Depuis le Pourquoi pas ?, le 29 mars 2007
Fiche N°6 – En direct de la campagne Serpentine
Fluides hydrothermaux océaniques
Prélèvements de fluides avec une bouteille titane
©Ifremer / Serpentine 2007
D’où proviennent les fluides hydrothermaux ?
La circulation hydrothermale se produit le long des dorsales médio-océaniques (chaîne
volcanique continue qui s’étend sur environ 60.000 kilomètres) lorsque l’eau de mer
s’infiltre au travers de la croûte océanique fracturée. Cette structure perméable de la
croûte océanique associée à la présence d’une source de chaleur profonde (la chambre
magmatique) va engendrer la circulation hydrothermale de l’eau de mer au travers du
substratum
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.
Le processus de circulation hydrothermale se décompose en trois étapes :
- L’eau froide qui pénètre dans la croûte (phase de recharge), est progressivement
réchauffée. Les échanges avec la roche commencent avec des modifications de la
composition chimique. Alors que le fluide s’appauvrit en magnésium et sulfate, il
s’enrichit en hydrogène sulfuré.
- Le fluide atteint ensuite sa température maximum au niveau de la zone de
réaction de haute température, proche de 1100°C. A ces conditions, la
composition du fluide est fortement influencée par la température, la pression, le
rapport eau/roche, la nature de la roche attaquée et le temps de réaction.
- Le fluide de haute température remonte ensuite très rapidement en continuant à
interagir avec la roche. Du fait de la diminution de pression, le fluide se refroidit
lentement par conduction et par mélange avec l’eau de mer, plus froide à
proximité de la surface, ce qui influence également la composition finale du fluide.
Bien que d’apparence similaire, les fluides hydrothermaux couvrent une large gamme de
températures et se caractérisent par des compositions chimiques variées, fonction des
conditions de réaction proches de la surface.
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Base sur laquelle repose une formation géologique ou des alluvions, c’est à dire des sédiments.
Pourquoi étudier les fluides hydrothermaux ?
Le géochimiste prélève ces fluides de haute température, analyse leur composition
chimique à leur émission sur le plancher océanique et reconstruit leur histoire au cours
de la circulation hydrothermale. L’objectif est de comprendre les processus
thermodynamiques et géochimiques qui les contrôlent au cours du transit au travers de
la croûte océanique.
Les chimistes évaluent l’influence des fluides hydrothermaux sur le cycle des éléments
dans l’océan et plus généralement sur la chimie globale des océans à court et long terme.
La présence de nouveaux écosystèmes se développant par chimiosynthèse sur ces évents
hydrothermaux intéresse également les biologistes. En effet, dans ce processus,
l’ensemble des éléments vitaux ont la particularité d’être apportés par le fluide (soufre,
méthane, hydrogène, hydrogène sulfuré et autres éléments métalliques).
Par ailleurs, les flux de matière et d’énergie apportés par les fluides jouent aussi un rôle
important du point de vue de la physique océanographique.
Enfin, l’étude de la chimie des fluides permet aux géologues d’estimer la profondeur de la
chambre magmatique et de mieux comprendre la formation de la nouvelle croûte
océanique et des dépôts sulfurés massifs.
Comment étudier les fluides hydrothermaux ?
Les évents hydrothermaux sont localisés sur des sites plus ou moins grands, d’une
superficie d’environ 200 mètres carré. Pour les découvrir, plusieurs techniques
complémentaires sont utilisées. Dans un premier temps, les campagnes de surface
associant la bathymétrie, la photographie du fond, la recherche d’anomalies physiques et
chimiques dans la colonne d’eau à l’aide de capteurs et prélèvements d’eaux, permettent
de délimiter les zones.
Dans un second temps, les submersibles et véhicules télé-opérés (ROV) permettent la
localisation précise des évents et leur étude in-situ détaillée.
Aujourd’hui, divers systèmes existent pour prélever ces fluides. Ils sont tous basés sur
des principes d’aspiration simple (type seringue) ou nécessitent l’utilisation d’un système
de pompage. Le fluide étant à une température de l’ordre de 350-400°C, des seringues
en titane sont couramment utilisées (voir photo n°1).
Le géochimiste doit conditionner ces préleveurs avant chaque plongée. Le submersible ou
le ROV se charge du prélèvement en profondeur dans les zones actives étudiées.
Au retour sur le navire, le fluide précieux est récupéré. Commence alors un long travail
de conditionnement des gaz et d’analyse à bord (voir photo n°2). Après qualification des
échantillons, les gaz (H2, CH4, CO2,….) sont extraits à l’aide d’un extracteur de gaz,
récupérés et analysés à bord à l’aide d’appareils analytiques installés dans un container
laboratoire embarqué. Certains éléments minéraux (Mg, SO4, Cl) sont aussi analysés à
bord.
Dans ces fluides, certains éléments sont enrichis, d’autres appauvris par rapport à l’eau
de mer. De nombreux conditionnements spécifiques sont aussi réalisés pour l’analyse à
terre des éléments traces, les analyses isotopiques et la recherche des molécules
organiques présentes (hydrocarbures, acides carboxyliques, acides aminés,….).
