les substitutions de médicaments dans les régimes d

Par Suzanne Lepage
*
DRUG PLAN
SUBSTITUTIONS
DRUG PLAN
SUBSTITUTIONS
SPECIAL
HANDLING
REQUIRED
À MANIPULER
AVEC
PRÉCAUTION
L’augmentation des coûts des régimes dassurance médicaments
sest nivelée ces dernières années du fait du grand nombre de
médicaments à fort volume qui sont devenus accessibles sous
forme générique et des réformes provinciales qui ont fait baisser les prix
des médicaments génériques. Dans le même temps, certaines compagnies
d’assurance ont automatiquement appliqué une politique de substitution
obligatoire par un générique à la plupart de leurs régimes dassurance
médicaments (tout en donnant un droit de retrait aux promoteurs
derégime).
Or, si la substitution par un générique peut aider à maîtriser le coût des
régimes dassurance médicaments, elle ne se traduit pas toujours par une
équivalence thérapeutique chez tous les patients, et elle risque dentraîner
une baisse decacité et/ou des problèmes d’innocuité.
HOMOLOGATION DES GÉNÉRIQUES :
COMMENT ÇA MARCHE
Pour obtenir lhomologation de Santé Canada, les médicaments de marque
déposée doivent avoir fait lobjet d’essais cliniques approfondis démontrant
leur innocuité et leur ecacité, alors que les médicaments génériques
«doivent seulement faire la preuve de leur bioéquivalence avec le produit
demarque », explique George Dranitsaris, un expert-conseil indépendant en
économie de la santé et en biostatistique de Toronto.
Quand un médicament de marque perd la protection de son brevet,
les fabricants de médicaments génériques peuvent faire une demande
d’homologation abrégée à Santé Canada. S’il est démontré que le
médicament générique est bioéquivalent au médicament de marque, son
innocuité et son ecacité sont considérées comme étant identiques à celles
du médicament d’origine.
On détermine la bioéquivalence en comparant la biodisponibilité, qui
mesure la quantité de l’ingrédient actif du médicament qui se retrouve
dans la circulation sanguine et la vitesse à laquelle cela se produit. San
Canada homologue un médicament générique quand il a été conrmé
que sa biodisponibilité se situe dans une plage acceptable par rapport au
médicament d’origine.
L’habilitation des pharmaciens à remplacer un médicament de marque
par un générique sans consulter le médecin traitant est régie par les
organismes de réglementation provinciaux, et fondée sur la déclaration
debioéquivalence délivrée par Santé Canada.
Les médicaments génériques peuvent donner les mêmes résultats
cliniques que les médicaments de marque; cependant, dans certains cas,
PHOTO, BIGSTOCK
REPORTAGE SUR UN CONGRÈS COMMANDITÉ
LES SUBSTITUTIONS DE
MÉDICAMENTS DANS LES RÉGIMES
DASSURANCE MÉDICAMENTS
«»
les patients nobtiennent pas les mêmes eets thérapeutiques.
Si les patients ne reçoivent pas le traitement optimal qui leur
convient le mieux, leurs activités quotidiennes peuvent en être
aectées, y compris la promptitude de leur retour au travail et leur
fonctionnement autravail.
Les promoteurs de régime ne doivent pas perdre de vue ce qui
est bon pour leur régime et pour les participants. En mettant en
œuvre des stratégies visant à limiter les coûts, ils devraient sassurer
que leurs politiques de substitution obligatoire par un générique
prévoient une clause assurant le maintien d’un traitement
approprié quand la substitution automatique est exigée.
Certains médicaments génériques sont susceptibles de ne pas
être aussi ecaces que les médicaments de marque dans certains
cas de substitution – il en a été question lors du Drug Substitutions
Forum qui sest tenu à Toronto en février dernier. Nous en faisons
un bref compte rendu dans cet article.
INQUIÉTUDES AU SUJET
DE LA SUBSTITUTION DE CONCERTA
Le Dr Kenny Handelman, psychiatre à l’hôpital Oakville-Trafalgar
Memorial d’Oakville, en Ontario, met en garde contre la
substitution par un générique du médicament Concerta – qui
est très utilisé dans le traitement du TDAH –, car celle-ci peut
entraîner des complications thérapeutiques et des changements
dans les résultats cliniques du patient. Selon le Dr Handelman,
« cela est peut-être dû au fait que les mesures de bioéquivalence
canadiennes actuelles ne garantissent pas nécessairement
l’équivalence thérapeutique dans les cas de systèmes de délivrance
plus complexes, comme celui de Concerta ».
