Résumé - Barbara DONVILLE

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Barbara DONVILLE - Conférences EHESS 2012 " LE HANDICAP, SOCIALISATION OU EXCLUSION "
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CONFERENCE 9
LES NEURONES MIROIRS :
DES NEURONES VISUO-MOTEURS, A L’ORIGINE DU LANGAGE
Faire quelque chose et imaginer le faire ne reviennent pas au même. Et pourtant ! Il se pourrait que,
pour notre cerveau, faire une action et la voir exécuter ait un patrimoine commun. Voilà ce que
révèlent Giacomo Rizzolatti et son équipe qui ont découvert des neurones singuliers : ils s’activent
lorsqu’on effectue une action main/bouche, mais aussi lorsqu’on voit quelqu’un d’autre réaliser cette
même action. La découverte de neurones miroirs intrigue, elle constitue une découverte majeure
dans le domaine neuroscientifique. Même si les expériences ne sont effectuées qu’avec des
macaques, il semblerait que ce qui correspond chez l’homme au système miroir se situe dans l’aire
de Broca, aire dévolue à l’articulation du langage, dont l’architecture anatomo-fonctionnelle se
caractérise par la présence de représentations motrices variées, qui permet de supposer que la
communication inter-individuelle s’est développée par ces modalités motrices, et que, sans
l’apparition des neurones miroirs, la verbalisation serait restée limitée. Nous avons la preuve, à
travers notre travail personnel que cette supposition n’est pas qu’une hypothèse. En effet,
l’information sensorielle et l’information motrice peuvent être ramenées à un format commun, et
l’origine du développement du langage, à une origine gestuelle.
QU’EST-CE QUE LES NEURONES MIROIRS ?
L’identification des neurones miroirs en 1992, est due à l’équipe du professeur Giacomo Rizzolatti,
directeur du département de neurosciences de la faculté de médecine de Parme. Elle a découvert
que certaines aires contiennent des neurones qui s’activent en relation non à de simples
mouvements mais à des actions motrices finalisées (saisir, tenir, manipuler un objet). Ces neurones
répondent sélectivement aux formes et aux dimensions des objets, aussi bien lorsque nous
sommes sur le point d’interagir avec eux que lorsque nous nous limitons à les observer.
Actuellement, l’étude des neurones miroirs concerne principalement des expériences faites avec des
macaques, et ces neurones codent en situation de préhension et de portage à la bouche. Il s’agit
donc de saisir de la nourriture et de la porter à la bouche. On s’est aperçu que lorsque le singe
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accomplissait cet acte ou regardait son partenaire faire ce même acte, une même zone s’allumait
dans le cerveau : la région F5.
- Ces neurones se révèlent capables de discriminer l’information sensorielle en la sélectionnant sur
la base des possibilités d’action qu’elle offre, indépendamment du fait que ces possibilités puissent
être réalisées ou non.
- Ces neurones montrent comment la reconnaissance des autres, de leur action, voire de leur
intention, dépend en première instance, de notre patrimoine moteur.
- L’équipe italienne de Giacomo Rizzolatti et Vittorio Galese, a donc constaté qu’en situation de
préhension par la main et de portage à la bouche, cette même zone F5 s’allumait, que l’animal agisse
ou regarde agir. Ils en ont donc déduit que cette région F5 comportait les neurones de l’empathie,
autrement dit, de la capacité à pouvoir se mettre à la place de l’autre et ils les ont nommé « les
neurones miroirs ».
La découverte des neurones miroirs a profondément modifié la conception du
système moteur
-
Les recherches neuroscientifiques de ces vingt dernières années ont profondément modifié
la conception du système moteur. En effet, il est de plus en plus évident que le système
moteur possède une telle multiplicité de structures et de fonctions qu’on ne peut plus le
confiner au rôle de simple exécuteur passif, avec des commandes ayant leurs origines
ailleurs.
-
Le système moteur n’est aucunement périphérique, mais consiste en une trame complexe
d’aires différenciées par leurs localisations et par leurs fonctions et il contribue de manière
décisive à réaliser ces transformations sensorielles dont dépendent l’identification, la
localisation des objets et la réalisation des mouvements.
