Un défi à relever, un rôle à clarifier

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Les Gériatres au Québec
À l'aube du vieillissement démographique
Un défi à relever, un rôle à clarifier
2
Rédaction
Dre Annik Dupras, Interniste-Gériatre, CHUM
Dr Stéphane Lemire, Interniste-Gériatre
Collaboration à la rédaction et révision
Dre Nadine Larente, Interniste-Gériatre, CUSM
Dre Bernadette Loontjens, Gériatre, CHRDL Lanaudière
Dr Jacques Morin, Interniste-Gériatre, Hôpital Enfant-Jésus
Dre Chantal Paré, Interniste-Gériatre, Rimouski
Rapport déposé à l’Association des médecins gériatres du Québec, Septembre 2012
3
LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX ________________________________________________
SOMMAIRE __________________________________________________________________
INTRODUCTION ______________________________________________________________
L’ACCÉLÉRATION DU VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION: ___________________________
UN DÉFI POUR LES SOINS AUX AÎNÉS _____________________________________________
4
5
6
7
7
IMPACT SUR LE RÉSEAU _____________________________________________________________ 8
IMPACT SUR LA SANTÉ FONCTIONNELLE _______________________________________________ 9
L’EFFET SYNERGIQUE DE LA TRANSITION ÉPIDÉMIOLOGIQUE ET DU VIEILLISSEMENT __________ 10
LES DÉPENSES DE SANTÉ: LE MYTHE DE LA FAILLITE DES SYSTÈMES DE SANTÉ DUE À L’ÂGE _____ 11
LA GÉRIATRIE SPÉCIALISÉE EN 2012 : ____________________________________________ 14
UN DÉFI À RELEVER, UN RÔLE À CLARIFIER ________________________________________ 14
HISTOIRE DE LA GÉRIATRIE: LA NAISSANCE D’UNE SPÉCIALITÉ _____________________________
LES BÉNÉFICES DE L’APPROCHE GÉRIATRIQUE GLOBALE, _________________________________
L’ÉVOLUTION DE L’APPROCHE GÉRIATRIQUE À TRAVERS LE MONDE ET AU QUÉBEC ___________
L’EXPERTISE DE L’INTERNISTE-GÉRIATRE: UNE RESSOURCE SPÉCIFIQUE _____________________
14
15
16
18
PÉNURIE D'EFFECTIFS MÉDICAUX EN GÉRIATRIE SPÉCIALISÉE _________________________ 22
LES PLANS D’EFFECTIFS ____________________________________________________________ 26
MANDAT CONFIÉ PAR L’AMGQ AU COMITÉ DE PLANIFICATION _______________________ 27
GÉRIATRES MEMBRES DU COMITÉ DE PLANIFICATION ___________________________________ 27
MÉTHODOLOGIE _____________________________________________________________ 28
A) SONDAGE _____________________________________________________________________ 28
B) JOURNÉE DE RÉFLEXION _________________________________________________________ 29
RÉSULTATS _________________________________________________________________ 30
A) SONDAGE _____________________________________________________________________
Répartition des activités des gériatres selon trois scénarios ______________________________
Répartition des activités cliniques des gériatres selon trois scénarios ______________________
B) JOURNÉE DE RÉFLEXION: Conclusion des discussions __________________________________
1) Rôle du gériatre en soins aigus __________________________________________________
30
30
32
34
34
Rôle du gériatre en milieu hospitalier ______________________________________________________ 34
Rôle du gériatre à l’urgence ______________________________________________________________ 34
Rôle du gériatre sur les unités de soins aigus, notamment les UCDG _____________________________ 35
2) Rôle du gériatre en communauté ________________________________________________ 36
3) Rôle du gériatre en support au réseau ____________________________________________ 36
Rôle en ambulatoire: ___________________________________________________________________ 36
Rôle en CHSLD_________________________________________________________________________ 36
Rôle en CLSC __________________________________________________________________________ 37
4) Particularités concernant la pratique en région _____________________________________
5) Planification de la répartition des effectifs _________________________________________
6) Prérequis à l’installation d’un gériatre dans un milieu ________________________________
7) Gestion des effectifs et recrutement en gériatrie spécialisée: Urgence d’Agir! _____________
38
39
39
41
CONCLUSION ET RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS _______________________________ 43
NOTE
Les annexes sont disponibles sur demande au bureau de l’AMGQ.
[email protected]
4
LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX
FIGURES:
Figure 1. Croissance de la population âgée de 75 ans et plus, par tranche d’âge, 2000-2031. __________ 7
Figure 2. Nombre de visites de personnes âgées de 75 ans et plus sur civière à l’urgence, en millier,
Québec. _______________________________________________________________________________________________________ 8
Figure 3. Nombre d’hospitalisations de personnes âgées de 75 ans et plus, Québec, depuis 2001. ______ 8
Figure 4 : Données montrant le déficit grandissant résultant de la croissance des dépenses de santé à
un rythme supérieur à la croissance de l’économie (Rapport Castonguay, 2008). ______________________ 11
Figure 5. L’âge des gériatres présente une distribution bimodale. ______________________________________ 22
Figure 6. Les retraites des gériatres québécois commenceront prochainement, au moment même où le
vieillissement de la population s’accélérera. ______________________________________________________________ 22
Figure 7. Nombre de nouveaux permis émis annuellement en gériatrie au Québec
24
Figure 8. Distribution actuelle et désirée des activités des gériatres. ___________________________________ 31
Figure 9. Distribution actuelle et désirée des activités cliniques des gériatres. On note la nécessité
d’accroître la présence en ambulatoire et en soins spécialisés. ___________________________________________ 32
Figure 10. Le niveau d’importance accordée à chacun des secteurs d’activités est en faveur des
activités spécialisées, mais les différences pour les secteurs sont faibles. ________________________________ 33
Figure 11. Distribution géographique des gériatres exerçant en région. Le nombre de gériatres dans
les milieux représentés apparaît entre parenthèses. ______________________________________________________ 38
Figure 12. Pré-requis à l’installation d’un gériatre en région. ___________________________________________ 40
TABLEAU:
Tableau 1. Comparaison des effectifs en médecins spécialistes en gériatrie au Québec au Canada, en
Angleterre et aux États-Unis. ©2006 Jacques Morin, MD, MSc, FRCPC ________________________________ 26
Tableau 2. PREM des gériatres du Québec ______________________________________________________________ 26
5
SOMMAIRE
Le vieillissement de la population québécoise s’accélérera au cours des 20 prochaines années,
dès 2015. L’impact sur le réseau de la santé de l’arrivée en nombre croissant d’une clientèle
souffrant de maladies chroniques multiples et requérant des soins de santé et d’assistance
constituera un défi de taille pour le système de santé Québécois.
Les médecins spécialistes en gériatrie seront sans contredit parmi les professionnels les plus
sollicités considérant ces changements démographiques et épidémiologiques et pourront sans
conteste contribuer positivement à une réponse adéquate au défi du vieillissement de la
population. Il conviendra cependant d’utiliser de manière efficiente l’expertise spécifique du
gériatre afin d’assurer l’accessibilité, la qualité et la rigueur nécessaires à un système de santé
performant puisqu'il y a pénurie de gériatres au Québec et que le nombre de gériatres en
formation n'augmente pas malgré la croissance accélérée de la clientèle qu’ils desservent. En
effet, l’approche gériatrique globale a démontré des bénéfices importants lorsqu’appliquée à
des populations ciblées, mais cette démarche d’évaluation gériatrique spécialisée et la place du
gériatre dans le continuum de soins ne sont pas comprises de tous les intervenants du monde
de la santé. Le rôle du gériatre dans le continuum de soins doit par conséquent être clarifié
auprès des différents acteurs du réseau de la santé (gestionnaires et cliniciens).
Dans ce contexte, l’exécutif de l’Association des médecins gériatres du Québec (AMGQ) a confié
le mandat au présent comité de planification de revoir les différents rôles du gériatre et de
suggérer des pistes pour en améliorer la valorisation et l’utilisation de cette ressource
spécialisée rare. Dans l’intérêt de servir et de représenter l'opinion de l’ensemble des membres
de l’AMGQ, un sondage ainsi qu’une journée de réflexion ont été organisés dans le cadre du
congrès annuel 2011. Les résultats de cette consultation ont contribué à l'élaboration de ce
document.
Les résultats des travaux du comité de planification sont présentés dans ce rapport et touchent
à la fois la précision du rôle du gériatre à travers le continuum de soins, les enjeux liés à la
pénurie d'effectifs et l'urgence d'agir à ce niveau, que les principes en ce qui a trait à la
planification et la répartition des effectifs médicaux des médecins spécialistes en gériatrie à
court et moyen terme. Les recommandations à la fin du document précisent les différents
enjeux sur lesquels, en collaboration avec l'AMGQ, les différents acteurs du réseau devront
s'intéresser et agir à court terme pour assurer non seulement l'accessibilité à des services
spécialisés en gériatrie mais aussi la prestation de soins sécuritaires et adaptés à la vulnérabilité
de cette clientèle à travers le continuum de soins. Ce document a été soumis au comité
exécutif de l’AMGQ pour approbation et diffusion à travers le réseau de la santé.
6
INTRODUCTION
Au cours des prochaines années, de nombreuses sociétés occidentales, dont le Québec,
subiront d’importantes transformations qui auront un impact significatif sur son système de
santé et l’équilibre entre l’offre de services et de la demande pour ces derniers. Ultimement,
ces changements nécessiteront une adaptation de l’organisation structurelle du système de
santé sur plusieurs plans, dont celui des ressources humaines dédiées aux soins à la personne
vieillissante.
Ce document se veut une réflexion sur le rôle du gériatre à travers le continuum de soins de
même que dans l'enseignement, la formation continue, la recherche, le développement et
l’expertise de même que l'implication dans l'administration et l'organisation des soins de santé
au Québec.
7
L’ACCÉLÉRATION DU VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION:
UN DÉFI POUR LES SOINS AUX AÎNÉS
Selon la banque de données des statistiques officielles sur le Québec1, la population âgée de 65
ans et plus va doubler d’ici 2031, de sorte qu’elle représentera le quart (1/4) de la population
totale à ce moment. Ainsi, le Québec comptera 2,2 M de personnes âgées de 65 ans et plus en
2031.
Au sein du groupe des 65 ans et plus, la croissance sera plus élevée parmi les 75-84 ans. En
effet, tel qu’illustré à la figure 1, l’arrivée des premiers baby-boomers au sein de cette tranche
d’âge entre 2015 et 2020 entraînera un vieillissement rapide de la population âgée. Bien que
l’état de santé soit hétérogène chez les aînés, c’est dans cette tranche d’âge que se retrouve la
prévalence la plus élevée de comorbidités et d’incapacités fonctionnelles.
Figure 1. Croissance de la population âgée de 75 ans et plus, par tranche d’âge, 2000-2031.À partir de 2015, on
note l’arrivée des premiers baby-boomers âgés de 75 ans et plus.