L’ingrédient actif des médicaments Concerta et Ritalin – qui
est un autre médicament très utilisé dans le traitement du TDAH
– est le méthylphénidate. Le Ritalin est un médicament à courte
durée daction (son eet dure environ quatre heures), tandis
que le Concerta se présente sous la forme dun comprimé de
méthylphénidate à libération modiée (MR-MPH). Il comporte un
système de délivrance oral qui utilise la pression osmotique pour
assurer la libération immédiate du méthylphénidate, puis délivre le
médicament tout au long de la journée sur un total de 12 heures.
« Le Cmax et la SSC du méthylphénidate générique entrent
dans les limites correspondant aux exigences de bioéquivalence
par rapport à Concerta, mais le Tmax de ces deux médicaments
est très diérent et Santé Canada ne considère pas cela comme
un aspect important de la mesure de la bioéquivalence », dit le
DrHandelman.
Aux États-Unis, un comité consultatif de la FDA a recommandé
d’introduire des paramètres de bioéquivalence supplémentaires
pour les préparations génériques de MR-MPH an de sassurer
de l’équivalence thérapeutique et de l’interchangeabilité de ces
médicaments. En conséquence, aucune préparation générique de
MR-MPH na encore été homologuée par la FDA.
Dans son exposé, le Dr Handelman a fait état de deux récentes
études canadiennes qui ont examiné l’eet de la substitution de
Concerta par un générique. Ces études ont montré l’existence
d’importantes diérences cliniques et statistiques dans les
constatations rapportées par des patients qui prenaient les
médicaments génériques et par leur médecin. Dans quelques
cas, les patients ont abandonné le traitement ou on a dû modier
leurordonnance.
LE PASSAGE D’UN GÉNÉRIQUE
À UN AUTRE PEUT POSER DES PROBLÈMES
POUR LES PERSONNES AYANT REÇU
UNE GREFFE D’ORGANE
Les médicaments immunosuppresseurs sont indispensables
pour prévenir le rejet d’un greon. Sans ces médicaments,
l’organisme réagit contre un organe transplanté qu’il considère
comme un corps étranger et le système immunitaire lattaque
ou le rejette. L’innovation constante dans le domaine des
médicaments antirejet sest traduite par une baisse du taux de
rejets et une augmentation du taux de survie des patients. Dans
la transplantation dorganes, lobjectif de l’immunosuppression est
d’équilibrer le traitement an d’éviter les rejets sans risquer que
le patient devienne immunodéprimé au point de voir apparaître
des infections, des cancers, une maladie cardiaque, le diabète
oudautrescomplications.
« Alors que, pour beaucoup dautres maladies, on dispose de
tests cliniques permettant de surveiller l’évolution de létat de santé
des patients, il nexiste pas de tests pour nous dire à quel point
un patient transplanté est immunodéprimé », explique Jennifer
Harrison, chef de l’équipe de pharmacie clinique au University
Health Network du Toronto General Hospital. Par contre, nous
sommes capables de surveiller la concentration de médicament
dans le sang pour déterminer la posologie appropriée à chaque
cas. Mais la façon dont l’organisme réagit au médicament est très
variable dun patient à un autre. Par conséquent, la surveillance
de la concentration sanguine et la surveillance clinique sont
essentielles quand on change de médicament. »
REPORTAGE PHOTO, JOHNNY LAM
George Dranitsaris,
Augmentium Pharma Consulting
Jennifer Harrison,
Toronto General Hospital
Dr. Kenny Handelman,
Hôpital Oakville-Trafalgar Memorial
John Holland,
Amgen Canada
2
[L]es mesures de bioéquivalence canadiennes
actuelles ne garantissent pas nécessairement
l’équivalence thérapeutique dans les cas de
systèmes de délivrance plus complexes....
