Les insomnies et comorbidités psychiatriques. DIU Veille – Sommeil 13 décembre 2007 Dr. Isabelle Poirot, Lille Les insomnies de l’adulte Insomnie secondaire à une pathologie psychiatrique. Concomitant de la pathologie psychiatrique. Syndromes dépressifs, dysthymie, troubles bipolaires de l’humeur, cyclothymie, anxiété, troubles somatoformes Troubles de l’endormissement (anxiété), éveils de fin de nuit ou éveils précoces (dépression ou sujets âgés) Diagnostic le plus fréquent (surtout avec l’âge) Amélioration rapide sous traitement adapté. Peut parfois persister : processus d’apprentissage +++ Penser à un autre diagnostic d’insomnie associé. PSG : augmentation des stades I et II de sommeil, diminution de la latence du SP. Diagnostic différentiel : autres types d’insomnies, mauvaise hygiène de sommeil. ICSD10, 2005 Insomnies, dépressions et anxiétés • Littérature fournie +++ (>1500 publications) • Lien encore mal défini Dépression Insomnie Anxiété Sommeil et dépression • Syndrome dépressif : – 5 à 10 % de la population (troubles bipolaires 1 à 2%) – Rechutes importantes : • 50 % après le premier épisode. • 70 % après le second épisode. • 90 % après le troisième épisode. – Risque de suicide – Autres risques : accidents, pathologies secondaires, somatiques, problèmes socio-professionnels, abus de substances. – Plus fréquent chez les femmes (2 ♀ / 1 ♂) à partir de la 3ème et 4ème décennies. – Facteurs de risque : ATCD familiaux, événements de vie, isolement, séparation, divorce, homme seul, femme mariée, ….) Sommeil et dépression • Signes cliniques : – Troubles de l’humeur : • Tristesse, morosité, pessimisme. – Troubles comportementaux : • Perte de motivation, perte de plaisir (anhédonie), impulsivité, diminution des activités, apragmatisme, aboulie, suicide. – Troubles cognitifs : • Troubles de l’attention, troubles de la concentration. • Distorsion de la pensée : pas de projection dans l’avenir, idées noires, culpabilité… • Ralentissement psycho-moteur. – Symptômes physiques : • Fatigabilité, tensions musculaires, douleurs • Troubles de l’appétit, troubles de la sexualité (baisse de la libido, impuissance) – ET TROUBLES DU SOMMEIL : Insomnie et / ou hypersomnie. Sommeil et dépression • Différents types de syndromes dépressifs : – Syndrome dépressif – Troubles unipolaires de l’humeur – Troubles bipolaires de l’humeur – Dysthymie. – Associé à une anxiété. Sommeil et dépression – Caractéristiques des troubles du sommeil dans les dépressions : • • • • • Éveils intra-sommeil +++ (ou réendormissement sur le matin) Eveils précoces +++ Troubles de l’endormissement. Clinophilie. Somnolence diurne. – En PSG : • Défaut de maintien de sommeil • Diminution du sommeil à ondes lentes • Désinhibition du sommeil paradoxal avec diminution de la latence en sommeil paradoxal, augmentation de la densité des mouvements oculaires, augmentation relative du temps en sommeil paradoxal. – Anomalies non pathogmogoniques de la pathologie (Thase, 1986) – Persistance possible de ces anomalies après résolution de l’épisode. Calendrier de sommeil Syndrome dépressif Sommeil et dépression • Privation de sommeil – – – – = réponse antidépressive. Virage maniaque possible. Diminution de l’activité LC chez l’animal. Diminution de l’hypercortisolisme chez l’homme. • Mécanismes primaires = Hyperarousals • Facteur péjoratif = déficit en sommeil à ondes lentes • Chez les sujets sains, dans une famille de dépressifs : – – – – Hyperactivation des systèmes d’éveil (axe corticosurrénalien) Déficit en processus S (en sommeil à ondes lentes) Déséquilibre amino-cholinergique = facteur prédictif? • Déséquilibre aminocholinergique sur un terrain favorable Sommeil et dépression • Association avec des troubles du sommeil = association avec des idées suicidaires (Fawcett, 1990, Cheppalla, 2007) = diminution de la réponse aux antidépresseurs (Reynolds, 1997, Thase, 1996, Cheppalla, 2007) • Insomnie = aggravation d’une dépression ou facteur favorisant de l’occurrence de troubles dépressifs chez le sujet âgé (Perlis, 2006) • Les signes cliniques résiduels de dépression (fatigue, somnolence, insomnie) sont à prendre en considération dans les traitements antidépresseurs au long cours (Fava, 2006) Sommeil et dépression • Toujours rechercher d’autres pathologies organiques spécifiques du sommeil +++ • Syndromes d’apnées du sommeil et syndromes de jambes sans repos sont plus fréquents dans les populations dépressives / population générale (Saletu, 2002, Kales, 1985) • Symptômes communs aux différentes pathologies +++ • Diagnostic à évoquer d’autant plus que symptômes résistants au traitement antidépresseur adapté. • Les traitements appropriés de ces pathologies permettent l’amélioration des symptômes +++ (Millmann, 1989, Pochet, 1993, Sanchez, 2001) Sommeil et anxiété L’anxiété est l’un des désordres les plus répandus chez les patients dont la première plainte est l’insomnie (Ford et Kamerow, 1989). Parmi des patients présentant une insomnie sévère, 42% ont une anxiété majeure ; 13% présentent un tableau typique de trouble anxieux généralisé (Mellinger, 1985). Parmi les patients souffrant de troubles psychiatriques primaires, 50 à 80% présentent un trouble du sommeil au cours de l ’évolution de leur pathologie (Morin et Ware, 1996) Sommeil et anxiété • Souvent associés dans la littérature – Benca, 1992, Hasler, 2005, Ohayon, 2005… – Troubles anxieux = le plus fréquent des troubles psychiatriques associés (Ford et Kamerow, 1989, Roth, 2003…) • Insomnie = facteur de risque ? (Breslau, 1996) • Problème de comorbidité entre troubles anxieux et troubles dépressifs +++ (Kessler, 2005, Buckner, 2007) • Insomnie liée à la focalisation de l’individu sur certains sujets d’inquiétudes (Harvey, 2000) Sommeil et anxiété • Différents types d’anxiété : – – – – – – – – – Trouble anxieux généralisé (le plus fréquent) Anxiété sociale Agoraphobie. Phobies spécifiques Troubles obsessionnels (TOC) Stress post-traumatique (PTSD) Etat de stress aigü. Personnalités pathologiques, borderline Schizophrénie, psychoses. Sommeil et anxiété • Processus irrationnel, déstructurant. • Envahissement de la pensée et symptômes somatiques (étouffements, palpitations, sueurs, sensation d’étranglement ….)+++ • Au maximum : attaques de panique • Période délimitée dans le temps, peur intense, sensation de catastrophe imminente. • Nécessité de réassurance. • Réactivation nocturne +++ • Et insomnie +++ – Le plus souvent insomnie d’endormissement – Mais aussi, cauchemars, sueurs nocturnes, étouffements. Sommeil et anxiété Plainte hétérogène : endormissement difficiles, mais aussi éveils intrasommeils, sommeil fragmenté, insatisfaisant, voire éveils précoces. Souvent troubles associés. Plaintes fonctionnelles la journée : impression de sommeil non réparateur, fatigue, troubles attentionnels. Insomnie symptôme mais aussi facteur de comorbidité. Morin, 1993 Calendrier de sommeil Trouble anxieux Sommeil et anxiété Si l’insomnie = symptôme le traitement de l’anxiété = traitement de l’insomnie. CHALLENGE Appréhension importante par rapport aux conséquences de l’insomnie sur le fonctionnement diurne. CERCLE VICIEUX de l’insomnie +++ Morin, 1999 ; Bélanger 2004 