(Source: voir texte; ©2012 Stéphane Lemire, MD, MSc, FRCPC)
1
http://www.bdso.gouv.qc.ca/pls/ken/iwae.proc_acce?p_temp_bran=MSSS#
8
IMPACT SUR LE RÉSEAU
Le vieillissement de la population a un impact important sur tous les éléments du continuum de
soins. L’impact est majeur à l’urgence (figure 2) et en soins aigus (figure 3), qui demeurent
encore le centre névralgique du système de santé. On constate la croissance continue, depuis
les années 2000, du nombre de visites de personnes âgées de 75 ans et plus consultant à
l’urgence. De plus, les données québécoises témoignent d’une hausse de leur proportion sur
civière à l’urgence: près de 25% des patients sur civière sont maintenant âgés de 75 ans ou plus.
Le défi est d’autant plus grand que la complexité des situations cliniques et sociales et la
pénurie de ressources entrainent des durées de séjour à l’urgence qui avoisinent
régulièrement, et même dépassent, les 24 heures. Une telle durée de séjour n’est pas sans
conséquence sur le statut fonctionnel de la personne âgée2.
Figure 2. Nombre de visites de personnes âgées de 75
ans et plus sur civière à l’urgence, en millier, Québec.
(Source : MSSS)
©2011 Stéphane Lemire, MD, MSc, FRCPC
Figure 3. Nombre d’hospitalisations de personnes
âgées de 75 ans et plus, Québec, depuis 2001.
(Source : BDSO)
©2011 Stéphane Lemire, MD, MSc, FRCPC
Or, la majorité des personnes âgées qui consultent à l’urgence le font pour des raisons
médicalement justifiées. Bien que la raison de consultation soit une cause fondamentalement
physique, la présentation clinique est fréquemment atypique et, bien souvent, à connotation
« sociale ». En effet, pour 74 % de ceux-ci, la perte d’autonomie est la 1ère conséquence de la
maladie qui a justifié leur visite3. De plus, selon Gruneir4 :

2
45 % consultent pour des conditions nécessitant une intervention urgente, alors que ce
ratio est de 30 % chez les plus jeunes;
Le lecteur est référé au cadre de référence (2010. Approche adaptée à la personne âgée en milieu hospitalier. La
Direction des communications du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec ed. : IUGM-CSSS IUGS.)
3
Samaras, Annals of Emergency Medicine , 56(3): 261-269
4
Gruneir, Medical Research and review, 68(2): 131-155, 2011
9



19% des diagnostics posés chez les aînés qui consultent à l’urgence étaient liés à une
perte d’autonomie: chutes, déshydratation, manque d’apport, troubles de l’humeur,
etc.;
Jusqu’à 50% nécessiteront une hospitalisation;
Vu leur condition clinique, moins de 6% auraient pu recevoir leurs soins initiaux dans
une autre ressource.
Enfin, les personnes âgées sont une des clientèles principales en soins aigus. En 2010-11, les 75
ans et plus représentaient 25% des patients hospitalisés et contribuaient pour 40% des jours
d’hospitalisation et ces pourcentages sont en croissance constante depuis les 25 dernières
années (Info Med-Echo, février 2012).
IMPACT SUR LA SANTÉ FONCTIONNELLE
Malgré l’amélioration perçue de l’état de santé générale des populations vieillissantes, et en
dépit de l’hypothèse de la compression de morbidité émise par Fries et reprise par d’autres
auteurs5, un débat persiste quant à l’impact économique et social du vieillissement6. Certains
auteurs ont un discours plutôt alarmiste, alors que d’autres sont plus pondérés. Peu importe le
point de vue, Lafortune et al.7 concluent, de façon équilibrée à partir de leur analyse
comparative au sein des pays de l’OCDE, qu’« il ne serait pas prudent de la part des décideurs
politiques de compter sur une réduction à venir de la prévalence de l’incapacité sévère chez les
personnes âgées pour compenser l’augmentation de la demande de soins de longue durée qui
résultera du vieillissement de la population ». Et le même raisonnement peut certainement
s’appliquer pour l’ensemble des soins de santé dispensés aux aînés tout au long du continuum
de soins.
Ainsi, malgré les divergences quant aux implications précises de ces données au point de vue de
l’ensemble d’un système de santé, il importe de réserver une place prépondérante pour
l’approche gériatrique globale dans les soins individuels aux patients âgés afin de maximiser la
5
Hypothèse selon laquelle les conséquences fonctionnelles des maladies chroniques diminueront grâce à la
prévention des maladies chroniques. Le lecteur est référé aux auteurs pertinents : Fries, J. F. (1980). "Aging,
natural death and the compression of morbidity." N Engl J Med 303(3): 130-135; Fries, J. F. (1998). "Reducing
cumulative lifetime disability: the compression of morbidity." Br J Sports Med 32(3): 193; Crimmins, E. M. and H.
Beltran-Sanchez (2011). "Mortality and morbidity trends: is there compression of morbidity?" J Gerontol B Psychol
Sci Soc Sci 66(1): 75-86.
6
de Grey, A. D. (2006). "Compression of morbidity: the hype and the reality, part 1." Rejuvenation Res 9(1): 1-2 ;
de Grey, A. D. (2006). "Compression of morbidity: the hype and the reality, part 2." Rejuvenation Res 9(2): 167168 ; Rice, D. P. and N. Fineman (2004). "Economic implications of increased longevity in the United States." Annu
Rev Public Health 25: 457-473.
7
Lafortune, G., G. Balestat, et al. TRENDS IN SEVERE DISABILITY AMONG ELDERLY PEOPLE: ASSESSING THE
EVIDENCE IN 12 OECD COUNTRIES AND THE FUTURE IMPLICATIONS. OECD HEALTH WORKING PAPERS NO. 26.
10
prévention de leur déclin fonctionnel et d’en minimiser les conséquences. Plusieurs études et
méta-analyses démontrent que l’évaluation et l’intervention multifactorielle par des
interventions préventives de base soutenues par des équipes ayant une expertise en soins à la
personne âgée permettent de retarder le déclin fonctionnel de la personne âgée8. Une telle
approche est d’autant plus importante que le Québec accuse un certain retard dans la
formation, en nombre suffisant, d’une main d’œuvre compétente en soins aux aînés. Ce retard
affecte également le développement de solutions matérielles novatrices pour répondre aux
besoins des personnes âgées et relever le défi du vieillissement de la population en ce qui a
trait aux aspects cliniques, d’enseignement et de recherche pour la première ligne médicale et
en spécialité. Par exemple, la démence est une comorbidité significative et un prédictif
important de déclin fonctionnel, et l’augmentation de l’incidence de démence pourrait
conduire à une croissance importante des besoins pour des mesures compensatoires tant au
niveau des ressources humaines que matérielles.
L’EFFET SYNERGIQUE DE LA TRANSITION ÉPIDÉMIOLOGIQUE ET DU VIEILLISSEMENT
Depuis le 20e siècle, la population a bénéficié grandement de l’amélioration des conditions
socio-sanitaires, de même que d’avancées technologiques et thérapeutiques majeures.
Conséquemment, nous assistons à une transition épidémiologique importante. En effet, alors
qu’à une autre époque les maladies aiguës prédominaient, l’amélioration de la survie de la
population a permis l’émergence des maladies chroniques et entraîne leur accumulation au fil
du temps.
Les maladies chroniques présentent les caractéristiques suivantes9,10 :
●
●
Non contagieuses,
Résultat cumulatif d’une exposition prolongée à des facteurs de risque évitables ou non,
résultant en un long temps de latence,
● Incurables, irréversibles, bien que souvent contrôlables et nécessitant donc un suivi et un
traitement sur de longues périodes,
● Impact sur la qualité de vie et résultant ultimement en des incapacités pour le patient.
L’impact le plus significatif de cette transition résulte sans doute du phénomène de multi
morbidité, par lequel un même patient est atteint simultanément de plusieurs maladies
chroniques souvent inter-reliées. Chez la personne âgée de plus de 65 ans, ce phénomène
8
Le lecteur est référé au cadre de référence (2010. Approche adaptée à la personne âgée en milieu hospitalier. La
Direction des communications du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec ed.: IUGM-CSSS IUGS.)
9
Tiré du document « un portrait régional en soutien à la prévention et à la gestion des maladies chroniques » et
basé sur : Léonard AUCOIN, « Les maladies chroniques : un problème aigu », Priisme Info, 2005b (Mars 2005) : 4-6.
10
BRAIS N., G. M. e. L. R. (2009). Un portrait régional en soutien à la prévention et à la gestion des maladies
chroniques – Fascicule 1. Québec,, Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale: 68 p. et
annexes.
11
constitue la norme plutôt que l’exception. En effet, selon un rapport de Broemeling et al.11
utilisant les données de Statistique Canada de 2005, « la proportion des patients avec
comorbidités s’accroît avec l’âge, et on retrouve deux conditions ou plus chez 49% des 65-79
ans et 59% des plus de 80 ans ». Ces maladies ont un impact d’autant plus grand qu’elles sont
souvent regroupées sous forme de « cluster »12 et elles s’accompagnent d’une complexité
clinique croissante à mesure qu’elles s’accumulent chez un même patient13 et qu’on tient
compte de facteurs bio-psycho-sociaux pour leur prise en charge14. Enfin, le nombre de
comorbidités et la présence de certains « cluster » types sont étroitement liés à l’utilisation de
services par les patients âgés15. L’expertise du gériatre quant aux soins à la personne âgée
concerne justement cette complexité et permet l’intégration des objectifs du patient, de sa
famille, du médecin et du système de soins de santé.
LES DÉPENSES DE SANTÉ: LE MYTHE DE LA FAILLITE DES SYSTÈMES DE SANTÉ
DUE À L’ÂGE
En 2008, le « rapport Castonguay »16 faisait le point sur les enjeux reliés au financement du
système de santé québécois. La figure 4 montre l’écart croissant des dernières années entre la
progression de l’économie québécoise et la progression des dépenses de santé.
Figure 4 : Données montrant le déficit grandissant résultant de la croissance des dépenses de
santé à un rythme supérieur à la croissance de l’économie (Rapport Castonguay, 2008).
11
Anne-Marie Broemeling, D. E. W. F. P. and C. on behalf of councillors on the Health Outcomes Steering
Committee of the Health Council of (2008). "Population Patterns of Chronic Health Conditions, Co-morbidity and
Healthcare Use in Canada: Implications for Policy and Practice." Healthcare Quarterly 11(3): 70-76.
12
Amalgamation de plusieurs maladies chroniques interreliées, par exemple le syndrome métabolique : obésité,
hypertension, diabète, dyslipidémie.
13
Tinetti, M. E., S. T. Bogardus, Jr., et al. (2004). "Potential pitfalls of disease-specific guidelines for patients with
multiple conditions." N Engl J Med 351(27): 2870-2874.
14
Safford, M. M., J. J. Allison, et al. (2007). "Patient complexity: more than comorbidity. the vector model of
complexity." J Gen Intern Med 22 Suppl 3: 382-390.
15
van den Bussche, H., G. Schon, et al. (2011). "Patterns of ambulatory medical care utilization in elderly patients
with special reference to chronic diseases and multimorbidity--results from a claims data based observational
study in Germany." BMC Geriatr 11: 54.
16
Castonguay, C., J. Marcotte, et al. (2008). RAPPORT DU GROUPE DE TRAVAIL SUR LE FINANCEMENT DU SYSTÈME
DE SANTÉ EN AVOIR POUR NOTRE ARGENT. Québec, Gouvernement du Québec.
