La neuropsychologie du traumatisé crânien

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LA NEUROPSYCHOLOGIE
DU TRAUMATISÉ CRÂNIEN
TROUBLES COGNITIFS
Emmanuelle Darnoux – Psychologue spécialisée
en Neuropsychologie (CMPR L’ADAPT, Châtillon)
CRFTC, 05/02/2013
LÉSIONS CÉRÉBRALES
AVC: lésions focales ± étendues
 Troubles en lien avec les régions concernées et ses
relations avec le reste du cerveau

TC: lésions traumatiques, axonales diffuses
  atteinte + globale des fonctions cérébrales selon la
sévérité du TC
 TC= contact brusque entre la matière cérébrale et la
boîte crânienne (contusion, fracture, hématome).
Endommage les cellules cérébrales (neurones) et leurs
prolongements.


Séquelles ± nombreuses/intenses selon la localisation
EVALUATION
Diagnostic et intensité des troubles
 Prédiction des capacités d’autonomie: corrélations
entre échelles cognitives et les difficultés pour les
actes de la vie quotidienne


-
-
Qui?
Orthophonistes: langage, parole, déglutition
Neuropsychologues: mémoire, attention, fonctions
exécutives, troubles neurovisuels
Ergothérapeutes: évaluation en situation de tâches
concrêtes et d’AVQ
EVALUATION EN NEUROPSYCHOLOGIE


-
La neuropsychologie: Etude des perturbations
cognitives et émotionnelles de même que les désordres
de la personnalité provoqués par des lésions du cerveau
qui est l’organe de la pensée donc le siège de la
conscience. (Gil R. Neuropsychologie Abrégés Masson Eds, 1996.)
Evaluation de l’efficience cognitive avec des tests
adaptés, permettant de:
caractériser la nature des déficits cognitifs
et d’identifier les capacités préservées
EVALUATION NEUROPSYCHOLOGIQUE:
POURQUOI?



Dépistage: répondre à la plainte mnésique,
authentifier l’existence de troubles cognitifs et les
fonctions préservées
Prise en charge: évaluer le bénéfice sur les
fonctions cognitives
Suivi: évaluer l’évolution d’une pathologie ou
confirmer une hypothèse diagnostique
EVALUATION NEUROPSYCHOLOGIQUE:
COMMENT?

Entretien clinique (famille, patient)

Tests psychométriques

Echelles cliniques, questionnaires
ENTRETIEN CLINIQUE
Information sur les raisons à l’origine de
l’examen; la demande
 Retracer l’histoire de la maladie (nature des
troubles, date d’apparition, chronologie)
 Recueil et identification + précise de la plainte
avec le retentissement dans les AVQ
 NSC : passé scolaire et professionnel
 Histoire personnelle, mémoire autobiographique
 ATCD, traitement
 État sensoriel

ENTRETIEN AVEC L’AIDANT
Troubles en situation écologique
 Depuis combien de temps, mode d’apparition
 Autonomie touchée?
 Dépression
 Anosognosie
 Fardeau
 Trouble du comportement


Fiabilité de l’aidant ou accompagnant ? …
TRAUMATISME CRÂNIEN (TC)
SYMPTÔMES COGNITIFS

4 grandes catégories pour les perturbations
cognitives:

- Lenteur de traitement de l’information

- Troubles de l’attention

- Troubles de mémoire

- Troubles des fonctions exécutives
LES AIRES CÉRÉBRALES
LE RALENTISSEMENT

-

Le sujet cérébrolésé peut être atteint d’un
ralentissement général
du traitement de l’information
dans les réactions
dans les pensées
 La personne a alors besoin de plus de temps
pour réaliser une action ou comprendre les
informations qu’on va lui donner
TROUBLES ATTENTIONNELS
- difficultés de concentration
 - distractibilité
 - difficulté à faire plusieurs choses en même temps
 Concrètement: des difficultés à réaliser une tâche en
environnement bruyant, oubli immédiat de ce qui vient
d’être dit ou fait

Attention soutenue: maintien de l’attention pendant une
durée ± longue
 Attention sélective: aptitude à se focaliser sur
l’information jugée prioritaire et la capacité à inhiber les
stimuli non pertinents
 Attention divisée (plusieurs tâches simultanées)

