Université catholique de Louvain

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Université catholique de Louvain
Faculté de Médecine
Epreuve finale du diplôme d’études spéciales en
anesthésiologie
Docteur Isabelle Hausman
Assistante en 5e année
Novembre 2002
TABLE DES MATIERES
Cas clinique
I. Rappel théorique - Myomes utérins
1. Anatomie de l’utérus gravide
2. Les différents types de myomes
II. Myome et grossesse
1. Aspects obstétricaux
1.1.Introduction
1.2. Aspect néonataux
1.3. Attitude pratique
III. Aspects anesthésiques
1. Généralités : Anesthésie et troisième trimestre de la grossesse
2. Aspects spécifiques aux myomes durant le troisième trimestre de la grossesse
3. Aspects spécifiques dans ce cas clinique
IV. Conclusions
Remerciements
Bibliographie
Cas clinique
On découvre chez cette dame de 31 ans enceinte de 34 semaines un
volumineux (6 centimètres de diamètre) myome utérin pédiculé en voie de
nécrose sur torsion.
Question de réanimation
En salle de réanimation se manifeste une hémorragie intravaginale....
I. Rappel théorique - Myomes utérins
1. Anatomie de l’utérus gravide
L’utérus est un muscle creux qui subit au cours de la grossesse des modifications importantes qui
portent sur sa morphologie, sa structure, ses rapports et ses propriétés physiologiques.
Au point de vue anatomique, l’utérus gravide comprend trois parties :
- le corps
- le col
- le segment inférieur qui est une portion propre à la gravidité qui se développe dans les derniers mois.
Les rapports de l’utérus se modifient bien évidemment en cours de grossesse. De pelvien, l’utérus
devient abdominal à terme.
La structure de l’utérus est un point important dans notre pathologie. L’utérus se compose de trois
tuniques ou trois couches :
-
la séreuse, c’est-à-dire le péritoine qui s’hypertrophie pour suivre le développement du muscle.
Elle adhère entièrement à la muqueuse du corps alors qu’elle se clive facilement du segment
inférieur ;
-
la musculeuse constituée de trois couches de fibres musculaires lisses ;
-
la muqueuse qui dès l’implantation d’un oeuf se transforme en caduque qui s’individualise en trois
feuillets, basal, annulaire et pariétal.
2. Les différents types de myomes
Les myomes sont des tumeurs bénignes de nature histologique analogue à celle du muscle utérin luimême, ce qui explique nombre de leurs caractères évolutifs de leur association avec la grossesse et la
puerpéralité.
Il existe plusieurs types de myomes pouvant intéresser les trois couches de l’utérus.
On distingue :
- les myomes sous séreux (2)
- les myomes intramusculaires (3 et 4)
- les myomes sous-muqueux (5).
Ceux-ci peuvent être uniques ou multiples.
Les myomes sous-séreux et sous-muqueux sont les seuls à pouvoir être pédiculés.
II. Myome et grossesse
1. Aspects obstétricaux
1.1. Introduction
Deux pourcents de grossesses sont compliquées de myomes (6).
Les complications classiques décrites dans cette association sont fonctions du type de myomes, de leur
localisation, de leur taille et de leur nombre. (11)
Le myome pédiculé tordu décrit dans notre cas clinique étant au troisième trimestre de la grossesse ne
peut être qu’un volumineux myome sous-séreux.
En effet, il semble logique d’exclure, à la lumière des rappels théoriques repris ci-dessus, tout autre
forme, en particulier le myome sous-muqueux, car celui-ci se comporte comme un corps étranger intrautérin et empêche ainsi toute grossesse (effet stérilet).
Nous n’aborderons donc que ce type de myome dans notre discussion ci-dessous.
a) Le type de myome
Selon la littérature, les myomes sous-séreux n’influenceraient pas les complications suivantes (9) :
- R.C.I.U.
- P. Praevia
- D.P.P.N.I.
- R.P.P.E.
- W. Précoce
- Hémorragie postpartum
- Rétention placentaire
car ils sont extracavitaires
car ils n’intéressent pas la couche musculeuse proprement dite.