Quel est le rôle du système moteur ?
- Le système moteur n’est pas uniquement connecté automatiquement aux aires corticales
responsables des activités cérébrales impliquées dans les pensées et les sensations, il possède en fait
de nombreuses fonctions, lesquelles ne sauraient être enfermées dans le cadre d’une cartographie
purement exécutive.
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- Le cortex moteur est formé d’une constellation de régions différentes, dans différentes aires
anatomiques.
Que se passe-t-il dans le cerveau pour que la main puisse réellement saisir un
objet ? :
1) Le cerveau doit disposer d’un mécanisme capable de transformer l’information sensorielle
relative aux propriétés géométriques de l’objet que l’on veut saisir.
2) Le cerveau doit être en mesure de contrôler les mouvements de la main, des doigts, pour
effectuer la prise désirée.
Par exemple : Si l’on prend une tasse à café, cela implique deux processus indépendants :
atteindre et saisir. On a le sentiment que le premier processus précède le second, en réalité cela
ne se passe pas comme ça : les deux processus se déroulent en parallèle
En effet…
-
La région F5 contient des représentations motrices de la main et de la bouche
-
L’aire F5 possède les caractéristiques requises pour avoir un accès direct à l’information
visuelle et transformer les propriétés géométriques des objets en configurations motrices
opportunes.
-
Ces deux représentations sont en partie superposées.
-
La plupart des neurones de l’aire F5 ne codent pas pour des mouvements particuliers mais
pour des actes moteurs, donc des actes coordonnés par une finalité spécifique.
On peut d’ailleurs répartir les neurones F5 en classes spécifiques :
1)
2)
3)
4)
5)
-
3
Les neurones « saisir-avec-la-main-et-avec-la-bouche »
Les neurones « saisir-avec-la-main »
Les neurones « tenir »
Les neurones « arracher »
Les neurones « manipuler »…
Les neurones F5 présentent une certaine sélectivité des différentes configurations des doigts
pour un même genre de prise. Ils codent également le type de conformation que la main doit
adopter pour exécuter cet acte.
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-
Les neurones F5 varient en fonction des différentes phases de l’acte moteur
-
On a donc remarqué chez le singe que les mouvements de la bouche et de la main accomplis
au cours de l’exécution de certains actes, autres que la préhension, avec la main et le
portage à la bouche, n’activaient pas les neurones F5,
Mais…
-
Ces mêmes neurones F5 répondent quand le singe exécute un mouvement différent que
celui de la préhension avec la main, pour atteindre le même objectif à savoir prendre de la
nourriture.
-
Une partie des neurones F5 répondent sélectivement à des stimulations visuelles : En effet,
une moitié décharge uniquement durant les mouvements relatifs à la préhension (ce sont les
neurones moteurs), tandis que l’autre moitié répond de manière sélective à la présentation
des objets aussi bien lorsqu’elle est suivie d’une prise que lorsque la prise n’a pas lieu (ce
sont les neurones visuo-moteurs).
Donc…
-
Il y a bien un lien entre la sélectivité motrice pour un type déterminé de préhension et la
sélectivité visuelle pour des objets, qui, tout en ayant des formes et des dimensions
différentes, sont unis par la même prise codifiée au niveau moteur.
-
L’information sensorielle (ici visuelle) et l’information motrice peuvent donc être ramenées à
un format commun : cela suggère qu’au-delà de l’organisation de nos comportements
moteurs, certains processus habituellement considérés comme étant d’ordre cognitif,
comme la perception et la reconnaissance des actions d’autrui, l’imitation et les formes de
communication gestuelle et vocale peuvent renvoyer au système moteur et avoir un
substrat neural qui lui soit propre.
Quelles fonctions ont les neurones de ces aires dans le formatage de l’information visuelle
en commande motrice requise pour l’exécution d’un acte ?
-
-
4
En ce qui concerne les voies de la préhension : une des propriétés fondamentales des
neurones à dominante oculaire et des neurones visuo-moteurs, est de répondre
sélectivement à des stimuli tridimensionnels.
