LIVRE BLANC 2015 Commission Risques et Ressources Humaines 1 La gestion des risques liés aux Ressources Humaines Un vecteur de développement de l’Entreprise A propos de l’AMRAE L’Association pour le Management des Risques et des Assurances de l’Entreprise rassemble plus de 1000 membres appartenant à 700 entreprises françaises publiques et privées. L’association a notamment pour objectifs de développer la « culture » du Management des Risques dans les organisations et d’aider ses membres dans leurs relations avec les acteurs du monde de l’assurance et les pouvoirs publics. Elle les conseille dans l’appréciation des risques, dans la maîtrise de leurs financements et leurs dépenses d’assurance. Sa filiale AMRAE Formation, pour répondre aux besoins de formation professionnelle de ses adhérents ou de ceux qui légitimement s’adressent à elle, dispense des formations diplômantes, certifiantes et qualifiantes de haut niveau. 2 L’AMRAE adresse ses remerciements à tous ceux qui ont contribué à la réalisation de cette publication - Rachel Balmadier, Directrice du Contrôle interne, des Risques et Assurances / Cie DES ALPES Jean-Christophe Corde, Directeur des Risques et Assurances Groupe / Safran Nicolas Dufour, Professeur affilié à Paris School of Business / Risk Manager, secteur assurance Jean-Marie Gobbi, Président / Psya Angélique Grylionakis, Directrice Juridique et Risques Anne Rolland Herlin, DRH / Abe Clearing Guy Jullien, Associé / Gerep – Conseil en gestion et protection sociale Christophe Le Bars, DRH / groupe Cegos et Chargé d'Enseignement Master et MBA RH de Paris-Dauphine Christian Mainguy, Directeur Général / Rehalto Anne Marguerie de Rotrou, Risk Manager / La Poste Catherine Pissel, Responsable Assurances de Personnes / Veolia Environnement Philippe Silbermann, RRH / Atos Jean-Paul Thonier, Administrateur, Président du comité d'éthique et des risques / Korian Ainsi que tous participants à l’enquête, membres de l’AMRAE, interviewers et interviewés 3 Table des matières Table des matières .................................................................................... 4 Editorial .................................................................................................... 5 1 Contexte et objet de l’enquête................................................................ 7 1.1 La Commission Risques et Ressources Humaines, bref historique et prospective ............................................................................................. 7 1.2 La réalisation de l’enquête................................................................... 9 1.3 La méthodologie utilisée pour l’enquête sur les risques RH ...................... 9 2 Etat de l’art sur les risques RH, littérature et travaux antérieurs ................ 14 2.1 Travaux académiques abordant la gestion du risque RH ........................ 14 2.2 Rapports et études sectoriels ............................................................. 17 2.3 Principales normes ........................................................................... 19 3 La maîtrise globale du risque RH ............................................................ 22 3.1 Identification ................................................................................... 22 3.2 Évaluation et priorisation/hiérarchisation ............................................ 33 3.3 Moyens et actions de maîtrise du risque RH ......................................... 36 3.4 Les risques RH sont-ils toujours prioritaires ? ...................................... 41 4 Conclusion et perspectives futures ........................................................... 46 Annexe 1 : Liste des abréviations utilisées .................................................. 49 Annexe 2 : Détails des résultats de l’étude, facteurs de contingence .............. 51 Annexe 3 : Détails des résultats de l’étude, freins et leviers .......................... 53 Bibliographie............................................................................................ 56 4 Editorial Les objectifs de ce livre blanc sont de : - - - Structurer et formaliser les réflexions et les échanges qui ont eu lieu entre les membres de la Commission Risques et Ressources Humaines (RRH) durant l’année de travail 2014-2015; Partager les outils et les travaux développés par la Commission RRH avec les membres de l’Amrae et avec tous les professionnels des risques et des ressources humaines; Participer à la promotion de la culture de la maîtrise des risques RH qui est un excellent moteur de performance et de développement pour les entreprises. Dans une première étape, la Commission RRH a réalisé une enquête auprès d’un panel d’entreprises, afin de disposer d’éléments d’information sur l’organisation de la gestion des risques RH et d’évaluer sa part dans la détermination de la stratégie des entreprises. Les résultats de l’enquête menée en 2014 ont confirmé que toutes les entreprises interrogées ont déployé des moyens tant humains que logistiques et méthodologiques pour formaliser, suivre et maitriser leurs risques RH. Trois familles de risques RH ont ainsi été répertoriées : 1. 2. 3. 52% de risques internes dont : - 17% : Homme clé, taux de rotation, motivation ; - 14% : recrutement, formation, mobilité, gestion des compétences ; - 12% : RPS, suicides, harcèlement, santé, TMS. 34% de risques périphériques dont : - 14% : conditions de travail, sureté, sécurité ; - 13% : réglementaire, contractuel, environnement professionnel, RSE. 14% de risques externes dont : - 6% : environnement social ; - 5% : image, réputation. Près de la moitié de ces risques sont internes à l’entreprise et impactent directement son organisation, son fonctionnement et sa productivité. Toutefois, seules 20% des entreprises interrogées sont réellement convaincues de l’intérêt de la démarche de gestion des risques pour le développement et la croissance de l’entreprise. 5 Je tiens à remercier sincèrement tous les membres de la Commission Risques RH pour leur implication, leur professionnalisme et leur enthousiasme qui ont permis de produire ce travail collectif riche de la diversité de leur parcours, de leurs expériences et de leur complémentarité. Je tiens également à remercier Hélène Dubillot, Directrice de la Coordination Scientifique de l’Amrae et Bénédicte Huot de Luze, Déléguée Générale de l’Amrae, pour leur confiance, pour le soutien et pour leurs encouragements répétés. Mes remerciements s’adressent enfin à Charlotte Guay et à Magali Martins qui se sont succédées pour assurer efficacement l’indispensable logistique et support organisationnel sans lesquels ce travail n’aura jamais vu le jour. Abdel Bencheikh Président de la Commission Risques et Ressources Humaines AMRAE 6 La gestion des risques RH 1 Contexte et objet de l’enquête 1.1 La Commission Risques et Ressources Humaines, bref historique et prospective Les risques RH représentent un des enjeux majeurs des entreprises et des organisations. Leurs conséquences peuvent en effet impacter directement leur bon fonctionnement, leur développement, leur image et leur compte de résultat. La Commission a débuté ses travaux sur des sujets d’assurances collectives. A partir de 2008, elle se concentre sur les risques RH pris dans leur globalité. Cette volonté de l’Association de traiter les risques RH comme une catégorie à part entière trouve sa consécration avec l’organisation d’un colloque annuel dédié à cette catégorie de risques : les Rendez-vous RM-RH (La Baule 2012, Reims 2013 et Paris 2014). A titre d’information, les principales contributions de la Commission RRH sont : - - La publication d’un Cahier Technique en 2010 sur l’intérêt de la collaboration entre RM et RH : « RM et RH : Pourquoi et Comment mieux travailler ensemble » ; Une présence régulière aux Rencontres annuelles de l’Amrae via des ateliers. En qualité de détenteur du processus de gestion des Ressources Humaines, la Direction des Ressources Humaines est en principe positionnée comme l’expert en charge de : - Identifier les risques inhérents, Contrôler et traiter les risques par des plans d’action, Décrire et formaliser les processus adéquats, Proposer des indicateurs de suivi. Les risques RH associés à l’intégralité du processus de gestion des risques ne sont toutefois pas systématiquement intégrés dans les cartographies de risques. Les risques RH sont souvent objets d’une approche : 7 - Partielle : à travers les problématiques des risques psycho-sociaux et des risques associés à la gestion des personnes « clés » et des hauts potentiels. - Locale : à travers les risques opérationnels et les processus dictés par des enjeux environnementaux, sociétaux et de gouvernance, ainsi que par le Document Unique. La dispersion de l’étude des risques RH (et des plans d’action associés) prive de fait l’entreprise d’une vision globale de ces risques. Face à ce constat, la Commission RRH a décidé de promouvoir une approche « Risk Management » appliquée au processus RH et ainsi renforcer la collaboration entre les Directions des Risques et des Ressources Humaines. La feuille de route que la Commission s’est fixée en 2014 s’articule autour des 5 points suivants : - Cartographie des risques RH ; Plans d’action ; Indicateurs de suivi ; Label ou Certification « Maitrise des risques RH »; Impact positif potentiel sur la négociation à long terme des contrats d’assurance de personnes. Ainsi dans une première phase, la Commission a souhaité prendre la mesure de la « réalité du terrain » en interrogeant un échantillon représentatif d’entreprises (taille intermédiaire et grandes entreprises), membres de l’Amrae avec les objectifs suivants : - - 8 Disposer d’une représentation réaliste et argumentée de la réalité de la maitrise des risques RH ; Vérifier que la stratégie de l’entreprise intègre les enjeux des risques RH ; Comprendre le lien entre leurs axes de développement et les enjeux RH ; Déterminer si les risques RH, pouvant compromettre la stratégie de l’entreprise, sont pris en compte par le top management, ainsi que les indicateurs et les plans d’actions associés ; Connaître les motivations réelles d’une entreprise dans sa démarche de gestion des risques RH. 1.2 La réalisation de l’enquête Les entretiens sur sites ont été menés par les membres de la Commission auprès des représentants de l’entreprise directement concernés par le sujet. Les échanges en toute confidentialité entre professionnels des risques RH ont permis d’obtenir des résultats d’une grande qualité. Outre ces entretiens, les travaux de la Commission, présentés dans ce Livre Blanc, intègrent les échanges ayant eu lieu lors des différentes sessions de la Commission. 1.3 La méthodologie utilisée pour l’enquête sur les risques RH 1.3.1 Descriptif de la méthodologie L’enquête a été réalisée par le biais d’entretiens semi-directifs sur la base d’un « Guide d’entretien » dont les composantes principales sont détaillées ci-après. Les chercheurs définissent l’entretien semi-directif comme suit : 9 - Un entretien s’envisage comme une suite de références sociales par le discours, le recueil de « traces de comportements » et les interactions comme sources de perceptions des acteurs (Wacheux, 1996, p.204). - Les entretiens semi-directifs se caractérisent par le fait que l’acteur interviewé s’exprime librement face au « chercheur » (celui qui recherche un ensemble de réponses sur les thématiques présélectionnées) ; face à des questions précises et sous le contrôle dudit chercheur. L’implication entre chercheur et acteur interviewé est partagée. - Il se distingue en cela des entretiens directifs (l’acteur répond à une suite de questions courtes et précises sur des faits, options ou représentations) et non-directifs (une conversation libre et ouverte sur des thèmes préalablement définis avec intervention potentielle du chercheur à des fins de recadrages sur l’objet de recherche). - Les questionnaires issus des différents entretiens ont été retranscrits et analysés par thèmes en vue de dégager les éléments récurrents mais aussi les « facteurs de contingence » ou spécificités de chaque entretien. 