Depuis le Pourquoi pas ?, le 5 mars 2007
Fiche N°1 – En direct de la campagne Serpentine
Trente ans d’exploration des dorsales océaniques : diversité et
localisation des systèmes hydrothermaux.
En 1978, les premières sources hydrothermales de haute température (350°C)
sont découvertes dans les grands fonds océaniques sur la dorsale volcanique du
Pacifique Est. Avec cette découverte spectaculaire, les scientifiques démontrent
pour la première fois qu’une partie importante de la chaleur terrestre est
extraite par de l’eau de mer surchauffée. On estime actuellement que 25% de la
chaleur terrestre est évacuée par les fluides.
Fumeurs blancs photographiés par le Nautile au cours de la campagne Nautilau dans les
zones volcaniques à proximité des îles Tonga (Sud ouest Pacifique). Profondeur : 1700 m.
©
Ifremer
Diversité minérale et biologique
Les implications de cette découverte ont rapidement dépassé les domaines de la
géophysique et de la tectonique des plaques. En effet, l’énergie chimique contenue dans les
fluides permet le développement d’une intense activité microbienne et de communautés
animales spécialisées et originales qui s’alimentant grâce à l’énergie géothermale.
De plus, les métaux extraits des profondeurs de la croûte et du manteau terrestres
s’accumulent pour former des amas de sulfures métalliques qui représentent des ressources
minérales potentielles. Dans certains contextes, les roches du manteau terrestre sont
portées à l’affleurement. Les fluides issus des réactions de l’eau de mer avec ces roches
sont très enrichis en hydrogène, méthane et hydrocarbures plus lourds.
Dorsales et volcans sous-marins : des zones riches en sources hydrothermales
En 35 ans d’exploration, les scientifiques ont découvert 90 champs hydrothermaux actifs.
Les sources se situent préférentiellement sur les dorsales océaniques, aux frontières des
plaques, l’activité volcanique et tectonique est la plus intense. Les dorsales sont le lieu
de formation de la croûte océanique et d’écartement des plaques constituant la croûte
terrestre. Après la découverte de champs hydrothermaux sur les dorsales rapides
(écartement des plaques entre 6 et 18 cm/an), les explorations menées dans les années 80
et 90 ont permis la découverte de sources chaudes sur les dorsales lentes s’écartant à des
vitesses inférieures à 6 cm/an.
A la fin des années 80, et durant les années 90, les explorations ont montré que les sources
hydrothermales étaient également très fréquentes sur les rides volcaniques sous-marines
situées en arrière des grandes fosses (en particulier dans l’ouest du Pacifique en arrière de
la fosse des Mariannes et de la fosse de Tonga).
Certains volcans « intraplaques » situés non plus aux frontières de plaques comme les
dorsales, mais à l’intérieur, sont également le lieu d’une activité hydrothermale sous-marine.
Sur toutes ces sources, les scientifiques ont observé une faune et une flore microbienne
associées à ces sorties de fluides hydrothermaux. Actuellement, 580 espèces animales ont
été décrites dans ces habitats.
Actuellement, tous les systèmes volcaniques sous-marins ont montré qu’ils étaient associés
à une activité hydrothermale intense. Une grande partie des 60000 km de dorsales entourant
le globe reste encore à explorer, les recherches se poursuivent donc sur les dorsales
Atlantique, Indienne et Pacifique. Afin de mieux comprendre les processus, les interactions
et les variations temporelles de l’activité hydrothermale et son incidence sur l’activi
biologique, de nombreux travaux sont également menés sur des chantiers spécifiques.
Les systèmes hydrothermaux : quand les roches interagissent avec la mer
On sait aujourd’hui qu’il existe une très grande variabilité dans la composition des fluides,
des précipités hydrothermaux et des populations animales associées aux sources. Cette
diversité dépend principalement de deux paramètres : la pression et la nature des roches qui
réagissent avec l’eau de mer.
