les troubles psychomoteurs aujourd`hui : entre ajuriaguerra et la

publicité
LES TROUBLES PSYCHOMOTEURS AUJOURD'HUI : ENTRE
AJURIAGUERRA ET LA THÉORIE DES SYSTÈMES DYNAMIQUES
Jean-Michel Albaret
De Boeck Supérieur | Développements
2013/1 - n° 14
pages 4 à 12
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 25/11/2013 11h38. © De Boeck Supérieur
Article disponible en ligne à l'adresse:
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-developpements-2013-1-page-4.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Albaret Jean-Michel, « Les troubles psychomoteurs aujourd'hui : entre Ajuriaguerra et la théorie des systèmes
dynamiques »,
Développements, 2013/1 n° 14, p. 4-12.
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur.
© De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays.
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des
conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre
établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que
ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en
France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 25/11/2013 11h38. © De Boeck Supérieur
ISSN 2103-2874
Résumé
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 25/11/2013 11h38. © De Boeck Supérieur
Lorsque de Ajuriaguerra et Soubiran (1959) définissent
les troubles psychomoteurs comme « oscillant entre le
neurologique et le psychiatrique », ils fournissent tout
à la fois un cadre général de réflexion et une mise en
garde contre une attitude réductionniste qui guette cette
symptomatologie exigeante pour le clinicien. Les troubles
psychomoteurs chez l’enfant s’organisent en effet à partir de
composantes sémiologiques de natures diverses : perceptive,
cognitive, motrice, affective et relationnelle. Le trépied
symptomatologique, comme l’appelle Corraze (1999, 2010),
précise les caractères constitutifs de ces troubles : 1) ce sont
des troubles perceptivo-moteurs qui affectent les différentes
fonctions d’exploration, d’action et de communication ainsi
que les intégrations émotionnelles ; 2) ils se manifestent
par des signes neurologiques doux qui signent l’existence
d’un dysfonctionnement cérébral a minima ; 3) ils sont
associés à un complexe psychopathologique. La pluralité
étiologique exige alors, comme le pressentait Ajuriaguerra,
une analyse des différentes dimensions : biologique,
écologique et téléologique ou intentionnelle. Les théories des
systèmes dynamiques et de l’auto-organisation considèrent
la motricité comme une propriété émergente du système
perceptivo-moteur, soit la résultante des interactions entre
les composantes du système neuro-musculo-squelettique
et les contraintes globales (environnementales, cognitives
et psychiques) qui s’exercent sur ces dernières. Le trouble
psychomoteur est alors vu comme la « solution » dont
l’individu dispose dans la relation avec les milieux physiques
et sociaux lorsqu’il est confronté à une tâche ou une situation
nécessitant la mise en place de mécanismes d’adaptation. Ces
théories fournissent l’occasion de dépoussiérer un héritage
qui fait la part belle à une vision « globale » de l’individu
en évitant les réductionnismes à l’une ou l’autre de ses
dimensions constitutives : neurologique, psychologique ou
psychiatrique, sociale.
Mots clés
• troubles neurodéveloppementaux
• signes neurologiques doux
• systèmes complexes
4
4
Développements / septembre 2013
Développements / avril 2013
Jean-Michel ALBARET
Maître de Conférences, Université de Toulouse,
UPS, PRISSMH EA 4561, 118 route de Narbonne,
31062 Toulouse cedex 9 ; directeur de l’Institut de
Formation en Psychomotricité de Toulouse.
Summary
When de Ajuriaguerra and Soubiran (1959) define
psychomotor disorders as “oscillating between
neurology and psychiatry” they provide both an
overall frame of reflection and a word of caution
against reductionism which besieges the clinician.
Psychomotor disorders in children are composed
of different semiological components of a variety of
natures: perceptual, cognitive, motor, emotional and
relational. The semiological tripod, as Corraze (1999,
2010) names it, specifies the essential traits of these
disorders: 1) they are perceptual-motor disorders
affecting the exploration, action and communication
functions as well as emotional integration ; 2) they
occur in the form of soft neurological signs which
reflect a minimal brain dysfunction ; 3) they are
associated with a psychopathological complex.
The etiological plurality requires, as Ajuriaguerra
expected, an analysis of different dimensions:
biological, ecological and teleological or intentional.
Dynamic systems and self-organization theories
consider motricity as an emergent property of the
perceptual-motor system, that is the result of interactions between components of the neuro-musculoskeletal system and global constraints (environmental,
cognitive and psychological) on these components.
The psychomotor disorder is seen as a solution used
by the subject in his interaction with both physical
and social environments when he faces a task or
situation requiring the use of coping mechanisms.
These theories provide the opportunity to resurrect
a heritage that puts the emphasis on a holistic view
of the individual patient while avoiding neurological,
psychological, psychiatric or social reductionisms.
Keywords
• neurodevelopmental disorder
• soft neurological sign
• complex system
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 25/11/2013 11h38. © De Boeck Supérieur
Les troubles
psychomoteurs
aujourd’hui : entre
Ajuriaguerra
et la théorie
des systèmes
dynamiques1
Le trouble psychomoteur chez
Julian de Ajuriaguerra
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 25/11/2013 11h38. © De Boeck Supérieur
La position d’Ajuriaguerra et de ses collaborateurs sur les troubles psychomoteurs s’organise
autour de plusieurs points. Le premier point est
une critique des types psychomoteurs de Wallon
(1925). Ajuriaguerra et Stambak (1969, p. 455)
remarquent tout d’abord que le travail de Wallon
« tente de classer ces désordres infantiles dans les
mêmes termes que ceux utilisés en neurologie de
l’adulte et de les rapporter à des catégories qui
sont trop étroitement réduites à des facteurs étiologiques ». Ils ajoutent que la valeur localisatrice
de ces types psychomoteurs a été « surestimée » et
que « de tels types sont plus théoriques que réels ».
Le deuxième point est leur diversité. Ajuriaguerra
et Stambak (1969, p. 454) soulignent que l’appellation de trouble psychomoteur concerne « un
grand nombre de troubles […], dont la caractéristique commune est un mouvement difficile, sans
grâce (ungraceful). Les mouvements sont saccadés, mal intégrés et mal coordonnés, comme on
peut le voir dans les activités quotidiennes comme
l’habillage, l’écriture, le dessin et le jeu, sous forme
de mouvements maladroits qui rendent difficiles
l’automatisation de ces activités. »
Le troisième point concerne l’étiologie du trouble
psychomoteur qui « ne peut être établie simplement en appariant un état donné comme un tout
à un modèle neurologique donné. Elle peut seulement être établie par une anamnèse soignée,
une investigation du développement, et un examen neurologique et psychologique exhaustif »
(ibid., p. 456).