1.3.2 Structure du « Guide d’entretien » Le Guide est articulé autour de quatre volets de questions permettant de cerner l’organisation et les moyens mis en œuvre par l’entreprise pour encadrer les risques RH, ainsi que les motivations et les objectifs d’un tel dispositif. La cartographie et les indicateurs de risques RH, ainsi que les plans d’actions mis en œuvre, sont ensuite passés en revue, par le biais de questions ouvertes et fermées. Enfin, une question de synthèse vient clôturer l’entretien. 1 - Eléments de contexte et faits marquants de type Risques RH pour l’entreprise - Présentation générale de l’interviewé (parcours, formation, expérience, …) et de l’entreprise : mono ou multi-sites ; France ou Monde ; taux de recours à la sous-traitance ; stabilité ou évolutions passées ou à venir (fusions, rapprochements, cession ou transferts d'activités) ; pyramide des âges ; spécificités des RH (facilité et délai de remplacement) ; rattachement de la fonction Risk Management (DG, CFO, Direction juridique,...) ; ses effectifs ; est-elle membre du comité exécutif ? - Pouvez-vous évoquer les éléments marquants/significatifs de « risques humains » rencontrés ? Identification des compétences clés, santé physique et mentale, climat social, risque contentieux, … - Quelles raisons vous poussent à prendre en compte ce(s) risque(s) (le cas échéant): réglementaire, éthique et RSE (image marque-employeur), financière (coût des assurances, relation-investisseurs) ? - Quels sont les acteurs clés mobilisés ? 2 - Cartographie des risques RH 10 - Disposez-vous d'une cartographie RH de vos risques ? Si oui, pouvez-vous décrire sa structuration sur le périmètre « risques humains »? (recours au bilan social et PV de réunions de CE / CHSCT). - Le DRH est-il associé à sa revue, à quelle fréquence ? Quels liens avec d'autres domaines (transversalité des risques RH) notamment avec le RSSI, le responsable de RSE, le responsable des questions environnementales, ou la direction juridique ? - Le management est-il associé à la cartographie des risques humains (en étude, en validation) ? Est-il, par ailleurs, sensibilisé sur ces risques, par exemple quelle connaissance a-t-il des règles, lois et obligations s'appliquant (droit social, droit du travail entre autres) ? - L'intégration d'une nouvelle structure au sein de votre société / Groupe est-elle envisagée sous l'angle des risques RH (et avec des mesures préventives ou d’accompagnement) ? 3 - Indicateurs des risques RH - Comment mesurez-vous le « risque humain » au sein de votre entité ? (mesure du risque opérationnel - exemple du document unique : fréquence/gravité) ? Approche de type contrôle de gestion immatériel (exemple : taux d’absentéisme, taux de rotation). - Avez-vous mis en place des indicateurs préventifs ou prédictifs du risque humain ? - Quels sont pour vous les indicateurs qualitatifs et quantitatifs les plus pertinents ? (mesure du taux d’absentéisme, turn-over, mesure d’incidents significatifs concernant les collaborateurs). - Comment passez-vous de la mesure de ce risque au plan d’action ? - Les actions de préventions mises en place et la mesure régulière de l’impact des actions menées sur leur évolution ont-elles été déterminantes dans la maîtrise et/ou la réduction des risques RH ? 4 - Plans d’action des risques RH 11 - Avez-vous des plans d’actions ? (Exemples de plans d’actions concrets, d’actions réalisées : analyse du risque de perte de compétences, mesures préventives, …). Communiquez-vous dessus (communication interne ou externe type rapport annuel, document de référence, rapport annuel de RSE, ...) ? - Quels sont les principaux freins et leviers dans la conduite de vos plans d’actions sur ce sujet ? - La cartographie des risques RH est-elle un outil déterminant ? Est-elle un outil d’aide à la décision pour la gouvernance d’entreprise ? 5 - En synthèse Avez-vous identifié des risques RH stratégiques spécifiques à votre modèle économique, par rapport à votre entreprise, à l’industrie, ... ? 1.3.3 Panel des entretiens Près de 30 entretiens, d’environ 1H30 chacun, ont été réalisés auprès d’un panel d’entreprises de tailles variées (entreprises du CAC 40, ETI/ PME), de différents secteurs d’activité, entre juin et septembre 2014. 5 entretiens exploratoires avaient été réalisés en amont afin de préciser les questions les plus adéquates dans le cadre de cette enquête, et tester le questionnaire auprès d’experts risques. Le taux de réponse à l’enquête est de 68 % (30 entretiens réalisés sur 44 planifiés), lui conférant une représentativité statistique des pratiques existantes et certifiant la validité externe des données, constats et recommandations recueillies. A titre illustratif, les entreprises étudiées concernaient les secteurs suivants : - 12 Organisme public départemental, Etablissement bancaire français, Société mutuelle d’assurances, Aéroports français, Société de gestion d’actifs, Sous-traitant dans le domaine de la plasturgie, Société de conseil, entreprise de service numérique, Société de services, secteur touristique, Société du secteur médical, Société du secteur cosmétique, Société du secteur énergie, Secteur Associatif, Société du secteur agro-alimentaire, Société du secteur transport, Société des services collectifs. 1.3.4 Limites méthodologiques de l’enquête Le panel retenu intègre les contraintes de temps relatives à la disponibilité des interviewés et à la durée de réalisation restreinte pour une étude qualitative de cette ampleur. Les constats issus de ces travaux appellent donc des compléments. Toutefois, il a été observé, après une vingtaine d’entretiens, que les réponses au questionnaire étaient sensiblement proches, montrant ainsi la représentativité de l’enquête. La démarche pourrait être poursuivie dans le cadre d’une seconde enquête avec un questionnaire révisé et une vision plus sectorielle. L’autre limite a pour origine le panel d’entreprises retenu pour l’enquête, qui visait une représentativité globale (quels que soient les secteurs et les tailles d’entreprise). Une recherche complémentaire pourrait ainsi se focaliser sur des secteurs en particulier en vue d’identifier des spécificités sectorielles, géographiques ou par types d’entreprises. Notre méthodologie s’inspire des recherches en sciences de gestion, dans une logique de validité et de représentativité de la connaissance produite. 13 2 Etat de l’art sur les risques RH, littérature et travaux antérieurs 2.1 Travaux académiques abordant la gestion du risque RH De nombreux travaux académiques et professionnels abordent la problématique des risques RH, notamment dans le domaine des sciences de gestion ou de la psychologie du travail. Toutefois ces différents travaux n’offrent pas toujours un cadre de compréhension global, des outils ou des méthodes, permettant de mieux cerner les risques RH. Dans le cadre de ce livre blanc, nous recensons les différents travaux abordant cette thématique de manière plus spécifique. Cette littérature est conséquente et appelle des débats nombreux, parfois loin d’être tranchés. Nous souhaitons mettre davantage en exergue les différents courants de recherche que mener une revue exhaustive des travaux sur le sujet. 2.1.1 En sciences de l’ingénieur De nombreux travaux ont été réalisés, notamment sur les enjeux RH associés aux problématiques Hygiène/Sécurité/Environnement. A ce titre, une importante littérature est recensée dans des revues comme la revue EHS Today1 ou encore la revue Préventique Sécurité 2 . Citons également la revue Santé & Travail ou encore la revue Face aux Risques réalisant des focus réguliers sur les risques professionnels ainsi que sur les leviers d’action pour agir face aux divers dangers pouvant affecter les collaborateurs sur leurs lieux de travail. Sans être exhaustif, d’autres travaux font référence, notamment sur les impacts RH des risques techniques majeurs (Charbonneau, 1992 ; Guilhou, Lagadec, 2002 ; Moulin, 2014). Dans ce domaine, également, des travaux concernent les facteurs influençant la mise en place d’une culture de la sécurité au travail. Ainsi, Petersen (2005) affirme que le succès d’une entreprise peut être directement relié à la mise en place d’une politique de sécurité. Il insiste sur le fait que la mise en place d’une culture de sécurité a un impact positif sur la productivité des collaborateurs estimant travailler dans un environnement sain et sécurisé. 1 http://ehstoday.com/ http://www.editions-docis.com/preventique-securite.aspx : à noter que la revue a récemment publié un numéro spécial relatif à la santé mentale. 2 14 D’autres auteurs ont entendu étoffer ces propos en insistant sur les aspects comportementaux d’une réelle sécurité au travail (Subramaniam, 2004 ; Dejoy et al., 2004 ; Mullen, 2004 ; Dejoy, 2005 ; Williams, 2008 ; Antonsen, 2009). 2.1.2 En sciences psychosociales Nous constatons également le développement d’une littérature fondée sur les grilles conceptuelles émanant de la psychanalyse et de la psychologie et adaptée au domaine de l’étude des comportements organisationnels. Les risques RH sont également traités par la littérature académique dans le domaine des sciences psychosociales. Ainsi, des recherches menées notamment par l’Institut Psychanalyse et Management (revue Psychanalyse & Management) ou encore dans le cadre du colloque francophone sur le risque (Oriane) insistent sur les aspects psychosociaux sans pour autant limiter leur champ d’étude à ce type de risques. Ces travaux mettent notamment en exergue le rôle des comportements organisationnels comme facteur d’aggravation ou de réduction des risques RH. Ainsi, à titre d’exemple, certaines recherches soulignent que l’attitude volontairement empathique des managers à l’égard d’autres collaborateurs peut constituer un facteur de motivation propre à réduire certains facteurs de risque (Frost, 1999 ; Fineman, 2003 ; Teneau, Dufour, 2013). Autre illustration, certaines études s’attachent à montrer que la perception même de leur travail par les collaborateurs d’une organisation constitue en soi un vecteur d’aggravation ou de réduction des risques psychosociaux (Green, 1993 ; Maslach et al., 2001 ; Bonde, 2008 ; Postolache, Jong-Min, 2008)3. 