En ce qui concerne les voies de la vision : On a supposé que le système visuel se compose de
deux régions fonctionnellement différentes : la « voie du où ? », voie dorsale et « la voie du
quoi ? », voie ventrale.
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L’interprétation de F5 en termes de « vocabulaire d’actes » :
-
Des neurones particuliers de F5, sélectionnent un certain type d’actes : A l’intérieur de ces
actes, il existe une sélectivité de certaines modalités d’exécution particulières et de temps
d’activation déterminé.
D’où l’idée que……
L’aire F5 contient une sorte de « Vocabulaire d’actes » moteurs dont les mots seraient
représentés par des populations de neurones :
Certaines de ces populations de neurones indiquent
-
Le but général de l’acte (saisir, tenir, arracher).
La façon dont l’acte est spécifique pour être exécuté (précision de la prise, quel type de prise
et avec quels doigts).
La segmentation temporelle de l’acte dans les mouvements élémentaires qui le composent
(ouverture/fermeture de la main).
-
Ces neurones répondent donc à des actes moteurs spécifiques ce qui pourrait expliquer
pourquoi nous interagissons toujours de la même manière avec un objet.
-
L’acte potentiel évoqué, comporte une référence à un type d’objets déterminés caractérisés
par leurs opportunités visuo-motrices.
-
Le fait que les neurones F5 répondent également aux présentations d’objets indiquerait que
la façon dont les aspects sensoriels des objets sont codés est la même : donc la vue ne
saurait qu’une forme préliminaire d’action.
-
On comprend alors que : Les interactions continues entre perception et action, jouent un
rôle décisif dans la constitution du sens des objets.
On pourrait alors définir la perception comme une préparation implicite de l’organisme à
répondre et à agir. L’analyse des transformations sensori-motrices montre que c’est dans ces
actes, qu’ils soient effectivement exécutés ou potentiellement évoqués, que prennent corps
ces activités d’orientation, de préhension, ces chaînes d’intervention motrices qui contribuent
à configurer le monde comme un milieu praticable. La constitution d’un tel monde ne dépend
pas seulement du fait que nous prenons tel ou tel objet, mais de notre propre capacité à
bouger, à nous orienter dans l’espace environnant et à saisir les actions et les intentions
d’autrui.
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Comment gérons-nous l’espace qui nous entoure ?
-
Les coordonnées du corps ne renvoient pas à un seul système de référence située sur une
partie spécifique du corps.
-
Selon que l’objet est proche ou lointain, ce ne serait pas la même région du cerveau qui
réagirait, il y aurait donc :
-
Une région spatiale qui comprend tous les objets à portée de main que nous appellerons
espace péripersonnel ou espace proche
-
Une région spatiale qui perçoit l’environnement plus général que nous appellerons espace
extra-personnel ou espace lointain.
-
- Pour atteindre un objet, nous avons besoin de localiser en mesurant la position de l’objet
par rapport aux parties de notre corps concernés par le mouvement.
-
Par exemple, diriger le bras vers la tasse : Notre cerveau accompli une série de tâches allant
du codage des relations spatiales existant entre notre membre et l’objet jusqu’à la
transformation de ces informations en ordres moteurs appropriés.
-
Les champs récepteurs visuels sont toujours disposés autour de leurs champs récepteurs
somato-sensoriels réceptifs : Ce sont ces champs récepteurs qui permettent à notre corps
d’anticiper et de définir l’espace qui l’entoure et les objets qui lui sont visuellement proches.
-
L’espace visuel est codé par une multiplicité de systèmes de référence différents, distribués
selon le champ récepteur somato-sensoriel qui lui correspond.
-
La représentation corticale de l’espace semble renvoyer à des formes et des modalités de
constitution différentes, déterminées par l’activation de circuits sensori-moteurs distincts,
dont chacun est dévolu à l’organisation et au contrôle d’actes différents.
-
La constitution des objets vaut donc pour la constitution de l’espace : C’est à partir de ses
mouvements que le corps cartographie l’espace qui l’entoure.