Sommeil, dépression et anxiété • Un lien complexe +++ • Association entre insomnie et dépression = marqueur « état » Risque de développement d’une anxiété = marqueur « trait » (Neckelmann, 2007) • L’anxiété précède l’insomnie (73%) L’insomnie précède le syndrome dépressif (69%) dans une population de 1014 adolescents de 13 à 16 ans (Johnson, 2006) L’insomnie est un facteur indépendant et d’étiologies différentes entre anxiété et dépression. • Ohayon, Roth 2003 : – Insomnie avant anxiété 18% ; pendant l’épisode anxieux 39% ; après 44% – Insomnie avant dépression 41% ; pendant 29% ; après 29% Emergence de croyances et attitudes dysfonctionnelles par rapport au sommeil : dépression et anxiété insuffisantes pour l’expliquer à elles seules (Carney, 2007) Cas clinique n° 1 • Monsieur R, 29 ans vient en consultation, envoyé sur les conseils de la médecine du travail, pour un problème d’insomnie et tendance à la somnolence diurne excessive. • Il est conducteur d’engins dans une entreprise (horaires de travail : 7H00-15H00). • Son sommeil est agité et émaillé de nombreux éveils. • Depuis quelques temps, le patient s’endort facilement, notamment lorsqu’il est inactif ou lorsqu’il regarde la télévision. Il s’est endormi une fois au volant ; heureusement, il n’y a eu aucun dommage. Cas clinique n° 1 • Il n’a aucun antécédent, si ce n’est un malaise mal étiqueté lors d’un match de foot, le patient faisant partie d’une petite équipe de foot amateur depuis son adolescence. • Tabagisme : 30 cigarettes par jour (début à 15 ans, nette augmentation depuis le service militaire). • Pas de notion de prise d’alcool. • Café +++ • Marié, 3 enfants de 6, 4 et 2 ans. Son épouse ne travaille pas. Cas clinique n° 1 • Clinique : – Somnolence survenant quelque soit l’heure de la journée, surtout quand le patient est inactif ou devant la télévision. Il fait une petite sieste en rentrant du travail, ce qui lui permet d’être plus en forme l’après-midi. – Son épouse le trouve un peu fainéant, pas très courageux à la maison depuis qu’il est entré dans le monde du travail. Tout repose sur elle. Conflits possibles. – Au travail, ses collègues s’amusent de sa capacité à dormir. – Ronchopathie et pauses respiratoires et sommeil très agité, « remuant » d’après son épouse. – Pas de surpoids manifeste (80 kg, 1m75), mais microrétrognatie. – Sommeil agité mais restant satisfaisant. • Conduite à tenir??? Cas clinique n° 1 • Habitudes de vie : – Horaires de coucher : 23H00, les jours de travail et minuit-1H00 le week-end. Le couple regarde la télévision dans la chambre. – Horaires de lever : 6H00 les jours de travail, 9H00 le week-end. Le lever est assez facile. – Siestes de 30 minutes l’après-midi les jours de travail, d’1 heure le week-end. Sa femme signale qu’il « pique du nez » en lisant le journal le dimanche avant le repas à midi et qu’il ne suit pas souvent le journal télévisé. Cas clinique n° 1 Agenda : Epworth : 24 Hypnogramme : IAH 14, quelques mouvements. Cas clinique n° 1 – Rechercher des éléments d’orientation diagnostique +++ – Clinique : • Rechercher l’origine du malaise, les circonstances de survenue, la perte de connaissance éventuelle. • Rechercher des équivalents cataplectiques. • Rechercher des hallucinations hypnopompiques ou hypnagogiques. • Rechercher des paralysies du sommeil. – Polysomnographie suivie de tests itératifs de latence d’endormissement +++ Cas clinique n° 1 TILE : Cas clinique n°2 Madame M, 33 ans consulte pour un problème d’insomnie évoluant depuis 2 ans. Elle se plaint de difficultés d’endormissement et de quelques éveils pendant