2.1.3 En sciences de gestion On constate un développement des recherches dédiées à la gestion globale des risques, qui est envisagée selon plusieurs approches : - 3 Certaines recherches insistent sur l’étude du risque RH en tant que catégorie spécifique de risque opérationnel (au même titre que sont étudiés les autres risques opérationnels de type erreur de traitement et de saisie d’opérations, indisponibilité des SI, fraudes,...). Ces recherches partent alors des référentiels existants (type référentiel bâlois de risque opérationnel) pour Concernant cette revue de littérature, nous souhaitons également préciser qu’il existe également un ensemble de recherche réalisée dans le domaine médical. Ces travaux constituent en soi un axe d’approfondissement spécifique se situant hors du cadre « managérial » propre à notre étude. Voir également les travaux de la revue Internationale de psychosociologie et de gestion des comportements organisationnels 15 considérer le risque RH comme un risque opérationnel lié à une défaillance de systèmes, de procédures ou du personnel (Power, 2005 ; Hanssen, 2005 ; Ferrary, 2009). Il est à noter que de telles approches caractérisent principalement le secteur financier pour lequel l’exposition au risque RH est soit diffuse et peu marquée, soit insuffisamment prise en compte car « noyée » parmi d’autres catégories de risques jugées plus prioritaires (risque de marché, risque de crédit, risque technique de souscription, ...). - D’autres études, davantage axées sur la recherche fondamentale plutôt qu’appliquée, insistent sur la dimension sociale du risque RH et sur l’apport du Risk Management comme moyen de maîtriser l’environnement socio-économique entourant l’entreprise (Laufer, 1993 ; Godard et al., 2002 ; Meric et al., 2009 ; Miller, 2009 ; Larkèche, 2011 ; Cherré, 2014 ). - Des études établissent un lien entre la maîtrise des risques RH et l’étude des comportements en entreprise. Ces recherches tendent à montrer notamment que le contrôle des comportements, bien que difficile à initier en pratique, constitue un moyen de maîtrise des risques RH (agir sur le facteur culturel, initier progressivement une culture du risque). Ces travaux, bien qu’encore exploratoires insistent sur les politiques de maîtrise des risques comme vecteurs d’une culture organisationnelle, tournée vers la vigilance et la satisfaction des objectifs de l’entreprise en tenant compte du facteur risque (McGrew, Bilotta, 2000 ; Hammond, 2002 ; Szpirglas, 2006 ; Stulz, 2009 ; Mikes, 2011 ; Dufour, 2015). - D’autres recherches plus récentes et davantage axées sur les méthodologies de terrain de type recherche-action 4 en entreprise envisagent quant à elles les risques RH comme un facteur de sous-performance de l’entreprise voire un « coût caché » (au sens d’un coût réellement subi par l’entreprise mais non identifié dans les systèmes comptables du fait de l’absence de qualification du coût et de système de mesure adapté). Ces recherches qualifiées de management socio-économique empruntent à la fois des méthodes au management et au contrôle de gestion et de la performance. Elles visent à démontrer l’apport de la mesure du capital humain comme source de valeur pour l’entreprise. Partant de l’idée que ce capital humain constitue souvent le premier actif de l’entreprise, conserver et valoriser un tel capital est en soi une source de sauvegarde voire de 4 La recherche-action consiste pour le consultant-chercheur en une présence de long terme en entreprise en vue d’étudier des faits socio-organisationnels et de modifier certains composants de l’organisation étudiée. En général, ces enquêtes de terrain sont qualifiées d’études longitudinales car elles se déroulent sur des périodes de présences à temps plein de 6 mois à un an voire plus de deux ans dans le cas des études les plus complexes. 16 création de valeur (Savall, Zardet, 2005 ; Buono, Savall, 2007 ; Savall, Zardet, 2010 ; Cappelletti, 2012, Darsa, Dufour, 2014). Ces travaux abordent donc la mesure des facteurs de non-performance de l’entreprise, l’ensemble des dysfonctionnements liés aux ressources humaines au titre desquels figurent les risques RH (absentéisme, turn-over excessif, surtemps, sursalaires, présentéisme, perte d’exploitation liée aux conflits sociaux, …). - Dans le prolongement de ces recherches, l’ISEOR 5 (Institut de SocioEconomie des Entreprises et des Organisations) chiffre à près de 15.000 euros, à minima, les coûts cachés par an et par collaborateur en entreprise. Ces coûts cachés intègrent largement les effets induits des dysfonctionnements RH pouvant survenir au sein d’une organisation. A titre illustratif, l’ISEOR recense des dysfonctionnements RH de type « surconsommations de temps » sur une activité (sous-productivité), les absences répétées, les coûts des arrêts de travail, du présentéisme, des sursalaires, les surcoûts liés à une mauvaise gestion de l’organisation et à une répartition inefficiente du travail, le coût des conflits sociaux, les surcoûts liés à une mauvaise ergonomie sur le lieu de travail, … Dans le prolongement de tels travaux, nous pourrons également citer les réflexions engagées par des praticiens tels que V.Waknine 6 chiffrant à près de 13.000 euros par an et par salarié le coût du mal-être au travail. Ce surcoût est lié aux situations de stress, aux cas de démotivation au travail, à l’implication insuffisante des collaborateurs, à une mauvaise compréhension, à une non adhésion au projet d’entreprise ou à un environnement générateur de multiples conflits et tensions rendant difficile la réalisation des objectifs par les collaborateurs. 2.2 Rapports et études sectoriels Différents rapports et études sectoriels insistent sur l’importance de considérer le facteur RH comme un sujet à part entière de maîtrise des risques. L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) a publié dès 2004 un rapport intitulé « Investir dans la santé mentale » dont les conclusions 7 insistent sur les différentes stratégies possibles aux échelons internationaux, nationaux et locaux 5 http://www.iseor.com/ Institut rassemblant des universitaires et des consultants étant intervenus dans plus de 1300 entreprises en France et à l’international pour formaliser les retours d’expérience relatifs aux coûtsperformances cachés. 6 http://business.lesechos.fr/directions-ressources-humaines/l-organisation-du-travail-genere-les-principalessources-de-stress-8107.php 7 http://www.who.int/mental_health/media/en/InvMHBr8.pdf 17 pour renforcer la capacité des organisations à développer une prévention face à de nombreux risques tels que les dépressions, l’alcoolisme, le suicide. En 2008, P. Nasse et P. Legeron ont publié un rapport (Documentation française) insistant sur les méthodes de mesures et de suivi des risques psychosociaux. Les auteurs préconisent le recours à un indicateur évaluant les conditions de travail des salariés et tenant également compte de leur état psychologique. Mentionnons également la littérature importante publiée par l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité) abordant de manière régulière les risques psychosociaux et les actions de prévention pouvant être menées sur ce sujet. Ainsi que le rapport rendu en 2012 par l’Institut Montaigne : « Insatisfaction au travail, sortir de l’exception française », qui insiste sur le fait qu’une large majorité de salariés estime devoir faire face de manière ponctuelle ou continue à des situations de stress ou de mécontentement au travail ayant un impact négatif sur leur santé. Enfin, citons le classement annuel réalisé par Great Place to Work8. Cet institut effectue un classement annuel en France et l’échelle internationale sur des entreprises volontaires. Il identifie celles où il fait bon travailler en se basant sur une multitude de critères tels que : la proximité du management et des équipes de direction à l’égard des collaborateurs, l’attractivité de l’entreprise, la culture d’entreprise et son rapport au bien-être au travail des collaborateurs, les enjeux de maîtrise des risques tels que le burn-out ou le stress au travail. Source : site Greatplacetowork.fr 8 http://www.greatplacetowork.fr/ 18 Great Place to Work propose ainsi aux entreprises et aux organisations : de les aidées à entrevoir ce qu’est une entreprise « où il fait bon travailler » (confiance des collaborateurs envers les dirigeants, être fier de son travail, apprécié de ses collègues, implication forte, facilité à développer le travail en équipe, …). d’être évaluées en vue de renforcer l’attractivité de l’entreprise à l’égard de ses salariés, de révéler des axes d’amélioration des pratiques managériales en développant l’implication des managers ou en repensant certaines pratiques, de cibler des compétences clés nécessaires au développement de l’entreprise, de diffuser les bonnes pratiques internes/externes aux organisations, … - - - En insistant sur le rôle du management (dont le management de proximité), et par l’importance des benchmarks réalisés, Great Place to Work tend à fournir une illustration des enjeux de maîtrise des risques RH liés au développement des collaborateurs ainsi qu’à leur perception de leur place et rôle dans l’organisation. 2.3 Principales normes La normalisation relative aux risques RH est un sujet émergent. En France, nous pouvons citer principalement la réglementation afférente l’établissement du Document Unique relatif aux Risques Professionnels Document Unique de Sécurité. Il établit une classification des risques liés l’exercice de l’activité professionnelle, comprenant notamment les risques liés à 19 à / à : L’environnement de travail (locaux, éclairage, bruit, ergonomie du poste de travail, manutention manuelle, présence de vibrations, ...), La circulation et le déplacement dans le cadre de l’activité professionnelle (risques routiers, parking, déplacement interne à l’entreprise, déplacement en véhicule et à pied à l’extérieur de l’entreprise, ...), La chute de plein pied, en hauteur ou d’objet, L’aménagement et à l’hygiène des locaux, à la sécurité et à la présence de secours, Aux facteurs psychosociaux (intensité/complexité du travail, exigences, rapports sociaux au travail, ...). Nous pouvons noter des pratiques émergentes, émanant notamment du Québec. Ainsi, la norme BNQ 9700-880 9 : Prévention, promotion et pratiques organisationnelles favorables à la santé en milieu de travail - Protocole de certification est parue en 2008. A l’initiative du Groupe Entreprises en santé, ayant mandat du Bureau de Normalisation Québécois, cette norme a été développée autour des objectifs suivants : - Un mode d’emploi pour passer à l’action d’implanter un processus efficace et pérenne Une application universelle Une approche volontaire (société, salariés) Une certification optionnelle Un financement assuré par le gouvernement, les organismes santé/sécurité, les employeurs et les philanthropes. Les axes de la norme sont illustrés dans le schéma suivant : Les impacts observés de la mise en place d’une telle norme dans les organisations sont : 9 http://www.bnq.qc.ca/fr/normalisation/ressources-humaines/entreprise-en-sante.htm 20 Sur le plan du coût du risque RH mesurable : réduction de l’absentéisme au travail, réduction du turn-over, meilleure maîtrise du coût des assurances collectives, réduction des cotisations, accident et maladies professionnelles, réduction du présentéisme et renforcement de l’attractivité dans les entreprises observées ayant mis en place une telle norme. Sur le plan des effets non mesurables mais observables à plus long terme : amélioration du climat de travail, réduction des contentieux prud’homaux, amélioration de la motivation et de l’engagement ainsi que de la qualité de service et de la créativité des collaborateurs, facilitation de la prise de décision. A noter qu’un groupe de travail Afnor travaille actuellement sur la transposition en France de cette norme. Un partenariat franco-québécois Afnor Compétences et Afnor Certification, avec le Groupe Entreprises en Santé, est en cours. On notera enfin la proximité d’un tel travail avec d’autres normes : - Santé et sécurité au travail : future ISO 45001, - Santé et sécurité psychologique en milieu de travail (2013) : CAN/CSAZ1003-13/BNQ. 21 3 La maîtrise globale du risque RH 3.1 Identification 3.1.1 Descriptif des principales catégories de risques RH La figure ci-dessous résume les différents risques RH identifiés dans le cadre de l’enquête de 2014. Certains sont directement liés aux enjeux de performance globale de l’entreprise. Il s’agit des risques : - De grève (prolongée ou de faible durée mais sur des sites de production sensibles pour une entreprise) ; De perte d’attractivité (une entreprise devenant incapable d’attirer les meilleurs profils) ; D’augmentation forte et non maîtrisée de la masse salariale ; D’atteinte à la sécurité au travail (arrêts de travail fréquents, blessures, accidents grave, accidents médiatisés) ; De disponibilité des équipes (notamment dans les grands projets d’entreprise à forte transversalité) ; Ou encore des risques liés aux « personnels clés » (concernant par exemple le départ de dirigeants, de top managers ou d’experts à forte technicité dont le remplacement peut être long et coûteux). D’autres risques RH identifiés concernent les risques liés à la gestion du capital humain tels les risques liés à : - Une mauvaise maîtrise des compétences clés ; Un manque de turn-over (ou un excès de turn-over sur des profils clés) ; Une perte de motivation au travail (risques psycho-sociaux plus largement) ; Ou encore des risques liés à une mauvaise gestion du dialogue social. Il ressort de notre enquête une forte diversité de catégories de risques RH. Si certains secteurs envisagent d’abord ce risque comme une catégorie très transverse, ou au travers des enjeux réglementaires (sécurité au travail), nous constatons néanmoins que le sujet de la maîtrise des risques RH reste une difficulté dans l’exercice de cartographie. 