
d’espoir exagérés et de mouvements spéculatifs sur le marché boursier, les entrepreneurs se 
mettent à douter : 
 « Puisque les marchés financiers organisés sont soumis à l’influence d’acheteurs qui ignorent 
pour la plupart ce qu’ils achètent et de spéculateurs qui s’intéressent plus à la prévision du prochain 
changement de l’opinion boursière qu’à l’estimation rationnelle des rendements futurs des capitaux, il 
est normal, lorsqu’une déception frappe un marché surévalué et trop optimiste, que les cours baissent 
d’un mouvement soudain et même catastrophique ». 
  Cette  citation  rencontre  pleinement  une  possibilité  exprimée  au  chapitre  précédent, 
l’idée  selon  laquelle  la  séquence  passée  des  prévisions,  ici  exagérément  optimistes,  se 
retourne  pratiquement  sans  autre  raison  que  d’avoir  trop  duré  ou  à  la  merci  d’une  simple 
déception.  L’analyse  de  Keynes  est  donc  d’emblée  tournée  vers  la  prise  en  compte  des 
anticipations. 
 Les  anticipations  portant  sur  la  profitabilité  de  l’investissement  sont  hautement 
volatiles. Les observations du passé ne sont pas d’un grand secours pour prévoir la suite. Le 
monde  de  Keynes  est  un  monde  d’incertitude  radicale.  C’est  la  raison  pour  laquelle  on 
cherche  plutôt  à  prédire  les  mouvements  du  marché  boursier,  eux-mêmes  soumis  à  des 
facteurs irrationnels. En conséquence, en cas de baisse des  profits, la baisse des cours  peut 
être beaucoup plus brutale. Dès lors, les investisseurs se détournent encore plus des nouveaux 
projets car s’ils réunissent des moyens, ils peuvent préférer acquérir les actifs existants dont la 
valeur boursière a baissé plutôt qu’investir. 
  Le mouvement de récession peut être relayé et amplifié par la hausse de la préférence 
pour la liquidité causée par l’incertitude face à l’avenir, le découragement et la baisse du taux 
d’intérêt qui en résulte. Keynes insiste bien pourtant sur le fait que le phénomène premier est 
la baisse de l’efficacité marginale du capital car la préférence pour la liquidité ne commence à 
augmenter que lorsque l’efficacité marginale du capital s’est effondrée. C’est pourquoi, nous 
dit Keynes : « il est difficile d’enrayer la baisse » (John Maynard Keynes 1936, page 329). 
 Certains  commentateurs  ont  soutenu  [voir  Alan  Coddington  (1982)]   que  dans  
l’analyse de Keynes, ce n’est pas l’incertitude en elle-même qui est essentielle mais plutôt la 
manière  dont  les  individus  sont  censés  y  faire  face.  De  fait,  imaginons  que  les  décisions 
d’investissement  étant  entourées  d’une  grande  incertitude,  les  producteurs  réagissent  en 
prenant autant que possible les mêmes décisions que par le passé et ceci parce que le résultat 
de    leurs  actions  passées  sont  les  seules  choses  connues  d’eux.  Il  n’en  résulterait  pas  des