Mais, bien sûr, on peut trouver toutes ces complications (7), indépendamment de la présence d’un
myome sous-séreux, d’où la complexité de notre cas clinique.
b) La taille du myome
Celle-ci est à prendre en compte au-delà de huit centimètres pour une influence sur la délivrance (7).
c) La localisation du myome
Cette pathologie myomateuse a comme conséquence principale un taux de césariennes supérieure par
rapport à la population normale. Trente et un pour cent de césariennes sur myomes le sont pour une
localisation dans le segment inférieur de l’utérus versus 18 pour cent pour une localisation fundique
mais donc un accouchement par voie basse est possible dans les deux localisations (7 et 9). Cependant,
dans notre cas clinique décrit ci-dessus, une torsion d’un myome sous-séreux à trente-quatre semaines
de gestation n’est possible que s’il est fundique vu la taille de l’utérus gravide. Il peut bien
évidemment être légèrement antérieur, postérieur ou latéral. Nous verrons dans la discussion
anesthésique l’importance de ce dernier point.
1.2. Aspects néonataux
Bien que la limite de la prématurité soit actuellement placée à 35 semaines de grossesse, il est évident
qu’il est plus judicieux de se rapprocher du terme prévu afin de diminuer la mortalité et la morbidité
périnatales.
En effet, le risque de détresse respiratoire du nouveau-né prématuré décroît jusqu’à 36 semaines de
grossesse. Et chaque semaine de gagnée facilite la prise en charge des prématurés et améliore leur
survie (1).
1.3. Attitude pratique
Classiquement, sur le plan purement obstétrical, tant qu’il n’y a pas de souffrance fœtale, le traitement
de ce type de pathologie est un traitement conservateur et ce le plus longtemps possible :
- traitement anti-inflammatoire
- glace sur l’abdomen
- repos.
On temporise au maximum jusqu’à l’accouchement spontané ou jusqu’à la décision d’accoucher.
En fait, les myomes sous-séreux posent peu de problèmes en pratique car leur taille augmente
principalement lors du premier trimestre de la grossesse puis se stabilise et le développement du bébé
n’est pas affecté par leur présence.
En réalité la complication la plus fréquente du myome lors de la grossesse est la douleur abdominale
due à la présence du myome lui-même et de son volume.
Si un myome sous-séreux pédiculé se tord pendant la grossesse, il s’ensuivra une nécrose aseptique,
le traitement conservateur étant toujours de mise jusqu’à preuve du contraire.
Dans notre cas, nous nous trouvons à 34 semaines de gestation et les anti-inflammatoires sont contreindiqués vu le risque de fermeture du canal artériel du fœtus.
Tant que la douleur est supportable chez la maman et que le monitoring fœtal est normal, on
n’interviendra pas sur le plan chirurgical (5, 11 et 12).
Le traitement conservateur est tel que si les douleurs abdominales sont intolérables, on peut proposer
une péridurale analgésique pour continuer la grossesse afin de se rapprocher du terme prévu (11).
La chirurgie (myomectomie) est exceptionnelle durant la grossesse et réservée aux cas suivants :
- douleurs abdominales résistantes aux traitements proposés
- abdomen péritonéal
- détérioration biologique et clinique de la maman
- myome géant comprimant l’abdomen.
Il faut bien sûr réévaluer fréquemment l’état de la patiente et réaliser un monitoring fœtal
régulièrement.
La décision de l’attitude à adopter dans ce cas sera multidisciplinaire. L’obstétricien posera
l’indication chirurgicale ou celle de l’accouchement mais il importe beaucoup que les pédiatres et les
anesthésistes soient mis au courant de ce genre de cas et qu’ils puissent prendre part aux débats.
III. Aspects anesthésiques
1. Généralités : Anesthésie et troisième trimestre de la grossesse
Il faut tenir compte du fait que nous nous trouvons en face de deux patients, la mère et l’enfant, tous
deux fragiles.
En obstétrique, la notion de complications aiguës et de situation évoluant rapidement doit toujours être
gardée à l’esprit sans dramatiser.