Les « caractères généraux […] des désordres psychomoteurs » sont précisés dans une publication
considérée comme fondatrice par nombre de
psychomotriciens (Ajuriaguerra, 1974, p. 268 ;
Bonvalot-Soubiran, 1959, p. 433) :
« Les désordres (ou syndromes) psychomoteurs
ne répondent pas à une lésion en foyer à l’origine
des syndromes neurologiques classiques.
Ils sont plus ou moins automatiques, plus ou
moins motivés, plus ou moins subis, plus ou
moins voulus.
Liés aux affects, mais attachés au soma par leur
fluence à travers la voie finale commune, ils ne
présentent pas, pour cette raison, des caractéristiques de dérèglement d’un système défini.
Persistants ou labiles dans leur forme, mais variables dans leurs expressions, ils restent, chez un
même individu, intimement liés aux afférences et
aux situations.
Ils ont souvent un caractère expressionnel caricatural et gardent des caractères primitifs (quoique
modifiés par l’évolution ultérieure) qui les rapprochent de phases primitives de contact ou de
répulsion, de passivité ou d’agression. Parfois,
ils n’ont même plus la forme du mouvement primaire, mais seulement la valeur d’un symbole. »1
Au sein de cet ensemble, l’analyse que développe
Ajuriaguerra (1974) des troubles de la motricité
intentionnelle, et principalement de la débilité
motrice, mérite réflexion. Il s’oppose tout d’abord
à une extension de cette notion, extension « fondée sur des bases anatomiques vagues » et notamment les « manifestations qui ont été définies
autrement et qui entrent dans un cadre clinique
connu » comme « des formes d’encéphalopathies grossières », les « formes d’infantilisme moteur… », les « désordres de type hémiparétique
ou paraparétique, […] choréo-athétosiques », ou
encore les syndromes liés à des « lésions focales
précises » (ibid., p. 264), rappelant ainsi les caractéristiques et le caractère spécifique de la sémiologie psychomotrice. Il critique l’absence d’« étude
génétique cohérente », au sens développemental
du terme, et indique que « la symptomatologie
dans une sémiologie neuropsychiatrique infantile doit être cherchée et valorisée par rapport à
la chronologie, à l’évolution du symptôme dans
le temps. Ce n’est qu’ainsi qu’elle peut prendre
une valeur soit physiologique, soit pathologique.
Créer une sémiologie propre à l’enfant doit être
notre but » (ibid., p. 265). Il rappelle ensuite les
différentes recherches faites avec Stambak (1960,
1963) sur l’évaluation du tonus musculaire, qui
concluent à l’« évolution mesurable de l’extensibilité par rapport à des valeurs connues et à un
âge donné », alors que l’évolution du ballant2 ne
peut être mesurée mais doit être comprise « par
rapport au développement de sa personnalité,
de sa maturation émotivo-affective et des composantes typologiques » (Ajuriaguerra, 1974,
p. 265-266), ainsi que sur l’évolution contrastée des différents types de syncinésies. Ailleurs,
Ajuriaguerra et Stambak (1969, p. 449) mettent
en avant l’importance de la mesure des compétences motrices, soulignant l’absence de facteur
général dans ce domaine et l’intérêt des échelles
1. Ce texte a fait l’objet d’une communication au Colloque d’hommage à Julian de Ajuriaguerra qui s’est
tenu à Paris en juillet 2010 et d’une publication dans
les Actes du Colloque : Joly, F., & Berthoz, A. (Eds.)
(2013). Développement corporel et relation avec autrui
- Actes du colloque d’hommage à J. de Ajuriaguerra au
collège de France. Paris : Ed. du Papyrus.
2. Le ballant est la capacité de résolution du tonus
musculaire qui s’observe en mobilisant les différentes
articulations. La manœuvre classique de mise en évidence consiste à demander au sujet de « laisser les
bras mous comme une poupée de chiffon ».
Développements / septembre 2013
5
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 25/11/2013 11h38. © De Boeck Supérieur
Les troubles psychomoteurs aujourd’hui : entre Ajuriaguerra et la théorie des systèmes dynamiques
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 25/11/2013 11h38. © De Boeck Supérieur
révisées d’Oseretsky, de Guilmain ou de Sloan (à
savoir l’échelle de Lincoln-Oseretsky) ainsi que
les mesures de la dextérité manuelle et des différentes praxies, regrettant au passage que l’on
ne dispose pas, à l’époque, pour les praxies gestuelles d’« échelles développementales pour ce
genre d’activités ». On notera par ailleurs que la
mise au point des épreuves de niveau et style moteurs effectuée par Stambak (1965) fait suite à une
demande d’Ajuriaguerra et correspondait à « une
exigence d’analyse fine dans chacun des domaines
envisagés […] préconisée par Ajuriaguerra lors de
la création de sa consultation pour troubles psychomoteurs à l’hôpital Henri-Rousselle » (ibid.).
On voit ainsi que les différents travaux d’Ajuriaguerra concernant les troubles psychomoteurs
insistent sur plusieurs points :
1)la pluralité étiologique et l’originalité du
trouble qui doit se garder de différents réductionnismes, aussi bien du côté de la neurologie que de la psychologie ;
2)le caractère évolutif de la sémiologie avec le
développement de l’individu ;
3)la nécessité de s’appuyer sur des tests permettant de mesurer les aptitudes psychomotrices.
est analysée, car il s’agit bien d’une analyse et non
d’un simple recueil, sans tenir compte de l’individu
qui en est porteur et indépendamment des milieux
dans lesquels elle s’exprime.
Les caractères des troubles psychomoteurs sont
les suivants (cf. figure 1) :
1)ce sont des troubles perceptivo-moteurs qui
affectent les différentes fonctions d’exploration (aspects perceptifs), d’action (sur le
milieu physique), de communication (notamment dans ses aspects non verbaux) et
les manifestations émotionnelles ;
2)ils se manifestent par des signes neurologiques doux qui signent l’existence d’un
dysfonctionnement cérébral a minima ;
3)ils sont associés à un complexe psychopathologique, comportant des facteurs émotionnels et pouvant aller jusqu’à un véritable
trouble psychiatrique qui soulève la question des comorbidités ;
4)ils demandent une analyse des différentes
dimensions (biologique ou organique, écologique, téléologique ou intentionnelle)
pour permettre la prise en compte de la pluralité étiologique (Albaret, 2001 ; Corraze,
1981, 1999, 2010).