12
Bien que les constats supportent un impact important du vieillissement de la population sur la
demande de soins de santé, l’âge n’est pas nécessairement le principal déterminant des
dépenses de santé. En effet, de nombreuses études ont démontré que l’âge a un effet
modeste, ou encore n’est qu’un corolaire de changements survenant à différents niveaux17.
Par exemple :
Augmentation unitaire des coûts d’épisodes hospitaliers en réponse à une complexité
croissante18
20
19
● Dépenses pharmaceutiques et technologiques
20
● Politiques publiques
20
● Multi morbidité (notamment lorsque résultant en incapacités fonctionnelles) .
●
D’ailleurs, il est démontré qu’une offre de soins non adaptée aux besoins complexes de la
clientèle âgée multi morbide entraine une augmentation des complications ayant un impact
direct sur l’état de santé et l’état fonctionnel de celle-ci. Il en résulte un impact négatif
important sur la qualité de vie des patients et leur famille, sans oublier les coûts directs et
indirects pour le système de soins. Il est donc primordial d’agir rapidement pour consolider la
mise en place d’une organisation de services adaptée aux besoins de cette clientèle, dont le
noyau devrait continuer d’être le modèle d’intégration développé au Québec. Ainsi, notre
société pourra éviter une explosion potentiellement évitable des coûts liés aux soins offerts à
une clientèle qui croît rapidement. Il faudra donc investir dans une approche de soins globale
et interprofessionnelle de même que dans une amélioration de l’accessibilité de la clientèle
âgée à certains traitements, qui lorsque administrés trop tardivement, réduisent directement et
de façon permanente l’autonomie fonctionnelle de la clientèle.
Or, la rareté des ressources humaines et physiques, ainsi que les restrictions budgétaires sont
une constante au sein du réseau de la santé et des services sociaux du Québec. Elle affecte
l’accessibilité aux soins de la population âgée au sein du continuum, d'où l'augmentation des
listes d’attentes aux différents points de service: consultations, examens et traitements
chirurgicaux et non chirurgicaux, suivi en première ligne non encore consolidé, ressources de
réadaptation publiques internes et externes (gériatriques ou non), maintien à domicile,
hébergement, etc. L’ajout de ressources supplémentaires apparaît non viable à long terme, et
une meilleure gestion de celles en place est primordiale.
17
Denton, F. T., A. Gafni, et al. (2009). "Users and suppliers of physician services: a tale of two populations." Int J
Health Serv 39(1): 189-218.
18
Steven, M. and C. Colleen (2011). "Population Aging and the Determinants of Healthcare Expenditures: The Case
of Hospital, Medical and Pharmaceutical Care in British Columbia, 1996 to 2006." Healthcare Policy 7(1): 68-79
19
Di Matteo, L. (2005). "The macro determinants of health expenditure in the United States and Canada: assessing
the impact of income, age distribution and time." Health Policy 71(1): 23-42.
20
van den Bussche, H., G. Schon, et al. (2011). "Patterns of ambulatory medical care utilization in elderly patients
with special reference to chronic diseases and multimorbidity--results from a claims data based observational
study in Germany." BMC Geriatr 11: 54.
13
Ceci passe inévitablement par la priorisation des soins aux aînés dans le cadre du
développement des ressources interprofessionnelles, une mise à niveau des connaissances des
soignants en place en ce qui a trait au vieillissement normal et pathologique et des
connaissances quant à la proportionnalité des interventions et traitements prodigués. En effet,
de nombreuses études ont mis en évidence que la clientèle âgée est souvent sous-traitée
(entraînant des conséquences fonctionnelles négatives), ou encore sur-traitée. Ainsi,
l’âgisme21, encore très présent au sein de notre société, se retrouve invariablement dans notre
réseau de la santé et dicte souvent les conduites thérapeutiques davantage que les
connaissances scientifiques.
À ces égards, l’implantation progressive au sein du réseau de soins d’une approche adaptée à la
personne âgée hospitalisée est un pas dans la bonne direction22. Aussi, diverses façons pour
orienter les politiques publiques et répondre à la croissance des dépenses en santé ont été
explorées en détail23,24 et ne seront pas reprises ici. La place de l’interniste-gériatre face à ces
changements doit donc être clairement affirmée et établie.
21
« Mécanisme psychosocial engendré par la perception consciente ou non des qualités intrinsèques d’un individu
(ou d’un groupe) en lien avec son âge. Le processus qui le sous-tend s’opère de manière implicite et/ou explicite, et
s’exprime de manière individuelle ou collective par l’entremise de comportements discriminatoires, de stéréotypes
et de préjugés pouvant être positifs mais plus généralement négatifs.» Boudjemadi, V., & Gana, K. (2009).
L’âgisme : Adaptation française d’une mesure et test d’un modèle structural des effets de l’empathie, l’orientation
à la dominance sociale et le dogmatisme sur l’âgisme. Revue canadienne du vieillissement, 28, 371-389.
22
Le lecteur est référé au cadre de référence (2010. Approche adaptée à la personne âgée en milieu hospitalier. La
Direction des communications du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec ed.: IUGM-CSSS IUGS.)
23
Castonguay, C., J. Marcotte, et al. (2008). RAPPORT DU GROUPE DE TRAVAIL SUR LE FINANCEMENT DU SYSTÈME
DE SANTÉ EN AVOIR POUR NOTRE ARGENT. Québec, Gouvernement du Québec.
24
Chappell, N. L. and M. J. Hollander (2011). "An Evidence-Based Policy Prescription for an Aging Population."
HealthcarePapers 11(1): 8-18.
14
LA GÉRIATRIE SPÉCIALISÉE EN 2012 :
UN DÉFI À RELEVER, UN RÔLE À CLARIFIER
Les défis liés au vieillissement de la population, à la transition épidémiologique et à la
croissance des coûts de santé sont nombreux. Or, si le groupe des personnes âgées en perte
d’autonomie représente actuellement un défi important pour le réseau de la santé québécois,
le phénomène s’amplifiera rapidement au cours des 5 prochaines années. L’expertise de
l’interniste-gériatre quant aux soins à la personne âgée par une approche biopsychosociale
devient essentielle non seulement dans le continuum de soins directs aux patients, mais
également dans l’enseignement, la recherche appliquée et l’expertise auprès des instances
administratives. Il apparaît maintenant urgent que les internistes-gériatres soient intégrés de
façon efficiente aux pistes de solution, dans l’optique d’une utilisation judicieuse des ressources
spécialisées fondée sur les données probantes, tout en tenant compte du fait qu’il s’agit d’une
ressource encore très limitée.
HISTOIRE DE LA GÉRIATRIE: LA NAISSANCE D’UNE SPÉCIALITÉ25
Le concept de l’approche gériatrique globale a été décrit pour la première fois dans les années
30 en Grande-Bretagne par la docteure Marjory Warren.
Celle-ci, alors qu’elle était responsable médicale d’un hôpital de soins de longue durée, avait
constaté que la majorité des patients âgés de cet hôpital étaient alités et dépendants. Ils
avaient été négligés sur le plan médical, étant non diagnostiqués ou mal diagnostiqués pour des
conditions souvent réversibles avec un traitement et une réadaptation appropriés. Elle a donc
créé les premières unités spécialisées d’évaluation gériatrique dans lesquelles elle évaluait
systématiquement chacun de ces patients et leur offrait une réadaptation appropriée. La
majorité de ces patients ont retrouvé leur capacité à la marche, une meilleure autonomie et
plusieurs d’entre eux ont pu être retournés à domicile.
C’est suite à cette expérience qu’on a compris l’importance d’une évaluation systématique de
l’état de santé et des capacités et incapacités et l’importance d’un plan d’intervention adapté
et de la réadaptation fonctionnelle dans le devenir de ces patients.
Ce mode d’intervention a donné naissance à ce que l’on appelle aujourd’hui l’approche
gériatrique globale. Elle se définit comme une approche interdisciplinaire et
multidimensionnelle centrée sur les capacités et problèmes physiques, fonctionnels et
psychosociaux du patient. Par cette approche, le processus d’évaluation diagnostique de
même que le processus d’intervention permettent l’optimisation du statut fonctionnel de la
personne âgée.
25
Dupras A., Kergoat M-J., Kissel C., Latour J., Lebel P. : Proposition d’un modèle de services gériatriques en centre
hospitalier de soins de courte durée dans la région des Laurentides, Rapport de consultation à la Régie des
Laurentides, 1998
15
Les objectifs de l’approche gériatrique globale sont:
de préciser les diagnostics afin d’optimiser l’intervention biopsychosociale et le
traitement médical
● d’améliorer ou préserver l’état fonctionnel du patient et d’offrir du soutien au réseau
social du patient
● de conseiller et éduquer à la prévention
● de recommander un milieu de vie et un milieu de soins adéquats
●
et ce afin:
de favoriser le maintien dans le milieu de vie naturel et ainsi éviter ou retarder
l’institutionnalisation
● de déterminer les besoins à long terme
● d’améliorer la qualité de vie et la qualité des soins de fin de vie du patient
● d’utiliser les différentes ressources de façon efficace et appropriée
●
Le patient est donc dirigé vers des services adaptés à ses besoins, ce qui améliore ses capacités
fonctionnelles et sa qualité de vie.
Depuis les premiers modèles d’évaluation globale gériatrique en Grande-Bretagne, cette
philosophie s’est répandue à travers le monde et s’est implantée à différents niveaux de
services. C’est ainsi qu’est née la spécialité de gériatrie et que se sont développées les unités
de courte durée gériatrique, les unités de réadaptation gériatrique, les services de
consultations gériatriques, les hôpitaux de jour, les centres ambulatoires ainsi que les
interventions de soins gériatriques à domicile.
LES BÉNÉFICES DE L’APPROCHE GÉRIATRIQUE GLOBALE26, 27
Les résultats des études sur les bénéfices de cette approche sont très hétérogènes puisque le
nombre de patients étudiés, les types et objectifs des programmes, la clientèle visée et les
résultats diffèrent d’une étude à l’autre, reflétant ainsi les particularités et les besoins
différents des milieux sociaux pour lesquels ces programmes ont été localement conçus.
Plusieurs effets bénéfiques ont été observés:
Amélioration de:
● la précision des diagnostics, essentielle à un plan d’intervention approprié
26
Dupras A., Kergoat M-J., Kissel C., Latour J., Lebel P.: Proposition d’un modèle de services gériatriques en centre
hospitalier de soins de courte durée dans la région des Laurentides, Rapport de consultation à la Régie des
Laurentides, 1998
27
Le présent document ne propose pas de recension détaillée des écrits quant à l’efficacité de l’approche
gériatrique globale. De nombreuses études et méta-analyses, évaluant le bénéfice de l’approche dans différents
contextes de soins, ont été publiées sur le sujet.
16
●
●
●
la survie
la satisfaction des patients ou aidants naturels
l’accès aux services sociaux dans la communauté
Amélioration, préservation ou ralentissement du déclin fonctionnel
Diminution de:
● la polymédication
● la fréquence des hospitalisations en soins aigus
● taux d’hébergement.
● durée d’hospitalisation
Quelques études coûts-bénéfices ont démontré une diminution globale des coûts. Aucune
étude n’a démontré d’effets délétères de cette approche.