22 3.1.2 Focus sur les éléments de cartographie des risques RH identifiés lors de l’enquête Les risques RH déclarés lors des entretiens ont été classés en trois familles (cf. tableau ci-dessous) : Risques internes (engagement, GPEC, bien-être au travail, taux de rotation, collaborateur clé) : à condition de mettre les moyens, l’entreprise pourrait maitriser ces risques et en faire des atouts. C’est sur ces risques que l’effet de levier pourrait être important sur le développement et la croissance de l’entreprise. Risques périphériques (sûreté/sécurité, contractuel, conditions de travail réglementaires, RSE, environnement professionnel, législation) : l’anticipation par l’entreprise des évolutions propres à son secteur d’activité, sa participation active aux travaux de place, la veille et le lobbying, peuvent l’aider à mitiger ces risques. 23 Risques externes (image-réputation, environnement social) : l’entreprise a peu d’emprise sur ces risques qui peuvent être une conséquence des risques internes et/ou périphériques. RISQUES INTERNES (spécifiques à l'organisation) NATURE DU RISQUE % des risques internes % de l'ensemble des risques NATURE DU RISQUE % des risques internes % de l'ensemble des risques ENGAGEMENT 7,41% 3,92% TURN-OVER 4 7,41% 3,92% GPEC 25,93% 13,73% HOMME CLE 9 16,67% 8,82% BIEN ETRE AU TRAVAIL 25,93% 13,73% DIVERS 9 16,67% 8,82% RISQUES PERIPHERIQUES NATURE DU RISQUE % des risques périphériques % de l'ensemble des risques NATURE DU RISQUE % des risques périphériques % de l'ensemble des risques NATURE DU RISQUE Fréquence % des risques périphériques % de l'ensemble des risques DIVERS 18,75% 5,88% CONDITIONS DE TRAVAIL 12,50% 3,92% LEGISLATION SURETE / SECURITE 21,88% 6,86% RSE 6,25% 1,96% CONTRACTUEL 18,75% 5,88% ENVIRONNEMENT PROFESSIONNEL 9,38% 2,94% 4 12,50% 3,92% RISQUES EXTERNES NATURE DU RISQUE % des risques externes % de l'ensemble des risques IMAGE REPUTATION 37,50% 5,88% ENVIRONNEMENT SOCIAL 37,50% 5,88% DIVERS 25,00% 3,92% Les risques liés à des carences en matière de Gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC : Mobilité, Recrutement, Formation,…) représentent à eux seuls 26% des risques internes identifiés par l'ensemble des professionnels rencontrés. Derrière le terme généraliste de GPEC apparaît un besoin fort de compétences clés qu’il convient de palier en recrutant et/ou formant des ressources, et de les pérenniser au sein de l’entreprise, par une politique de gestion de carrière adaptée. Un autre risque identifié vient conforter cette problématique de GPEC, c’est celui du « collaborateur clé » qui représente à lui seul près de 9% de l’ensemble des risques identifiés. Le cumul de ces deux risques internes atteint 23% des risques RH globaux. 24 La thématique « risque de compétence » peut se trouver aggravée à cause d’un turn-over excessif ou insuffisant qui représente 4% de l’ensemble des risques identifiés. Nous pouvons donc considérer que le sujet de la gestion des ressources au sens large (GPEC, recrutement, collaborateur clé, turn-over,…) est le sujet le plus mis en avant en ce qui concerne les risques internes (50% des risques internes et 26% de l’ensemble des risques identifiés). Les risques liés à des carences en matière de qualité de vie au travail (QVT) représentent une autre thématique forte de risques internes identifiés. Le risque lié au Bien-être au travail représente à lui seul 26% des risques internes et 14% de l’ensemble des risques identifiés. La gestion des ressources et le bien-être au travail représentent 40% de l'ensemble des risques identifiés par la cartographie des risques RH. L'image de l'entreprise et l'environnement social dans lequel elle évolue représentent la quasi-totalité du risque externe soit 75% mais seulement 12% de l'ensemble des risques identifiés. Le risque Sécurité et Sûreté couvre quant à lui 22% de la typologie des risques périphériques et 7% des risques dans leur ensemble. Le risque contractuel qui pèse 19% des risques périphériques est identifié comme un sujet sensible. Il représente 6% des risques dans leur ensemble. En synthèse, ces 8 risques identifiés par la cartographie des risques RH couvrent 65% de la totalité des risques répertoriés. Par ailleurs, lorsque nous regardons ces résultats avec un biais sectoriel, aucune tendance n'apparait sur la première famille de risques dits internes. Les risques externes quant à eux, montrent que les secteurs du service et de l'industrie sont plus sensibles aux risques liés à l'environnement social. Enfin, la troisième famille de risques (risques périphériques) laisse apparaitre la Sécurité et la Sureté comme étant une préoccupation majeure pour les secteurs du service et de l'industrie. Sur trente entreprises, quatorze ne disposaient pas d’indicateurs de mesure du risque RH. Concernant ces entreprises qui n’ont pas d’indicateurs : 25 Pour six d’entre elles : les profils interviewés sont des profils RH, issus de secteurs différents (public, services, industrie,…). Pour les huit autres entretiens : les profils RM rencontrés font apparaitre que la typologie de l’entreprise est constituée, excepté dans un cas, de sociétés du secteur des services et plus précisément pour quatre d’entre elles du secteur des services financiers. Autrement dit, sur cinq sociétés du secteur des services financiers, une seule appréhende l’évaluation des risques RH. Autre constat, dix d’entre elles n’ont aucun outil de mesure permettant d’évaluer les risques RH. Les quatre autres suivent de façon plus ou moins formelle une ou plusieurs catégories de risques via des indicateurs ou des éléments provenant du bilan social, du CHSCT, voire de l’informel. Dans ces cas, le profil des interviewés et des secteurs d’activité sont très hétérogènes. Hormis quatre cas pour lesquels la cartographie des risques RH n’est pas un sujet porteur ni prioritaire, les dix entreprises n’ayant pas d’indicateurs prédictifs du risque, ou n’ayant pas pris la mesure du risque humain de l’entreprise, considèrent néanmoins que la cartographie des risques RH est un outil déterminant dans la gestion des risques et pour une meilleure gouvernance. 26 Les entreprises qui possèdent des indicateurs de suivis appréhendent le risque humain à travers le bilan social, les enquêtes, les tableaux de bord permettent au sein de leur entité respective. Ces entreprises sont issues de tous les secteurs et la quasi-totalité des interviewés ont un profil RM. Les indicateurs les plus mis en avant concernent l’absentéisme et le turn-over. Principales catégories de risques RH identifiées lors des interviews Principales catégories de risque RH Carence dans la gestion du dialogue social Illustrations Causes/Racines Conséquences pour l’entreprise Dispositif de maîtrise des risques Grève prolongée sur site sensible / médiatique, absentéisme, présentéisme Manque de communication, objectifs managériaux imprécis, interprétatifs Surcoût des grèves, perte d’exploitation, démotivation partielle / généralisée Défaut / excès de Mobilité ou de turn-over Stagnation des équipes, insuffisance de mobilité Défaut de suivi des compétences clés ou des profils, insuffisance de formation, ... Risque de départ, de démotivation, présentéisme, surcoût pour l’entreprise Carence dans le bien-être / la motivation au travail Burn-out, stress, suicide Pratiques managériales, objectifs inatteignables, manque de communication Arrêts de travail, démotivation, surcoût, départs de collaborateurs Carence dans la gestion des compétences / développement RH Départ de collaborateurs clés, inadéquation charges / ressources Manque de rétention des talents, compétences clés non recensées Perte d’exploitation, perte de marchés, de clients, dégradation de la réputation Mise en place de projet GPEC, tableau de suivi des compétences, investissement formation, ... Manquement en matière de sécurité des collaborateurs Arrêts de travail, blessure, décès sur le lieu de travail Pratiques RH malveillantes Harcèlement, pression managériale forte/excessive, Défaut de maîtrise des coûts RH Dérive de la masse salariale, dérive du coût des assurances santéprévoyance Non-conformité contrat de travail, non-conformité/traitement inégaux des situations, procédures internes obsolètes/non-conformes aux nouvelles réglementations Défaut d’application, de formalisation des procédures de sécurité, moyens insuffisants Management non sensibilisés, pression excessive sur les objectifs, … Insuffisance du pilotage RH, dysfonctionnement organisation Dégradation de l’image de l’entreprise, sanctions civiles et pénales Dégradation de l’image de l’entreprise, sanctions civiles et pénales Dérive des coûts, hausse structurelle des frais de gestion Audit de sécurité, contrôle interne, formalisation des procédures, communication et sensibilisation Audit et contrôle interne, mise en place de fonctions conformité et déontologie, procédures Bilan social, contrôle de gestion RH Défaut de veille, complexité droit social/RH, interprétativité des normes et réglementation, conflits de normes Amendes, sanctions administratives, blâmes, risques de contentieux prud’homale, dégradation de l’image de l’entreprise Mise en place d’une veille réglementaire et métier, sensibilisation-formation des manager et des collaborateurs, réunions d’information régulières Non-conformité droit social / RH 27 Plan de communication, renforcement du management de proximité, actions sur les objectifs, développement de l’art du compromis Mise en place de projet GPEC, tableau de suivi des compétences, motivation financière et extra-financière des collaborateurs Cellule d’écoute, actions de communication, développement des parcours professionnels, … Retours d’expérience - Table ronde AMRAE - 6 novembre 201410 Retours d’expérience croisés entre un Directeur des risques, un Directeur des Ressources Humaines et un Directeur Général : « Rien n’est jamais acquis en matière de risque, avoir un prix pour sa maîtrise des risques peut être inquiétant car cela correspond souvent au signe que l’on est trop confiant sur ce sujet. Avoir un prix pour sa gestion des risques peut signifier ensuite une baisse de vigilance de la Direction Générale. » (Directeur des Risques) « Les risques RH sont très divers et donc difficiles à prendre en compte : cela peut concerner la perte de postes clés tels que des techniciens en droit et en finance, la « démotivation de couloir » liée à une réorganisation ou à un contexte social morose, à cela s’ajoute le fait qu’il peut être dur de recruter de jeunes talents lorsque le contexte de l’organisation est difficile. La gestion du risque RH est donc en soi un vrai sujet d’anticipation en lien avec les orientations de l’organisation, elle représente un vrai challenge et même l’un des sujets sur lequel il faut être concurrentiel, y compris dans le secteur public ». (Directeur Général) « Le risque RH, c’est beaucoup de travail sur la capitalisation des connaissances et la gestion des carrières. Gérer les risques RH c’est aussi savoir garder les spécialistes, éviter qu’ils nous quittent pour des centres de recherche concurrents dans d’autres pays par exemple. » (Directeur RH) Conclusion de la table ronde : Gérer les risques RH, ce n’est pas une science dure. Ne pas avoir de mesure statistique ne signifie pas pour autant que ces risques ne sont pas significatifs pour l’entreprise, les managers, décideurs mais aussi ingénieurs traitant les risques doivent s’emparer de cette problématique. De nombreux outils et moyens peuvent être mis en place pour objectiver la démarche (tels que le baromètre social, la formation des managers, la mise en place de comité de suivi, de cellule d’écoute, de plans de formations et de gestion des compétences, ...). 10 Voir également l’article dans Entreprise & Carrières, novembre 2014 : Les ressources humaines, trop peu prises en compte par les Risk Managers. 