L’intensité et la fréquence de ces symptômes sont très variables et peuvent ressembler à un syndrome de l’intestin irritable. Le tableau le plus fréquent est l’absence totale de symptôme : c’est pourquoi la maladie cœliaque est sous-diagnostiquée. Les autres conséquences de l’intolérance au gluten peuvent être les suivantes : • La fatigue; • L’anémie par carence martiale ou vitamine B12; • L’hypocalcémie. L’intolérance au gluten peut aussi se révéler par des complications plus graves comme l’ostéoporose précoce ou favoriser l’apparition de certains cancers notamment digestifs. Cp Dr Mickael Bouin a répondu à cette question. 18 Clinicien plus • juillet/août 2013