Le trouble psychomoteur
aujourd’hui
S’agissant de la définition3 et des caractères constitutifs des troubles psychomoteurs, les éléments que
nous mettons en avant ne sont pas en contradiction avec les définitions princeps, contrairement à
ce que certains écrits laissent entendre (Joly, 2010 ;
Rodriguez, 2010). Le fait d’affirmer le caractère
neurodéveloppemental du trouble ne signifie en
aucune manière que la sémiologie psychomotrice
Figure 1. Trépied symptomatologique et pluralité
étiologique des troubles pscyhomoteurs
3. « Le trouble psychomoteur se manifeste à la fois
dans la façon dont le sujet est engagé dans l’action et
dans la relation avec autrui. Les troubles psychomoteurs sont des troubles neurodéveloppementaux qui
affectent l’adaptation du sujet dans sa dimension perceptivo-motrice. Leurs étiologies sont plurifactorielles
et transactionnelles associant des facteurs génétiques,
neurobiologiques, psychologiques et/ou psychosociaux qui agissent à différents niveaux de complémentarité et d’expression. Ils sont souvent situationnels et discrets, entravant en priorité les mécanismes
d’adaptation, constituant une source de désagrément
et de souffrance pour le sujet et son milieu social.
Leur analyse clinique s’appuie sur une connaissance
référentielle approfondie du développement normal.
Elle nécessite des investigations spécifiques, dont
l’examen psychomoteur, pour appréhender les aspects
qualitatifs et quantitatifs des perceptions, des représentations et des actions du sujet » (Définition du
CEDIFP, d’après Albaret, 2001).
Nous partageons avec Ajuriaguerra le souci de ne
pas nous attacher exclusivement à l’étude d’un
« homme moteur » et la nécessité de repositionner la motricité du sujet dans l’action entreprise,
en prenant en compte l’intentionnalité de celle-ci
mais également le contexte dans lequel elle s’effectue, à savoir la relation qu’entretient le sujet avec
les milieux physique et social. Nous sommes donc
bien loin d’une simple prise en considération des
« fondements organogénétiques » (Rodriguez,
2010) auxquels d’aucuns voudraient nous confiner, mais nous nous écartons cependant résolument de points de vue sur le trouble psychomoteur
qui nous paraissent entachés d’un réductionnisme
psychologique (Calza & Contant, 2001 ; AuerMartin, 2007). La question des signes doux, reprise par Ajuriaguerra (1974, p. 273) sous la dénomination de « symptomatologie neurologique
6
Développements / septembre 2013
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 25/11/2013 11h38. © De Boeck Supérieur
J.-M. Albaret
Les troubles psychomoteurs aujourd’hui : entre Ajuriaguerra et la théorie des systèmes dynamiques
lenteur dans les épreuves visuo-motrices (Schoemaker et al., 2001), sans oublier la présence
de dysgraphie (Rosenblum & Livneh-Zirinski,
2008). Les enfants porteurs d’un TAC présentent
également des dyspraxies idéomotrice (Zoia et al.,
2002), idéatoire (Dewey, 1991), visuoconstructive (Wilson, 2004), voire orofaciale (Dewey, 1993)
avec des particularités dans le contrôle de la motricité orale (Ho & Wilmut, 2010).
Troubles perceptivo-moteurs dans le TAC
Complexe psychopathologique dans le TAC
Plusieurs travaux mettent en évidence les particularités et les atteintes des différents systèmes perceptifs avec une faible discrimination proprioceptive et
kinesthésique (Laszlo et al., 1988), une mauvaise
perception de la durée relative des sons (Williams,
Woollacott, & Yvry, 1992), des perturbations dans
les perceptions visuelles (Hulme et al., 1982) et
la prise en compte des informations visuo-spatiales (Wilson & McKenzie, 1998), ainsi que dans
le transfert intermodal (Newnham & Mc Kenzie,
1993), une prise en compte des informations haptiques altérée (Schoemaker et al., 2001).
Les fonctions d’action sur le milieu physique sont
également perturbées avec, notamment, des temps
de réaction et de mouvement allongés et plus
variables (Henderson et al., 1992 ; Van Dellen &
Geuze, 1988), une régularité moindre dans les
épreuves de pointillage (Geuze & Kalverboer,
1993), des coordinations générales (course,
sauts…) atypiques et se caractérisant principalement par un manque d’amplitude, une limitation
des degrés de liberté des articulations ainsi qu’un
enchaînement séquentiel inapproprié des parties
du corps concernées par le mouvement (Larkin
& Hoare, 1992 ; Williams et al., 1985), des coordinations bimanuelles d’autant plus échouées que
la coordination est complexe (Volman & Geuze,
1998) ou que les contraintes augmentent (Castelnau
et al., 2007), un contrôle proximal plutôt que
distal au niveau de l’écriture avec diminution
de la souplesse du geste (Missiuna, 1994), une
Il existe tout d’abord une psychopathologie réactionnelle qui se développe autour d’une faiblesse
de l’estime de soi dans les différents domaines avec
une prédilection pour les compétences athlétiques
et la réussite scolaire, mais aussi d’une faiblesse
du support social et des différents processus de
maîtrise qui joue certainement un rôle dans l’apparition de troubles anxieux (Miyahara & Piek,
2006 ; Skinner & Piek, 2001 ; Watson & Knott,
2006). L’étude de Green et al. (2006) montre, par
exemple, que 85 % des 47 familles d’enfants avec
TAC mentionnent la présence de problèmes émotionnels et comportementaux sévères à l’aide du
questionnaire de Goodman (The Strengths and
Difficulties Questionnaire, Goodman 1997).
De façon plus générale, la présence de comorbidités avec un ensemble de troubles spécifiques des
apprentissages, de troubles externalisés et internalisés suscite des interrogations diverses sur la
raison de telles associations (Cairney, Veldhuizen,
& Szatmari, 2010 ; Soppelsa, Albaret, & Corraze,
2009). Différentes études mettent ainsi en avant
une association fréquente avec le Trouble Déficit de l’Attention/Hyperactivité, que certains
auteurs regroupent sous l’appellation de Déficit en attention, contrôle moteur et perception
(Gillberg, 2003). Une étude longitudinale menée
sur une dizaine d’années par Hellgren, Gillberg,
Bågenholm et Gillberg (1994) indique que ces
enfants présentent un risque élevé de troubles
psychiatriques, notamment de dépression.