– DR KENNY HANDELMAN
HÔPITAL OAKVILLE-TRAFALGAR MEMORIAL
REPORTAGE SUR UN CONGRÈS COMMANDITÉ
«
»
La relation entre la concentration sanguine et les résultats
cliniques est bien documentée pour les médicaments
immunosuppresseurs de marque, et elle constitue la base de
leur posologie. Mais on ne dispose de cette information pour
aucun des génériques. C’est pourquoi « les professionnels de
la santé spécialisés en transplantation dorganes s’inquiètent
des substitutions non contrôlées entre de multiples génériques
interchangeables », dit Mme Harrison.
Les pharmaciens peuvent substituer des génériques
interchangeables sans consulter les médecins – et ils changent
souvent de fournisseurs de génériques en fonction de facteurs
comme le prix ou la disponibilité des médicaments. De ce fait,
il peut arriver que des médicaments génériques diérents soient
remis au patient d’un renouvellement d’ordonnance à l’autre.
Alors que Santé Canada exige que tous les génériques fassent la
preuve de leur bioéquivalence avec les médicaments de marque, la
bioéquivalence entre les génériques nest pas exigée. Cela signie
quun patient ayant reçu au départ un médicament générique
dont la biodisponibilité était supérieure à celle du médicament
de marque pourrait se retrouver avec un générique présentant
une biodisponibilité plus faible. Ainsi, quand ces changements
de générique se produisent, le patient pourrait être exposé à
une importante variabilité du médicament antirejet. « Cela
peut entraîner un déséquilibre entre l’ecacité et la toxicité qui
risque d’être nocif pour la santé du patient, dit Mme Harrison.
Les professionnels de la transplantation dorganes considèrent
unanimement que, chez un patient ayant reçu une gree, la
surveillance de la concentration sanguine et la surveillance clinique
sont essentielles en cas de changement de médicament antirejet. Si
le prescripteur ne sait pas que des substitutions de génériques se
produisent au niveau de la pharmacie communautaire, cela pose
donc un gros problème. »
LES BIOSIMILAIRES ET LES MÉDICAMENTS
BIOLOGIQUES DE MARQUE PEUVENT DEVENIR
DISSEMBLABLES AU FIL DU TEMPS
Les médicaments biologiques proviennent de cellules vivantes
et leur processus de fabrication est complexe. Le moindre
changement dans ce processus peut modier le produit nal, sa
réaction dans lorganisme humain et son eet sur les patients. Le
processus d’homologation de Santé Canada pour les médicaments
biologiques dière de celui des médicaments traditionnels dans
la mesure où une information plus détaillée sur la composition
chimique et la méthode de fabrication des produits biologiques
estexigée.
Quand le brevet d’un médicament biologique arrive à échéance,
un fabricant de biosimilaires peut étudier le brevet et voir quels
sont les ingrédients utilisés, un peu comme dans une recette de
MOTS-CLÉS :
La biodisponibilité est la mesure de la proportion
d’une substance thérapeutiquement active qui
atteint la circulation sanguine et se retrouve donc
à l’endroit où le médicament est censé exercer son
action. Elle est mesurée à l’aide de plusieurs facteurs
pharmacodynamiques.
La pharmacocinétique est le processus par lequel
un médicament est absorbé, distribué, métabolisé et
excrété par l’organisme.
Le Cmax est le pic de concentration atteint par une
dose de médicament.
Le Tmax est le temps que met un médicament
à atteindre son pic de concentration à la suite
de son administration.
La SSC (surface sous la courbe) fait référence à la
surface située sous la courbe illustrant l’évolution de la
concentration sanguine d’un médicament dans le temps.
Pour déterminer la bioéquivalence, le rapport entre la
SSC du médicament d’origine et celle du générique
devrait se situer entre les limites de 80 % à 125 %.
N. B. : Santé Canada a désigné plusieurs médicaments comme étant
des « médicaments à dose critique ». Ces agents sont associés à une
fenêtre d’innocuité et d’efficacité plus étroite. Parmi ces médicaments
figurent : le tracomilus pour les transplantations; la cyclosporine, un
immunodépresseur; la digoxine, pour traiter les maladies cardiaques;
le lithium, pour le traitement du trouble bipolaire; la phénytoïne, un
antiépileptique; la théophylline, pour le traitement de l’asthme; et la
warfarine, un anticoagulant. Les normes canadiennes de bioéquivalence
pour les médicaments à dose critique exigent que le rapport entre la SSC
du médicament d’origine et celle du générique soit compris entre des
limites plus restreintes, soit entre 90 % et 112 %.