Les bénéfices démontrés sembleraient significativement plus importants pour les programmes
comportant les caractéristiques suivantes:
●
clientèle ciblée (exclusion des patients très fonctionnels ou avec pronostic très
défavorable ou potentiel limité)
● prise en charge interdisciplinaire du patient avec contrôle sur l’application des
interventions bio-psycho-sociales proposées et programmes assurant un suivi à long
terme (continuité entre les services) pour préserver les bénéfices acquis.
L’ÉVOLUTION DE L’APPROCHE GÉRIATRIQUE À TRAVERS LE MONDE ET AU QUÉBEC
À ses débuts, compte tenu de la rareté des équipes interprofessionnelles, de la faible
proportion de la clientèle âgée sur le plan démographique et par conséquent dans les différents
services du continuum de soins, l’approche de soins gériatriques globale se limitait surtout en
soins aigus dans les Unités de Courte Durée Gériatriques (UCDG), créées dans les années ’80 au
Québec. On y regroupait alors dans une même unité physique les personnes âgées les plus
vulnérables qui nécessitaient une hospitalisation mais qui présentaient un potentiel de
maintien ou de récupération fonctionnelle. Cette unité était adaptée sur le plan de
l’environnement et les soins étaient prodigués par une équipe interprofessionnelle formée en
soins à la personne âgée afin de maximiser le succès des interventions et d’en limiter les
complications évitables.
Or, avec le vieillissement de la population dans de nombreux pays industrialisés, les personnes
âgées consomment maintenant des soins dans tous les secteurs de la santé, de la chirurgie aux
services de médecine spécialisée et d’oncologie. Plusieurs chercheurs ont vu l’urgence, compte
tenu des bienfaits de l’approche gériatrique globale en UCDG pour la qualité de vie des aînés et
dans l’efficience des services, d’exporter cette philosophie de soins sur les unités de soins
standards par des approches de soins incluant:
17
La mise à niveau des connaissances des équipes soignantes sur la vulnérabilité liée au
vieillissement, les syndromes gériatriques
● La mise en place d’interventions interprofessionnelles multi dimensionnelles adaptées
aux particularités de la personne âgée par l’équipe de première ligne axées sur:
– Des interventions systématiques de prévention du déclin cognitif et fonctionnel
– De la surveillance au quotidien et intervention précoce sur les complications
– La pharmacovigilance
● Le soutien à l’intégration dans les soins au quotidien par du coaching et souvent par une
expertise spécialisée en gériatrie (infirmière ressource clinicienne, gériatre)
●
Les différentes études ont démontré28 que ces interventions ont eu pour résultats:








↓ 30% perte d’autonomie au congé (NNT=4)
↓ de 15-60%, selon l’étude, du délirium et de sa durée (NNT=15). Pour chaque épisode
de délirium prévenue ↓ durées de séjour de 3,3 jours
↓ usage de sédatifs-hypnotiques
↓ usage des contentions physiques et chimiques jusqu’à 90%
↓ surveillance en continu de 100%
↓ chutes de 25%
↓ hébergement
↓ durée de séjour
Par conséquent, depuis 15 ans aux États-Unis et en Grande Bretagne et plus récemment au
Canada, les experts en gériatrie s’impliquent de plus en plus dans le développement de
programmes de soins adaptés aux besoins de la clientèles âgées, s’adressant aux équipes
soignantes de première et deuxième lignes, afin d’améliorer dans l'ensemble du continuum de
soins la sécurité des soins et le succès des interventions de pointes dont bénéficient les
personnes âgées29.
En effet, les ressources sur-spécialisées en soins à la personne âgée sont insuffisantes pour
permettre de maintenir un regroupement de ces clientèles sur des unités spécialisées. Par
exemple, il y a très peu de sur-spécialistes dédiés à cette clientèle contrairement à la pédiatrie
(chirurgie pédiatrique, soins intensifs pédiatriques, onco-pédiatrie etc.). Pourtant, dans sa
28
Cadre de Référence de l’Approche adaptée à la personne âgée en milieu hospitalier, annexe B p 112-118, 2011,
No. ISBN : 978-2-550-60945-2 (PDF), Publication no : 10-830-03W
29
idem
18
physiologie, la personne âgée présente elle aussi des particularités propres qui doivent être
considérées.
Compte tenu qu’elles représentent 40% des personnes hospitalisées et jusqu’à 70 % dans
certains secteurs (neurologie, cardiologie, orthopédie, chirurgie, ….) il est donc du devoir de
tous les professionnels de la santé œuvrant en médecine adulte de mettre à niveau leurs
connaissances, afin d’offrir des soins adaptés aux particularités physiologiques de la personne
âgée en concordance avec les standards de pratique. Ainsi, les soins à la personne âgée
deviennent l’affaire de tous les professionnels œuvrant en médecine, en psychiatrie et
chirurgie adulte. Or, historiquement, les gériatres de plusieurs milieux ont priorisé leurs
interventions dans les unités de courte durée gériatriques dans un modèle traditionnellement
hospitalo-centriste. Étant donné les éléments contextuels abordés jusqu’à maintenant, les
gériatres doivent étendre et préciser leur rôle dans tout le continuum de soins afin que
l’ensemble du réseau puisse tirer profit de leur expertise. Dans l'optique de répondre aux
besoins cliniques, académiques et d'expertise en soins aux personnes âgées, le regroupement
de gériatres en masses critiques doit être privilégié. De plus, les programmes de formation
universitaires de tous les professionnels de la santé, ainsi que des différentes spécialités
médicales devront s’ajuster à la réalité de la clientèle que notre système de santé dessert et
s’assurer que les diplômés aient les connaissances nécessaires en soins à la personne âgée.
Présentement, un faible pourcentage seulement de la formation des différents professionnels
de la santé, incluant celle des médecins, est consacré aux connaissances sur le vieillissement
normal et les particularités dans les soins aux personnes âgées. Dans certaines facultés de
médecine, le stage de gériatrie n’est même pas obligatoire dans la formation.
L’EXPERTISE DE L’INTERNISTE-GÉRIATRE: UNE RESSOURCE SPÉCIFIQUE
Le gériatre est un interniste qui a une formation de surspécialité en gériatrie, qui possède des
connaissances plus approfondies sur la physiologie du vieillissement, les pathologies liées à
l’âge, ainsi que leur pronostic et les particularités des traitements des pathologies chez la
personne âgée. De plus, sa formation le rend efficient dans l’évaluation de plusieurs aspects
primordiaux de la santé des ainés: synthèse des différents problèmes de santé et leur impact
sur leurs capacités fonctionnelles, détermination du potentiel fonctionnel, prise en charge des
syndromes gériatriques, approche éthique des problèmes bio-psycho-sociaux liés au processus
de vieillissement et à l’impact des maladies chroniques concomitantes. Enfin, il possède des
compétences sur l’approche de soins interdisciplinaire de la personne âgée. Cette spécialité est
reconnue depuis 1981 par le Collège Royal des Médecins et Chirurgiens du Canada et depuis
1987 par le Collège des Médecins du Québec.
19
Les gériatres occupent donc un rôle important et essentiel à travers le continuum de soins:
Activités cliniques:
● Cogestion des unités spécialisées: UCDG, cliniques d’évaluation d’un jour, réadaptation
gériatrique, etc.
● Consultant auprès d’équipe de soins de 1ère, 2ème et 3ème lignes en milieu hospitalier
pour les situations cliniques plus complexes
● Consultant dans des cliniques ambulatoires auprès des 1ère, 2ème et 3ème lignes
● Implications dans le développement et la dispensation de services cliniques spécialisés
tertiaires (ex: cliniques de cognition, troubles du mouvement, dysphagie, incontinence,
oncogériatrie, chutes et troubles de la marche, clinique de la douleur, cardiogériatrie et
orthogériatrie)
● Expertise légale dans certaines situations
Enseignement/Formation continue:
● Participation à l'élaboration des programmes d'enseignement
● Participation à l’enseignement aux étudiants et résidents en médecine de différentes
spécialités ainsi qu’aux étudiants des autres professions offrant des services de soins
aux personnes âgées
● Formation médicale continue des différents professionnels de la santé
Expertise:
● Expert-conseil sur différents comités locaux, régionaux et provinciaux d’amélioration de
la pratique et de politiques de prévention
● Expert-conseil auprès de la santé publique
● Élaboration de lignes directrices et guides de pratiques médicales
Participation au développement de la recherche sur:
● l’épidémiologie des maladies associées au vieillissement
● le processus du vieillissement et les limitations et incapacités fonctionnelles associées
● les pathologies, leur évolution et leurs traitements
● le développement de nouvelles méthodes diagnostiques et de nouveaux traitements
● l’organisation et la dispensation des soins de santé aux personnes âgées
Administration/Gestion:
● Expert-conseil pour l’organisation et le développement des soins adaptés aux besoins de
la personne âgée à travers le continuum de soins (ex: collaboration pour l’approche
adaptée à la personne âgée en milieu hospitalier)
● Participation à la conception, l’organisation et l’évaluation du système de soins intégrés
aux personnes âgées (ex: RSIPA)
20
L’ÉVOLUTION DE LA PRATIQUE DE LA GÉRIATRIE SPÉCIALISÉE AU QUÉBEC
Malgré un rôle clairement exprimé au sein de champs de compétence bien définis, les
préoccupations des professionnels et gestionnaires québécois quant aux soins aux aînés forcent
souvent les gériatres à intervenir dans le continuum de soins de santé en dépassant le cadre de
leur mandat défini par leur expertise spécifique au sein d’une offre de services gériatriques
hiérarchisés.
Ainsi, dans la dernière décennie, la pratique des gériatres québécois a dû supporter des écarts
de service (« care gaps ») croissants entre les éléments d’un continuum de soins de plus en plus
complexe et des pressions imposées par le réseau de la santé et des services sociaux30.
Contrairement à ce qu’on constate dans plusieurs spécialités, on dénote une variabilité
significative entre les établissements et régions quant au rôle attendu du gériatre,
généralement en réponse aux impératifs contextuels propres à ces derniers:
●
●
●
●
●
●
Insuffisance de formation au niveau des divers professionnels de la santé en ce qui a
trait au vieillissement normal et pathologique, la vulnérabilité physiologique de l'aîné, la
prise en charge des syndromes gériatriques et les connaissances sur les soins adaptés
aux besoins de cette clientèle;
Manque d'infirmières spécialisées en clientèle personnes âgées;
Pénurie de médecins « hospitalistes », particulièrement dans les grands centres urbains;
Difficultés d’accès à un médecin de famille en communauté;
Déficience dans l’organisation du continuum des soins et services de santé aux
populations âgées vulnérables, résultant en des écarts de service significatifs;
Méconnaissance des médecins et des instances administratives quant au rôle et aux
spécificités du gériatre dans le réseau de la santé, entraînant fréquemment une
confusion entre les compétences des gériatres, internistes et omnipraticiens avec
formation complémentaire en gériatrie ou intérêt professionnel envers cette clientèle.