La composition chimique d’un fluide sortant sur le plancher océanique est un
enregistrement des conditions de pression et de température et de l’ensemble des
réactions chimiques qu’il a subi durant son transit dans la croûte océanique fracturée.
L’ensemble de ces données informe sur la profondeur de la circulation hydrothermale
dans le substratum, sur le temps de résidence, et contribue à comprendre le mode de
formation des dépôts sulfurés associés.
L’ensemble de ces conditionnements et des analyses permettront d’établir la signature
chimique du fluide, de connaître son histoire au travers de la croûte océanique et
d’évaluer les conséquences de ces flux sur le milieu environnant.
Conditionnement des gaz et analyse à bord
©Ifremer/ Serpentine 2007/Jean-Luc Charlou
Quels sont les processus qui contrôlent la composition chimique des fluides ?
Les fluides hydrothermaux sont émis sous forme d’évents de haute température (350 à
400°C) et sous forme de diffusions de basse température (de quelques dizaines de
degrés). Le taux de réaction de l’eau de mer avec la roche sera d’autant plus fort que la
différence de température est élevée. Au vu des travaux expérimentaux et des résultats
de modélisation thermodynamique, il est admis que l’équilibre entre l’eau et les minéraux
des roches est atteint au niveau de la zone de réaction.
Le processus de séparation de phases intervient dés lors que le fluide salé est soumis à
des températures et des pressions fortes. Les scientifiques savent aujourd’hui que le
point critique de l’eau de mer est caractérisée par une pression de 298 bars et une
température de 405°C. En fonction de la distance par rapport à ces valeurs, le fluide sera
classé en domaine subcritique ou en domaine supercritique. Dans ces 2 domaines, le
fluide aura des propriétés thermodynamiques et chimiques très différentes. C’est
pourquoi des fluides aux compositions très variées ont été collectés sur les dorsales
médio-océaniques (Pacifique, Atlantique, Indien) à différentes profondeurs (de quelques
centaines de mètres à plus de 4000m), tel sur le site Ashaze, site hydrothermal le plus
profond connu à ce jour, étudié et échantillonné avec succès au cours de cette campagne
Franco-Russe Serpentine (Mars 2007).
Ces fluides hydrothermaux évoluent-ils dans le temps ?
Dans les années 1975 (peu après la première découverte de fluides sur la dorsale des
Galapagos), les scientifiques considéraient que les fluides avaient une composition
relativement stable. Depuis, grâce à la découverte progressive de nouveaux sites actifs
dans des conditions d’émission variées et des environnements tectoniques et géologiques
différents, les chercheurs ont mis en évidence que les fluides hydrothermaux présentent
des compositions chimiques très variables. En effet, ces compositions peuvent changer
d’une zone à l’autre ou même d’un évent à un autre sur un même site. Ils peuvent
également rester stables sur des périodes plus ou moins longues (de l’ordre d’une dizaine
d’années) ou évoluer lentement ou brutalement dans le temps.
Les fluides hydrothermaux sont contrôlés par l’activité tectonique et volcanique qui peut
faire varier et évoluer leur composition. Ainsi, les éruptions volcaniques et les
tremblements de terre ont une incidence sur la température, la composition chimique des
fluides. Cela crée des flux de matière et d’énergie rejetés plus ou moins intensément
dans la colonne d’eau environnante. En un site actif donné par exemple, la composition
chimique d’un fluide peut varier sous l’influence des variations thermodynamiques telle la
séparation de phase contrôlée par la pression et la température, d’épisodes tectoniques
et volcaniques, ou rester stable durant une longue période, favorisant dans ce cas
l’installation progressive d’habitats de communautés biologiques et bactériennes se
développant par chimiosynthèse.
Sur les dorsales à taux d’accrétion élevé (> 12 cm/an, cas de la dorsale Est Pacifique),
les mouvements lents progressifs menant à une fracturation de la croûte associés aux
événements magmatiques brutaux font varier très rapidement la composition des fluides
dérivés ici d’une réaction entre l’eau de mer et la croûte basaltique.
En revanche, sur les dorsales lentes comme la dorsale médio-Atlantique, les fluides sont
davantage contrôlés par les mouvements tectoniques. Ils auront donc tendance à être
plus stables dans le temps. Mais l’eau de mer, en descendant plus en profondeur, va
atteindre et pouvoir réagir avec les roches (péridotites) du manteau et donner lieu à la
réaction dite de « serpentinisation » en produisant des fluides de composition très
originale.
Pour suivre la campagne Serpentine quotidiennement :
http://www.ifremer.fr/serpentine/
Contacts Presse : Contacts scientifiques :
Anne Faye Laboratoire Géochimie et Metallogénie, Ifremer
01 46 48 22 40 Jean-Luc Charlou
Marion Le Foll J. P. Donval
01 46 48 22 42 [email protected].fr
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