28 Témoignage sur les modalités d’identification et de traitement des risques RH au groupe La Poste, Anne Marguerie de Rotrou, Risk Manager Le Groupe La Poste (y compris les filiales à l’étranger) compte environ 260 000 postiers, ce qui en fait le premier employeur non étatique de France. Ils relèvent de deux statuts (fonction publique pour un peu moins de la moitié, tous dans la maison mère, et salariat pour les autres). Organisé en cinq branches d’activité, le Groupe gère plusieurs milliers d’établissements relevant de ses différentes branches et dispose des premiers parcs d’entreprise immobilier, automobile et micro-informatique de France. Les sujets RH sont au cœur du plan stratégique de La Poste. La trajectoire financière ne pourra être respectée qu’avec la mobilisation de tous les salariés. De plus, la politique du Groupe repose avant tout sur la confiance, valeur fondamentale pour le Groupe, qu’il convient d’entretenir, et cela passe par une politique RH exemplaire. Les risques RH pourraient avoir des conséquences importantes sur l’image du Groupe, et sur la réalisation de son plan stratégique. La DRH Corporate élabore et suit une cartographie sectorielle des risques majeurs RH au niveau du Groupe. Les risques sont identifiés, cotés et suivis avec les DRH des branches et des filiales de premier rang (La Banque Postale). L’actualisation de la cartographie sectorielle des risques RH au niveau du Groupe se fait au sein d’instances et de comités périodiques de la direction. Les séminaires internes sont également l’occasion de partager sur les risques et les plans d’actions. L’élaboration des plans de maîtrise des risques majeurs RH et leur suivi sont effectués également au sein des comités RH rassemblant l’ensemble des DRH du Groupe (branches et filiales de premier rang, soit La Banque Postale). La cartographie sectorielle des risques majeurs RH, une fois actualisée et validée par les instances idoines (à l’automne, chaque année), fait l’objet d’une présentation au Comité des Risques du Groupe, présidé par le Délégué Général, et dans lequel figurent notamment les Directeurs des risques des branches, ainsi que les Directeurs en charge des principales fonctions transverses au niveau Corporate. Les RM des branches et des domaines intègrent ces risques dans leurs propres cartographies et les déclinent sur leurs domaines d’activité. Le DRH identifie et suit les risques RH au sein de sa filière d’expertise. 29 Certains risques communs avec d’autres domaines, comme par exemple le domaine juridique, font l’objet de validations croisées, notamment au sein du Comité des risques du Groupe. Dans le cadre de son animation des travaux du Comité des risques du Groupe et de son positionnement transverse, la Direction des risques du Groupe rapproche les différentes cartographies sectorielles et les différents risques identifiés et s’assure de la cohérence de l’ensemble. Des échanges entre la DRH et les autres domaines transverses peuvent aussi être générés au sein du Comité de coordination et d’échange du management des risques, instance technique animée par la direction des risques du Groupe, qui se réunit environ chaque trimestre. Le management est sensibilisé aux risques RH au travers des délégations de pouvoir, d’actions de sensibilisation thématiques et au travers de l’application systématique de l’évaluation des risques professionnels venant alimenter le document unique. Le déploiement d’un outil au niveau national a permis d’harmoniser l’approche et l’identification des risques autour d’une nomenclature commune des domaines de risques RH. Les contrôles de deuxième niveau ainsi que les questionnaires d’autoévaluation concourent aussi à cette sensibilisation et à cette responsabilisation. Pour chaque risque majeur, un propriétaire et un porteur sont identifiés : ils ont, autant que faire se peut, dans un groupe très vaste et très déconcentré, les leviers pour mettre en œuvre les actions du plan de management des risques (PMR). Les risques RH majeurs font l’objet d’une communication (actualisation des risques et suivi des PMR) auprès du Comité d’audit du Conseil d’administration dans le cadre de la cartographie des risques majeurs du Groupe. Les PMR sont déclinés par les DRH des branches et des domaines transverses au sein de leurs entités respectives. La cartographie sectorielle des risques RH permet d’aider les DRH à identifier leurs risques et à prioriser leurs plans d’actions. C’est donc un outil d’aide à la décision pour la gouvernance de l’entreprise. De plus, elle permet d’identifier sur cette base les risques RH à intégrer dans la cartographie des risques majeurs du Groupe, sous la responsabilité d’un membre du Comex (le DRHRS). 30 3.1.3 Réalisation de « collaborateur - clé » fiches de risques - L’exemple du risque Un profil clé correspond à tout collaborateur ayant un rôle significatif/déterminant dans le fonctionnement d’une entreprise. Il s’agit notamment des collaborateurs disposant de compétences techniques relationnelles, managériales, capital social ou capital client (capital de négociation), directement en lien avec l’objet social de l’entreprise et ayant un apport notable quant aux objectifs opérationnels ou stratégiques de l’entreprise, eu égard à sa taille et à son positionnement produit/marché. A ce titre, le risque homme clé peut concerner tout autant : les membres de la gouvernance (comité de direction, administrateurs, collaborateurs « conseillers » des dirigeants), les managers intermédiaires et opérationnels, les experts ou référents techniques, les pilotes d’activités critiques pour l’entreprise, les pilotes de projets stratégiques ou métiers, les profils techniciens spécialisés difficilement remplaçables (juristes, financiers, comptables, ingénieurs, techniciens, ...) pour des raisons de coûts ou de disponibilité sur le marché du travail, les collaborateurs devant répondre à des exigences de compétences et d’honorabilité sur des sujets techniques ou pour des postes/fonctions réglementés, des collaborateurs fortement valorisés et appréciés des clients et/ou des partenaires, l’ensemble des collaborateurs pour les TPE/PME. Exemples : des dirigeants médiatisés, appréciés des investisseurs, des experts reconnus sur la place, des experts reconnus au niveau international et faisant l’objet de démarchage régulier de concurrents/cabinets de conseil (exemple des chercheurs des industries de pointe, des ingénieurs du secteur nucléaire, d’experts en gestion de grands projets transverses, ...). 1. La démarche à adopter / les questions à se poser Une première étape dans l’identification du risque collaborateur clé consiste à déterminer : 31 Quels sont les collaborateurs clés possédant des compétences spécialisées exclusives, essentielles pour l’entreprise, disposant de compétences et/ou d’habilitations, de qualifications importantes (longues/coûteuses à acquérir) ? Exemple en assurance : difficulté à trouver des actuaires spécialisés dans certains produits santé ; exemple en droit : difficulté à trouver des juristes financiers spécialisés sur certaines opérations complexes (de types fusions-acquisitions). Quelles sont les activités où il y a pénurie/tension sur les ressources clés ? Exemple générique : comment remplacer le départ du seul collaborateur maîtrisant l’architecture SI de l’entreprise ou le commercial ayant la mainmise sur certains clients grand-compte ? Qui sont les collaborateurs dont le départ pourrait nuire à l’image de l’entreprise et / ou à ses comptes clients voire démotiver d’autres collaborateurs ? Exemple : départ d’un directeur charismatique ayant la capacité à motiver les équipes, a fortiori dans une situation de crise. Quels sont les collaborateurs dont le départ peut remettre en cause l’atteinte des objectifs ou la maîtrise des processus et des risques ? Exemples : départ ou perte d’un pilote de processus, d’un pilote de projet, départ massif de collaborateurs en l’absence de procédure formalisée sur une activité donnée. 2. Les moyens de maîtrise à mettre en œuvre Les moyens de maîtrise possibles sont notamment : 32 le recensement des profils et compétences clés, en lien avec les projets de gestion prévisionnelle des emplois et compétences, en vue d’éviter des doublons dans les démarches et de favoriser le caractère transverse de cette identification ainsi que le passage en processus de recensement une fois ces projets initiés. le développement de la polyvalence, à l’aide de formations dédiées ou de sessions / temps d’échanges et de transferts de compétences (développement du tutorat / mentoring, formalisation des processus, procédures et modes opératoires sur les activités critiques). la mise en place responsabilités. de back-up et délégations de pouvoirs / de 3.2 Évaluation et priorisation/hiérarchisation Les mesures concernent principalement : 33 des indicateurs sur le recrutement, la gestion de carrière, la mobilité, la formation, des indicateurs sur l’absentéisme, le climat social (par exemple le nombre de jours de grève), la sous-traitance, des indicateurs de mesure de l’application d’accords de prévention, portant notamment sur la qualité de vie au travail, des indicateurs liés aux accidents du travail (par exemple taux fréquence et gravité des accidents du travail ayant entraîné un arrêt de travail) des indicateurs liés à la masse salariale, … Les indicateurs de risques RH recensés sont les suivants : 34 Les indicateurs de risques RH : illustrations Typologies/ Indicateurs de risque RH Indicateur de recrutement Indicateur d’absentéisme Indicateur de formation Indicateur de mobilité Indicateur de production RH 35 Ratio Alimenté par Suivi par Nbr de recrutement / nbr de départ Délai moyen pour trouver un profil Nbr d’entretiens pour trouver un profil expert Coût moyen sauvegarde homme clé DRH / métiers DRH - Talent Management Risk Management Risk Management, Métiers, DRHTalent Management Nbr de jours de grève / an Nbr de Jours Homme (J/H) non travaillés Nbr de formations suivies dans l’année Turn over externe Turn over interne (nbr de salaries ayant changé de fonction dans l’année) Nbr de J/H, d’ETP nécessaire par activité / projets Taux de soustraitance : part de l’activité accomplie par des ressources humaines externes Masse salariale (montant, évolution par période) Taux de réalisation des objectifs DRH DRH, Direction financière DRH / direction juridique et droit social Métiers DRH, métiers DRH, Risk Management, Métiers, Direction financière DRH, Risk Management, Direction Générale DRH, Métiers, Risk Management, syndicats DRH, Métiers, Risk Management, syndicats Métiers Métiers DRH, Métiers DRH, direction financière, Direction Générale DRH, direction financière, Direction Générale Direction financière, Direction Générale 3.3 Moyens et actions de maîtrise du risque RH Les moyens de maîtrise des risques RH fréquemment mis en avant sont : Développement de plans d’actions de conformité face au risque de nonconformité droit social, Actions sur le management (formations, ressources), Actions organisationnelles et GRH (mobilité interne, GPEC, polyvalence), Moyens de pilotage RH et management, Mise en œuvre de documentation (par exemple : tableau des compétences clés, procédures de transfert de compétences, procédure de sécurité et dépliants sur les actions de vigilance, ...), Mise en œuvre de dispositif de contrôles internes, d’audit interne et le fait pour le Risk Management RH de pouvoir s’appuyer sur un véritable dispositif d’audit, a fortiori dans des structures très décentralisées de taille critique. En complément, nous pouvons mentionner dans les actions généralement mises en œuvre : Des actions en vue de renforcer la robustesse des processus RH : - 36 Actions Actions Actions Actions Actions de recrutement d’intégration et de gestion de carrière de mobilité de formation d’application de la réglementation Les projets de Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC) L’apport des négociations sociales Les négociations d’accords de prévention (stress, harcèlement) Les audits et revues systématiques de sécurité au travail, le renforcement de l’ergonomie des postes de travail La communication sur les dispositifs de pilotage de carrières Les enquêtes de satisfaction (souvent biannuelles) Le recours aux assurances de personnes: protection sociale (prévoyance, retraites, individuelle accidents, rapatriement). Gestion du capital humain 37 Gestion financière Actions sur les Actions de compétences communication - Recrutements - Plans de formations - Revue des compétences et emplois clés - Cartographie des besoins par fonctions / type de poste - Actions de valorisations des ressources rares (incitations financières, formations –séminaires, ...) 