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L'ENGAGEMENT DES SALARIES FACE AUX
NOUVEAUX DEFIS RH
FREDERIC CHATEAU | Le 20/12 à 07:56
MESURER L'ENGAGEMENT DES SALARIES RESTITUE UNE INFORMATION DE HAUTE VALEUR AU
CROISEMENT DE L'INDIVIDUEL ET DU COLLECTIF. PILOTER L'ENGAGEMENT, C'EST METTRE EN
MOUVEMENT LE CORPS SOCIAL DE L'ENTREPRISE AU COEUR DES NOUVEAUX DEFIS RH.
L’Engagement des collaborateurs semble une idée simple : un salarié qui s’engage, déploie initiative, sérieux,
constance, bonne humeur, bref ne ménage pas sa peine pour le bien de l’entreprise – une sorte de bon
camarade heureux et toujours prêt.
Et pourquoi ne pas souscrire à cette image ? Superficielle assurément, mal informée de ce qui s’échange
entre les humains au travail, ignorante en tout cas de la valeur de ces échanges pour les parties prenantes,
mais appropriée sur un point : tout se passe bien. L’objectif de cet article est de préciser ce que la mesure de
l’Engagement révèle et ce que son pilotage met en mouvement.
Apparu dans les années 1990, le concept d’Engagement des salariés est décrit comme une propriété de la
relation entre une organisation et ses membres. Engager en Français est à la fois réflexif et transitif voire se
décline en attribut : engageant. Difficile d’en faire le tour.
De fait, l’Engagement est une notion théorique controversée, car elle est reliée à l’origine aux concepts de
Job Satisfaction et d’Esprit de Corps. Le premier est individuel et connaitra ses extensions ultérieures dans la
mesure des Risques PsychoSociaux ou à l’opposé dans la thématique du Bien-être au Travail et des votespétitions Best Place to Work. Le second est collectif, on le retrouvera plus facilement dans l’évaluation des
relations d’équipe, de la cohésion sociale, des cultures/valeurs d’entreprises et de la marque
employeur/employé.
C’est précisément la puissance de l’Engagement de rendre compte à la fois des deux dimensions, collective
et individuelle, c’est-à-dire du lien entre les collaborateurs et l’organisation, leur situation partagée.
UN DETOUR PAR LE MARKETING
Si la notion d’Engagement est d’abord restée en jachère dans les sciences du management côté RH, elle a en
revanche, connu un grand succès côté Marketing sous la bannière du Marketing Expérientiel. Il s’agit, pour
faire bref, de déplacer le focus des attributs perçus du produit vers une relation avec la marque riche de
sens et de sensations, qui engage le consommateur au travers d’une expérience positive. Cette expérience
va permettre de dépasser la valeur intrinsèque du produit et de ses attributs pour atteindre l’émotion le
plaisir... mais aussi la confiance, voire le sentiment d’appartenance à la culture de la marque et
l’appropriation de ses valeurs.
La recherche d’une valeur d’expérience devient ainsi une priorité pour le marketing qui décline alors le
marketing Expérientiel en marketing sensoriel (stimulation des sens), marketing émotionnel (sentiments),
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marketing d’action (changements de comportements, de mode de vie…), marketing intellectuel (impliquant
le consommateur) et marketing tribal (approche de groupe et appartenance).
Au-delà de ses développements propres, le marketing expérientiel offre à la thématique de l’Engagement
une méthode et un outil de mesure de l’expérience : on collecte la trace, l’impression durable, l’empreinte
laissée par l’expérience. Les questionnaires ne sont plus centrés sur la satisfaction ou les utilités des
attributs, ou encore sur les motivations, les représentations et les valeurs. Ils mesurent de façon transverse à
tous ces aspects, les caractéristiques de la présence rémanente de la marque après l’expérience.