LA MÉMOIRE




3 sous systèmes principaux (Atkinson et Schiffrin, 1968):
Mémoire sensorielle : mémoire automatique, fruit de
nos capacités perceptives (<1 sec)
Mémoire de travail : contient un nombre limité
d’éléments pendant un cours instant, délai (<1 min) avec
possibilité de les manipuler mentalement
Mémoire à long terme : contient toutes les
informations maintenues durablement (>1 min)
TROUBLES MNÉSIQUES
Amnésie rétrograde : incapacité à restituer des
informations anciennes acquises avant l’accident
 Rares, moins sévères que l’atteinte antérograde


Amnésie antérograde : incapacité à acquérir des
informations nouvelles, depuis le début des troubles
de la mémoire.
Amnésie lacunaire : îlot d’amnésie entourant des
souvenirs intacts
 Lacune mnésique souvent autour de l’accident

TROUBLES MNÉSIQUES (2)


Mémoire= 3 processus:
Encodage
 Stockage
Récupération
Troubles de mémoire peuvent être liés à un
trouble attentionnel et/ou de l’organisation
du matériel à mémoriser plus qu’à un réel trouble
de l’encodage ou de la récupération
 ≠ types de troubles mnésiques
TEST DE MÉMOIRE – LE CALIFORNIA VERBAL
LEARNING TEST
-16 mots à mémoriser
- 5 essais d’apprentissage
- 1 liste interférente
- Rappel indicé avec les 4
catégories
- Rappel différé
- Phase de reconnaissance
« oui/non »
LOBE FRONTAL: « CHEF D’ORCHESTRE DES
FONCTIONS COGNITIVES »




Fonctions exécutives: raisonnement/actions dirigés
vers un but: programmation de la motricité, pensée,
langage…
Régulation des cptmt (activation ou inhibition) en
mettant en relation le monde intérieur (motivation,
émotions) et les contraintes extérieures
Rôles dans la mémoire (apprentissage), l’attention, le
langage…
 Impact dans l’interaction à l’autre
FONCTIONS EXÉCUTIVES
Adaptation à des tâches nouvelles non routinières
 Planification
 Prise de décision
 Maintien d’une consigne
 Auto-surveillance et auto-correction
 Flexibilité en cas d’imprévu

Clinique: difficultés d’adaptation sociale, professionnelle…
 Nécessité de routines
 Csqces dans la vie quotidienne, retentissement sur
l’autonomie

LÉSIONS DU LOBE FRONTAL

Atteinte ± profonde de la personnalité

Réduction de la capacité à mener à bien des activités
dirigées vers un but

Modifications des émotions

Désinhibition

Troubles cognitifs: méfiance, mode de pensée
persécutoire)

≠ syndromes frontaux selon la localisation lésionnelle
TROUBLES EXÉCUTIFS



Trouble de l’inhibition= difficultés à s’empêcher de
produire des actions inadaptées.
Troubles de la flexibilité mentale= difficultés à passer
d’un comportement à un autre en fonction des exigences de
l’environnement.
Trouble de la planification= difficultés à organiser une
série d’actions en une séquence optimale visant à atteindre
un but.
TROUBLES EXÉCUTIFS (2)
Des difficultés pour:
  maintenir le but




 planifier à l’avance et choisir les différents
plans d’actions qui permettront d’atteindre le but
 choisir le meilleur plan d’action
 initier le plan d’action sélectionné tout en
tenant compte d’incidents ou de changements
nécessaires à l’atteinte du but fixé
CONCLUSION FONCTIONS EXÉCUTIVES

Processus complexe, non unitaire

Définition, évaluation difficile

Tenir compte du contexte (niveau antérieur, fonctions
non exécutives)

Prendre en compte le fonctionnement dans la vie
quotidienne (personnel et familial)

Complémentarité indispensable des tests
neuropsychologiques / évaluation vie quotidienne /
entretien avec les proches
TROUBLES SENSORIELS
Traitement erroné des perceptions (vision, audition,
odorat, toucher, …)
 Trouble de la vision d’origine centrale, ne peuvent être
corrigés avec des lunettes, résultent d’un
dysfonctionnement du traitement des signaux au
niveau cérébral
  perception brouillée après quelques minutes de
lecture ; sensation d’une pression cérébrale, maux de
tête
 Trouble de l’audition centrale entraîne une
sensibilité accrue au bruit.
  Le patient cérébrolésé n’est plus en mesure de
filtrer les bruits environnants indésirables