Tous ces éléments ont un impact majeur sur notre participation de même que le
développement et l’offre réel de services spécialisés en gériatrie:
30
Ce que l’AMGQ caractérisait de «gériatrie contextuelle » dans le livre bleu de la gériatrie de 1998
21
Services Cliniques
● Retard dans le développement de cliniques spécialisées tertiaires et la télémédecine.
Actuellement, la mise en place de tels services est limitée, mais des bénéfices certains
ont été démontrés dans plusieurs domaines pour les patients, dont l’oncologie
gériatrique et l’évaluation gériatrique globale préopératoire et suivi postopératoire. En
effet, une sélection appropriée et un suivi clinique adapté des patients âgés pour une
procédure toxique comme la chimiothérapie ou invasive comme la chirurgie est
primordiale pour assurer la pertinence et la qualité de telles interventions.
● Implication limitée comme consultant auprès des équipes de médecine et chirurgie
● Implication limitée dans la participation au développement de protocoles de soins
adaptés à la vulnérabilité de l’aîné (ex: protocoles pharmacologiques, protocoles postintervention, etc.)
Enseignement: Implication limitée
● enseignement clinique et enseignement formel aux facultés de médecine: pré-gradué,
externat, résidence
● enseignement dans les programmes de différents professionnels de la santé
● en formation continue des médecins mais aussi des autres professionnels de la santé
Recherche
● très peu de temps consacré au Québec et besoin accru de développer la recherche à
tout niveau dans les soins aux personnes âgées (recherche clinique et développement
de pratiques de soins adaptés)
Expertise: demande croissante mais implication limitée
● à participer à des comités d'experts locaux, régionaux et provinciaux
● à collaborer en administration et organisation des soins de santé et en santé publique
● comme témoin expert à la cour
22
PÉNURIE D'EFFECTIFS MÉDICAUX EN GÉRIATRIE SPÉCIALISÉE
Le Québec compte en 2012 à peine 63 internistes-gériatres actifs. La moyenne d’âge est de 46
ans et on note une distribution bimodale des effectifs (figure 5). Ainsi, une proportion non
négligeable des gériatres se rapproche de la retraite (figure 6): le quart des gériatres comptent
prendre leur retraite au cours des dix (10) prochaines années, soit au moment où le Québec
verra se concrétiser l’accélération du vieillissement de sa population.
Figure 5. L’âge des gériatres présente une distribution bimodale.
Source: AMGQ-sondage 2011. ©2011 Stéphane Lemire, MD, MSc, FRCPC
Figure 6. Les retraites des gériatres québécois commenceront prochainement, au moment même où
le vieillissement de la population s’accélérera.
Source: AMGQ-sondage 2011. ©2011 Stéphane Lemire, MD, MSc, FRCPC
23
De plus, le recrutement de résidents vers la spécialité de gériatrie est limité et demeure un défi
à chaque année pour diverses raisons:
1.
Manque de visibilité de la spécialité:
●
●
●
●
●
●
les gériatres sont peu disponibles pour s’impliquer dans l’enseignement pré gradué, la
charge clinique étant prédominante;
stages en gériatrie non obligatoires dans toutes les universités;
Pourcentage élevé de milieux de stages supervisés par des médecins de famille puisque
le milieu de stage privilégié demeure les unités de courte durée et que le nombre limité
de gériatres ne permet pas d’accueillir l’ensemble des étudiants dans des unités de
courte durée pilotées par des gériatres. Outre la médecine d’urgence, il s’agit de la
seule spécialité où les étudiants ne sont pas obligatoirement en contact avec le
spécialiste de la discipline du stage durant celui-ci;
Stage de gériatrie très court, ne permettant pas d’exposer le résident à différents volets
de la médecine spécialisée (moyenne de jour/présence du résident = 15 jours de stage
vu les absences pour vacances/gardes);
Malgré une exposition au quotidien fréquente aux personnes âgées à travers toutes les
spécialités médicales et chirurgicales, les résidents de ces spécialités sont supervisés
dans leur rôle par des médecins qui eux-mêmes ont reçu peu ou pas de formation en
soins à la personne âgée; l’enseignement dispensé actuellement à travers les stages en
gériatrie n’est qu’une infime partie de ce qu’elle devrait être étant donné l’importance
de cette population dans le système de santé. Les gériatres devraient davantage être
présents comme consultants (d’où la nécessité d’une masse critique de gériatres dans
des centres universitaires et régionaux) et contribuer à l’enseignement des soins à la
personne âgées dans le cadre des stages spécialisés des autres disciplines de la
médecine;
Peu de visibilité accordée à notre expertise spécifique sur la place publique: les gériatres
sont trop peu souvent sollicités pour participer à l’éducation et la vulgarisation des
enjeux de santé de la population âgée.
2.
Hétérogénéité des milieux de stages ce qui entretient l'ambigüité sur la place de la
médecine spécialisée en gériatrie et le rôle réel du gériatre dans le continuum de soins.
3.
Préjugé envers la spécialité, qui n’est pas reconnue comme scientifiquement stimulante,
reflétant l’âgisme de la société et la formation des médecins axée sur une médecine de
pointe par organe au détriment d’une approche holistique adaptée aux besoins de la
population âgée.
4.
Manque de connaissances sur l’importance du rôle du gériatre et la place qu’il occupe ou
devrait occuper, dans le continuum de soins.
24
5.
Absence de reconnaissance des compétences spécifiques et essentielles acquises durant la
formation spécialisée issue de la médecine interne. Ainsi, plusieurs des milieux ont exprimé
ouvertement à l’AMGQ lors de l’enquête sur les besoins en vue de planifier les PREM,
qu’ils ne voyaient pas la pertinence d’avoir l’expertise d’un gériatre dans leur institution.
En conséquence, comme le démontre la figure 7, le nombre de nouveaux permis de spécialistes
en gériatrie émis annuellement est faible (1 à 2 par an) et stable depuis 10 ans alors que la
population âgée est en croissance accélérée.
Figure 7. Nombre de nouveaux permis émis annuellement en gériatrie au Québec
Source : AMGQ. ©2011 Stéphane Lemire, MD, MSc, FRCPC
Tel que le démontre le tableau suivant, déjà en 2005 le Québec accusait un retard en nombre
d'effectifs de médecins spécialistes en gériatrie par rapport à l'Angleterre et les États-Unis.
25
Pays
Angleterre
É.-U.
Canada
Québec
Nombre
1 000
(2002)
7 600
(2004)
198
(2000)
49
(2005)
Ratio par 10 000 > 65 ans
1
2
.46
.50
Croissance annuelle
55
7%
270/151
3.2%
8.8
3.75%
2
4.57%
Années pour le calcul
(1997-2002)
(1991-2004)
(1996-2000)
(1998-2005)
Tableau 1. Comparaison des effectifs en médecins spécialistes en gériatrie au Québec au Canada, en Angleterre et
31
aux États-Unis.
Références:
1. BGS Newsletter Online. The Challenge of Consultant Geriatric Medicine in England.
(http://www.bgsnet.org.uk/Jan05NL/07_challenge.htm ), page consultée le 2005-07-11.
Geriatric Medicine: A clinical Imperative for an Aging Population. A Report from the
2. American Geriatrics Society (AGS) and the Association of Geriatric Academic Programs
(ADGAP). April 2004.
3. Hogan, David B. Human Resources, Training and Geriatrics. Geriatrics Today: J Can
Geriatr Soc. February 2001: 7-10.
4. FMSQ
Avec une croissance d’effectifs en spécialité de gériatrie aussi limitée dans les dernières années
et actuellement, la situation ne s'est pas améliorée depuis et se détériorera rapidement si le
statut quo est maintenu. En effet, considérant que 30% des gériatres actuellement actifs
prendront leur retraite d’ici 15 ans (figure 6), on estime donc tout au plus à 80 le nombre de
gériatres qui seront en poste dans 20 ans au rythme actuel alors que la population des 75ans
et plus aura doublé (figure 1).
2012 : Le MSSS reconnaît 108 postes dont 45 ne sont pas comblés actuellement
2015 : Le MSSS reconnaît 138 postes
2030 : Le MSSS devra reconnaître plus de 300 postes
(voir figure 1 p. 8) Croissance des 2 cohortes des personnes âgées
Tableau 2. PREM des gériatres du Québec
31
Données extraites d'une conférence donnée par Dr Jacques Morin intitulée: Le rôle des Gériatres au Québec,
dans le cadre du Congrès international francophone de gérontologie et gériatrie, Québec 2006
26
Il apparaît donc clairement que les différentes institutions québécoises (le MSSS, le CMQ, les
Facultés de médecine, les Agences régionales…) doivent mettre en place des mesures pour
augmenter de façon significative le nombre de gériatres dans les prochaines années afin de
créer des masses critiques de gériatres regroupés géographiquement. À court terme, dans le
contexte de la pénurie qui perdurera encore pour les 15 prochaines années et des besoins
croissants des services spécialisés en gériatrie, le modèle de pratique actuel des gériatres devra
être repensé et la priorisation des activités redéfinie pour permettre une augmentation de
l'efficience des services spécialisés en gériatrie afin d'étendre l'accessibilité de l'expertise du
gériatre.
Parallèlement, il est urgent que le Ministère de la Santé et des Services sociaux, en
collaboration avec les différents Ordres professionnels et le Ministère de l’Éducation et les
Universités, assure la mise en place des moyens pour améliorer la compétence et l’efficience
des intervenants en première et deuxième lignes en soins à la personne âgée. Ils devront aussi
mettre en place les moyens pour que ces intervenants puissent répondre aux besoins de la
clientèle vieillissante à travers le continuum de soins et ce de façon intégrée. Il est également
impératif de mettre en place des mesures incitatives (financières et autres) pour augmenter de
façon significative le nombre de gériatres dans les prochaines années.
LES PLANS D’EFFECTIFS
Le Ministère de la santé et des services sociaux doit accorder une attention particulière aux
milieux universitaires s’il décide d’appuyer la gériatrie comme spécialité en croissance. Le
statut quo sur la répartition des effectifs en gériatrie a un impact sur le nombre d’experts
disponibles en milieu universitaire pour l'enseignement sur les soins aux personnes âgées au
niveau pré et post gradué de même qu'au niveau du développement de la recherche, de la
formation continue et de la visibilité de la profession auprès des futurs résidents puisque ces
tâches ne sont pas retenues dans le calcul des besoins d’effectifs. Cette pénurie d'effectif a
aussi un impact direct sur l'accessibilité et le développement des différents axes cliniques
spécialisés en gériatrie comme les différentes cliniques spécialisées où le besoin de services est
en croissance; le MSSS doit tenir compte de ces tâches dans le calcul des besoins d’effectifs.
Contrairement à plusieurs spécialités, nous ne devons pas faire les calculs uniquement en
fonction des départs à la retraite.
Le rôle des gériatres dans le réseau est donc loin d’être clair tant pour les gestionnaires que
pour le milieu médical, et de nombreux défis se posent. «Les gériatres ont des choix à faire, des
domaines d’activités à prioriser en tenant compte de certains sous-groupes. Ils doivent
déterminer la place qu’ils veulent occuper socialement. Ils doivent augmenter leur nombre et
déterminer les meilleures façons d’y arriver en fonction de leur pratique souhaitée. »32 L’AMGQ
a donc mis sur pied le présent comité de planification.
