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© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 21 April 2017
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turquoises, c'est en bonne partie grâce aux herbiers de posidonies. Ces plantes à fleurs, qui
appartiennent au groupe des magnoliophytes marines, se sont installées dans le pourtour méditerranéen il y
a près de 8.000 ans lors de la dernière remontée d'eau dans l'énorme zone intercontinentale.
Cette qualité esthétique des herbiers (particulièrement l'espèce Posidona oceanica, abondante en
Méditerranée) n'est cependant pas celle qui intéresse au premier plan les scientifiques, mais bien plutôt
ses particularités morphologiques. En effet, comme toutes les plantes, les herbiers de posidonies présentent
une importante surface disponible pour la photosynthèse et les échanges nutritifs: les feuilles sont aplaties
et linéaires (60 centimètres de longueur pour 1 centimètre de largeur) et elles croissent densément à partir
d'un rhizome rampant dont les racines sont ancrées dans le sédiment marin. Grâce à cette configuration
particulière, on peut compter jusqu'à 3.000 feuilles de posidonies par mètre-carré! Posidonica oceanica
ne couvre certes qu'1 à 2% des fonds de la Méditerranée mais, avec de telles caractéristiques, on
comprend aisément qu'elle joue un rôle fondamental dans les cycles de l'oxygène, du carbone,
de l'azote, du phosphore... et cela bien au-delà de la frange littorale qu'elle colonise (de 0 à 45
m de profondeur).
La particularité de la Station de Recherches Sous-marines et Océanographiques (STARESO) de
l'Université de Liège, située dans la Baie de Calvi en Haute-Corse, est qu'elle dispose depuis
près de trente ans d'une banque de données particulièrement étoffée sur les posidonies. Du fait
qu'elle est capable d'accumuler les polluants dissous dans l'eau de mer et piégés
par les sédiments, cette plante est traditionnellement considérée comme un excellent bioindicateur de
l'état de l'environnement marin. En tant qu'organisme sessile photosynthétique, elle est
notamment capable d'accumuler les éléments traces: tant les polluants les plus connus (les métaux
traces "classiques" comme le plomb, le cadmium, le mercure...) que les métaux dits "rares" et moins
connus (antimoine, vanadium, bismuth...). Cette qualité de "témoin", voire de "mémoire" de la qualité de
l'écosystème, la posidonie la partage avec d'autres organismes vivants, parfois très différents.
C'est le cas des moules et, particulièrement, de Mytilus galloprovincialis, la moule de Méditerranée.
Comme toutes les moules, Mytilus galloprovincialis se nourrit des particules en suspension qui l'environnent
et, à ce titre, fournit de précieuses indications sur la présence éventuelle d'une pollution.
Ces deux bioindicateurs présentent en outre l'intérêt d'être complémentaires: la moule,
maintenue artificiellement dans des poches en pleine eau, reflète essentiellement la qualité de la colonne
d'eau ; la posidonie traduit, elle, la qualité du fond marin et fournit une information précieuse sur
l'accumulation année après année des polluants dans les sédiments côtiers. La première donne donc un signal
général sur l'état actuel d'une zone de grande taille, la seconde procure un signal beaucoup plus
fin et tenant compte de variations spatiales (et intégrées dans le temps) plus légères de la pollution. Mais si
l'identification de bons bioindicateurs est une chose, leur utilisation à bon escient en est une autre! Il y
a quelques années, Jonathan Richir, à l'époque doctorant au Laboratoire d'Océanologie de
l'Université de Liège, avait déjà démontré que la présence de zinc dans l'oursin violet (Paracentrotus
lividus, un autre bioindicateur) ne devait pas nécessairement être considérée comme un indice de pollution.
En effet, en période de reproduction, l'oursin femelle concentre cet élément essentiel en vue de la
libération prochaine de ses gamètes. Ignorer ce genre de réalités - le sexe des oursins récoltés lors des
campagnes d'échantillonnage saisonnières, par exemple - expose les scientifiques à de sérieux biais
dans l'interprétation des données.