Signes neurologiques doux dans le TAC
Différents signes doux sont retrouvés comme
une instabilité posturale dans l’équilibre statique (Williams et al., 1985 ; Geuze, 2003), des
syncinésies (Licari, Larkin, & Miyahara, 2006),
des mouvements choréiformes et de l’hypotonie (Hadders-Algra, 2002), une exagération de
certains réflexes tendineux (Williams & Burke,
1995), une faible régulation de la force musculaire (Lundy-Ekman et al., 1991), un déficit de
la graphesthésie, une dysdiadococinésie et de la
lenteur (Losse et al., 1991).
Développements / septembre 2013
7
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 25/11/2013 11h38. © De Boeck Supérieur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 25/11/2013 11h38. © De Boeck Supérieur
mineure » en référence aux travaux de Wender,
n’est pas réellement prise en compte par celui-ci
alors même qu’elle s’inscrit dans cette opposition à toute « lésion en foyer » tout en rappelant
l’attachement au « soma ». La complexité et les
divergences quant à la détermination, l’analyse et
la signification de ces signes en ont rebuté plus
d’un. Ils obligent en effet le praticien à poser avec
force l’association intime des mécanismes perceptifs et moteurs et à développer, pour l’organisation
psychomotrice, une approche neuropsychologique de l’enfant, éléments qui étaient encore balbutiants à l’époque contrairement au rôle central
dévolu au tonus par exemple.
Les troubles de la motricité intentionnelle, dont
le trouble de l’Acquisition de la Coordination
(TAC) constitue le tableau cardinal, font l’objet
de recherches en nombre croissant dans différents pays avec des conférences de consensus
qui permettent d’harmoniser les différents points
de vue (Fox & Polatajko, 1994 ; Sugden, 2006 ;
Blank et al., 2012). Les quatre caractères précisés
plus haut sont aisément identifiables.
J.-M. Albaret
que la nature des interrelations est encore loin
d’être élucidée (Emck et al., 2009). Quant aux aspects génétiques, l’héritabilité, établie à partir de
245 paires de jumeaux mono- et dizygotes dont
l’un au moins est porteur d’un TAC, est de 70 %
dans l’étude de Lichtenstein et al. (2010).
Pluralité étiologique dans le TAC
Les troubles psychomoteurs
demain : systèmes dynamiques
et auto-organisation
Les facteurs étiologiques mentionnés sont divers
sans qu’une cause unique puisse être privilégiée
et nous amène au constat que la complexité est
bien au cœur de ces troubles de la motricité
intentionnelle. La prématurité est un facteur de
risque connu : 30,7 % des 280 enfants prématurés répondent aux critères diagnostiques du TAC
dans l’étude de Foulder-Hughes et Cooke (2003).
Les facteurs pré-, péri- ou néonataux sont présents chez un grand nombre d’enfants sans que
des conclusions définitives quant à leur rôle causal puissent être apportées (Pearsall-Jones et al.,
2008). Des anomalies EEG non spécifiques ont
été retrouvées dans certains cas (Gubbay, 1975).
À l’aide du CT-scan4, un taux élevé d’anomalies
cérébrales, non spécifiques elles aussi (dilatation
ventriculaire, atrophie corticale ou démyélinisation), a été signalé (Knuckey et al., 1983). Plus
récemment, la question des corrélats neuro-anatomiques a été renouvelée avec l’implication des
boucles cortico-striatale et/ou cortico-cérébelleuse (Zwicker et al., 2009 ; Nicolson & Fawcett,
2007) et des régions pariétales (Kashiwagi et al.,
2009). Les aspects psychopathologiques sont
également pris en compte mais il faut souligner
4. Le CT-scan ou tomodensitométrie (scanner) étudie sous différents angles la densité des tissus ou des
organes à l’aide d’un faisceau de rayons X, continu et
stable, et reconstruit une image complète de la région
observée à l’aide d’un ordinateur.
8
Développements / septembre 2013
Les tests psychomoteurs
Si l’on s’intéresse maintenant aux outils d’évaluation qu’Ajuriaguerra et Stambak, cités plus haut,
appelaient de leurs vœux, différentes études ont
été menées et nous permettent de disposer aujourd’hui de normes utilisables sur la population
française, à commencer par l’échelle de Sloan
(Rogé, 1984). Des tests destinés aux différents âges
de la population sont étalonnés sur un échantillon
représentatif de la population française (Albaret &
Noack, 1994 ; Michel, Soppelsa, & Albaret, 2010 ;
Soppelsa & Albaret, 2004 ; Vaivre-Douret, 1999,
2006). Ils tiennent compte des connaissances
actuelles et s’intéressent aussi bien aux aspects
quantitatifs que qualitatifs de la motricité.
Depuis plus de vingt ans, les théories des systèmes
dynamiques et de l’auto-organisation s’intéressent à
la coordination motrice et au développement psychomoteur et permettent de rendre compte de la
complexité. Plus récemment, elles tentent de rendre
compte de certains aspects des troubles psychomoteurs. Ces théories postulent que le comportement
moteur est une propriété émergente, auto-organisée du système perceptivo-moteur (cf. Zanone,
1999 pour une revue). Ce phénomène d’auto-organisation résulte, d’une part, des interactions locales,
non linéaires que les composantes entretiennent
entre elles (système musculo-squelettique, système
nerveux, mais aussi système vasculaire, métabolique, etc.) et, d’autre part, des contraintes globales
qui s’exercent sur elles. Ces contraintes peuvent
être de nature physique (biomécanique, énergétique, etc.), informationnelle (stimulation, tâche)
et/ou psychologique (attention, volition, etc.). Le
mouvement découle de cette interaction entre un
organisme complexe, et de ce fait relativement instable, et l’environnement. On assiste, lors d’une activité coordonnée, à l’émergence d’un mouvement
ou patron de coordination, résultant d’un processus
d’auto-organisation des différentes composantes,
qui conduit à un nouvel état stable du système. On
dit de ce système qu’il est non linéaire parce que
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 25/11/2013 11h38. © De Boeck Supérieur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 25/11/2013 11h38. © De Boeck Supérieur
Kaplan et al. (1998) retrouvent pour leur part
une association fréquente entre TAC, TDA/H et
dyslexie : chez les 81 enfants avec un diagnostic
de TAC, 10 ont un TDA/H, 23 une dyslexie et 22
les deux troubles associés. Cette fréquence d’association les conduit à émettre l’hypothèse d’un
« développement cérébral atypique » (Atypical
Brain Development) qui n’est pas sans rappeler la
notion de dysfonctionnement cérébral a minima
(Clements & Peters, 1962). Plus récemment,
Nicolson et Fawcett (2007) proposent de reconsidérer la question des troubles des apprentissages
au sens large en partant d’une distinction entre
deux modes d’apprentissage, déclaratif et procédural, et les substrats neuro-anatomiques sousjacents. Le mode déclaratif serait responsable des
troubles généralisés des apprentissages, alors que
le mode procédural et ses deux composantes (cortico-striatales et cortico-cérébelleuses) rendraient
compte notamment des troubles spécifiques du
langage oral, du TAC, de la dyslexie et du TDA/H.
