Pourquoi étudier les fluides hydrothermaux ?
Le géochimiste prélève ces fluides de haute température, analyse leur composition
chimique à leur émission sur le plancher océanique et reconstruit leur histoire au cours
de la circulation hydrothermale. L’objectif est de comprendre les processus
thermodynamiques et géochimiques qui les contrôlent au cours du transit au travers de
la croûte océanique.
Les chimistes évaluent l’influence des fluides hydrothermaux sur le cycle des éléments
dans l’océan et plus généralement sur la chimie globale des océans à court et long terme.
La présence de nouveaux écosystèmes se développant par chimiosynthèse sur ces évents
hydrothermaux intéresse également les biologistes. En effet, dans ce processus,
l’ensemble des éléments vitaux ont la particularité d’être apportés par le fluide (soufre,
méthane, hydrogène, hydrogène sulfuré et autres éléments métalliques).
Par ailleurs, les flux de matière et d’énergie apportés par les fluides jouent aussi un rôle
important du point de vue de la physique océanographique.
Enfin, l’étude de la chimie des fluides permet aux géologues d’estimer la profondeur de la
chambre magmatique et de mieux comprendre la formation de la nouvelle croûte
océanique et des dépôts sulfurés massifs.
Comment étudier les fluides hydrothermaux ?
Les évents hydrothermaux sont localisés sur des sites plus ou moins grands, d’une
superficie d’environ 200 mètres carré. Pour les découvrir, plusieurs techniques
complémentaires sont utilisées. Dans un premier temps, les campagnes de surface
associant la bathymétrie, la photographie du fond, la recherche d’anomalies physiques et
chimiques dans la colonne d’eau à l’aide de capteurs et prélèvements d’eaux, permettent
de délimiter les zones.
Dans un second temps, les submersibles et véhicules télé-opérés (ROV) permettent la
localisation précise des évents et leur étude in-situ détaillée.
Aujourd’hui, divers systèmes existent pour prélever ces fluides. Ils sont tous basés sur
des principes d’aspiration simple (type seringue) ou nécessitent l’utilisation d’un système
de pompage. Le fluide étant à une température de l’ordre de 350-400°C, des seringues
en titane sont couramment utilisées (voir photo n°1).
Le géochimiste doit conditionner ces préleveurs avant chaque plongée. Le submersible ou
le ROV se charge du prélèvement en profondeur dans les zones actives étudiées.
Au retour sur le navire, le fluide précieux est récupéré. Commence alors un long travail
de conditionnement des gaz et d’analyse à bord (voir photo n°2). Après qualification des
échantillons, les gaz (H2, CH4, CO2,….) sont extraits à l’aide d’un extracteur de gaz,
récupérés et analysés à bord à l’aide d’appareils analytiques installés dans un container
laboratoire embarqué. Certains éléments minéraux (Mg, SO4, Cl) sont aussi analysés à
bord.
Dans ces fluides, certains éléments sont enrichis, d’autres appauvris par rapport à l’eau
de mer. De nombreux conditionnements spécifiques sont aussi réalisés pour l’analyse à
terre des éléments traces, les analyses isotopiques et la recherche des molécules
organiques présentes (hydrocarbures, acides carboxyliques, acides aminés,….).
La composition chimique d’un fluide sortant sur le plancher océanique est un
enregistrement des conditions de pression et de température et de l’ensemble des
réactions chimiques qu’il a subi durant son transit dans la croûte océanique fracturée.
L’ensemble de ces données informe sur la profondeur de la circulation hydrothermale
dans le substratum, sur le temps de résidence, et contribue à comprendre le mode de
formation des dépôts sulfurés associés.
L’ensemble de ces conditionnements et des analyses permettront d’établir la signature
chimique du fluide, de connaître son histoire au travers de la croûte océanique et
d’évaluer les conséquences de ces flux sur le milieu environnant.