En passant de l’évaluation externe à l’expression de ses propres impressions, le répondant cesse d’être
seulement un juge ou un votant. Il devient un informateur qui rapporte ce qu’il ressent pour exprimer
l’empreinte laissée par l’expérience. Ce ressenti est un condensé d’information car les humains sont ainsi
faits qu’ils encodent dans leurs sentiments et dans leur morale les informations utiles tirées de l’expérience.
La métrique expérientielle s’est révélée très efficace : les questionnaires d’Engagement sont apparus avoir
une capacité prédictive de la fidélité des clients supérieure aux indices de satisfaction. Elle ne sollicite pas
seulement la capacité d’analyse des répondants, mais leur capacité de synthèse – ils délivrent une
information de plus haute valeur.
La digitalisation de la relation client a maintenant capté entièrement l’usage des mots Expérience et
Engagement dans le champ du Marketing. Mais entre-temps, l’Engagement a fait son retour dans les
méthodes de management RH.
QU’EST-CE QU’UN COLLABORATEUR ENGAGE ?
D’une certaine façon, l’Engagement des collaborateurs existe d’abord comme une métrique. Ce n’est pas
une caractéristique psychologique des individus ni une évaluation de leur situation pas plus qu’une
description de l’organisation où ils travaillent. C’est un condensé de tout cela, la synthèse qu’ils en font euxmêmes en informant le dispositif prévu pour recueillir cette synthèse.
Les questionnaires d’Engagement sollicitent les collaborateurs non pas à donner leur avis sur eux-mêmes ou
à s’auto-diagnostiquer ni à évaluer leur environnement, mais à exprimer différents aspects de leur
expérience globale telle qu’ils l’ont métabolisée : ils font appel à leur intelligence émotionnelle.
La mesure de l’Engagement des collaborateurs emprunte aussi au marketing un schéma classique : leurs
impressions sont reclassées selon la hiérarchie des besoins de Maslow. Ainsi, l’Engagement peut être
décomposé en scores selon trois niveaux Réel/Matériel, Symbolique/Relation, Cohésion/Emotion.
Réel/Matériel : renvoie aux éléments matériels qui font l’objet de négociations formelles ou informelles.
Les collaborateurs expriment leur impression globale sur ces sujets en fonction de ce qu’ils en ressentent.
Symbolique/Relationnel : exprime la dimension symbolique de la relation au travail. L’expérience d’être à
la bonne place pour une coopération sure et équilibrée avec ses collègues et l’encadrement, ainsi que le
fait d’être intégré dans la culture qui sous-tend le projet d’entreprise. C’est la clé de l’Engagement.
Cohésion/Emotion : exprime le capital symbolique accumulé. Dans la durée, la dimension Relationnelle se
cristallise pour former un acquis imaginaire - le sentiment d’appartenance, d’inclusion qui exprime de
manière forte ce capital et permet de résister aux aléas de la vie en société.
Des mesures d’évaluation externe ont été expérimentées en sciences de l’éducation, pour quantifier
l’Engagement des étudiants en notant leur implication sur trois plans (i) cognitif, leur capacité à
entreprendre des tâches aux limites de leurs compétences, (ii) comportemental, l’effort et la concentration
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dont ils sont capables dans la mise en œuvre, (iii) affectif, émotions positives incluant l’optimisme
l’enthousiasme, la curiosité et l’intérêt.
Ces évaluations externes ont le mérite de décrire le contenu de l’Engagement, mais elles sont peu utilisables
en entreprise où il ne saurait être envisagé de faire ce genre d’enquête - ni même que ce fût pertinent. Leur
perspective est en effet plus psycho-éducative que managériale.
Des observations recueillies au sein d’une école de commerce révèlent plusieurs moteurs d’Engagement
pour les étudiants : projet personnel, contagion positive ou négative du groupe et de l’encadrement,
maturité, compréhension des buts, haut niveau d’interaction, communication horizontale positive, travail en
groupe … le management et l’éducation ne sont pas si éloignés que cela.