Pendant longtemps, le cerveau de killian développait ce que l’on appelle une négligence
spatiale de type perceptif, il n’avait pas la possibilité de voir un objet en son entier, il ne
voyait une assiette, par exemple que de manière fragmentaire ou locale.
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-
La constitution d’une perception cohérente des relations entre le corps et l’espace, dépend
de mécanismes à la fois hiérarchisés et parallèles, combinant les informations des sens et des
signaux liés à l’action. Donc certaines lésions ou déficits conduisent à une désintégration de
cette cohérence, et mène à de la négligence spatiale. On distingue deux types de
négligences : la négligence perceptive, et la négligence motrice qui consiste à ne pas se servir
d’un membre alors que sa motricité est intacte.
-
Ce sont toutes les relations qui se font entre le corps et l’environnement qui créent autant de
possibilités motrices d’atteindre les objets qui nous entourent.
-
L’espace ne serait pas représenté pour Soi dans une aire quelconque du cortex cérébral,
mais sa constitution dépendrait de l’activité des circuits neuraux, dont la fonction principale
est d’organiser cet ensemble de mouvements qui permettent d’agir sur le milieu
environnant, en en localisant les menaces et les opportunités possibles.
-
L’espace peut être défini en termes d’actes moteurs potentiels. La constitution motrice de
l’espace apparaît comme un système d’actions coordonnées. L’espace doit être conçu sous
une forme dynamique
Donc….
-
Plus tôt le neurone décharge, plus tôt il évoque l’acte moteur qu’il code : cette anticipation
de l’action permet de cartographier l’espace avec une plus grande efficacité.
-
On a remarqué que lors de l’utilisation répétée d’un instrument, les champs récepteurs
visuels ancrés sur la main, s’étendaient pour inclure l’espace autour de la main et de
l’instrument, comme si l’image de ce dernier était incorporée dans celle de la main.
-
Donc :Le prolongement de la main déterminée par l’emploi d’un instrument entraînerait une
extension de l’espace atteignable chez le sujet, ainsi qu’une redistribution du proche et du
lointain :Les neurones s’activeraient en présence d’objets situés dans l’espace
péripersonnel, et répondraient à des stimuli qu’ils n’auraient pas codés au départ parce
qu’ils ne faisaient pas partie de leur espace proche, mais qui maintenant seraient considérés
comme tels.
En ce qui concerne la portée des actions :
-
7
Les objets apparaissent comme des hypothèses d’actes possibles, et l’espace comme le
système de relations que ces actes déploient et qui trouve sa propre mesure dans les
diverses parties du corps. Les circuits neuraux impliqués ici sont différents, ainsi que les
typologies d’actes codés par ces circuits.
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Si l’on reprend l’exemple de la tasse à café :
-
Dès l’ouverture initiale de la main, notre cerveau en sélectionne les traits (forme et
orientation de l’anse, du bord…) qui apparaissent prégnants pour l’action et qui détermine la
physionomie motrice de l’objet et l’espace des prises possibles : La physionomie motrice se
constitue par l’espace des prises possibles.
-
Il faut donc que la tasse soit atteignable et localisable par rapport aux parties du corps qui
interviennent dans l’acte de la saisie.
-
L’espace prend forme à partir des objets et de la multiplicité des actes coordonnés qui nous
permettent de les atteindre : les lieux inscrivent autour de nous la portée variable de nos
visées et de nos gestes. Cette portée dépend de la possibilité de distinguer un espace proche
et un espace éloigné, de saisir la nature dynamique de la frontière qui les sépare.
Tout cela confirme….
-
l’interdépendance de la constitution des objets et de l’espace car l’impossibilité d’atteindre
les objets va de pair avec l’impossibilité de cartographier les différentes régions de l’espace.
-
L’interdépendance de la catégorisation des objets avec la représentation de l’espace : Le
système moteur révèle une richesse de fonctions qui dépassent le simple contrôle des
mouvements et qui paraissent connectées aux différentes dynamiques de l’action, dont
celles qui concernent le corps des autres.