Les comorbidités seraient ainsi dépendantes des
anomalies de ces boucles cortico-sous-corticales.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 25/11/2013 11h38. © De Boeck Supérieur
le changement ne se fait pas progressivement, de
façon monotone, mais qu’au contraire il a tendance
à rejoindre, soudainement et de manière abrupte,
un ou plusieurs de ces états stables, appelés également attracteurs, sous l’action des différentes
contraintes. Plus grande est la stabilité du patron,
plus grande sera sa résistance aux changements et
aux perturbations de différentes natures (Wallace,
1996), c’est-à-dire que le système reste dans une
phase stable aussi longtemps qu’il le peut, malgré
l’action des informations comportementales puis,
soudainement, change de patron pour se stabiliser sur un nouvel état. La propriété fondamentale
du comportement est donc sa stabilité. Sur le plan
comportemental, plus ces formes sont stables, plus
elles sont faciles à produire et plus leur production
est fréquente, mais elles rendent plus difficile la
réalisation de formes alternatives. A priori, aucun
patron n’est impossible. Par contre, pour les réaliser, il faut « payer un prix » pour contrer la prédominance des formes stables.
Ainsi, lorsque l’on demande à un sujet de produire
des mouvements rythmiques de même fréquence
avec les deux index, selon le paradigme expérimental désormais classique de Kelso (1984), deux
patrons de coordination sont décrits : en phase
(flexion et extension simultanées des index avec
activation des muscles homologues) ou en opposition de phase (extension d’un index quand
l’autre est fléchi). Une augmentation de la fréquence d’oscillation rend plus difficile le maintien
du mouvement avec opposition de phase auquel
tend à se substituer la coordination en phase. Sans
autre modification que celle de la fréquence, le système effectue, de lui-même, une transition vers un
attracteur plus stable. Dans un système peuvent
donc coexister plusieurs patrons dont le degré de
stabilité est plus ou moins grand. À une certaine
fréquence, le système dispose de deux patrons de
coordination et l’augmentation de la fréquence ne
va en laisser subsister qu’un. La dynamique de tels
systèmes a fait l’objet de modélisations qui ont, à
leur tour, permis de prédire les possibilités d’apprentissage de patrons de coordination absents du
répertoire spontané de l’individu et de vérifier ces
prédictions (Zanone & Kelso, 1994).
Le système est doté d’une dynamique propre qui
régit le comportement en fonction de la vitesse
adoptée. Cette dynamique détermine deux états
de coordination stables à basse fréquence, mais un
seul à haute fréquence. C’est ainsi que la disparition de la coordination en antiphase, initialement
moins stable, induite par l’augmentation de la vitesse d’oscillation prescrit le passage au patron en
phase, initialement plus stable, qui reste alors seul
présent. Ce phénomène spontané correspond à une
altération qualitative de la dynamique sous-jacente
par la disparition d’un patron de coordination. Il
est à noter que c’est toujours le patron le moins
stable intrinsèquement qui disparaît le premier, si
bien que la manière dont la transition se réalise est
déterminée par la stabilité relative des patrons.
On distingue des paramètres d’ordre, ou variables
collectives, qui rendent compte des patrons stables
observés et différentes conditions liées à l’organisme et/ou à l’environnement responsables des
changements dans la dynamique du système. Certaines, non spécifiques, sont appelées paramètres
de contrôle et maintiennent le système dans l’état
le plus stable spontanément. D’autres, regroupées
sous le terme d’information comportementale et
liées aux nécessités de l’environnement ou aux
intentions du sujet, vont agir sur le système pour
l’amener vers un nouveau patron de coordination
après une phase de transition ou bifurcation. Au
niveau individuel, ce passage se déroule de manière
non linéaire, c’est-à-dire que le changement ne se
fait pas progressivement, de façon monotone : le
système reste dans une phase stable aussi longtemps qu’il le peut, malgré l’action des informations
comportementales, puis, soudainement, change de
patron pour se stabiliser sur un nouvel état.
Le développement psychomoteur, dans l’approche
dynamique, n’est pas sous la dépendance unique
de la maturation du SNC mais de l’interaction de
multiples sous-systèmes qui parviennent à maturité à des moments et à des rythmes différents et
qui influent sur la stabilité des mouvements coordonnés d’un individu donné, dans un milieu particulier et pour une tâche spécifique (Thelen, 1995).
Chaque mouvement a donc un caractère unique,
un changement minime dans une des composantes
du système pouvant aboutir à une réorganisation
importante sur le plan comportemental. Ce phénomène est qualifié de sensibilité aux conditions
initiales. Thelen et ses collaborateurs étudient,
par exemple, le réflexe de marche automatique du
nouveau-né, patron de coordination qui est présent dans les premiers mois de vie, puis disparaît
avant de revenir sous la forme de la marche indépendante. Ces auteurs constatent plusieurs phénomènes. Ils observent tout d’abord une similitude
entre ce réflexe et les rythmies des jambes observées lorsque l’enfant est couché sur le dos avec des
déplacements relatifs des différentes articulations
semblables, mais ces rythmies ne disparaissent pas
après les deux premiers mois de vie contrairement
à la marche automatique. Ils notent également que
le réflexe de marche automatique disparaît quand
le bébé grossit par augmentation des masses adipeuses et que le poids de ses jambes rend le déclenchement du réflexe plus difficile puisqu’il n’y a pas
d’augmentation parallèle de la force musculaire.