Enfin, les sciences de l’éducation offrent une définition inspirante des bénéfices attendus de l’Engagement :
increasing or widening participation and initiative, achieving high levels of project (course) completion … and
a positive attitude to lifelong learning.
Quand l’ouverture, la réactivité, le partage des connaissances, l’initiative ou l’empowerment, le dialogue et
le droit à l’erreur deviennent des enjeux centraux pour l’innovation dans les entreprises, on perçoit la
pertinence de l’Engagement ainsi défini.
PILOTAGE DE L ’ENGAGEMENT ET STRATEGIE RH
Si la mesure de l’Engagement en RH hérite son questionnement structuré de la recherche marketing, elle
s’en inspire également pour la catégorisation des leviers d’Engagement - leviers matériels, satisfactions,
items de politique RH, évaluation de type 360, mais aussi traits « marque employeur », culture d’entreprise,
valeurs …, la liste est longue et on en trouve des éléments dans de nombreux baromètres de climat social.
Pour réaliser un baromètre d’Engagement, il suffit d’ajouter 10 questions expérientielles à une mesure de
climat social classique. Non seulement cela permet de ne pas interrompre les sacrosaints historiques de
réponses mais, une fois que le suivi se concentre sur les scores d’Engagement, cela permet de faire évoluer
sereinement le corpus des questions. Il est alors facile de les adapter à des business units ou des métiers
spécifiques, puisque ces items deviennent alors des leviers spécifiques de l’Engagement dont la mesure reste
commune à tous. Le baromètre devient adaptatif et dynamique. Citons également à l’avantage des
questions expérientielles qu’elles ne sont pas des plébiscites pour ou contre le management.
Bref, introduire la méthodologie de l’Engagement dans un baromètre, c’est structurer la mesure et ouvrir de
nouvelles problématiques en amont (les leviers) et en aval (les bénéfices attendus). Au plan des leviers
d’Engagement, on peut représenter différentes strates d’actions potentielles par grands domaines à l’aide
de questions de satisfaction, mais aussi de traits culturels ou d’éléments de la stratégie d’entreprise.
On évalue l’impact relatif de ces grands domaines au niveau stratégique, puis à l’intérieur de chaque
domaine, on modélise l’impact des actions unitaires pour simuler l’action des plans RH au niveau local. Ce
découpage de l’information en blocs homogènes agissant de façon successivement concurrente puis
autonome sur la métrique de l’Engagement constitue une véritable méthodologie des plans RH :


repérage global des zones de désEngagement et d’Engagement et des leviers globaux
recherche locale et automatique des leviers points faibles et points forts, puis simulation des actions
dirigées vers les points faibles - dont l’amélioration constitue justement un objectif atteignable,
puisqu’il est atteint au global.
En quelques années de mesures de l’Engagement, des résultats assez nets ont pu être observés.
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En premier lieu, les sources de variations de l’Engagement au sein d’un grand groupe sont d’abord et de très
loin liées aux sites et aux entités. Le management est clairement la première source. Le déplacement de
directeurs de sites engagés en témoigne : l’Engagement des collaborateurs les suit. La DRH peut ainsi
connaître et ajuster les profils des managers et les accompagner selon le contexte de l’activité de
l’entreprise.
Les investissements réalisés par le groupe ont le pouvoir de doper localement l’Engagement – il est vrai que
de tels investissements concentrent à la fois des promesses d’avenir et l’amélioration de l’outil de travail.
On observe un décalage selon le statut : l’Engagement mesuré chez les cadres est plus élevé mais ce
différentiel tend à se résorber et à se concentrer sur le niveau matériel (cf supra). Résultat d’une politique
RSE active, on a pu voir en très peu d’années s’annuler complètement le différentiel entre hommes et
femmes.
Au regard de l’ancienneté, on voit l’enthousiasme des entrants s’atténuer et apparaitre le blues des 10-15
ans d’ancienneté. Sans entrer dans le détail, on a pu noter à cet égard une spécificité bien française : le feedback positif est réservé aux jeunes - ensuite, les marques de reconnaissance se font rares.