38 - Document de référence, Bilan social / rapports sociaux - Communication sur les engagements RSE - Echanges internes (maintien de la relation de confiance) - Cellule d’écoute - Réunion des managers (thèmes risques-sécurité) - Livrables / supports pédagogiques, dépliants - Intranet et extranet Actions sur les objectifs - Suivi des risques intégrés dans les objectifs des managers (contribution à la remontée des risques, contrôles) - Rétention des talents - Rotation des équipes Action de conformité -Veille et vérification de la conformité Droit social -Traitement équitable des salariés - Revue des contrats clients - Reprise des salariés Actions sur les conditions de travail - Amélioration de l’ergonomie lieu de travail - Enquête de satisfaction collaborateurs - Simulation sur futur poste de travail - Mise en place d’un observatoire de la santé au travail (santé physique et mentale) - « Quart d’heure » hebdomadaire sensibilisation/formation sécurité au travail Actions de suivi - Dispositif de gestion de crise - Suivi des comités risques et comités contrôle interne - Audit de la démarche de gestion des risques / audit des DMR - Présentation périodique des risques par activité, revue trimestrielle des risques - Remontée des risques/contrôle au sein du tableau de bord central adressé à la DG - Enquête managers / Inventaire RH - Suivi de la performance - Suivi SIRH - Audit Administration du Personnel - Suivi RH dans le cadre du processus budgétaire Psya - Retour d’expérience dans le domaine des Risques PsychoSociaux (RPS) et de la Qualité de Vie au Travail (QVT) L’expérience du cabinet Psya dans le domaine des RPS et de la QVT nous permet d’identifier que la formation est un moyen d’atteindre les objectifs suivants : développer une culture organisationnelle qui favorise la QVT, faire évoluer les esprits et les pratiques professionnelles, impliquer les managers, les amener à prendre conscience de leur rôle et relayer la politique interne en matière de prévention de la santé au travail. La plupart des organisations conviennent de l’importance de former leurs managers sur le sujet. En aval, nous sommes de plus en plus sollicités pour mettre en place des sessions dites « d’approfondissement » pour répondre à leurs interrogations, à leur besoin d’échanger sur le sujet et les situations rencontrées. Désormais, les grandes organisations, aussi bien dans le public que dans le privé, intègrent la QVT et la prévention des RPS dans leur cycle de formation au management. Certaines d’entre elles nous sollicitent pour déployer des formations de formateurs en interne, ce qui montre que le sujet devient incontournable. Pour mettre en place un projet de formation pertinent, il nous parait essentiel de prendre en compte les éléments suivants : le contexte de l’organisation (historique, actions menées, suites envisagées,…), la politique interne et la démarche globale d’amélioration de la QVT, les enjeux et objectifs poursuivis, les attentes et besoins du public cible. Il s’agit ainsi de s’adapter au niveau de maturité d’une organisation et aux choix stratégiques qui sont les siens. Cela répond à la nécessité de s’assurer de la cohérence entre les messages et préconisations diffusés lors de ces sessions et la réalité des pratiques internes. D’expérience, les managers se sentent généralement concernés par le sujet. La formation leur permet de mieux identifier leur rôle mais aussi les limites de leur rôle (identification d’un collaborateur en difficulté, accompagnement, orientation vers les bons relais,…). L’esprit de nos dispositifs de formation est d’intégrer la prévention des risques psychosociaux dans les pratiques managériales et dans l’exercice des missions de soutien aux collaborateurs. Nous privilégions une démarche participative et interactive s’appuyant sur des situations réelles relatées par les participants. Ils formulent un besoin de soutien dans leur montée en compétences et d’accompagnement dans la gestion des situations rencontrées, ce qui les amène à nous solliciter au sujet des suites envisagées. Pour répondre à cette hétérogénéité de contextes d’intervention, nous avons conçu des dispositifs allant de la sensibilisation (apports d’informations ciblées – en présentiel ou à distance), à la formation (mêlant apports de connaissances et outillage méthodologique), jusqu’au développement de pratiques professionnelles favorisant la qualité de vie au travail, véritables espaces de régulation des situations quotidiennes. Notre parti-pris est donc de s’inscrire dans une logique de co-construction avec les organisations dans lesquelles nous intervenons, au plus près de leurs préoccupations et de leur réalité. 39 Réhalto – Retour d’expérience dans le domaine des risques humains et sociaux. La liste des sinistres ayant pour cause une défaillance humaine 11 est longue et émaillée de drames médiatiques parfois retentissants : Piper Alpha, Eurotunnel, le déraillement du train Saint Jacques de Compostelle, le Costa Concordia,… Plus récemment, le crash aérien de Germanwings, nous rappelle cruellement l’importance du risque humain. Les causes de survenances sont multiples, il peut s’agir du non-respect des consignes de sécurité (exemple du sinistre Bhopal). Elles peuvent trouver leur origine dans des dysfonctionnements organisationnels, tel l’accident Challenger qui met en exergue les conséquences d’une divergence de vue sur l’acceptabilité des risques. Il a même donné lieu à un vocable, le syndrome Challenger : par crainte de ne pas pouvoir atteindre des objectifs jugés irréalistes et confrontés à des tensions fortes entre les pressions économiques et les exigences de sécurité, les alertes au risque n’ont pas été escaladées. Pour trouver les causes de plus en plus considérer les organisationnelles. Dans un gestion intégrée des risques la plupart des accidents d’origine humaine, il faut de interactions entre les technologies et les défaillances monde de plus en plus complexe, cela milite pour une (Enterprise Risk Management). A la complexité des systèmes s’ajoute la fragilisation des organisations en constante transformation. Le changement, notamment dans des situations complexes, nécessite d’être accompagné. Pour qu’elles soient réussies, les transformations doivent s’appuyer sur un corps social engagé, car il existe un lien intrinsèque entre l’engagement des salariés et la sécurité. A contrario, dans une condition dégradée le désengagement peut aller jusqu’à générer de la malveillance. Un des défis des organisations est de se transformer en organisations apprenantes, or nous notons encore des résistances des organisations à apprendre des accidents. La maitrise des risques intégrés nécessite de comprendre les comportements humains au travail, ce qui milite pour la formation aux facteurs humains. A cet égard, l’apport des sciences sociales et cognitives, l’approche systémique et sociologique sont précieux. Ils mettent en relief les risques de dissonances cognitives, telles que les consignes paradoxales et les risques issus des conflits de valeur. Ils permettent de mieux comprendre les mécanismes de biais de raisonnement et de les prévenir. Les processus de décisions notamment dans des situations de forte complexité doivent être repensés. Parmi les dysfonctionnements de la pensée managériale et organisationnelle citons la pensée de groupe, l’effet de polarisation, le biais de confirmation. Les sciences sociales mettent aussi en valeur des pratiques, telles que l’adoption de pratiques issues de l’analyse de la déviance positive, qui ont trouvé des applications effectives notamment dans le domaine de la sécurité. 11 Selon la dernière publication SIGMA, en 2014, sur 336 sinistres majeurs, 147 sont d’origine humaine. 40 Dans un environnement de plus en plus complexe, les organisations sont contraintes à évoluer en permanence. Elles doivent répondre à de multiples transformations. La maitrise des risques humains et sociaux est une préoccupation de chaque instant. Le pôle santé au travail, organisations et conditions de travail de Réhalto aborde ces problématiques au travers de savoir-faire complémentaires avec notamment les diagnostics et audit des risques humains et sociaux, et l’accompagnement au changement dans des situations complexes. Références : - Sigma – Swiss Ré : Natural catastrophes and man-made disasters in 2014 - Cain info : L’organisation détraquée – Revue française de gestion - Christian Morel: Les décisions absurdes - The power of positive deviance – how unlikely innovators solve the world’s toughest problems – Harvard business review press. 3.4 Les risques RH sont-ils toujours prioritaires ? Focus sur l’enquête de la Commission Risques RH 2014 - Synthèse des principales réflexions. ème Seulement 1/5 des entreprises interviewées envisagent la gestion des risques RH comme un vecteur de développement de l’entreprise. Les autres restent à convaincre. Absence de lien entre cartographie des risques RH et développement de l’entreprise Intérêt faible (un sujet de risque parmi d’autres) (1/5) =>Le risque RH est important mais pas le plus important, s’intègre dans un ensemble (cartographie des risques globale) =>Non prioritaire à court terme face aux nombreuses actions quotidiennes à mettre en œuvre =>Les risques RH sont souvent sujets à débats et interprétation, l’exercice peut s’avérer limitée voire contre -productif dans des organisations où les IRP sont fortes. Conscience réelle de l’enjeu sans en faire un vecteur de développement Intérêt modéré (un risque =>Démarche pertinente mais difficile d’être en anticipation important mais pas prioritaire) =>Utile pour des raisons de mise en conformité ou pour affiner les plans de recrutement, les effectifs à budgéter/ les formations à mettre en œuvre (sans être déterminant) (3/5) =>Utile pour mettre en avant certaines carences (dysfonctionnement salaires-paie-horaires, satisfaction collaborateurs) =>Important en tant que démarche innovante mais souvent limitée en pratique face à la culture de l’organisation Conscience forte de l’intérêt des démarches en tant que levier de création de valeur Intérêt prononcé (un risque incontournable à prendre en compte / un « non négociable ») (1/5) 41 =>Réel intérêt pour la gouvernance : anticipation, travail sur l’ergonomie et la QVT =>Démarche responsable et impact image favorable (impact emploi, image) =>A un coût certain mais permet de contribuer à éviter des risques qui ne devraient jamais arriver en entreprise (suicide, bu rnout, départ d’homme clés ou d’experts) =>Déterminant car permet d’affiner les objectifs du management intermédiaire =>Permet de revoir les plans d’action et les orientations du management, renforce l’implication et concrétise la culture du risque 3.4.1 Les entreprises restant à convaincre : intérêt faible ou modéré « La cartographie des risques RH n’est pas une priorité actuellement. On préfère traiter les risques que de les identifier dans une cartographie des risques RH ». Risk Manager, secteur services. « Ce peut-être un élément complémentaire mais les obligations légales sont déjà suffisantes » Responsable Risques, secteur industriel. « Cela permet d’améliorer la sécurité au travail, mais l’on est encore souvent dans le réactif, il faut mettre à jour l’outil et auditer la démarche ce qui prend beaucoup de temps pour un résultat pas toujours probant, on est souvent sur de l’informel » Risk Manager, secteur industriel. Constat : Les entretiens font ressortir une dé-corrélation entre indicateurs de mesures et actions de suivi (la mesure nourrit peu la détermination des plans d’action, ce qui est paradoxal car la majorité des actions sont des actions de suivi). Explications fréquemment avancées : Manque de recul sur les mesures ; Insuffisance des données pour aider à la décision (risques encore peu répertoriés) ; Confidentialité des actions menées / prédominance de l’informel ; Le risque RH reste difficilement mesurable. Pour les entreprises faisant part d’un intérêt faible pour la cartographie des risques RH, les raisons fréquemment avancées sont le coût de la démarche (en budget et en jour/homme accordés sur ce sujet). Les Risk Manager mettent également en avant le fait que le risque RH est en soi important mais pas toujours prioritaire en termes de risque net par rapport à d’autres risques (financiers, industriels, ...). Ils soulignent enfin que les risques RH sont souvent sujets à débats et interprétation, l’exercice peut s’avérer limité voire contre-productif dans des organisations où les IRP (Instances Représentatives du Personnel) sont fortes. Pour les entreprises démontrant un intérêt modéré pour la démarche de cartographie des risques RH, cela est principalement dû au fait que l’approche est jugée utile sur le principe mais difficile à initier dans la durée en pratique. Les Risk Managers interrogés soulignent encore que si la démarche est pertinente, il semble difficile d’être réellement en anticipation sur la diversité des risques RH à aborder. 