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Environ 90% des tumeurs vésicales sont des carcinomes
urothéliaux ou « urothelial transitional cell carcinoma »
pour les Anglo-saxons.
Dans 75 à 85% des cas, les carcinomes urothéliaux se pré-
sentent sous une forme exophytique, en touffes papillaires
plus ou moins nombreuses et plus ou moins compactes.
Celles-ci tapissent parfois toute la muqueuse, réalisant un
aspect de papillomatose (Figure 1). Des plages d’infiltra-
tion en profondeur peuvent y être associées sous forme
d’induration de la base d’implantation.
Plus rarement, il sagit de tumeurs bourg e o n n a n t e s ,
solides (Figure 2) ou ulcéreuses (Figure 3) avec un cratè-
re plus ou moins large, bordé d’une muqueuse plane ou
boursouflée. Ces tumeurs sont habituellement très infil-
trantes.
Environ 1/4 des carcinomes urothéliaux sont multifocaux
(Figure 4). Les études cartographiques sur pièces de cys-
tectomie ont permis de comprendre que les tumeurs de
vessie sont une véritable « maladie » de l’urothélium en
montrant le caractère multicentrique des lésions, leur
polymorphisme et leur association éventuelle à des
lésions planes, de dysplasie ou de carcinome in situ. Cette
particularité justifie la pratique d’examens extemporanés
sur les recoupes urétérales et la recoupe urétrale.
1. LECARCINOME UROTHÉLIAL DANS SA FORME
CLASSIQUE
Il est constitué exclusivement de cellules urothéliales
agencées en travées, en lobules ou en massifs infiltrants
accompagnés d’une stroma réaction fibreuse et plus ou
moins inflammatoire. Cependant, il existe, d’autant plus
fréquemment que le grade tumoral est élevé, des compo-
santes histologiques particulières au plan architectural
et/ou cytologique, constituant tout ou une partie de la
tumeur et qui définissent des variantes tumorales. Ces
variantes, représentant environ 15% des tumeurs urothé-
liales, sont importantes à connaître en raison du caractère
péjoratif de certaines et des difficultés diagnostiques
qu’elles peuvent susciter [37].
2. LECARCINOME UROTHÉLIAL AVEC MÉTAPLA-
SIE ÉPIDERMOÏDE ET/OU GLANDULAIRE
a) Métaplasie épidermoïde :Des foyers de métaplasie
épidermoïde sont observés dans 10 à 15% des tumeurs
urothéliales ; celles-ci étant le plus souvent invasives et
moyennement ou peu différenciées (Figure 5) [37]. La
métaplasie épidermoïde est habituellement non kératini-
sante mais peut devenir très abondante, kératinisante et
même prédominante au cours des récidives. Le diagnostic
de carcinome épidermoïde est réservé aux tumeurs exclu-
sivement composées d’une prolifération de ce type
(> 95% de la masse tumorale examinée) [8]. Quelques
études suggèrent que cette variante morphologique serait
associée à une plus grande résistance aux traitements chi-
mio- et radiothérapiques [37].
III. DESCRIPTION HISTOLOGIQUE
II. DESCRIPTION MACROSCOPIQUE
I. CARCINOME UROTHÉLIAL ET SES
VARIANTES MORPHOLOGIQUES
CHAPITRE III.
Anatomie pathologique
C. Anatomie pathologique des tumeurs épithéliales
infiltrantes de vessie
KARINE RENAUDIN, ANNE MOREAU, FRANÇOISE BUZELIN
Service d’Anatomie Pathologique A – Hôtel Dieu – CHU Nantes
Progrès en Urologie (2002), 12, N°5, 787-802
788
Figure 4 : Pièce de cystoprostatectomie : Carcinome uro -
thélial multifocal : tumeur ulcérée sus-trigonale et à distan -
ce plusieurs formations papillaires.