Quand on suit l’Engagement en trois catégories (Désengagés, Attentistes, Engagés), on observe des
situations clivées qui vident la catégorie centrale pour montrer une véritable fracture. Les distributions plus
« normales » invitent soit à résorber d’abord le désengagement soit à engager d’abord les Attentistes –on
sait que ce ne sont pas toujours les mêmes leviers qui sont pertinents pour ces deux objectifs.
L’ENGAGEMENT PIVOT DE LA HR BUSINESS PARTNERING
Une enquête récente montre que la tâche la plus citée par les DRH est le maintien de la paix sociale.
L’Engagement des collaborateurs s’avère en être un indicateur très sensible et offre une vue analytique
précise des moyens d’amélioration. Préalerte et voies d’action sont les premiers bénéfices opérationnels de
la démarche Engagement. En effet, même si l’ensemble des possibilités ne peut pas être prévu d’avance
dans les variables leviers des questionnaires, le questionnement expérientiel couvre bien l’ensemble de
l’expérience humaine … ensuite les solutions viennent de la discussion autour des diagnostics partagés.
Au-delà de cet objectif essentiel, deux concepts émergeants correspondent parfaitement à la méthodologie
de l’Engagement – cette correspondance heureuse est largement due à l’influence des travaux de recherche
marketing sur l’Engagement. Il s’agit de la marque employeur/employé et de la RH business partnering.
La seconde fonction la plus citée par les DRH consiste à mettre à la disposition de l’entreprise personnels
compétents et engagés (sic) en nombre suffisant – problématiques largement impactées par le concept de
marque employeur en interne et en externe.
L’Engagement permet de calculer un véritable bilan d’image de la marque employeur telle qu’elle est perçue
par les employés : critères clés, critères basiques, points forts …. La méthodologie a été développée dans les
secteurs de la communication et du marketing. Elle débouche sur les éléments de positionnement actuels et
souhaités et au-delà du branding, apporte des éléments de communication interne forts et pertinents. Le
pilotage externe de la marque peut ainsi appuyer ses messages en cohérence avec les points forts en
interne, mis en évidence avec l’analyse des traits d’image au regard de l’Engagement.
La nécessité d’une telle cohérence entre les valeurs et les messages n’est plus à démontrer à l’heure ou 87%
des candidats font des recherches en ligne avant de postuler et 58% renoncent après avoir trouvé des
informations négatives (RegionJobs 2012) – ces dernières étant largement dues aux collaborateurs sur les
sites spécialisés. Certes de manière un peu radicale, on peut même décrire les managers en fournisseurs de
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la marque employé et parler de co-branding pour la présence des employés sur les media sociaux. Dans ce
contexte, il est évidemment nécessaire de s’intéresser directement à ce que ce que salariés rapportent de
leur expérience au travers des mesures d’Engagement.
Enfin, le nouveau défi des DRH, est de se repositionner au niveau de la stratégie de l’entreprise et d’aligner
son agenda sur les décisions communes. C’est le thème du HR business partnering qui émerge quand la
gestion du facteur e l’humain apparait comme critère clé de la réussite des organisations. Le
décloisonnement des RH qui deviennent partenaires des autres départements passe par le partage d’objets
communs avec les différentes fonctions de l’entreprise.
Les indices d’Engagement offrent précisément ces objets communs car ils sont convertibles dans les objectifs
des différentes fonctions. Ils permettent une véritable valorisation des actions RH et offrent un support aux
nouvelles diplomaties du HR business partnering.
L’Engagement apparaît comme enjeu et mesure communs à tous ces points de vue parce qu’il sollicite
l’expérience-employé dans toutes ses dimensions. Pour affronter ces défis les RH peuvent s’appuyer sur la
synthèse construite par les salariés. Mesurer l’Engagement c’est leur donner la parole au lieu même où ils
élaborent cette synthèse. Piloter l’Engagement c’est prendre en compte cette parole.
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