42 3.4.2 Les entreprises en ayant tiré parti : intérêt fort « Les employés sont fiers lorsque leur entreprise se soucie de l’environnement et du développement durable. L’entreprise dégage une bonne image. Celà contribue à la qualité de vie au travail » Risk Manager, secteur des services. « On est une société familiale, implantée dans des pays où la sécurité n’est pas du tout dans la culture. Tout est parfois à développer ; on part parfois de très loin, on sent que sans les moyens, les risques sont à notre porte. Les leviers sont aussi sur la communication : santé, ergonomie, C’est aussi une manière d’attirer les collaborateurs, cela permet d’améliorer le bien-être et la qualité au travail » Responsable risques, secteur industriel. « Sur les risques liés aux compétences, notre démarche consiste à faire en sorte que les collaborateurs aient envie de rester, d’entrer chez nous, anticiper le développement de compétences. On créée des référentiels de compétences cibles, des pépinières, on a des actions dédiées pour remplacer les partants. Le gros challenge est pour attirer les compétences sur les technologies de pointe, pour former et garder les profils sur les pays tels que les BRIC, l’Asie, l’Afrique » Responsables risques, secteur industriel. Constat: Davantage de démarches portant sur les compétences et le turn-over sont menées dans le secteur tertiaire, mais elles ne sont pas nécessairement abordées sous l’angle des risques RH. Les explications fréquemment avancées sont : - Turn-over plus marqué ; Importance plus forte du risque homme clé et du risque sur les compétences. Pour le secteur industriel, dépassement de l’approche sécuritaire pour envisager les aspects de « Talent Management ». A noter que cela n’est vrai que pour les entreprises matures sur les risques RH (plus de 5 ans de retour d’expérience dans les cas constatés). Les entreprises ayant un intérêt prononcé pour les démarches de cartographie des risques RH le justifient par plusieurs raisons : cela permet d’avoir un intérêt plus marqué de la gouvernance pour le sujet du risque RH, mais aussi de faire valoir une démarche responsable et d’être en anticipation. Les plans d’action et les orientations du management, y compris leurs objectifs, sont également revus en tenant compte de l’enjeu de maîtrise du risque RH. Si la cartographie des risques RH représente un coût, elle permet de contribuer à éviter des évènements 43 médiatiques à fort impact de réputation ou encore de contribuer à éviter certains risques jugés non acceptables. Cas d’entreprise - Compagnie des Alpes Présentation du Groupe12 et de l’organisation Risk Management Le Groupe Compagnie des Alpes, créé en 1989 par la Caisse des Dépôts (actionnaire de référence à 40%) et coté à la Bourse de Paris depuis 1994, repose sur deux métiers historiques : l'exploitation de domaines skiables (56% du CA consolidé) et de parcs de loisirs (43% du CA consolidé), activités marquées par une concentration saisonnière (respectivement décembre à avril et avril à septembre). Le Groupe est présent en Europe (France, Pays-Bas, Belgique, Allemagne), depuis peu à Montréal et Prague (Musée Grévin), et développe depuis quelques années une activité de conseil et d’assistance à maitrise d’ouvrage dans la conception et l’exploitation de domaines skiables (Sotchi) ou de parcs de loisirs (Casablanca). Le Groupe Compagnie des Alpes génère un chiffre d’affaire de 693 M€, avec l’équivalent (temps plein) de 4 923 salariés dont 58% de non-permanents (saisonniers et CDD). Il accueille plus de 23 millions de clients dans des sites renommés tels que : - 11 Domaines skiables : Paradiski (La Plagne - Les Arcs - Peisey Vallandry), Espace Killy (Tignes - Val d’Isère), Les Trois Vallées (Les Menuires – Méribel Alpina), Grand Massif (Flaine, Giffre), Serre Chevalier et Deux Alpes. - 14 Destinations de loisirs : Parc Astérix, Futuroscope, Parcs Walibi, Musées Grévin. Rachel Balmadier y est Directeur du Contrôle Interne, des Risques et Assurances depuis plus de 4 ans. Ingénieur en automatisme industriel et titulaire d’un Master en Risk Management et d’un MBA Assurances, elle a occupé pendant plus de quinze ans différents postes en Assurance et Risk Management au sein des Groupes Renault et Rio Tinto. Reportant au membre du Comex en charge de la Finance, des Risques, des Systèmes d’Information et du Juridique, elle anime une équipe de 3 personnes et s’appuie sur des correspondants internes dans les différents métiers et sites du Groupe, notamment le réseau des responsables QSE, partie prenante dans la prévention des risques sécurité. 12 Données Rapport Annuel 2014. 44 Gestion des risques et RH Contrairement à l’approche du Contrôle Interne qui se base méthodiquement sur l’organisation, les processus et les procédures, la cartographie des risques est construite avec les risques qui peuvent empêcher d’atteindre les objectifs de l’entreprise. Comme l’ensemble des directions, la DRH est associée à cette démarche à travers le Comité des Risques Groupe ; les risques RH sont donc intégrés dans la cartographie des Risques du Groupe ou des entités. Sur la dizaine de risques prioritaires suivis plus particulièrement par le Comité des Risques Groupe, un seul est strictement « RH ». Les thèmes de risques RH étudiés sont classiques : risque homme clé, accidents du travail, risque réglementaire, compétences, vols et fraude,… avec des spécificités liées au grand nombre et la nature des contrats saisonniers. Au-delà des obligations réglementaires, notamment au travers de sa communication sociale et financière (rapport social, document de référence), les raisons qui conduisent le Groupe CDA à mettre en place un dispositif de gestion des risques RH sont liées à son attachement au capital humain, à la marque employeur et aux engagements RSE (employeur local, diversité, développement durable). Il n’y a pas d’indicateurs spécifiques suivis par le risk management, la DRH s’appuyant sur des indicateurs classiques (accidents de travail, absentéisme,…). Dans ce Groupe à taille humaine, dans lequel les managers sont sensibles aux risques RH, les échanges directs restent le meilleur outil de mesure et de veille pour certains risques, l’humain ne pouvant se réduire à des modélisations statistiques. Les diagnostics qualité de vie au travail (QVT) sont progressivement généralisés, ce qui permet aux différentes parties prenantes, avec une facilitation externe, d’échanger sur cette thématique, d’imaginer les actions d’amélioration potentielles et de se mobiliser sur leur mise en œuvre, chacun devenant ainsi acteur de la QVT. La santé et la qualité de vie au travail (S-QVT) des salariés sont stratégiques pour le Groupe car ils impactent directement la qualité de l’accueil des visiteurs, du service et de la sécurité sur les sites. Les actions de développement durable contribuent à améliorer la S-QVT ; le Groupe se devant de contribuer à préserver les milieux naturels (montages, parcs,…) avec lesquels il interagit (gestion des espaces, de l’eau, de la biodiversité), les actions déployées par les sites et les partenariats avec les parties prenantes locales alimentent le sentiment de fierté d’appartenance de ses employés. 45 4 Conclusion et perspectives futures L’enquête sur les risques RH a mis en évidence qu’au moins 71% des risques RH identifiés par les entreprises sont maîtrisables par une politique de gestion des risques et des ressources humaines proactive et préventive. Cela concerne la totalité des risques internes (Homme clé, taux de rotation, motivation, recrutement, formation, mobilité, gestion des compétences, les Risques Psycho-Sociaux, suicides, harcèlement, les Troubles Musculo-Squelettiques) ainsi qu’une partie des risques externes et périphériques (les risques de sûreté et de sécurité ainsi que les risques d’image et de réputation). Au-delà de toute considération réglementaire et de négociation avec les partenaires sociaux, l’entreprise se doit de tout mettre en œuvre pour assurer la santé et le bien-être au travail pour tous ses salariés quel que soit leur statut. L’entreprise se doit aussi d’encourager par tous les moyens ses partenaires, sous-traitants et prestataires à s’engager dans ce sens. Une politique globale de maîtrise des risques RH mise en œuvre conjointement par le DRH et le Risk Manager, avec le sponsoring de la Direction Générale, permettra de transformer des contraintes en un formidable moteur de performance pour l’entreprise. Un dispositif global visant la Santé et la Qualité de Vie au Travail (S-QVT) peut répondre à cet objectif tout en constituant un puissant outil de communication pour « marketer » positivement l’entreprise et contribuer à transformer sa performance sociale en performance économique et financière. Un tel dispositif global couvre aussi les risques connus sous les sigles de « RPS » (Risques Psycho-Sociaux), de « TMS » (Troubles Musculo-Squelettiques), d’AT/MP (Accidents du Travail et Maladies Professionnelles), et dont la connotation souvent négative, peut constituer un problème en soi, lorsqu’ils sont évoqués en dehors de ce dispositif global S-QVT. Au-delà, le télétravail, l’aménagement du temps de travail, l’équilibre autonomieresponsabilité, l’équilibre vie privée-vie professionnelle, la diversité et le pluralisme, les actions de prévention en matière de santé (lutte contre l’obésité ou le tabagisme,…) et de risques routiers13, les crèches, les conciergeries, les salles de sports,… peuvent être autant d’actions entreprises dans le cadre de la S-QVT. Des instituts tels que Great Place to Work, présents aujourd’hui dans 45 pays à travers le monde (plus de 5500 entreprises et plus de 10 millions de salariés), établissent des palmarès annuels pour classer les entreprises où il fait bon travailler. 13 dont la dernière enquête de l’INRS pointe comme constituant environ 3% des accidents du travail toutes causes confondues, et plus de 20 % de l’ensemble des accidents mortels de travail (pour le régime général de la Sécurité sociale). 