Physiologie cardio-respiratoire pendant le sommeil

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Chapitre 2
Physiologie cardio-respiratoire
pendant le sommeil
Dr. Franck SOYEZ
Hôpital Privé d’Antony
1 Rue Velpeau, 92160 Antony - France
[email protected]
Introduction
Longtemps cantonnée à des mesures réalisées au repos, la physiologie en général, la
physiologie cardio-respiratoire en particulier, a vu son champ d’investigation s’élargir
aux domaines de l’effort d’une part, à celle d’un repos bien particulier, le sommeil,
d’autre part. S’intéresser aux pathologies respiratoires du sommeil nécessite de
connaitre, ne serait ce que sommairement, les principaux phénomènes adaptatifs et de
contrôle de la ventilation et de la circulation, pour des raisons d’aide au diagnostic et
de compréhension des mécanismes physiopathologiques.
Sommeil et ventilation
Préambule
On se souvient que l’inspiration est un phénomène actif, secondaire à la contraction du
diaphragme, l’expiration quant à elle étant un processus passif par décontraction de ce
même muscle. La contraction du diaphragme permet une augmentation du volume
thoraco-pulmonaire qui entraine une pression négative dans les voies aériennes
permettant de fait un « appel d’air ». Les intercostaux quant à eux servent
essentiellement à stabiliser la cage thoracique.
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Rappel : les contrôles de la ventilation
Le contrôle métabolique de la ventilation
Que nous soyons éveillés, au repos et à l’effort, ou durant le sommeil pH, PaCO2,
PaO2 sont analysés en permanence : ces signaux permettent en effet l’homéostasie
métabolique de l’organisme. Pour se faire, pH et PaCO2 ont des récepteurs cérébraux
centraux (bulbo-pontiques). Les récepteurs de la PaO2 sont périphériques carotidiens.
L’intégration des informations venant de ces chémorécepteurs (mais aussi de mécanorécepteurs thoraciques) a lieu au niveau bulbo-protubérantiel, dans les centres de la
commande respiratoire, centres qui activent ou non les muscles inspiratoires. Un de
ces centres, (le groupe bulbaire ventral) est formé de neurones dotés d’une activité
automatique rythmique à l’origine d’un rythme respiratoire minimal.
Le contrôle cortical de la ventilation
Outre ce contrôle ventilatoire métabolique, il existe à l’état de veille une régulation
corticale. Elle peut être volontaire permettant de contrôler transitoirement la ventilation
ou adaptative, fonction des activités de la vie courante comme le rire, la phonation, la
préparation à l’effort.
Durant le sommeil
Tous les éléments de contrôles corticaux sont par définition désactivés. Seules, les
boucles de rétrocontrôles métaboliques sont efficients : pH, PaCO2, PaO2.
La PaCO2 est le signal le plus sensible. L’effet du sommeil sur le contrôle de la
ventilation dépend du stade de sommeil. Mais globalement, on peut retenir que dans
tous les stades la ventilation apparait diminuée. Schématiquement trois phases très
différentes peuvent être individualisées : l’endormissement, le sommeil lent profond
(SLP), le sommeil paradoxal (SP).
Lors de la phase d’endormissement (sommeil de stades 1 et 2)
Cette phase de transition est caractérisée par l’existence d’une ventilation instable,
périodique, du fait d’une alternance de phases d’éveil responsables d’une
hyperventilation, et de phases de sommeil lent responsables d’une hypoventilation. On
y observe d’ apnées centrales en règle courtes, pouvant ou non prendre une rythmicité
de type « Cheynes-Stokes » si la reprise ventilatoire est progressivement croissante ce
qui n’est pas constant.
Le sommeil lent profond (stades 3 et 4)
La ventilation est alors exclusivement dépendante d’une régulation métabolique. La
respiration devient régulière et l’équilibre homéostatique est acquis : la PaCO2 s’élève
de 3 à 8 mm Hg et la PaO2 baisse de 5 à 10 mm Hg par rapport aux valeurs de l’éveil:
la SaO2 baisse de 2%. Cette hypoventilation observée durant ce stade de sommeil,
est en relation avec une baisse de la réponse ventilatoire à l’hypercapnie de 50%
environ. La ventilation baisse alors de 10% avec un volume courant qui augmente
discrètement ou se maintient, mais une fréquence respiratoire plus lente. A noter
également une baisse de la capacité résiduelle fonctionnelle/CRF (dès le stade 2 en
fait) venant aggraver les inégalités ventilation-perfusion et qui a donc tendance à
aggraver l’hypoxémie.
Le sommeil paradoxal
Caractérisé par une activité EEG intense, il est associé à une atonie musculaire striée
majeure. Celle ci est responsable d’une augmentation de la résistance des VAS et
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d’une abolition des l’activité des muscles respiratoires thoraciques. C’est également
lors de ce stade que la réponse à l’hypoxie et à l’hypercapnie est la plus diminuée. La
respiration devient irrégulière: on observe une baisse ou une augmentation de la
ventilation par baisse ou augmentation du volume courant et de la fréquence
respiratoire. L’atonie des muscles intercostaux associée à une activité diaphragmatique
soutenue peut aboutir à un déphasage thoraco-abdominal qui est donc là
physiologique.