Source de la figure :
www.bpac.org.nz/magazine/2009/generics/docs/bpjse_generics_bio_pages_4-8.pdf
10
8
6
4
2
0
04 8 12 16 20
Temps (en heures)
Concentration (mg/L)
8
C max B
Tmax A
Tmax B
SSC
Médicament innovateur
Générique
C max A
Légende :
FIGURE 1 :
Simulation d’une courbe illustrant l’évolution
de la concentration du médicament dans le
temps pour deux médicaments
Les professionnels de la transplantation d’organes
considèrent unanimement que, chez un patient ayant
reçu une greffe, la surveillance de la concentration
sanguine et la surveillance clinique sont essentielles
en cas de changement de médicament antirejet. Si
le prescripteur ne sait pas que des substitutions de
génériques se produisent au niveau de la pharmacie
communautaire, cela pose donc un gros problème.
– JENNIFER HARRISON, UNIVERSITY HEALTH NETWORK
DU TORONTO GENERAL HOSPITAL
3
REPORTAGE SUR UN CONGRÈS COMMANDITÉ
»
«
cuisine. Mais la façon dont les ingrédients sont combinés reste la
propriété exclusive de la compagnie innovatrice. Les fabricants
de biosimilaires vont donc essayer de décortiquer le processus
d’assemblage des ingrédients d’un médicament biologique pour
mettre au point le médicament biosimilaire.
Les médicaments biologiques de marque doivent soumettre
des données dessais cliniques pour chaque nouvelle indication.
Bien que les produits biosimilaires puissent faire une demande
pour toutes les indications qui ont été accordées au médicament
biologique de marque, Santé Canada stipule que l’homologation
dénitive est accordée au cas par cas et que l’extrapolation
automatique des données cliniques nest pas envisagée. « On peut
en principe faire homologuer des médicaments biosimilaires
pour une, plusieurs ou toutes les indications d’un médicament
biologique de référence sur la base des données cliniques d’une
seule indication, dit John Holland, directeur des relations
gouvernementales chez Amgen Canada. Ce qu’il reste à voir,
c’est comment cet ensemble restreint de données de référence
sera appliqué dans le contexte clinique quand les médecins et les
patients évalueront l’utilisation du biosimilaire. »
Bien que les biosimilaires et les médicaments biologiques de
marque soient assez similaires au moment de l’homologation, ils
ne sont pas identiques et Santé Canada ne continue pas à surveiller
Pour en savoir plus à ce sujet, veuillez consulter le site www.conseiller.ca/avantages/SubstitutionsMédicaments
la similarité des deux médicaments par la suite. Ainsi, quand les
fabricants de médicaments biologiques de marque ou les fabricants
de produits biosimilaires modient leur processus de fabrication,
les produits « dérivent » l’un de l’autre et, avec le temps, peuvent
devenir très diérents sur le plan des eets cliniques, de l’innocuité
et del’ecacité.
Du fait de ce risque de dérive des produits, Santé Canada
recommande que les autorités provinciales ne permettent pas aux
pharmaciens de substituer automatiquement des biosimilaires
àdesmédicaments biologiques.
« Nous nous attendons à ce que les provinces suivent cette
recommandation et, par conséquent, les pharmaciens ne pourront
vraisemblablement pas décider de substituer ces médicaments sans
l’accord du médecin traitant », dit M.Holland.
Pour plus d’information sur les médicaments génériques etla
bioéquivalence, consultez le site
http://www.cadth.ca/fr/resources/generics
– Suzanne Lepage est consultante en stratégies de régimes
desoins de santé à Kitchener, en Ontario.
suzanne@suzannelepage.ca
MERCI AUX COMMANDITAIRES DU CONGRÈS
On peut en principe faire homologuer des médicaments biosimilaires pour une, plusieurs ou toutes
les indications d’un médicament biologique de référence sur la base des données cliniques d’une seule
indication. Ce qu’il reste à voir, cest comment cet ensemble restreint de données de références sera appliqué
dans le contexte clinique quand les médecins et les patients évalueront l’utilisation du biosimilaire.
– JOHN HOLLAND, AMGEN CANADA
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REPORTAGE SUR UN CONGRÈS COMMANDITÉ
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