Avant tout, une femme enceinte ou une parturiente est une patiente qui nécessite un préopératoire
classique et complet sauf urgence extrême :
- une anamnèse complète avec les antécédents
- obstétricaux (primipare ou non, césarienne, présentation actuelle,…)
- médicaux (pathologies associées)
- chirurgicaux (abdominale)
- anesthésiques
- prise de médications ou de drogues
- notion d’allergie.
- un examen clinique classique (taille poids TA…) associé à l’évaluation de la difficulté d’intubation
et celle de la difficulté de réaliser une anesthésie locorégionale (scoliose, infection du site, refus
de la patiente…)
- des examens complémentaires : biologie courante et compatibilité sanguine (état inflammatoire,
-
infectieux, hémostase, anémie,…)
autres examens : RX, pelvimétrie,…
Cette visite préanesthésique doit avoir lieu le plus précocement possible. Outre la prise de contact avec
la patiente, elle permet de définir une ligne de conduite en tenant compte de l’examen préopératoire
et du désir de la patiente. Elle permet aussi de compléter la mise au point par d’autres examens
éventuels que l’on jugera opportun de rajouter.
Il faut également dés cette première visite envisager une prémédication indispensable en cas de
chirurgie élective. (antiacide et accélératrice de vidange gastrique, relaxante si nécessaire).
Et bien sûr, il faudra s’assurer de la faisabilité d’une commande de sang en temps utile.
2. Aspects spécifiques aux myomes durant le troisième trimestre de la
grossesse
Pour rappel, notion de césarienne plus fréquente et commande de sang à prévoir. Sans oublier de
mettre les néonatologues au courant du cas et de la possibilité de la naissance d’un prématuré.
3. Aspects spécifiques dans ce cas clinique
Avant tout, il faut être, en tant qu’anesthésiste, averti de la présence d’une patiente avec ce genre de
pathologie au bloc accouchement.
Plusieurs possibilités s’offrent à nous dans cette discussion.
3.1. Sur la simple description du cas clinique, les obstétriciens décident d’une chirurgie semi
élective type myomectomie, avec conservation de la grossesse.
En fait le geste chirurgical est simple (exclusion du myome sur son pédicule) et peu risqué d’un point
de vue hémorragique (pas de geste sur le muscle utérin lui-même).
La discussion se porte alors sur la technique anesthésique.
La hauteur utérine à 34 semaines associée au
myome de 6 cm implique une tomie
(impossibilité de réaliser une laparoscopie vu le
volume utérin) avec une incision sous
xiphoïdienne de taille à préciser. En effet, pour
peu que le myome soit légèrement postérieur,
il faut envisager une éversion de l’utérus et de
son contenu pour l’exérèse du myome.
L’incision peut dés lors être xiphopubienne!
Il sera alors utopique d’envisager une anesthésie péridurale seule car il faudrait un niveau d’anesthésie
jusqu’à T4 ! Pour la sécurité et le confort de la patiente, il semble inévitable de proposer une
combinaison des deux types d’anesthésie (AG + péri). L’anesthésie générale dans ce cas semi électif
ne comporte pas de risques particuliers si elle est réalisée par un anesthésiste compétent et ce dans de
bonnes conditions (1). La péridurale sera placée au niveau thoracique pour l’analgésie postopératoire.
Cette combinaison permet d’envisager l’utilisation d’un morphinique à courte durée d’action type
rémiphentanyl. Choix idéal vu le risque théorique d’une césarienne peropératoire ou la mise en route
d’un travail prématuré avec un nouveau-né de 34 semaines qui ne sera ainsi pas imprégné de
morphiniques.
3.2. Outre le volumineux myome tordu, on décrit sans notion de délai, une hémorragie
intravaginale
Plusieurs questions se posent…
Il faut d’abord préciser cliniquement l’hémorragie :
-
quantité ? Massive, cataclysmique, accompagnée d’une déstabilisation maternelle avec
dégradation des paramètres vitaux ? Ou dégradation brutale du fœtus ? (Souffrance fœtale aiguë)
-
origine de cette hémorragie ? Accompagnée de douleurs, de contractions ?
