Agrégation de sciences économiques et sociales / Préparations ENS 2004-2005 2
- Selon la taille de l’entreprise. La participation syndicale varie en fonction inverse de la taille de l’entreprise.
Par ailleurs, le taux de syndicalisation monte brusquement après un grand évènement comme une crise économique,
une nouvelle législation, une guerre… Reynaud remarque que le taux de syndicalisation est corrélé aux vagues de
conflits généralisés. Par exemple, en 1936, les grandes grèves avec occupations d’usines sont corrélées à un fort taux
de syndicalisation et à une série de dispositions législatives. Aux Etats-Unis, le grand cycle de grève de 1935 à 1937
et l’action du National Labor Relation Board sont aussi corrélés avec une hausse du taux de syndicalisation.
Par conséquent, peut-on identifier de véritables cycles de conflits ?
Reynaud répond par la négative et s’appuie sur l’exemple des années soixante, années de conflits ouverts, pour
réfuter le modèle suivant : de 1965 à 1968, la croissance et la redistribution auraient, dès 1968, engendré des
revendications. Ces revendications auraient été attisées par l’inflation jusqu’en 1974. Tandis que le retour au calme
de la fin des années 70 s’expliquerait par la conjoncture défavorable qui modifie les rapports de force entre salariat et
patronat.
En fait, selon Reynaud, les chocs pétroliers de 1973 et 1974 n’ont pas eu de répercussion sur les comportements et le
nombre de conflits est resté élevé. Pour l’auteur, il est vrai que le desserrement des contraintes économiques, pendant
les années soixante, a abouti à une volonté de relâchement des contrôles sociaux. Mais les résultats de l’élection de
1981 montrent que l’apaisement relatif de la fin des années 70 ne marque pas l’acceptation d’un modèle de société.
Par ailleurs, s’il y a eu une reconnaissance de l’action syndicale en France, le niveau même de la négociation est resté
largement local et on ne peut pas parler d’une véritable articulation générale des négociations et des revendications.
L’explication de la pacification des conflits par l’avènement d’un solide système organisationnel, est donc, pour
Reynaud, assez ambiguë.
3. La grève et le système de relations professionnelles
a) la grève et la négociation
Reynaud analyse le système de relations professionnelles pour construire les différents types de grève.
En Allemagne et aux Etats-Unis, la grève prend une valeur juridique :
La possibilité de conflits est exclue pendant la durée du contrat qu’une négociation a scellé. C’est ce que l’auteur
appelle l’obligation de paix sociale. D’où l’importance, dans ces pays, des stratégies de moyen terme, élaborées par
un syndicat dominant (suffisamment pour se doter d’une organisation capable de mener à bien ce type de stratégies).
Le conflit est ici extrêmement lié à la négociation d’un nouveau contrat, la grève ne joue alors que comme « arme
ultime » et elle est, de ce fait, souvent radicale et longue. La grève débute selon la décision interne du syndicat qui
exerce un fort contrôle sur ses membres (personne ne doit rompre le rang, en temps de paix comme en temps de
lutte). Reynaud oppose ce fonctionnement aux simples accords français qui peuvent être remis en cause à tout
moment (par les employés), impliquant des grèves plus décentralisées, plus locales et moins radicales…
Cependant, quelles que soient les règles de droit, la signature est conçue comme un armistice.
Dans les pays à « obligation de paix sociale », le champ du conflit est celui de la négociation, mais Reynaud ajoute un
second axe divisant les pays dans lesquels la négociation se fait au niveau de l’entreprise (Etats-Unis) et ceux dans
lesquels elle se fait au niveau de la branche (Allemagne). En général, c’est dans les pays à obligation de paix sociale
et où la négociation se fait au niveau de la branche que les oppositions et les conflits du travail sont les plus modérés.
Enfin, l’autorité syndicale, de droit comme de fait, peut être un axe pertinent pour catégoriser les grèves. Par
exemple, l’obligation de dépôt de préavis renforce le monopole syndical, de même si la grève est conditionnée par le
vote des salariés. Aux Etats-Unis, le syndicat majoritaire a automatiquement le monopole de la représentation et
l’employeur est contraint à la négociation (no contract no work). Inversement, le pluralisme correspond à une baisse
du pouvoir syndical, comme en France où les syndicats n’ont pas toujours l’initiative de la grève.
b) La régulation politique
Reynaud rappelle que système de régulation des conflits est loin d’être stable. En France, les débordements de 1968
ont ouvert la voie à une réforme du droit de grève. L’obligation de préavis, par exemple, est un élément nouveau,
comme la jurisprudence sur les dédommagements en cas de débordement (demande de dommages et intérêts aux
syndicats). Deux changements qui visent à introduire plus de centralisation et d’assise syndicale. La distribution des
responsabilités et la procédure de décision ont bien été modifiées. Le système de relations professionnelles peut donc
être régulé par le système politique.
D’ailleurs c’est bien l’intervention politique qui régla les crises de 1936 (les accords de Matignon furent signés par le
Président du Conseil) et de 1968 (les accords de Grenelle étaient présidés par le Premier Ministre). En fait, en France,
en cas de conflit généralisé, l’intervention politique est plus fréquente que celle d’un tiers (comme le juge, une
commission paritaire, le tribunal des prud’hommes..)