-
En ce qui concerne l’acte moteur visuellement codé : On peut subdiviser les neurones
miroirs comme tel :
-
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Neurones miroirs « tenir
Neurones miroirs « saisir »
Neurones miroirs « manipuler »
Neurones miroirs « situer »
Neurones miroirs « interagir-avec-les-mains »
-
L’un des principaux aspects fonctionnels des neurones miroirs est : Le lien entre l’acte moteur
codé par le neurone et l’acte moteur observé qui l’active. Les neurones miroirs jouent le rôle
essentiel dans la reconnaissance et la compréhension du sens des événements moteurs, donc
des actions d’autrui.
-
L’activation de la même configuration neurale ainsi que la compréhension des actions
d’autrui présuppose de la part de l’observateur la même connaissance motrice que celle qui
règle l’exécution de ses propres actes.
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Qu’en est-il des neurones miroirs chez l’homme ?
-
On a des preuves indirectes de l’existence d’un système de neurones miroirs chez l’homme
notamment par des études d’électroencéphalographie lorsque l’on observe la réactivité des
rythmes cérébraux et l’observation de certains mouvements.
-
Le cerveau génère plusieurs types de rythmes sur la base des différentes fréquences
d’ondes :
Le rythme alpha prévaut quand les systèmes sensoriels, en particulier visuel, sont inactifs : il
suffit que le sujet ouvre les yeux pour que ce rythme disparaisse ou s’atténue de façon
considérable.
-
-
Le rythme mu prévaut tant que le système moteur reste à l’état de repos : un mouvement
actif ou une stimulation somato-sensorielle suffisent à le désynchroniser.
-
On a pu observer, lors de mouvements de la jambe ou du doigt qu’il se produisait une
désynchronisation du rythme mu, ce qui ne se produisait pas lorsque le sujet observait un
objet, et qu’il s’agissait donc d’un stimulus visuel : Le rythme bloqué ou désynchronisé
lorsqu’un sujet exécutait un mouvement, l’était aussi lors de l’observation de ces mêmes
mouvements.
-
Ces recherches ont également montré que, tant la manipulation d’un objet que
l’observation d’une même tâche exécutée par un tiers, étaient accompagnées par une
désynchronisations des rythmes mu dans le cortex précentral.
-
Les neurones miroirs chez l’homme sont capables de coder aussi bien le but de l’acte
moteur que les aspects temporels des mouvements particuliers qui le composent : pour le
savoir on a fait des potentiels évoqués moteurs : En effet, lors d’enregistrement de potentiels
évoqués moteurs (PEM) dans les muscles controlatéraux, on a pu constater une
augmentation sélective des PEM dans les muscles activés par l’exécution de mouvements
observés.
-
Il semble que la région activée dans le lobe pariétal inférieur, corresponde à l’aire 40 de
Brodmann, c’est-à-dire à la partie postérieure de ce qu’on appelle l’aire de Broca , mais
aussi de larges parties du cortex prémoteur et du lobe pariétal inférieur.
-
Mais, le système des neurones miroirs chez l’homme ne se limite pas aux mouvements de la
main, ni même aux actes transitifs, il correspond aussi à des actes imités.
-
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Le système miroir chez l’homme possède des propriétés qu’on ne retrouve pas chez le
singe :
il code des actes moteurs transitifs et intransitifs.
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-
-
Il est capable de sélectionner aussi bien le type d’acte que la séquence de mouvements qui le
composent
Il ne requiert pas une interaction effective avec les objets
Il s’active aussi quand l’action est simplement minée.
Ces expériences confirment le rôle décisif de la connaissance motrice pour la compréhension
de la signification des actes d’autrui. Mais l’extension et la portée de ce « comme si »
dépendent du patrimoine moteur de l’observateur.
En ce qui concerne l’imitation et le développement du langage
On s’est demandé si les neurones miroirs pouvaient être la base de l’imitation.
-
-
Il existe plusieurs façons de définir l’imitation :
Il peut s’agir de reproduire un acte qui appartient au patrimoine moteur de l’observateur
après l’avoir vu exécuté par autrui.