32
Citation du Dr Jacques Morin dans le cadre d’une présentation. La pratique souhaitée est définie en partie par
l’expérience, en partie par la présence de données scientifiques supportant certaines modalités d’intervention.
27
MANDAT CONFIÉ PAR L’AMGQ AU COMITÉ DE PLANIFICATION
Explorer les différents rôles du gériatre dans le réseau de la santé et dans différents
contextes de pratique en fonction des effectifs disponibles;
Clarifier le rôle du gériatre dans le continuum de soins considérant la rareté des
ressources
● Réfléchir sur la façon de mieux valoriser les différents actes cliniques en tant que
spécialiste;
Établir les modalités de rémunération à développer pour refléter mieux la réalité de
nos activités professionnelles
● Projection des effectifs en gériatres en tenant compte des différents volets de la pratique:
clinique, enseignement, recherche, gestion/administration.
Mettre à jour les besoins en effectifs au Québec en tenant compte des tâches
cliniques, d’enseignement, de recherche, d’expertise et d’administration/gestion
Se positionner sur la répartition prioritaire sur le territoire québécois
Définir les prérequis administratifs et cliniques de l’arrivée d’un gériatre dans un
milieu
● Organiser une journée de réflexion sur le devenir du gériatre au Québec.
●
GÉRIATRES MEMBRES DU COMITÉ DE PLANIFICATION
●
●
●
●
●
●
Dr Stéphane Lemire, gradué 2005, co-président
Dre Annik Dupras, graduée 1999, CHUM, co-présidente
Dre Nadine Larente, graduée 1995, CUSM
Dre Bernadette Loontjens, graduée 1997, CHRD Lanaudière
Dr Jacques Morin, gradué 1985, Hôpital Enfant-Jésus
Dre Chantal Paré, graduée 2004, Rimouski
28
MÉTHODOLOGIE
A) SONDAGE
Surveymonkey33 a été utilisé pour développer un questionnaire électronique adressé par
courriel aux 65 membres de l’Association des médecins gériatres du Québec. Les répondants
avaient l’option de répondre sur papier, auquel cas les réponses étaient comptabilisées par un
assistant de recherche. Des relances ont été effectuées par courriel afin de susciter la
participation. Dans quelques cas, une relance téléphonique a été effectuée. Le taux de
réponse cible a été fixé à 70%. L’analyse statistique des données du sondage a été confiée au
département de statistique de l’Université Laval.
Le sondage devait permettre de:
1.
Déterminer les activités des gériatres au Québec actuelles réelles, actuelles idéales et
idéales dans 5 à 10 ans en fonction de leur opinion sur le rôle du gériatre dans le
continuum de soins:
• Définition de la pratique
• Priorisation
• Implication stratégique pour l’AMGQ
2.
Déterminer si certains sous-groupes partageaient une vision différente selon
• Âge
• Sexe
• Rémunération universitaire
• Formation complémentaire
• Région
Les questions du sondage sont citées aux annexes 1 et 2.
33
http://fr.surveymonkey.com/
29
B) JOURNÉE DE RÉFLEXION
Les objectifs fixés pour la journée de réflexion des gériatres du Québec tenue durant le congrès
annuel de l’AMGQ le 28 mai 2011 étaient les suivants:


Réfléchir sur le rôle du gériatre au Québec pour les prochaines années dans le
continuum de soins en considérant les tâches cliniques, d’enseignement et de formation
continu, d’organisation de soins et de recherche. Seuls les points de sondage dont les
réponses n’étaient pas consensuelles d’après l’analyse statistique ont fait l’objet de
discussions de groupes en atelier.
Se positionner sur la priorité dans la répartition des gériatres dans le contexte actuel des
effectifs, des besoins et de la problématique de l’attribution des PREM.

Discuter des prérequis de l’arrivée d’un gériatre dans un milieu.

Discuter des modalités de rémunération à développer dans le contexte de la diversité
d’offre de services à laquelle nous sommes et serons impliqués.
30
RÉSULTATS
A) SONDAGE
Le sondage a été effectué en février 2011. Le taux de réponse a été de 71% (46/65).
Les résultats principaux sont présentés ici; des résultats complémentaires apparaissent à
l’annexe 3.
Répartition des activités des gériatres selon trois scénarios
Les participants étaient invités à décrire leur pratique actuelle, puis leur pratique idéale
maintenant et dans 5-10 ans.
Définition des activités:
 Clinique: incluant le temps passé avec les étudiants/résidents
 Enseignement formel: excluant le temps passé avec les étudiants/résidents; préparation et
dispensation de cours aux étudiants/résidents, FMC dispensée
 Recherche et développement de pratiques innovantes: recherche fondamentale ou
clinique, développement et évaluation de nouveaux modes d'organisation des soins (ex :
développement de l'approche adaptée à la personne âgée)
 Activités administratives: chef de service, comités intrahospitaliers, comité de programme,
etc.
 Expertise gériatrique auprès d’instances administratives: conseiller pour des activités liées
à l’organisation des services et soins de santé : établissements, agence, MSSS, conseil du
médicament, expertise médico-légale, etc.
31
Figure 8. Distribution actuelle et désirée des activités des gériatres.
Source : Sondage AMGQ 2011. ©2011 Stéphane Lemire, MD, MSc, FRCPC
Les gériatres souhaitent faire plus d’enseignement, de recherche et d’expertise au dépend
d’activités cliniques générales qui, dans la pratique actuelle, correspondent davantage à des
activités de 1ère ou de 2ème lignes, et ne nécessitent donc pas toujours l’expertise spécifique du
gériatre. Les gériatres ne réussissent pas à se libérer suffisamment des tâches cliniques pour
accomplir les autres activités. Ceci est particulièrement préoccupant dans les régions
universitaires, qui devraient être le berceau de l’enseignement, de la recherche, du
développement de pratiques innovantes et de l’expertise.
Les résultats sont comparables au sondage effectué en 2005 par l’AMGQ. Malgré les opinions
des gériatres exprimées en 2005, leur situation n’a pas changé.
Plusieurs hypothèses expliquent cette situation, notamment:
 pénurie d’effectifs de gériatres pour la charge clinique imposée,
 pression du milieu clinique à combler les besoins d’un réseau déficient en soins adaptés
à la personne âgée et en soins de première ligne,
 absence d’incitatif financier vers ces tâches sous-rémunérées dont l’importance est mal
reconnue.
32
Répartition des activités cliniques des gériatres selon trois scénarios
Les participants étaient invités à décrire leur pratique actuelle, puis leur pratique idéale
maintenant et dans 5-10 ans.
Définitions des activités cliniques:

Médecine aiguë: soins aigus pour les patients à l'urgence, ceux en phase aiguë de la
maladie à titre de médecin traitant à l'UCDG ou de consultant (ex: délirium post-op)

Soins gériatriques généraux: soins pour des patients avec une condition médicale
en voie de stabilisation ou stable nécessitant surtout une évaluation afin de préciser
les diagnostics, les besoins de réadaptation et/ou d'orientation afin d'assurer la
continuité des soins.

Support à la communauté: consultant pour des unités de réadaptation (URFI), lits
communautaires (lits polyvalents), hôpitaux de jour, unités d'hébergement/soins de
longue durée et évaluation en ambulatoire ou cliniques externes etc.

Soins spécialisés: soins dispensés sur des unités d'AVC, d'orthogériatrie... cliniques
des troubles du mouvement, de démence, d'incontinence, de chutes et troubles de
mobilité etc.
Figure 9. Distribution actuelle et désirée des activités cliniques des gériatres. On note la nécessité
d’accroître la présence en ambulatoire et en soins spécialisés.
Source: Sondage AMGQ 2011. ©2011 Stéphane Lemire, MD, MSc, FRCPC
33
Les gériatres souhaitent faire moins de médecine aiguë et de soins gériatriques généraux et
augmenter leurs activités dans les soins spécialisés et le support à la communauté (figure 9).
Par ailleurs, tel que démontré à la figure 10, les gériatres accordent la plus grande importance
aux soins gériatriques spécialisés, alors que dans la réalité de la clinique, ils n’y consacrent
qu’une faible proportion de leur temps. Ceci semble s’expliquer par le problème de la gériatrie
contextuelle définie plus haut. Les gériatres sont entraînés dans des activités cliniques qui
pourraient être prises en charge par d’autres médecins, et ce au détriment des activités
cliniques spécialisées qui nécessitent la compétence spécifique du gériatre.
Figure 10. Le niveau d’importance accordée à chacun des secteurs d’activités est en faveur des activités
spécialisées, mais les différences pour les secteurs sont faibles.
Source : Sondage AMGQ 2011. ©2011 Stéphane Lemire, MD, MSc, FRCPC
Encore une fois, les résultats sont comparables à 2005.
exprimées par les gériatres, leur situation n’a pas changé.
Malgré les opinions clairement
34
B) JOURNÉE DE RÉFLEXION: Conclusion des discussions
1) Rôle du gériatre en soins aigus
Rôle du gériatre en milieu hospitalier
Après discussion, il y a consensus entre les gériatres sur l’importance prioritaire de leur rôle
dans les services de soins spécialisés en milieu hospitalier en tant que consultant auprès des
équipes soignantes de médecine et de chirurgie tant auprès des patients hospitalisés qu’en
ambulatoire. Les soins de base au quotidien peuvent être assurés par la première ligne ou
l’équipe soignante, tel que démontré dans plusieurs études34 et sur lesquelles sont établis les
principes et leur application dans l'approche adaptée à la personne âgée en milieu hospitalier
du Ministère de la Santé. L’efficacité de l’intervention de consultation en gériatrie est
démontrée si l’équipe soignante interdisciplinaire travaille en collaboration avec le consultant
en gériatrie pour mettre en place le plan d’interventions recommandé.
Rôle du gériatre à l’urgence
Dans les salles d’urgences, le rôle du gériatre peut être de différents ordres. L’implication dans
l’organisation des nouvelles salles d’urgences, dans la formation du personnel médical et
paramédical, dans l’implantation de l’approche adaptée à la personne âgée et dans la mise au
point de protocoles d’évaluation et d’intervention sur les principaux syndromes gériatriques
sont les volets importants et essentiels. Le gériatre joue aussi un rôle important dans
l’évaluation des patients âgés dans plusieurs situations cliniques. En plus, le gériatre doit
s’impliquer dans la dynamique de ce qui relève de l’amont et de l’aval de l’urgence, d’où
l’importance de son rôle de support dans le réseau.
Dans un contexte de consultation médicale, le rôle clinique le plus utile du gériatre en est un de
diagnostic et de pronostic dans les situations cliniques complexes ou atypiques. Il permet de
limiter la « socialisation » de problèmes médicaux: les incapacités d’un patient sont le résultat
de problèmes médicaux, fussent-ils aigus, subaigus ou chroniques. Il est donc primordial d'en
établir les étiologies diagnostiques et les plans d'intervention pour limiter ou améliorer la perte
d'autonomie avant d'en faire une problématique sociale. D'ailleurs, bien que la connaissance
du réseau par le gériatre en fait un bon allié pour participer à la décision de l’orientation, ce
volet peut facilement se faire par l’équipe traitante ou via les modalités du RSIPA35 une fois les
diagnostics et le plan de traitement établis.