Mais si le bébé est plongé dans l’eau, on s’aperçoit
Développements / septembre 2013
9
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 25/11/2013 11h38. © De Boeck Supérieur
Les troubles psychomoteurs aujourd’hui : entre Ajuriaguerra et la théorie des systèmes dynamiques
J.-M. Albaret
Conclusion
La richesse des travaux d’Ajuriaguerra en fait
une référence obligée pour la compréhension
des troubles psychomoteurs. Les conceptions
actuelles sont d’ailleurs dans la continuité de
ces positions. Pour autant, cela ne doit pas nous
faire oublier la nécessité d’être à l’écoute des
données issues des différentes disciplines qui
étudient ces troubles-là, comme la présentation
et l’analyse qu’Ajuriaguerra en faisait dans le
Manuel de psychiatrie de l’enfant nous y incitaient
déjà (Ajuriaguerra, 1974). Les positions réductionnistes sont nombreuses et tentantes mais
intenables aujourd’hui, tout comme elles l’étaient
hier. Il ne sert à rien de s’arc-bouter sur la conservation d’un héritage immuable, mais il convient
d’avancer en critiquant, si nécessaire, certaines
positions d’hier à la lumière des données contemporaines (cf. l’analyse de la notion de dialogue
tonico-émotionnel formulée par Corraze, 2009),
comme en son temps Ajuriaguerra critiquait, par
exemple, la typologie psychomotrice de Wallon.
Les théories des systèmes dynamiques et de
l’auto-organisation constituent un cadre explicatif novateur et pertinent dans les domaines du
développement psychomoteur et de ses troubles,
théories d’autant plus intéressantes qu’elles reposent sur la prise en compte de la complexité
avec la mise en relation des différentes sources
d’influence, dénommées contraintes, afin de
mettre à jour les mécanismes explicatifs de ceuxci. L’intérêt se porte alors sur la variabilité et/ou la
stabilité comportementales qui sont autant d’éléments à prendre en compte pour comprendre le
sujet porteur de troubles psychomoteurs et passer
du tableau d’ensemble au sujet singulier.
Références
Ajuriaguerra, J. de (1974). Manuel de psychiatrie de l’enfant (2e éd.). Paris : Masson.
Ajuriaguerra, J. de, & Bonvalot-Soubiran, G. (1959). Indications et techniques de rééducation psychomotrice en
psychiatrie infantile. La Psychiatrie de l’Enfant, 2, 423-494.
Ajuriaguerra, J. de, & Stambak, M. (1969). Developmental dyspraxia and psychomotor disorders. In P. J. Vinken
& G. W. Bruyn (Eds.), Handbook of clinical neurology, Vol. 4: Disorders of speech, and symbolic behavior (p. 443-464).
Amsterdam: North-Holland.
Albaret, J.-M. (2001). Les troubles psychomoteurs chez l’enfant. Encyclopédie Médico-Chirurgicale, Pédiatrie,
4-101-H-30, Psychiatrie, 37-201-F-10, Paris : Elsevier.
Albaret, J.-M., & Noack, N. (1994). Manuel de l’échelle de coordinations motrices de Charlop-Atwell. Paris : Éditions du Centre de Psychologie Appliquée.
Albaret, J.-M., Zanone, P.-G., & de Castelnau, P. (2000). Une approche dynamique du trouble d’acquisition de la
coordination. Approche Neuropsychologique des Apprentissages chez l’Enfant, 12, 59-60, 126-136
Auer-Martin, G. (2007). Le trouble graphomoteur au regard de l’inhibition dans son lien à l’agressivité inconsciente. Thérapie Psychomotrice et Recherches, 150, 62-67.
10
Développements / septembre 2013
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 25/11/2013 11h38. © De Boeck Supérieur
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 25/11/2013 11h38. © De Boeck Supérieur
que le réflexe peut encore être observé ; il en va de
même si l’enfant est maintenu au-dessus d’un tapis
roulant. La modification des contraintes appliquées
au patron de coordination que constitue le mouvement alternatif des membres inférieurs entraîne
ainsi des modifications du comportement observé
in fine. La question est donc de savoir comment les
différentes contraintes, quelle qu’en soit la nature
(par exemple affective, perceptive, musculaire ou
neurologique), favorisent la stabilité du développement de l’enfant et permettent les changements
observés au cours de celui-ci.
Le trouble psychomoteur est vu, dans ce contexte
théorique, comme le résultat, la « solution » s’imposant à un sujet donné compte tenu des contraintes
adverses qui déstabilisent la dynamique sous-jacente et appauvrissent ainsi son répertoire psychomoteur et l’adaptabilité de ce dernier (Albaret et al.,
2000). Les contraintes ne proviennent pas d’une
source unique mais trouvent leur origine dans l’ensemble sujet-tâche-environnement : chez le sujet,
dans ses caractéristiques psychologiques, neurologiques ou encore biomécaniques ; dans la nature
de la tâche proposée et son degré de complexité ;
dans le contexte singulier, physique et social, dans
lequel cette dernière se déroule. L’abord thérapeutique, forcément interdisciplinaire et holistique,
cherchera ensuite à opérer un changement dans le
poids respectif des différentes contraintes de façon
à favoriser l’émergence de « solutions » plus adéquates ou moins coûteuses pour le sujet. La nature
des thérapeutiques dépendra de l’identification des
sources de contraintes.
Ces éléments de réflexion, encore peu nombreux
mais qu’alimentent différentes lignes de recherche
(Wade, Johnson, & Mally, 2005), sont susceptibles
de fournir un moyen de dépasser des antagonismes
qui ne sont plus d’actualité et permettre une réelle
approche holistique des troubles psychomoteurs.
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 25/11/2013 11h38. © De Boeck Supérieur
Blank, R., Smits-Engelsman, B., Polatajko, H., & Wilson, P. (2012). European Academy for Childhood Disability
(EACD): Recommendations on the definition, diagnosis and intervention of developmental coordination
disorder (long version). Developmental Medicine & Child Neurology, 54, 54-93.
Cairney, J., Veldhuizen, S., & Szatmari, P. (2010). Motor coordination and emotional-behavioral problems in
children. Current Opinion in Psychiatry, 23, 324-329.