Ceci afin de réaliser un diagnostic différentiel entre :
- DPPNI
- placenta praevia
- mise en route du travail
- hématome rétroplacentaire
- RPPE.
Mais avant tout, ce qui importe c’est de préciser le degré d’urgence afin de définir la meilleure prise
en charge de cette patiente et de son bébé.
En pratique, on retrouve deux situations : urgent /non urgent et postmyomectomie ou non.
Ce dernier point n’a d’importance que sur le plan anesthésique pur et non hémorragique vu que la
chirurgie n’a pas touché à la cavité utérine et à son contenu. Ainsi, cette hémorragie ne peut être la
conséquence immédiate de la chirurgie.
Et donc la question revient à discuter de la présence ou non d’une péridurale thoracique (au niveau T7T9), qui serait déjà en place, et d’un éventuel accouchement par voie basse. Le problème est alors celui
du management de la douleur d’expulsion car les fibres sacrées ne seraient pas anesthésiées par cette
péridurale.
Pour ma part, je proposerais une aide de type analgésie I.V. type proparacétamol et éventuellement
rajouter une anesthésie inhalatoire O2/N2O à 50 %.
Un bloc complémentaire au niveau périnée pourrait être risqué au vu de la quantité d’anesthésiques
locaux utilisés dans la péridurale. Il ne faut pas perdre de vue que nous sommes à 34 semaines de
gestation et que le bébé sera prématuré.
Si une césarienne est nécessaire et l’analgésie incomplète ou totalement inefficace, on doit envisager
de rendormir la patiente pour la césarienne !
Sans oublier une pompe type PCA pour le postopératoire.
Revenons sur la question en nous basant sur le degré d’urgence quant à la prise en charge de cette
hémorragie en considérant qu’il n’y a pas eu de geste chirurgical :
- Soit il y a urgence (hémorragie massive avec souffrance fœtale ou maternelle)
On réalisera une anesthésie générale dans les plus brefs délais en respectant autant que faire se peut
les règles de sécurité en associant une réanimation liquidienne et générale.
Dés la décision d’intervenir, on se fera aider pour lancer une commande de sang adéquate, pour
prévenir l’équipe de pédiatres de la naissance imminente d’un prématuré, ceci afin de l’accueillir dans
les meilleures conditions. La sanction chirurgicale sera alors une césarienne suivie d’une
myomectomie.
On proposera une pompe type PCA pour l’analgésie postopératoire.
- Soit il n’y a pas d’urgence : quid ?
Mise en route du travail, RPPE, accouchement par voie basse envisagé, possibilité et temps de placer
une péridurale lombaire ?
Dans ce cas il faut bien sûr préférer l’anesthésie péridurale classique avec une surveillance obstétricale
rapprochée vu le risque de césarienne sur une mauvaise contraction utérine vu la présence du myome.
Quoiqu’il en soit, si une césarienne est réalisée, la patiente ira en salle de réveil pour une surveillance
des paramètres vitaux, des saignements postopératoires, pour un contrôle de l’hémoglobine ainsi que
pour assurer une analgésie correcte
IV. Conclusions
Ce cas clinique complexe pose avant tout la question de la communication entre équipes, gynéco
obstétriciens, néonatologues et anesthésistes.
Il démontre également l’importance des connaissances de l’anatomie et celle des pathologies et de leurs
complications.
Il approche la notion d’urgence en obstétrique et rappelle le fait que dans ce cas, nous avons deux
patients entre nos mains.
Et il redéfinit l’importance de la présence d’un anesthésiste du début à la fin de la prise en charge de
ce genre de cas.
Remerciements
Je tiens à remercier ici toutes les personnes qui m’ont aidée à réaliser ce travail au mieux et dans les
meilleurs délais, et tout particulièrement Madame le Professeur Hubinon, ainsi que Mesdames et
Messieurs les Docteurs Roelants, Pirotte, Pirard et van Gossum.
En espérant ne pas les avoir trop harcelés.
Bibliographie
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