46 Leur approche ne repose pas sur un ensemble normatif de primes et avantages ou de programmes et de pratiques, mais bien sur l’instauration de relations de haute qualité sur le lieu de travail, relations qui se caractérisent par la confiance, la fierté et la solidarité. L’Afnor travaille avec le Québec depuis plusieurs années pour importer en France leur norme de S-QVT appelée « entreprise en santé ». L’enjeu pour la France porte sur les organisations et leurs employés et est surtout précieux sur les finances publiques. L’Afnor a donc bénéficié pendant deux ans du soutien du Biennum de la commission de coopération franco-québécoise pour adapter cette norme au contexte français. Malgré le résultat mitigé de notre enquête 2014, qui montre que seules 20% des entreprises interrogées sont réellement convaincues de l’intérêt de la démarche de gestion des risques RH pour le développement et la croissance de l’entreprise, le sujet de la S-QVT nous semble aujourd’hui sur de bons rails et cela bien au-delà de simples considérations de communication et de marketing. Pour compléter les travaux menés en 2014, la commission Risques RH s’est fixée comme objectif en 2015 de couvrir les risques RH assurables et les indicateurs de mesure du retour sur investissement des risques RH en France. Ce sujet a été évoqué en 2014 sous l’angle financier pour permettre aux entreprises vertueuses dans le suivi et le contrôle des risques RH de pouvoir bénéficier de tarification privilégiée de la part de leurs assureurs de personnes ; ce qui peut être analysé sous l’angle de la prévention. En effet, les assureurs commencent à proposer des offres packagées avec un dispositif de prévention adapté à la situation de l’entreprise. Pour résumer ce sujet prenant et passionnant, nous vous proposons cette citation de Dave ULRICH, extraite de son livre « RH: création de valeur pour l’entreprise », coécrit avec Wayne BROCKBANK (2005) : « Les organisations et les personnes deviennent des actifs incorporels lorsqu’ils donnent aux investisseurs confiance en l’avenir, et des revenus tangibles ». 47 48 Annexe 1 : Liste des abréviations utilisées AT/MP : Accidents du Travail et Maladies Professionnelles BNQ : Bureau de Normalisation du Québec CE : Comité d’Entreprise CHSCT : Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail CFO : Chief Financial Officer DSI : Directeur des Systèmes d’Information GPEC : Gestion Prévisionnelle de l'Emploi et des Compétences GRH : Gestion des Ressources Humaines INRS : Institut National de Recherche et de Sécurité ISEOR : Institut de Socio-Economie des Entreprises et des Organisations. ISO : Organisation Internationale de Normalisation OMS : Organisation Mondiale de la Santé RPS : Risques Psychosociaux RSE : Responsabilité Sociétale de l’Entreprise RSSI : Responsable de la Sécurité des Systèmes d’Information S-QVT : Santé – Qualité de Vie au Travail TMS : Troubles Musculo-Squelettiques 49 50 Annexe 2 : Détails des résultats de l’étude, facteurs de contingence Secteurs d’activité Secteur financier Facteurs de contingence risques RH => Des risques RH souvent traités parmi d’autres sous l’angle du risque opérationnel. => Les aspects réglementaires et normatifs orientent complètement la gestion d’un risque (RH) soit peu présent soit jugés non prioritaires au regard des autres risques jugés davantage prioritaires (exemple : risque de marché, risque de crédit, risque de non-conformité). => Risques élevés sur la disponibilité et la compétence des équipes sur des projets transverses type mise en conformité. Secteur Industriel => Risques sur les compétences sur les métiers à forte technicité : ingénierie de pointes, techniciens rares sur certaines activités spécifiques (exemples : ingénierie dans les pneumatiques, l’énergie : compétences rares en conduite de projet nucléaire). Le défaut de compétences peut pénaliser le développement des activités. => Risques sur la sécurité prioritaires du fait des outils, machines utilisés : risques de mutilation, décès, ITT prolongées (d’autant plus important dans des groupes très décentralisés avec de nombreux sites et dans des pays émergents ou la culture de sécurité est parfois peu présente). => Risque fort sur le maintien en condition opérationnel. => Risque de grève élevé sur site de production, certains sites étant critiques pour le groupe. => Vieillissement des managers à anticiper. => Turn-over des chercheurs et experts métiers. Services Tout ce qui touche à la gestion des compétences => Recrutement mobilité, formation… Dans ce secteur où les « hommes » représentent la valeur de l’entreprise le facteur humain est une spécificité forte. L’évolution des environnements technologiques contraint les entreprises du secteur à sans cesse optimiser la gestion de leurs ressources que ce soit en formation, recrutement, partenariat école, … 51 La sécurité / RPS / Sureté => Du fait des tensions sur les ressources, des impératifs clients, d’une surcharge conjoncturelle de travail ce trio de risques est souvent mis en avant. Comme pour le secteur public les RPS sont plus que jamais un sujet d’actualité auquel le secteur des services est de plus en plus confronté surtout dans le cas de groupe côté ayant mis en place des actions de GPTW,… Les relations sociales => Les IRP sensibilisées entre autre au trio de risques identifiés au-dessus sont attentifs et le font savoir au sein des différentes instances. Secteur public Faible taux de turn-over lié à la notion de « garantie de l’emploi ». L’absence de gratification par rapport à la performance qui peut générer de la démotivation et/ou de la non-implication. Le passage « automatique » selon l’ancienneté à l’échelon supérieur ajouté au sentiment de ne rien « risquer » dans le cas d’une sous-performance nuisent fortement au sentiment de reconnaissance. Un certain clientélisme lié parfois à certains partis politique. Cette « relation » peut fausser les critères de recrutement à partir du moment où être affilié au parti est déterminant comme critère de recrutement. Cela implique un blocage du système par manque de compétences « autres » qui apporteraient une autre vision du secteur public. Les risques psycho-sociaux sont identifiés du fait de certains métiers en contact avec un public et qui génèrent des situations anxiogènes. Dans un environnement de tension, de réduction d’effectif, de polyvalence d’emploi, de temps de transport allongés,…les RPS sont plus que jamais un sujet d’actualité auquel le secteur public est de plus en plus confronté. 52 Annexe 3 : Détails des résultats de l’étude, freins et leviers Freins Leviers -Complexité des groupes (taille critique), des métiers et des implantations : plus forte sensibilité en cas de proximité et de niveaux hiérarchiques moins nombreux. Exercice difficile dans des structures très décentralisées. -Diversité des réglementations. cultures -Inappétence au risque management des risques. et -Développement de l’exemplarité (impulsion DG). -Appui de l’audit et soutien sans faille de la DG : pouvoir « coercitif » du Risk Manager en cas de refus/nonconformité. des -Proximité de la gouvernance comme élément le plus déterminant. et au -Acceptation par le management intermédiaire = bonne diffusion et écoute. -Difficultés liées à la gestion statutaire (conformité sociale). -Obligation de rendre des comptes (accountability): plan d’action métier -Confidentialité des dossiers RH ou audité, timing serré de mise en contrats d’assurance (« domaines conformité. réservés ») et manque d’interactions. -Moyens important pour éviter certains -Coût des actions pour réduire le risques : image / impact sur la risque RH, difficultés à avoir des perception client suite à un risque RH. ressources dédiées. -Communication et messages clairs et -Aspect culturel : hésitation / refus de simples, pédagogie. remonter des incidents pour ne pas être mis en avant. Le risque RH reste -Insister sur quelques risques RH, ne très informel sur les risques les plus pas rechercher l’exhaustivité mais se sensibles. Peur de l’inconnu / remise concentrer sur des non-négociables / en cause. les fondamentaux. -Difficultés de certains métiers / facteurs de contingence : certains risques sont considérés comme inhérents aux métiers et restent trop souvent subis (secteurs agricole, industriel). -Sanctions lorsque les alertes ne sont pas suivi d’actions correctrices. -Avoir des indicateurs clairs et pertinents, parlant pour la direction de l’entreprise. D’une façon générale les leviers -Une mauvaise communication peut identifiés sont moins nombreux que les créer des tensions durables. freins quel que soit la nature et la taille de l’entreprise. Il me parait plus -Objectifs, qualité et conditions de efficace de travailler à partir non pas de travail ne coïncident pas toujours. la typologie des leviers mais par secteur d’entreprise. 53 La sphère comportementale (4) est le frein le plus souvent mis en avant. Que ce soit dû à la diversité des cultures, aux pratiques et comportements d’un secteur d’activité ou simplement à la peur de l’inconnu ou de la remise en cause d’un savoirfaire cette première typologie de frein est l’élément le plus souvent avancé. Tout ce qui a trait aux actions de communication, formation qui fait appel à la pédagogie se détache nettement dans le secteur industriel. Ce sont d’ailleurs les « seuls » leviers mis en avant dans le cadre de l’enquête. Apparait ensuite un levier qui est le suivi des actions remontées par les Ensuite l’axe financier, coût (3), qu’il managers. concerne la mise en œuvre ou ce qui va être généré suite aux contraintes Le secteur public voit quant à lui deux dues à la mise en œuvre d’une CR RH. typologie de leviers. En premier lieu la formation et en second des « règles Une troisième catégorie pourrait se du jeu » définies avec les définir par le fait que le risque RH et partenaires sociaux. sa prise en compte n’est pas un axe fédérateur (3), ce pour plusieurs Le secteur du service voit une diversité raisons avancées ; par « inappétence » de leviers qui va du Développement de au risque et au management des l'exemplarité à la Sécurité de la risques, parce que le Risque RH "pas personne pour le manager et à la mise fédérateurs" par rapport à d'autres en place et au suivi d’indicateurs. risques considérant sa moindre importance et enfin la priorité accordée Celui du service financier voit comme à la mise en place de la CR RH qui leviers la taille humaine du groupe dans certains cas n’est pas prioritaire. ainsi que la sensibilisation des managers aux risques RH Autre catégorie est celle de la Il n’y a aucune typologie de leviers qui règlementation (2) qu’elle concerne se dégage par rapport à la nature de la règlementation ou la gestion l’entreprise, son implantation, son CA. statutaire cette catégorie. Vient ensuite l’organisation de la société (2). Interviennent dans le blocage de la mise en place de la CR RH la complexité du groupe dans ses métiers et implantations ainsi que le niveau d’indépendance des établissements constitutifs d’un groupe. Enfin viennent plusieurs causes diverses (4) telles que le manque de mise à profit par la DRH de l’expertise du RM, la disponibilité des équipes pour la mise en place du plan d’action, les « non déclarations formelle des incidents » par crainte des critiques syndicales et les faits que les conditions ne sont pas toujours réunies pour une mise ne place de la CR RH. 54 Il n’y a pas de typologie de freins qui se dégage de manière marquante par rapport à la nature de l’entreprise. Dans l’industrie, l’aspect comportemental est le plus probant, alors que dans le secteur des services le risque RH et sa non prise en compte comme axe fédérateur ressort plus sensiblement. Dans le secteur des services financiers la typologie des freins est beaucoup plus variée sans dégagement de tendance particulière. Aucune tendance de frein n’est à noter par rapport à la taille de l’entreprise. 55 Bibliographie Etudes académiques en lien avec les risques RH ANTONSEN S. (2009), Safety culture and the issue of power - Safety Science, Vol.47, pp. 183 – 191. BONDE JP., Psychosocial factors at work and risk of depression : a systematic review of the epidemiological evidence - Occupational and Environmental Medicine. 2008, Vol. 65, 7, pp. 438-445. BUENO A., SAVALL H., (2007), Socio-economic Intervention in Organizations, IAP Editions. CAPPELLETTI L., Le contrôle de gestion de l’immatériel, une nouvelle approche du capital humain, Dunod, 2012. CHARBONNEAU S., (1992), La gestion de l’impossible, Economica. CHERRE B. 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