Les voies aériennes supérieures (VAS) durant le sommeil
Rappel physiologique
Les voies aériennes supérieures (du nez au larynx) participent pour 50% à la résistance
des voies aériennes dans leur ensemble. La dépression engendrée par la contraction
diaphragmatique favorise le collapsus du pharynx qui est un conduit musculomembraneux souple. Pour éviter cette fermeture, il est soumis en permanence à l’action
des muscles dilatateurs du pharynx. Ceux-ci le maintiennent ouvert par une activité
musculaire tonique permanente. Rappelons que cette action tonique peut être diminuée
sous l’effet de certaines drogues (benzodiazépines, barbituriques) et aussi de l’alcool.
A cette activité tonique vient s’ajouter une activité phasique qui précède l’activité des
muscles respiratoires et notamment diaphragmatique. Cette activité phasique
inspiratoire permet de lutter contre l’apparition d’une pression négative pharyngée
majorée lors de l’inspiration.
Durant le sommeil
Schématiquement durant le sommeil l’ensemble des activités tonique et phasique des
muscles dilatateurs du pharynx diminue, entrainant au minimum une augmentation de
la résistance des VAS. Le collapsus quant à lui sera d’autant plus facile que le diamètre
à l’éveil de ces voies aériennes est réduit, que les conditions mécaniques de l’effort
musculaire ne sont pas optimales (ouverture buccale durant le sommeil par exemple),
que la collapsibilité des tissus est majorée (infiltrations graisseuse ou inflammatoire de
la paroi) ou encore qu’il règne une pression négative pharyngée importante (effet
succion lors d’une obstruction nasale par exemple). A noter que durant le sommeil, le
décubitus dorsal vient aggraver le phénomène en favorisant la chute en arrière de la
base de langue. Ceci entraine une diminution de la lumière de la filière oropharyngée. Il
en est de même lors de la flexion du cou.
Ventilation : les réponses d’éveil
Oxygène et gaz carbonique
L’hypoxie isocapnique est un faible stimulus d’éveil que ce soit en SLP ou en SP : les
patients peuvent rester endormis pour des saturations de 70%... L’hypercapnie par
contre provoque l’éveil quand elle est supérieure de 15 mm Hg à la valeur de l’éveil.
Une hypoxie associée augmente la sensibilité de l’éveil au CO2.
Les mécanorécepteurs
L’addition d’une résistance lors de l’inspiration ou d’une occlusion inspiratoire favorise
elles aussi l’éveil. La sensibilité de ce stimulus (médiée probablement par le niveau de
pression intra pleurale) est plus nette en SP avec une plus grande fréquence et rapidité
d’éveil
par rapport à celles observée en SLP. Ceci explique le syndrome
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d’augmentation des résistances des voies aériennes supérieures au cours duquel il
n’est pas observé d’anomalie en termes de PaCO2 ou de PaO2.
En bref
Schématiquement la ventilation est diminuée dans tous les stades du sommeil, et ce
d’autant plus que le sommeil est profond. Régulière dans le sommeil de stades 3 et 4,
elle devient anarchique durant le sommeil paradoxal, sommeil durant lequel la réponse
aux stimuli respiratoires est la plus faible.
Système cardio-vasculaire et sommeil
Les modifications hémodynamiques dépendent là encore du stade de sommeil :
sommeil paradoxal ou non et profondeur du sommeil.
Hors sommeil paradoxal.
L’activité sympathique baisse au fur et à mesure de la profondeur du sommeil avec
pour conséquence une baisse de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle
(baisse du tonus chronotrope positif, du tonus vasomoteur et probablement des
résistances périphériques). Tout ceci est en harmonie avec les besoins de récupération
du système cardiovasculaire comme en témoigne la baisse du débit cardiaque de 10 à
15% et
de la VO2 max de 5 à 25%. L’activité parasympathique augmente
progressivement au cours du SLP, participant à la baisse de la fréquence cardiaque. Il
est observé par moment des pics d’activité vagale à l’origine de bradycardie,
d’arythmies sinusales voire de pauses cardiaques par blocs auriculo-ventriculaires.
Lors du sommeil paradoxal
C’est une fois de plus une période de grande labilité. Sur le plan hémodynamique, il
existe des variations très rapides de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle
associées à un niveau d’activité sympathique supérieur à celui observé lors de la veille,
et à une baisse du tonus para sympathique. Il en résulte une augmentation du débit
cardiaque et de l’ensemble des contraintes cardiovasculaires (augmentation de la
pression artérielle entre autres). Il s’agit donc d’une période à risque comme l’incidence
des infarctus du myocarde et des accidents vasculaires cérébraux dans les premières
heures de la matinée semble le démontrer.
Conclusion
Nous avons vu dans ce chapitre les principales interactions réciproques sommeilsystèmes cardio-ventilatoire. Deux stades de sommeil s’opposent franchement : le
sommeil paradoxal, labile et énergique, le sommeil profond, durant lequel les grands
systèmes physiologiques de l’organisme se mettent au repos. On a vu aussi que les
états physiologiques de transition veille-sommeil sont eux aussi instables, riches en
évènements respiratoires de tous ordres. Enfin beaucoup reste à découvrir notamment
sur les modifications hémodynamiques induites par le sommeil et leur rôle quant aux
modifications de l’agrégabilité plaquettaire. Ce sera donc pour la prochaine édition de
ce livre.
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