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LeS temps de l’espace public urbain : Construction, transformation et utilisation
Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise1. L’auteur
explique que les expressions « la sphère publique », « le public » ou encore « l’opinion
publique », font l’objet d’« une pluralité de significations concurrentes ». C’est pour cela
qu’il propose d’emblée de qualifier « de ’publiques’ certaines manifestations lorsque, au
contraire de cercles fermés, elles sont accessibles à tous ».
Son ouvrage raconte justement l’histoire de l’émergence de cet « espace public »
dans les sociétés occidentales à l’époque moderne, qui n’est autre que l’histoire de la
constitution et de l’affirmation de l’opinion publique, d’une opinion publique différenciée
de la sphère privée. Habermas focalise sur la bourgeoisie qui se forme progressivement à
partir des 16e et 17e siècles, au rythme des avancées d’un nouveau système économique, le
capitalisme, qui s’impose dans la ville, ne pouvant pas encore prétendre pénétrer la Cour.
En effet, l’individualisme produit et est produit par le capitalisme et aussi par l’exigence
démocratique qui s’affirme chaque jour davantage, en Europe, en opposition au despotisme
plus ou moins éclairé du monarque. Chacun de ces processus avance à son pas et celui-ci
varie d’un État à l’autre, d’une société à l’autre, selon les traditions politiques des uns et le
pouvoir religieux des autres. Si le capitalisme profite de l’éthique du protestantisme, pour
reprendre les propos de Max Weber, la demande sociale de démocratie repose sur une
certaine laïcité, un certain détachement de la cléricature. Nous constatons que les mots
« privé », « public », « publicité », « opinion » sont à peu près contemporains et cela, dans les
principales langues européennes (Dictionnaire historique de la langue française2). Le 17e siècle
semble être décisif dans la réalisation d’une opposition précise entre « sphère privée » et
« sphère publique ». C’est aussi l’époque où la presse se développe (Théophraste Renaudot
crée La gazette de France en 1631) et où l’échange épistolaire se multiplie (Guez de Balzac,
Madame de Sévigné…), avec son corollaire, la poste.
Quel est le sens de « privé » et de « public » ? « Privé » vient du latin privatus (« parti-
cu lier, propre, individuel ») et évoque le domaine de l’intimité, du familier. C’est vrai-
semblablement au cours du 17e siècle que ce mot s’applique à ce qui n’est pas « officiel »
1. Habermas, Jürgen, [1978] 1993, L’Espace public, avec une préface inédite de l’auteur, traduit de l’allemand par
Marc B. de Launay, Paris, Payot, 327 p. D’autres ouvrages du même auteur traitent de la communication : Morale et
Communication. Conscience morale et activité communicationnelle, [1983] 1986, traduction et introduction
de Christian Bouchindhomme, Paris, Cerf, 212 p. ; De l’éthique de la discussion, [1991] 1992, traduit de l’allemand
par Mark Hunyadi, Paris, Cerf, 202 p. ; et Droit et démocratie. Entre faits et normes, [1992] 1997, traduit de
l’allemand par Rainer Rochlitz et Christian Bouchindhomme, Paris, Gallimard, 551 p., en particulier le chapitre VIII,
« Le rôle de la société civile et de l’espace public politique », p. 355-414. Lire aussi, 1987, « Habermas, l’activité
communicationnelle », Les Cahiers de Philosophie, no 3, hiver 1986-1987 et Jean-Marc Ferry, 1987, Habermas, une
éthique de la communication, Paris, Presses universitaires de France, 587 p.
2. Rey, Alain (dir.), 1992, Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert.
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