Il peut s’agir d’apprendre un type d’action et de le reproduire dans les moindres détails.
La première forme d’imitation concerne ce que l’on appelle un problème de
correspondance. Il induit plusieurs questions :
Comment pouvons-nous accomplir une action que nous avons vu exécuter par autrui ?
Comment pouvons-nous, sur la base d’une simple observation, exécuter une action
analogue à celle que nous avons perçue ?
Or….
Il faut savoir que le système visuel utilise des paramètres de codage différents de ceux du
système moteur
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-
Quels sont les processus corticaux impliqués et les transformations sensori-motrices
nécessaires ?
-
Comment pouvons-nous acquérir des capacités d’actions nouvelles ?
-
Le second modèle postule que l’action observée et l’action exécutée doivent partager le
même code neural.
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C’est ce second modèle qui semble prévaloir. Il se réfère à la notion d’action idéomotrice :
11
-
Selon ce principe plus un acte perçu ressemble à un acte présent dans le patrimoine moteur
de l’observateur, plus il tend à induire l’exécution : la perception et l’exécution des actions
doivent posséder un schéma représentationnel commun.
-
La découverte des neurones miroirs suggère une redéfinition possible du principe d’action
idéomotrice : le schéma représentationnel commun devrait être considéré comme un
mécanisme de transformation direct des informations visuelles en actes moteurs
potentiels.
-
Il apparait évident qu’une transformation de l’information visuelle en réponses motrices
appropriées se produit dans le système des neurones miroirs.
-
L’activation du système miroir se produit sous le contrôle de certaines aires du cortex
frontal, en particulier l’aire de Brodman dévolue à des fonctions liées à la mémoire de
travail, l’aire de Brodmann serait responsable d’une recombinaison des actes moteurs
particuliers, à laquelle appartient l’aire de Broca
-
Les propriétés miroirs révèlent la présence d’un mécanisme de couplage direct entre les
informations visuelles provenant de l’observation des actions d’autrui et les représentations
motrices qui leur correspondent. Il ne peut y avoir d’imitation sans un système de contrôle
des neurones miroirs.
-
L’architecture anatomo-fonctionnelle de l’aire F5 et de l’aire de Broca est caractérisée par la
présence de représentations motrices différentes (oro-faciales, oro-laryngées et brachiomanuelles) qui nous permet de supposer que la communication inter-individuelle s’est
développée à partir des modalités motrices différentes (gestes faciaux, brachio-manuels, et
vocaux), accompagnée par l’apparition des neurones miroirs qui leur correspondent.
-
Sans l’intervention d’un système brachio-manuel comme support du système oro-facial, nos
potentialités communicatives seraient restées extrêmement limitées.
-
C’est de l’utilisation de la main, bien plus que de la bouche, qu’a probablement dépendu le
développement de la capacité d’articuler des gestes susceptibles de donner vie à un premier
système communicatif ouvert, pouvant exprimer de nouvelles significations.
-
Ce fut probablement le développement du système communicatif brachio-manuel qui
modifia l’importance et surtout le contrôle des vocalisations.
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Lorsque nous avons commencé à travailler le système miroir de Killian il se montrait incapable
de prendre de la nourriture et de la porter à sa bouche, lorsqu‘il voyait quelqu’un faire cela il
prenait bien la nourriture mais ne la portait pas à la bouche, il donnait simplement à l’autre
ce qu’il avait en main. Actuellement encore, Killian développe une négligence motrice de type
brachio-manuel. Il lui est impossible de reproduire le dessin de plusieurs formes du type trois
traits, deux ronds. que sa main. Nous avons donc mis en place des exercices où il doit voir sa
mère reproduire devant la glace des traits et des ronds et nous lui avons demandé de faire la
même chose. Au début, il n’arrivait à faire que des traits mais depuis quelque temps, il est
capable de tracer des ronds en dehors des temps d’imitation ce qui est tout à fait nouveau. Si
son système miroir n’est pas encore totalement activé, Killian commence à sentir que sa main
serait de mieux en mieux capable de lui obéir. Depuis la semaine dernière, nous avons donc
mis en place un exercice qui consiste à ce que Killian essaie de faire obéir sa main en situation
d’écriture sans intervention de sa mère.