Calza, A., & Contant, M. (2001). Conflictualité spatiale et sexuelle du corps en psychomotricité. Thérapie Psychomotrice et Recherches, 128, 46-56.
Castelnau, P. de, Albaret, J.-M., Chaix, Y., & Zanone, P.-G. (2007). Developmental Coordination Disorder pertains to a deficit in perceptuo-motor synchronization independent of attentional capacities. Human Movement Science, 26, 477-490.
Clements, S. D., & Peters, J. E. (1962). Minimal Brain Dysfunctions in the school-age child: diagnosis and treatment. Archives of General Psychiatry, 6, 185-197.
Corraze, J. (1981). Les troubles psychomoteurs de l’enfant. Paris : Masson.
Corraze, J. (1999). Les troubles psychomoteurs. Marseille : Solal.
Corraze, J. (2009). Le dialogue tonico-émotionnel à la lumière des connaissances actuelles. In J. Corraze, La
psychomotricité : un itinéraire (p. 183-200). Marseille: Solal.
Corraze, J. (2010). Psychomotricité : histoire et validation d’un concept. In C. Matta Abizeid & J.-M. Albaret
(Eds.), Regards sur la psychomotricité libanaise (2000-2010) : de la théorie à l’examen psychomoteur. Beyrouth :
Université Saint-Joseph.
Dewey, D. (1991). Praxis and sequencing skills in children with sensorimotor dysfunction. Developmental Neuropsychology, 7(2), 197-206.
Dewey, D. (1993). Error analysis of limb and orofacial praxis in children with developmental motor deficits.
Brain and Cognition, 23, 203-221.
Emck, C., Bosscher, R., Beek, P., & Doreleijers, T. (2009). Gross motor performance and self-perceived motor
competence in children with emotional, behavioural, and pervasive developmental disorders: a review. Developmental Medicine & Child Neurology, 51, 501-517.
Foulder-Hughes, L. A., & Cooke, R. W. I. (2003). Motor, cognitive, and behavioural disorders in children born
very preterm. Developmental Medicine & Child Neurology, 45, 97-103.
Fox, A. M., & Polatajko, H. J. (1994). « The London Consensus » from children and clumsiness: An international
Consensus Meeting. London, Ontario, Canada, 11-14 October 1994.
Geuze, R. H. (2003). Static balance and developmental coordination disorder. Human Movement Science, 22, 527-548.
Gillberg, C. (2003). Deficits in attention, motor control, and perception: a brief review. Archives of Disease in
Childhood, 88(10), 904-910.
Goodman, R. (1997). The Strengths and Difficulties Questionnaire: A research note. Journal of Child Psychology,
Psychiatry, and Allied Disciplines, 38, 581-586.
Gubbay, S. S. (1975). The clumsy child: A study in developmental apraxic and agnosic ataxia. London: W. B. Saunders.
Hadders-Algra, M. (2002). Two distinct forms of minor neurological dysfunction: perspectives emerging from a
review of data of the Groningen Perinatal Project. Developmental Medicine & Child Neurology, 44, 561-571.
Hellgren, L., Gillberg, I. C., Bågenholm, A., & Gillberg, C. (1994). Children with deficits in attention, motor
control and perception (DAMP) almost grown up: psychiatric and personality disorders at age 16 years.
Journal of Child Psychology and Psychiatry, 35, 1255-1271.
Ho, A. K., & Wilmut, K. (2010). Speech and oro-motor function in children with Developmental Coordination
Disorder: A pilot study. Human Movement Science, 29(4), 605-614.
Hulme, C., Smart, A., & Moran, G. (1982). Visual perceptual deficits in clumsy children. Neuropsychologia, 20, 475-481.
Joly, F. (2010). TIC, TAC, TOC, TED et THADA : la fonction et le fonctionnement. Neuropsychiatrie de l’Enfance
et de l’Adolescence, 58, 379-390.
Kaplan, B. J., Wilson, B. N., Dewey, D., & Crawford, S. G. (1998). DCD may not be a discrete disorder. Human
Movement Science, 17, 471-490.
Kashiwagi, M., Iwaki, S., Narumi, Y., Tamai, H., & Suzuki, S. (2009). Parietal dysfunction in developmental
coordination disorder: a functional MRI study. NeuroReport, 20(15), 1319-1324.
Kelso, J. A. S. (1984). Phase transitions and critical behavior in human bimanual coordination. American Journal
of Physiology: Regulatory, Integrative and Comparative Physiology, 15, R1000-R1004.
Knuckey, N. W., Apsimon, T. T., & Gubbay, S. S. (1983). Computerized axial tomography in clumsy children
with developmental apraxia and agnosia. Brain & Development, 5, 14-19.
Laszlo, J. I., Bairstow, P. J., Bartrip, J., & Rolfe, V. T. (1988). Clumsiness or perceptuo-motor dysfunction? In A. Colley
& J. Beech (Eds.), Cognition and action in skilled behaviour (p. 293-316). Amsterdam: North-Holland.
Licari, M., Larkin, D., & Miyahara, M. (2006). The influence of developmental coordination disorder and attention deficits on associated movements in children. Human Movement Science, 25(1), 90-99.
Lichtenstein, P., Carlstrom, E., Rastam, M., Gillberg, C., & Anckarsater, H. (2010). The genetics of autism spectrum
disorders and related neuropsychiatric disorders in childhood. American Journal of Psychiatry, 167, 1357-1363.
Losse, A., Henderson, S. E., Elliman, D., Hall, D., Knight, E., & Jongmans, M. (1991). Clumsiness in childrenDo they grow out of it? A 10-year follow-up study. Developmental Medicine and Child Neurology, 33, 55-68.
Lundy-Ekman, L., Ivry, R., Keele, S., & Woollacott, M. (1991). Timing and force control deficits in clumsy children.
Cognitive Neuroscience, 3, 367-376.
Développements / septembre 2013
11
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 25/11/2013 11h38. © De Boeck Supérieur
Les troubles psychomoteurs aujourd’hui : entre Ajuriaguerra et la théorie des systèmes dynamiques
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 25/11/2013 11h38. © De Boeck Supérieur
Michel, S., Soppelsa, R., & Albaret, J.-M. (2010). Examen géronto-psychomoteur. Paris : Hogrefe.
Miyahara, M., & Piek, J. (2006). Self-esteem of children and adolescents with physical disabilities: quantitative
evidence from meta-analysis. Journal of Developmental and Physical Disabilities, 18(3), 219-234.