TROUBLE DE LA PERCEPTION CORPORELLE
TROUBLES PRAXIQUES



La moitié du corps peut être perçue comme
étrangère et n’appartenant pas à la personne
La propre perception du corps et l’orientation
corporelle sont perturbés
Le patient ne sait plus spontanément comment
orienter ses vêtements par rapport à son corps
Perte de l’habileté, gestes imprécis
 Difficultés à reproduire une séquence gestuelle,
sans que cela soit dû à un déficit moteur

ANOSOGNOSIE
Anosognosie= méconnaissance des troubles
Origine est neurologique
A ne pas confondre avec le déni (mécanisme de défense
psychologique)
Impact sur l’implication dans la rééducation des
troubles

Prise
de conscience des troubles est une étape
importante
EXPRESSION CONCRÈTE DES TROUBLES
COGNITIFS DANS LE QUOTIDIEN




Difficultés d’orientation (temps et/ou espace)
Troubles de mémoire: événements très anciens >
actions du quotidien
Difficultés à retenir les noms, les rendez-vous et
les informations nouvelles.
Patient peut redemander une info donnée il y a
quelques minutes à peine
EXPRESSION CONCRÈTE DES TROUBLES
COGNITIFS DANS LE QUOTIDIEN (2)




La capacité d’apprentissage, la concentration,
l’aptitude à planifier ou à s’adapter à la nouveauté
sont diminuées
Difficultés à prendre des décisions
Difficultés à faire deux choses à la fois (Ex: parler
tout en marchant)
Perte des automatismes (d’abord la chaussure ou la
chaussette?)
PRISE EN CHARGE



Hospitalisation souvent suivie d’une réadaptation
fonctionnelle (jusqu’à plusieurs années)
Permet de récupérer certaines fonctions, ou de
mettre en place des stratégies pour contourner
les difficultés
Rééducation construite en fonction des difficultés
particulières / capacités préservées / besoins et en
fonction du projet
CAS PARTICULIER DES PATIENTS TC


Un handicap « invisible » parfois:
- sous-estimation fréquente des troubles
- d’autant que les patients sont anosognosiques
Nécessité d’une prise en charge spécifique:
 accompagnement familial
 rôle des associations des familles de TC
CAS CLINIQUE (1)

Monsieur M., 44 ans

TC grave par agression

Cécité corticale initiale

Troubles phasiques (paraphasies ++)

Troubles de mémoire antérograde et rétrograde
majeurs avec oubli à mesure

Troubles d’équilibre (syndrome cérébelleux)

Conservation de l’efficience intellectuelle

Aucune plainte: anosognosie majeure
CAS CLINIQUE (2)
Monsieur C.C., 37 ans
 TC crânio-facial par accident de la voie publique
(moto contre camion, en Inde)
 Hématome temporo-pariétal extradural droit
avec hémorragie inter-hémisphérique


-
-
Plaintes: -Lenteur de traitement, oublis
Difficultés de compréhension de l’implicite
Irritabilité, sensibilité au bruit
Fatigue
Vertiges
Maux de tête lors d’efforts intellectuels (lecture)
CAS CLINIQUE (2) SUITE

Monsieur C.C., est gênée par des angoisses ;
impression de se focaliser sur les événements négatifs
sans pouvoir s’en empêcher
-
Bilan neuropsychologique:
concentration fluctuante mais les performances sont
normales
bonnes capacités de mémoire de travail,
mémoire antérograde efficiente
-
Entourage ne comprend pas les difficultés exprimées

-
-
CONCLUSIONS

Séquelles cognitives et comportementales= 1ère cause
de handicap personnel et social
 Limitations d’activité
 Handicap invisible cf. prédominance des troubles
cognitifs et comportementaux
Variabilité ++ des symptômes d’un patient à l’autre
 Importance de connaître les déficiences cognitives et
comportementales dues aux lésions cérébrales de nos
patients
  permet de prédire et de comprendre leurs
difficultés et nos réactions face à elles

CONCLUSIONS (2)
Parfois difficile de faire la part des choses
- personnalité et performances antérieures
- rapports entre troubles cognitifs et cptmt
- rapports entre troubles psychologiques et cptmt


-
Intrication entre:
Dysharmonie cérébrale acquise
Rupture existentielle et identitaire (l’avant/l’après)
Les défenses psychiques mobilisées (par l’atteinte
cérébrale, par le traumatisme psychique)
CONCLUSIONS (3)


Piège: confondre les troubles cognitifs et
comportementaux avec une pathologie psychiatrique
Ne pas oublier l’intrication des répercussions
relationnelles, comportementales, affectives et
intellectuelles
Merci de votre attention
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