INTRODUCTION
Bernard LAHIRE
Professeur de sociologie à l’Université de Lyon, École Normale Supérieure Lettres et Sciences Humaines,
Directeur du Groupe de Recherche sur la Socialisation (UMR 5040 CNRS)
Claude ROSENTAL
Chercheur au CNRS, membre du Centre d’Étude des Mouvements Sociaux de l’Institut Marcel Mauss
(CNRS-EHESS)
Comment les sciences sociales peuvent-elles contribuer à l’étude des faits cognitifs ?
Quels objets spécifiques sont-elles à même de construire à partir des enjeux théo-
riques et des méthodes qui leur sont propres ? Cet ouvrage vise à apporter des élé-
ments de réponse à ces questions en soumettant à l’examen les projets de collabora-
tion en la matière avec d’autres disciplines, telles que la psychologie ou la neurobio-
logie, et en présentant les programmes d’investigations indépendants ou concur-
rents, ainsi que certains de leurs résultats. Il s’efforce en particulier de montrer en
quoi les phénomènes de perception, de représentation, de formation et de transmis-
sion de connaissances peuvent être utilement étudiés hors des laboratoires en formu-
lant plusieurs interrogations, parmi lesquelles : En quoi les capacités cognitives indi-
viduelles sont elles indissociables des formes de vie sociale ? Est-il possible d’observer
les modalités d’incorporation d’expériences sociales et l’émergence de dispositions
(mentales et comportementales) ou de compétences ? Peut-on identifier des proprié-
tés cognitives, non pas simplement d’individus isolés et saisis dans des séquences
d’action très courtes (ce que font nombre de travaux qui appuient leurs interpréta-
tions sur des données produites en situation de test), mais également de groupes de
tailles diverses, sur des temporalités plus ou moins longues ? En quoi les représenta-
tions collectives ne peuvent-elles être simplement envisagées comme le produit d’une
communication transparente et paisible de visions du monde mais exigent
l’observation et l’analyse de phénomènes de domination ou de conflits et la prise en
compte du rôle des dispositifs matériels et des formes d’organisation sociale ?