la nuit. Elle est cadre dans une petite entreprise. Aucun ATCD. Mariée, un enfant. Habitudes / sommeil d’installation progressive. Pas d’anxiété, pas de symptôme dépressif. Grande appréhension par rapport au sommeil. ATCD familiaux d’insomnie retrouvés. Pas de piste organique. Cas clinique n°2 Cas clinique n°2 Après 3 mois de prise en charge adaptée, aucune modification de la symptomatologie. Calendrier de sommeil identique. Pas de piste organique. Niveau d’anxiété supérieur. Ruminations +++ Symptômes de troubles obsessionnels compulsifs (vérifications, listes…) Rituels du coucher +++ Cercle vicieux de l’insomnie constitué +++ Cas clinique n° 3 • Madame T., âgée de 56 ans est adressée par son médecin traitant pour un problème d’insomnie évoluant depuis 5 ou 6 ans mais s’aggravant progressivement, surtout depuis 1 an. Elle se sent très fatiguée la journée, voire somnolente. • ATCD : hypothyroïdie traitée et équilibrée, arthrose, hystérectomie avec ovariectomie bilatérale il y a 2 ans pour fibrome, colopathie fonctionnelle un syndrome dépressif avec insomnie, traité par lexomil® il y a 4 ans. • Pas de tabagisme, pas d’alcoolisation. • Poids : 90 kg 1m75. Problème de surpoids ancien et familial, mais prise de poids majorée par les problèmes d’hypothyroïdie et lors de l’épisode dépressif. Cas clinique n° 3 • Clinique : – – – – Sommeil non récupérateur, lever difficile. Bonne hygiène de sommeil. Sieste de 2 heures l’après-midi. Dort 9 heures par nuit (bonne dormeuse), sommeil émaillé de nombreux éveils. – Ronchopathie +++, pauses respiratoires constatées par son époux (chambre séparée depuis peu), céphalées matinales, bouche sèche le matin au réveil, troubles de mémoire et troubles de l’humeur. • Conduite à tenir??? Cas clinique n° 3 Agenda : Epworth : 19 Cas clinique n°3 Hypnogramme : IAH 78,8. Désaturations +++ (nadir 70%). Cas clinique n° 3 Cas clinique n° 3 • 6 mois après le début de la prise en charge par PPC, alors que le traitement est bien suivi et qu’aucune anomalie n’est détectée, la patiente se plaint de fatigue persistante et d’un sommeil de mauvaise qualité. • Compliance 9h/nuit, tolérance moyenne (contrainte), pression au 95éme percentile de 11,4 cmHg, pas de fuite, événements respiratoires bien contrôlés. • Elle dort toujours 9 heures par nuit, fait une sieste de 2 heures l’après midi. • Elle a beaucoup de difficultés à se lever. • Elle se plaint toujours de troubles de mémoire. • Son mari et elle font toujours chambre à part. • Conduite à tenir??? Cas clinique n° 3 Agenda : Epworth : 22 Cas clinique n° 3 • Clinique : – Apragmatisme, anhédonie, perte de l’élan vital, manque de confiance en soi, tristesse de l’humeur, efforts continus pour la réalisation des tâches même routinières. – Diminutions des rapports sociaux, isolement. Agoraphobie assez invalidante. – Conflits avec son fils +++ (même cause / premier épisode dépressif). – Personnalité névrotique, trait anxieux. Cas clinique n° 3 • 4 mois après la prise en charge du syndrome dépressif avec agoraphobie (antidépresseur et initialisation d’une psychothérapie), la patiente signale des impressions désagréables dans les jambes, l’empêchant souvent de s’endormir facilement mais surtout l’empêchant de regarder la télévision le soir. Elle doit prendre des bains froids, se masser mais surtout bouger +++ • D’autre part, le sommeil n’est toujours pas satisfaisant, peu récupérateur et très agité +++ Nombreux éveils. • La fatigue a bien régressée mais il persiste une tendance à la somnolence+++ • Conduite à tenir ??? Cas clinique n° 3 Agenda : Epworth : 19 Cas clinique n° 3