Newnham, C., & McKenzie, B. E. (1993). Crossmodal transfer of sequential visual and haptic shape information
by clumsy children. Perception, 22, 1061-1073.
Nicolson, R. I., & Fawcett, A. J. (2007). Procedural learning difficulties: reuniting the developmental disorders?
Trends in Neurosciences, 30(4), 135-141.
Pearsall-Jones, J. G., Piek, J. P., Martin, N. C., Rigoli, D., Levy, F., & Hay, D. A. (2008). A monozygotic twin design
to investigate etiological factors for DCD and ADHD. Journal of Pediatric Neurology, 6(3), 209-219.
Rodriguez, M. (2010). Les troubles psychomoteurs : plaidoyer pour une pensée complexe. In C. Potel (Ed.), Être
psychomotricien : un métier du présent, un métier d’avenir (p. 150-193). Toulouse : Érès.
Rogé, B. (1984). Manuel de l’échelle de développement moteur de Lincoln-Oseretsky. Paris : Éditions du Centre de
Psychologie Appliquée.
Rosenblum, S., & Livneh-Zirinski, M. (2008). Handwriting process and product characteristics of children diagnosed with developmental coordination disorder. Human Movement Science, 27, 200-214.
Schoemaker, M. M., van der Wees, M., Flapper, B., Verheij-Jansen, N., Scholten-Jaegers, S., & Geuze, R. H.
(2001). Perceptual skills of children with developmental coordination disorder. Human Movement Science,
20(1-2), 111-133.
Skinner, R. A., & Piek, J. P. (2001). Psychosocial implications of poor motor coordination in children and adolescents. Human Movement Science, 20(1-2), 73-94.
Soppelsa, R., & Albaret, J.-M. (2004). Manuel de la Batterie d’Évaluation des Mouvements chez l’Enfant – M-ABC.
Paris : Éditions du Centre de Psychologie Appliquée.
Soppelsa, R., Albaret, J.-M., & Corraze, J. (2009). Les comorbidités : théorie et prise de décision thérapeutique.
In Entretiens de Psychomotricité 2009 (p. 5-20). Paris : Les Entretiens Médicaux.
Stambak, M. (1960). Trois épreuves de syncinésies. In R. Zazzo (Ed.), Manuel pour l’examen psychologique de
l’enfant (fasc. 2). Neuchâtel : Delachaux et Niestlé.
Stambak, M. (1963). Tonus et psychomotricité dans la première enfance. Neuchâtel : Delachaux & Niestlé.
Stambak, M. (1965). Épreuves de niveau et de style moteur. In R. Zazzo (Ed.), Manuel pour l’examen psychologique de l’enfant (fasc. 2). Neuchâtel : Delachaux et Niestlé.
Sugden, D. A. (2006). Development Coordination Disorder as a specific learning difficulty. http://www.dcd-uk.org.
Thelen, E. (1995). Motor development: a new synthesis. American Psychologist, 50, 79-95.
Vaivre-Douret, L. (1999). Développement fonctionnel moteur de 0 à 48 mois. Paris : Éditions du Centre de Psychologie Appliquée.
Vaivre-Douret, L. (2006). Batterie d’évaluations des fonctions neuro-psychomotrices de l’enfant. Paris : Éditions du
Centre de Psychologie Appliquée.
Visser, J. (2005). Sous-types et comorbidités du Trouble de l’Acquisition de la Coordination (TAC), In
R.-H. Geuze (Ed.), Le Trouble de l’Acquisition de la Coordination : Évaluation et rééducation de la maladresse
chez l’enfant (p. 87-116). Marseille : Solal.
Wade, M. G., Johnson, D., & Mally, K. (2005). A dynamical systems perspective of Developmental Coordination
Disorder. In D. A. Sugden & M. E. Chambers (Eds.), Children with Developmental Coordination Disorder
(p. 72-92). London: Whurr Publishers.
Wallace, S. A. (1996). Dynamic pattern of rhythmic movement: an introduction. In H. N. Zelaznik (Ed.), Advances in motor learning and control (p. 155-194). Champaign, IL: Human Kinetics.
Wallon, H. (1925). L’enfant turbulent. Paris : Alcan.
Watson, L., & Knott, F. (2006). Self-esteem and coping in children with developmental coordination disorder.
British Journal of Occupational Therapy, 69, 450-456.
Williams, H., & Burke, J. (1995). Conditioned patellar tendon reflex function in children with and without
Developmental Coordination Disorder. Adapted Physical Activity Quarterly, 12, 250-261.
Williams, H. G., Woollacott, M. H., & Ivry, R. (1992). Timing and motor control in clumsy children. Journal of
Motor Behavior, 2, 165-172.
Wilson, P. H. (2004). Visuospatial, kinesthetic, visuomotor integration, and visuoconstructional disorders. In
D. Dewey & D. E. Tupper (Eds.), Developmental motor disorders: a neuropsychological perspective (p. 291-312).
New York: Guilford Press.
Wilson, P. H., & McKenzie, B. E. (1998). Information processing deficits associated with Developmental Coordination Disorder : A meta-analysis of research findings. Journal of Child Psychology and Psychiatry, 39, 829-840.
Zanone, P.-G. (1999). Une approche écologique-dynamique de la coordination. In J.-M. Albaret & R. Soppelsa
(Eds.), Précis de rééducation de la motricité manuelle (p. 29-54). Marseille : Solal.
Zanone, P. G., & Kelso, J. A. S. (1994). The coordination dynamics of learning: theoretical structure and experimental agenda. In S. P. Swinnen, H. Heuer, J. Massion & P. Casaer (Eds.), Interlimb coordination: neural,
dynamical and cognitive constraints (p. 461-490). San Diego, CA: Academic Press.
Zoia, S., Pelamatti, G., Cuttini, M., Casotto, V., & Scabar, A. (2002). Performance of gesture in children with
and without DCD: effects of sensory input modalities. Journal of Child Psychology and Psychiatry and allied
disciplines, 44(10), 699-705.
Zwicker, J. G., Missiuna, C., & Boyd, L. A. (2009). Neural correlates of Developmental Coordination Disorder:
A review of hypotheses. Journal of Child Neurology 24(10), 1273-1281.
12
Développements / septembre 2013
Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université de Toulouse 2 - - 193.55.175.57 - 25/11/2013 11h38. © De Boeck Supérieur
J.-M. Albaret
Téléchargement