Depuis que Killian a commencé à faire les exercices avec les traits et les ronds devant la glace,
Killian m’a envoyé un mail témoignant que c’était très difficile pour lui de gérer cela
émotionnellement et que cela provoquait chez lui des cris et des crises de violence mais que
son cerveau changeait comme il n’avait jamais changé car son corps et son cerveau se
mettaient pour la première fois au même diapason. : « Tu sais, avant le cerveau il n’était pas
aussi avec le corps, le exercice, me met le corps et le cerveau avec la même marche »
témoigne-t-il dans un mail. Il s’est d’ailleurs produit un phénomène nouveau, alors qu’il était
chez son kinésithérapeute qui lui faisait faire des exercices pour contrôler la tonicité de son
poignet. Jusque-là tout exercice était resté vain et en une semaine de travail sur le système
miroir, le poignet de Killian a acquis une force et une tonicité normale. Le processus brachiomanuel est donc en route, nous avons donc commencé à mettre en place des exercices pour
stimuler les représentations oro-faciales avec torsion de la bouche. Nous ne toucherons à la
dernière étape de type oro-laryngé que lorsque ces deux premières étapes seront vécues de
manière alerte.
-
Il apparait donc, que tant les simples mouvements de la bouche que les synergies orolaryngées nécessaires pour la syllabisation apparaissent liés à des gestes manuels.
Les actes nécessitant un ample mouvement de la bouche s’appuient sur une organisation
neurale commune aux actes nécessitant des gestes manuels. Cette organisation neurale
semble représenter un des vestiges de ce stade de l’évolution vers le langage où les sons
commencèrent à véhiculer des significations grâce à la capacité du système buccal et orolaryngé d’articuler des gestes dotés d’une valeur descriptive analogues à ceux codés par le
système manuel
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Conclusion
La compréhension du fonctionnement du système miroir nous fait comprendre que le fait
que l’information sensorielle et l’information motrice puissent être ramenées à un format
commun, suggère qu’au-delà de l’organisation de nos comportements moteurs, certains
processus habituellement considérés comme d’ordre supérieur, et attribués à des systèmes
d’ordre cognitif, comme par exemple la perception et la reconnaissance des actions d’autrui,
l’imitation et les formes de communication gestuelles et vocales, peuvent renvoyer au
système moteur : prendre un objet, par exemple une tasse, relève de deux processus
différents et indépendants que sont « atteindre » et « saisir », mais qui pourtant vont se
dérouler de manière parallèle. Ce fut probablement le développement du système
communicatif brachio-manuel qui modifia l’importance et surtout le contrôle des
vocalisations et qui mena l’homme vers la verbalisation. Mais quoi qu’il en soit, cela suppose
de la part de l’observateur la même connaissance motrice que celle qui règle l’exécution de
ses propres actes : et c’est cette forme de connaissance qui permet d’accéder à la
syllabisation. C’est à cela, à travers tous les exercices qui lui sont donnés, que, semaines
après semaines, Killian tente d’accéder et a déjà considérablement progressé.
Bibliographie
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13
Les neurones miroirs, Giacomo Rizzolatti et Corrado Sinigaglia, Editions Odile Jacob 2008
Le cerveau volontaire, Marc Jeannerod, Editions Odile Jacob 2009
Le sens du mouvement, Alain Berthoz Editions Odile Jacob 1997
Histoire des mœurs tome 2 : l’homme, la parole et le geste, Encyclopédie de la Pléiade, sous
la direction de Jean Poirier, Editions Gallimard, 1991
L’anthropologie du geste tome1, Marcel Jousse, Editions Gallimard, 1974
La manducation de la parole tome2, Marcel Jousse, Editions Gallimard 1974
The ecological approach to visual perception, James J. Gibson Editions Lawrence Erlbaum
Associates 1986
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