La pression agit sur la température d’ébullition des fluides. Or, les sources hydrothermales
sont présentes de la zone littorale jusqu’à 4100 m de profondeur. Si la température des
fluides dépassent la température d’ébullition de l’eau de mer, les fluides seront alors plus
(saumures) ou moins salés (vapeur condensée) que l’eau de mer. A 3000 mètres par
exemple, la température d’ébullition de l’eau de mer est supérieure à 400°C.
La nature des roches lessivées au cours de la circulation hydrothermale est le deuxième
facteur influant sur les compositions des fluides et des dépôts hydrothermaux. Les fluides et
les dépôts hydrothermaux issus des interactions de l’eau de mer avec les laves basaltiques
(pauvres en silice), les laves rhyolitiques (riches en silice), les sédiments, ou les roches
ultrabasiques issues du manteau ont des compositions extrêmement diversifiées.
A long terme, l’exploration des grands fonds océaniques est une aventure qui doit se
construire dans le cadre de coopérations internationales. La France, associée aux Etats-
Unis, a été à l’origine de la découverte des systèmes hydrothermaux. Pendant une vingtaine
d’année les pays maîtrisant la technologie des submersibles habités (France, Etats-Unis,
Japon, Russie, Canada) ont eu un accès privilégié à l’étude des systèmes hydrothermaux.
L’arrivée des engins télé-opérés a élargi ce groupe avec l’Allemagne, l’Angleterre, la Chine
et la Corée du Sud.
30 ans de coopération franco-russe
Une coopération forte existe depuis plus de 30 ans entre la France et la Russie pour
l’exploration et la connaissance de la dorsale Médio-Atlantique, lieu de séparation des
plaques Amérique et Afrique. Ainsi, depuis 1969, plusieurs campagnes communes ont été
menées sur les navires russes et français.
L’objectif de cette coopération est de mieux connaître l’océan profond et ses relations avec
l’intérieur du globe, de recenser les ressources minérales potentielles et de comprendre
l’écologie des systèmes hydrothermaux. Cette connaissance sera essentielle pour une
exploitation raisonnable des ressources minérales grands fonds et la préservation de notre
environnement.
Durant les années 70 et 80, la coopération s’est focalisée sur l’étude des roches
volcaniques. L’objectif était de comprendre les mécanismes de fusion du manteau
produisant les laves, elles-mêmes à l’origine de la croûte océanique.
Puis, au début des années 90, les recherches se sont orientées vers l’étude des
mécanismes de transferts chimiques par les circulations hydrothermales. Plus
particulièrement, les scientifiques français et russes se sont intéressés au transfert des
métaux et à leur accumulation sous forme d’amas de sulfures polymétalliques, ces derniers
constituant une ressource minérale potentielle.
Enfin, l’ouverture de la coopération vers les systèmes hydrothermaux a élargi le champ
disciplinaire de recherche vers des études sur la biodiversité des grands fonds et l’étude des
bactéries extrêmophiles.
De nombreux organismes russes sont impliqués dans la campagne Serpentine : l’Institut
Vernadsky de Moscou (géochimie des roches), l’Institut de géologie des ressources
minérales de Moscou (étude des minéralisations polymétalliques), l’Institut Shirshov de
Moscou (biologie), l’Institut Winogradsky de Microbiologie à Moscou (microbiologie), et
l’Institut de géologie océanique de Saint Petersbourg (géochimie des l’eau et des précipités
hydrothermaux).
Pour suivre la campagne Serpentine quotidiennement :
http://www.ifremer.fr/serpentine/
Contacts Presse :
Anne Faye
01 46 48 22 40
Marion Le Foll
01 46 48 22 42
Contacts scientifiques :
Yves Fouquet , Chef de mission Serpentine
Responsable du Laboratoire de Géochimie et Métallogénie
Daniel Desbruyères
Responsable du Département Etudes des Ecosystèmes Profonds
daniel.desbruyè[email protected].fr
Jean-Luc Charlou
Géochimiste au Laboratoire Géochimie et Metallogénie
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