La nature de l’intervention clinique du gériatre dans une salle d’urgence doit être adaptée aux
particularités des différents milieux cliniques et au nombre de gériatres disponibles (d’où la
notion de masse critique de gériatres).
34
Cadre de Référence de l’Approche adaptée à la personne âgée en milieu hospitalier, annexe B p 112-118, 2011,
No. ISBN : 978-2-550-60945-2 (PDF), Publication no : 10-830-03W
35
Réseau de services intégrés aux personnes âgées
35
L’urgence est un milieu de soins complexes dont l’achalandage est imprévisible. Lorsqu’il y a
une masse critique de gériatres, le gériatre collabore avec d’autres disciplines médicales à
assurer une fluidité optimale des épisodes de soins avec une courte durée de séjour et une
orientation adéquate vers les différents processus de prise en charge. Dans un tel contexte,
l’établissement doit offrir une certaine disponibilité de ressources non pas technologiques mais
professionnelles (service social, infirmières clientèle personnes âgées, pharmaciens et
professionnels de la réadaptation) selon un horaire qui dépasse l’horaire du jour et des jours
ouvrables. L'établissement doit également s'assurer de:
1. la mise en place d'une approche de soins adaptée à la personne âgée tant au niveau de
l'environnement que des pratiques de gestion et de soins.
2. d'un continuum de soins efficace en partenariat avec les services pré et posthospitaliers pour limiter la durée de séjour à l'urgence et d'éviter que celle-ci soit la
porte d'entrée principale du réseau.
Rôle du gériatre sur les unités de soins aigus, notamment les UCDG
L’UCDG (Unité de courte durée gériatrique) est un milieu idéal pour enseigner les rouages et les
avantages de l’évaluation bio-psycho-sociale de la personne âgée de même que la prise en
charge interprofessionnelle des différentes pathologies prévalentes chez le sujet âgé. Le rôle
du gériatre en tant que médecin traitant facilite la transmission de ses connaissances puisque
les étudiants sont directement en contact avec l’expertise et témoins des bienfaits des
interventions d’une équipe interprofessionnelle spécialisée. Dans les milieux universitaires, le
rôle du gériatre comme médecin traitant à l’UCDG demeure donc pertinent pour fin
d’enseignement et de développement des pratiques de soins qui seraient éventuellement
exportées sur les autres unités de soins, avec une capacité de sélectionner une clientèle
pouvant réellement bénéficier des soins de cette équipe spécialisée. D’ailleurs, les études coûtefficacité suggèrent que la sélection de la clientèle est nécessaire.
Dans un modèle où les gériatres auraient un rôle de consultant en UCDG (par exemple en
région ou en centre hospitalier avec pénurie d’effectifs ou hors unité d’enseignement de
gériatrie) ou sur les unités médicales ou chirurgicales, ils doivent maintenir un rôle clinique
important (de diagnostic et de pronostic) sans toutefois devoir se substituer aux responsabilités
quotidiennes de l’équipe soignante. Ils doivent aussi jouer un rôle d’enseignement (auprès des
étudiants mais aussi auprès des médecins traitants et des équipes traitantes) et un rôle dans
l’organisation des soins (implanter l’approche adaptée, collaborer au développement des
couloirs de services extrahospitaliers, etc.). Le système de santé doit maximiser le rôle du
gériatre avec un support optimal de ressources professionnelles et non nécessairement
technologiques (travailleurs sociaux, infirmières, clientèle personnes âgées, pharmaciens,
nutritionnistes et professionnels de la réadaptation).
36
2) Rôle du gériatre en communauté
Après discussion en groupe, il y a consensus chez les gériatres de l’importance de l’implication
des gériatres comme consultant dans les services suivants:
●
●
Réadaptation gériatrique interne et externe
Télémédecine
De plus, le gériatre a un rôle à jouer dans le secteur préventif en collaboration avec les
instances de la santé publique du Québec.
En l’absence de consensus au cours du sondage sur les autres points, voici les conclusions des
discussions qui ont eu lieu en atelier quant aux autres rôles du gériatre en communauté.
3) Rôle du gériatre en support au réseau
Rôle en ambulatoire:
Le rôle du gériatre en ambulatoire peut être modulé en fonction de la présence ou non d’une
2ème ligne (omnipraticiens en soins aux aînés et leurs équipes). Le gériatre doit avoir accès à
une équipe interprofessionnelle avec compétence spécifique en gériatrie de même qu’à des
locaux adaptés aux fins du type d'évaluation et à des corridors de service vers des services et
plateaux techniques (ex : radiologie, neuropsychologie, ophtalmologie, etc.)
Les services ambulatoires de gériatrie ne peuvent, en aucun cas, se substituer à la première
ligne en ce qui à trait au suivi longitudinal ou aux évaluations de première ligne. Actuellement,
ce type d'activité occupe un volume dominant dans nos cliniques, en particulier dans les grands
centres urbains, entraînant une longue durée d'attente pour les nouvelles consultations. Il y a
consensus sur le fait que la référence doit se faire via une demande d’un médecin référant,
qu’elle doit être répondue dans un délai raisonnable, et qu’un rapport écrit doit être transmis
au médecin traitant et référant. De plus, le rapport de consultation devrait être acheminé au
CLSC si pertinent afin d’optimiser la continuité des soins et la mise en œuvre des
recommandations par l’équipe de première ligne.
Rôle en CHSLD
Le gériatre peut avoir un rôle en soutien au médecin traitant en CHSLD, pour des patients ou
des problèmes médicaux ciblés. Le moyen le plus efficace en termes de gestion de ressources
est via sa participation à des tournées de discussion de cas avec l’équipe médicale traitante et
l’infirmière responsable, ce qui permet parallèlement de jouer un rôle d’amélioration des
compétences et des pratiques de soins dans l’établissement en fonction des besoins.
37
Rôle en CLSC
Comme en CHSLD, le gériatre peut avoir un rôle en soutien au médecin traitant et l’équipe
multidisciplinaire en CLSC, pour des patients ou des problèmes médicaux ciblés. Le moyen le
plus efficace en terme de gestion de ressources est également via sa participation à des
tournées de discussion de cas avec l’équipe médicale et interprofessionnelle, ce qui permet
parallèlement de jouer un rôle d’amélioration des compétences, des pratiques de soins en
fonction des besoins et aider la première ligne à systématiser leurs évaluations et leurs
interventions. Dans les cas de consultation un à un, lorsque requis, le gériatre doit transmettre
le suivi au médecin de famille avec les recommandations sur le plan d’intervention. Il y a
consensus sur le fait que la référence doit se faire via une demande d’un médecin référant et
que le gériatre ne peut se substituer à la première ligne pour la prise en charge.
38
4) Particularités concernant la pratique en région
Figure 11. Distribution géographique des gériatres exerçant en région. Le nombre de gériatres dans les milieux
représentés apparaît entre parenthèses.
Source : Sondage AMGQ 2011. ©2011 Stéphane Lemire, MD, MSc, FRCPC
Les gériatres des régions partagent le même souhait que leurs collègues, soit de diminuer les
activités cliniques au profit de l’expertise et de l’enseignement mais ne veulent pas s’attribuer
un rôle dans la recherche. Le désir de maintenir la majorité de leur pratique en clinique
demeure très présent.
39
5) Planification de la répartition des effectifs
Les gériatres sont d’avis qu’il faut compléter l’offre de service là où des gériatres sont déjà
présents avant d’envisager de nouveaux milieux. Les responsabilités cliniques, d’enseignement,
d’expertise, d’administration/gestion, de recherche, et de rayonnement (ex: RUIS) ainsi que du
temps alloué au ressourcement maintenant obligatoire pour le maintien de la certification ne
sont pas comblées actuellement selon les PREM accordés. De plus, la demande pour le
développement de la pratique surspécialisée s’accroît: oncogériatrie, cardiogériatrie,
néphrogériatrie, réadaptation gériatrique, etc.
Les équivalents temps plein clinique réels devront donc être considérés dans le nombre de
postes à attribuer:



temps dédié aux tâches d'enseignement, recherche, expertise, rayonnement et
formation continue
nombre d’heures travaillées moindre en préretraite.
disponibilité réduite chez les plus jeunes gériatres à cause des congés parentaux et de la
conciliation travail famille;
En effet, la majorité des gériatres sont des femmes et se retrouvent actuellement dans ces 2
pôles d'âge: jeunes et préretraités (fig. 5), ce qui a un impact direct sur le nombre de temps
plein réel lié au PREM.
6) Prérequis à l’installation d’un gériatre dans un milieu
Des centres régionaux devraient être mis sur pied où l’on regrouperait une masse critique de
spécialistes afin d’assurer le développement des différents axes de services spécialisés. Selon
l’étendue de la région desservie, les patients des différents centres périphériques seraient
appelés à se déplacer au centre régional pour leur consultation ou un service de consultation
par télémédecine pourrait être mis en place selon le cas. Le gériatre ne devrait pas se déplacer
de ville en ville pour offrir ces services sauf exception. La perte de temps entraînerait une
diminution d’accessibilité au service. De plus, les équipes interprofessionnelles spécialisées
indispensables à ces types d’évaluation et l’infrastructure ne peuvent être disponibles dans
chaque centre pour des raisons de disponibilité de l’expertise professionnelles et de coût.
L’AMGQ devrait travailler en collaboration avec le ministère, la table des RUIS et la FMOQ sur le
dossier de l’organisation des différents paliers de services gériatriques et informer sur le rôle du
gériatre dans ce continuum de soins.
Le gériatre doit être rattaché au département de médecine spécialisé de l’établissement. Il est
de plus indispensable qu’il puisse avoir accès facilement à une équipe interprofessionnelle
dédiée spécifiquement à cette clientèle incluant une infirmière clientèle, idéalement en soutien
à une 2ième ligne déjà présente. Cette équipe doit avoir les compétences nécessaires dans
l’évaluation des problématiques courantes évaluées par le gériatre. L’appui de l’administration
40
mais également celui des médecins déjà présents dans le milieu sont indispensables afin de
pouvoir travailler efficacement.
L’existence d’une UCDG ou de services externes préexistants, n’est pas un prérequis.
Le rôle d’expert sur différents comités d’amélioration de la pratique ou d’organisation de soins
et services devra être reconnu et considéré dans l’horaire et la rémunération du gériatre.
Lorsqu’une formation complémentaire est exigée par un milieu, celui-ci devra s’assurer de la
mise en place des conditions de pratique à son retour permettant au gériatre de poursuivre à
son retour le développement de cette compétence surspécialisée acquise.
Figure 12. Prérequis à l’installation d’un gériatre en région.
Source: Sondage AMGQ 2011.
1. Besoin du support d’un gériatre manifesté par les médecins en place
2. Implication d’un gériatre souhaité par les instances administratives (DSP, direction de
programme, agence…)
3. Existence d’une UCDG
4. Existence de services externes en gériatrie (clinique externe, hôpital de jour, centre
ambulatoire,…)
5. Réseau de deuxième ligne gériatrique déjà structuré
6. Disponibilité d’une équipe interdisciplinaire dédiée à la gériatrie
7. Présence de la majorité des autres sous-spécialités de la médecine interne
41
36
7) Gestion des effectifs et recrutement en gériatrie spécialisée: Urgence d’Agir !
Bientôt, une personne sur quatre aura plus de 65 ans avec une population des 75-85 ans en
croissance accélérée. Il y a non seulement une pénurie sévère de médecins spécialistes en
gériatrie, mais tel que mentionné précédemment, une utilisation sous-optimale de l’expertise
en place, ce que nous caractérisons de gériatrie contextuelle. De plus, il y a une demande
croissante d’expertise spécialisée spécifique non seulement au point de vue clinique, mais aussi
pour la formation, l’expertise et l’administration/gestion. Le besoin de clarifier le rôle du
gériatre dans le réseau et d’augmenter le nombre de gériatres rapidement dans les
programmes de résidence fait donc consensus pour les membres de l’Association des médecins
gériatres du Québec.
On accepterait mal d’avoir si peu de cardiologues ou d’oncologues avec la prévalence des
cancers et maladies cardiovasculaires actuelles. Pourtant, le recrutement en gériatrie
spécialisée a fait l’objet de très peu d’attention de la part des instances concernées, malgré
l’évolution démographique prévisible. Il y a maintenant urgence d’agir!
Depuis plusieurs années, le comité de programme réseau en gériatrie multiplie ses efforts pour
améliorer le recrutement, sans succès significatif. Il nous apparaît clair que pour y arriver, il
faut:
36
●
Valoriser la spécialité de gériatrie via l’amélioration de notre profil de pratique.
L’âgisme vécu par les patients âgés se reflète directement sur l’opinion qu’entretiennent
les autres spécialités face à la gériatrie. La pratique du gériatre est même parfois
ouvertement dénigrée auprès des étudiants et résidents, et souvent considérée comme
une médecine peu stimulante, ou peu intéressante. Plusieurs résidents en gériatrie,
encore récemment, nous ont exprimé avoir reçu des commentaires négatifs lorsqu’ils
ont affiché leur choix envers cette spécialité.
●
Augmenter notre implication dans l’enseignement aux étudiants, externes et résidents
en spécialité puisque encore une majorité d’étudiants ne côtoient jamais un gériatre
dans leur formation. La spécialité est donc méconnue et ne fait donc pas partie des
choix spontanés des résidents. Le regroupement des gériatres en masses critiques et la
reconnaissance du temps nécessaire à ces tâches dans le calcul des PREM universitaires
sont donc essentiels.
●
Augmenter le rayonnement de notre profession.
Proceedings and Recommendations of the 2007 Banff Conference on the Future of Geriatrics in Canada
42
●
Envisager la création d’une division ou d’un département de gériatrie au sein de la
faculté pour augmenter notre visibilité et notre participation aux tables de décision.
L’organisation de la charge clinique devra donc aussi être repensée pour libérer des
gériatres pour en assurer la gestion.
●
Redistribuer les cartes de stage pour favoriser le choix de la gériatrie aux dépens des
autres spécialités relativement mieux pourvues en effectifs.
●
Augmenter le nombre de semaines de stage en gériatrie et les rendre obligatoires pour
tous les externes et résidents du tronc commun en médecine du Québec. En effet, avec
les gardes et les absences pour vacances et considérant que ce stage est trop souvent
ciblé par les résidents pour prendre leurs vacances, le résident fait en moyenne
seulement 12 jours de stages dans sa formation. Ceci laisse très peu de temps d’une
part pour acquérir les connaissances et d’autre part pour bien connaître la spécialité et y
être attiré.
●
Améliorer la rémunération des gériatres pour la rendre plus compétitive vis-à-vis des
autres spécialités. En effet, malgré les progrès dans les dernières années, la gériatrie
demeure une des spécialités les moins bien rémunérées pour le même nombre d’heures
investies par semaine ou par journées de travail par année. La complexité et la longueur
des évaluations limitent de façon importante la quantité de patients que l’on peut
évaluer par jour. De plus, plusieurs tâches non cliniques dans lesquelles nous sommes
de plus en plus appelés à nous impliquer, ne sont pas ou très peu rémunérées. Enfin, les
soins généraux aux aînés ne nécessitant pas de procédures diagnostiques et
thérapeutiques (PDT) ou gestes techniques commandent des incitatifs mieux adaptés à
la pratique autant que les gestes techniques hautement rémunérés des autres
spécialités.
Plusieurs de ces solutions ont déjà été explorées, sans succès par
piloter ou par réticence des programmes universitaires d’agir en
nous sommes d’avis qu’actuellement, il y a urgence d’agir et
d’effectifs doit être développé en collaboration avec le Ministère
Médecins du Québec et les Universités.
pénurie d’effectifs pour les
ce sens. En conséquence,
qu’un plan de croissance
de la santé, le Collège des
43
CONCLUSION ET RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS
Considérant:
 La croissance accélérée des 75 ans et plus dans les prochaines années,
 La rareté relative des médecins spécialistes en gériatrie qui perdure et qui s’accentuera si
le statu quo est maintenu,
 La demande croissante pour:
-
-
les services cliniques spécialisés et surspécialisés en gériatrie;
l’enseignement des aptitudes nécessaires aux soins aux aînés, tant dans les
programmes de formation universitaires que dans le cadre de la formation continue
des médecins et autres professionnels de la santé;
la recherche en médecine gériatrique et pour le développement de pratiques
innovantes;
l’expertise sur différents comités d’amélioration de la pratique ou d’organisation des
soins aux aînés.
Le comité de planification de L’Association des médecins gériatres du Québec, après
concertation de ses membres, est d’avis que, pour répondre aux besoins cliniques,
d’enseignement, d’expertise et de recherche au Québec:
1) Les gériatres doivent impérativement augmenter leur implication:
a. dans les activités cliniques spécialisées, spécifiques à leur expertise (consultations
auprès des équipes en soins aigus, en clinique externe spécialisée et en
communauté);
b. dans la formation universitaire et la formation continue des médecins et autres
professionnels de la santé;
c. dans les comités d’experts en amélioration de la pratique et politiques de
prévention et de soins de santé, notamment en collaboration avec les instances de
la santé publique du Québec;
d. comme consultant expert pour l’organisation et le développement des soins adaptés
aux besoins de la personne âgée à travers le continuum de soins;
e. en recherche clinique et en développement de pratiques innovantes en soins à la
personne âgée;
Dans le contexte de pénurie importante de gériatres actuelle et à moyen terme,
l'organisation et la priorisation des services spécialisés doivent être repensées pour
améliorer l'accessibilité à l'expertise du gériatre à travers le réseau et le continuum de
soins.
44
2) Le mode de rémunération des gériatres doit reconnaître la spécificité du travail essentiel
qu’effectue le gériatre comme :
a. Expert clinique:
i. consultant auprès d’équipes de soins en communauté (discussion de cas avec
les équipes);
ii. le modèle de la rémunération mixte qu’utilise l’ensemble des gériatres doit
devenir plus structurant, souple et plus spécifique aux différentes réalités du
gériatre dont celle de la disponibilité des gériatres dans plusieurs
établissements (un seul formulaire 3743); le modèle doit prévoir qu’il y aura
toujours des tâches non cliniques peu, pas ou mal rémunérées qui doivent être
compensée par un forfait à définir.. Il ne peut y avoir qu’un seul modèle de
rémunération mixte pour l’ensemble des 35 spécialités du Québec.
iii. consultant pour les activités cliniques de télémédecine avec discussion de cas
avec des équipes sans nécessairement la présence obligatoire du patient selon
certaines circonstances;
iv. consultant dans un contexte de soins surspécialisés
b. Expert-conseil: comités et projets de développement et d’amélioration quant à
l’approche de soins adaptée à la personne âgée, au sein du continuum de soins;
c. Expert formateur: non seulement au sein d’unités d’enseignement, mais également
auprès des professionnels et du personnel affectés aux soins aux aînés, incluant
toutes les spécialités médicales et chirurgicales, de façon longitudinale et aussi
comme consultant pour les activités de formation continue en télémédecine auprès
des différents professionnels de la santé (chaque territoire de RUIS).
De plus, il devient primordial de:
d. tenir compte du temps requis dans la valeur de l’acte pour compléter une telle
évaluation de même que le temps nécessaire pour établir le lien avec les équipes
interprofessionnelles et les équipes référentes;
e. valoriser une pratique qui s’intègre au sein d’un continuum de soins en contribuant
à la transmission de l’information nécessaire à une prise en charge optimale par la
première ligne.
45
3) Le Ministère de la Santé et des Services Sociaux, les Universités et le Collège des
Médecins du Québec, en collaboration avec les membres de l’AMGQ et des autres
associations, doivent rapidement:
a. mettre en place des mesures incitatives pour augmenter le nombre de spécialistes
en formation en gériatrie;
b. ajuster les programmes de formation et d'évaluation pour tenir compte des
particularités des soins à la personne âgée et s'assurer de l'amélioration des
connaissances de tous les professionnels de la santé, notamment les médecins
(incluant TOUS les spécialistes), puisque les gériatres ne peuvent assurer seuls les
soins adaptés requis par cette clientèle vulnérable.
4) Les gériatres, avec la complicité d’autres spécialités médicales et chirurgicales, doivent
développer des secteurs d’expertises tels l’oncogériatrie, la cardiogériatrie,
l’orthogériatrie à titre d’exemples, et s’assurer d’un financement adéquat pour le
plateau professionnel et technique.
5) La répartition des effectifs doit favoriser le regroupement des gériatres dans des centres
régionaux et d’affiliation universitaire pour favoriser le partage des expertises et le
développement des différents axes de la spécialité en plus de l’implication en
enseignement, recherche et expertise. Ces rôles du gériatre doivent se définir par
rapport aux autres médecins en tenant compte des particularités régionales.
L’étalement des gériatres pour couvrir tous les milieux n’est pas viable à court et moyen
terme compte tenu des effectifs disponibles actuellement et dans les prochaines années
et fait obstacle à la visibilité de la spécialité et l’implication des gériatres en
enseignement, expertise et recherche/développement de même qu'à l'offre de services
cliniques sur spécialisés.
6) Il doit y avoir collaboration entre l’AMGQ et les partenaires du réseau dans la
planification des soins à la personne âgée à travers le continuum de services, en
favorisant une hiérarchisation des soins et une utilisation plus efficace du gériatre37. De
plus, il faut s’assurer de la mise en place d’un plateau de différents professionnels de la
santé dédiés aux personnes âgées dans les différents secteurs du système de la santé et
travaillant en synergie avec les gériatres et plus spécifiquement de la présence de
l’infirmière clientèle personnes âgées (ou tout autre dénomination).
7) L’AMGQ doit assurer la diffusion du présent rapport, accompagnée au besoin d’un
support médiatique, pour faire connaître davantage le rôle de l’interniste-gériatre dans
le continuum de soins et amener les changements nécessaires auprès des décideurs.
37
Bergman, H et al. Les services spécialisés en gériatrie. 29 mai 2007.
46
8) L’AMGQ pourrait jouer un rôle de support à l’installation d’un gériatre seul dans un
nouveau milieu.
a. Conseils stratégiques et pratiques pour le gériatre,
b. Liste de prérequis (infrastructures et personnel) pour les établissements où un
gériatre s’installera,
c. Créer un espace d’échange virtuel d’informations, d’expériences et de projets
cliniques afin de briser l’isolement.
www.amgq.ca
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