Figure 1 : Pièce de cystoprostatectomie : Carcinome urothé -
lial avec végétations papillaires tapissant les 2/3 de la paroi
vésicale et réalisant un aspect de papillomatose.
Figure 2 : Pièce de cystoprostatectomie : Carcinome urothé -
lial : large tumeur végétante, bourgeonnante du mur latéral
gauche de la vessie.
Figure 3 : Pièce de cystoprostatectomie : Carcinome uro -
thélial ulcéré sus trigonal.
b) Métaplasie glandulaire : Elle est un peu moins fré-
quente que la métaplasie épidermoïde et concerne surtout
les tumeurs de haut grade. Cette appellation doit être res-
treinte aux cas où la différenciation glandulaire est indé-
niable et ne doit pas être attribuée aux carcinomes urothé-
liaux comportant de très rares cellules mucosécrétantes ou
des structures pseudoglandulaires résultant de nécrose
cellulaire [37]. Si la proportion de glandes dépasse 95%
de la masse tumorale examinée, la tumeur est classée
comme adénocarcinome [8]. La métaplasie glandulaire
peut réaliser des aspects histologiques variés, compa-
rables à ceux décrits dans les adénocarcinomes purs. Le
plus souvent, ils sont composés de formations glandu-
laires, bordées d’une couche de cellules cubiques ou
cylindriques, intriquées à la composante urothéliale clas-
sique (Figure 6).
3. LECARCINOME UROTHÉLIAL ÀTYPE DE NIDS
Cette variante agressive de carcinome urothélial est très
rare (< 1%) avec moins d’une quarantaine de cas décrits
dans la littérature [7]. L’âge de survenue de cette tumeur
et sa symptomatologie ne diffèrent pas de ceux des carci-
nomes urothéliaux conventionnels. Le plus souvent unifo-
cale, cette tumeur se développe préférentiellement au
niveau du trigone ou au pourtour des orifices urétéraux.
Son aspect endoscopique est variable (irrégularité ou
ulcération superficielle de la muqueuse, tumeur papillaire
ou solide) et il s’agit parfois d’une tumeur à développe-
ment purement endophytique, sans sion muqueuse
visible. anmoins, le caracre invasif est suspec
d’emblée dans la plupart des cas. Elle peut s’associer à de
petits foyers de tumeur papillaire, de bas grade et non
invasifs.
Histologiquement, elle est caractérisée par une proliféra-
tion de cellules urothéliales à la fois infiltrante et très bien
différenciée (Figure 8) [7,11]. Le diagnostic de carcinome
urothélial à type de nids peut être difficile si la tumeur est
confinée à la lamina propria, car la bonne différenciation
cellulaire (G1) et le dispositif architectural en microlo-
bules (nids) ou en tubes peut simuler, au faible grossisse-
ment, un processus bénin tels qu’une hyperplasie des îlots
de von Brünn, un papillome inversé ou un foyer de méta-
plasie néphrogène. Cet aspect histologique est d’autant
plus trompeur que l’urothélium de surface est le plus sou-
vent plan sans végétation papillaire ni signe cytologique
de malignité. Cependant, l’existence de quelques cellules
urothéliales plus atypiques (G2, G3) au sein de la prolifé-
ration, la confluence et l’irrégularité des contours des
nids, ainsi que leur présence au-delà de la musculaire
muqueuse et à fortiori dans la musculeuse sont des argu-
ments qui permettent de porter le diagnostic de tumeur
maligne. Ce dernier argument topographique, parfois dif-
ficile à évaluer sur un prélèvement trop superficiel, est
important car les îlots de von Brünn ne dépassent jamais
la musculaire muqueuse. L’existence d’atypies cytonu-
cléaires ou d’une stroma réaction fibreuse permet de réfu-
ter le diagnostic de papillome inversé. De la même façon,
la présence de microlobules pleins et de tubes bordés de
plusieurs couches de cellules urothéliales élimine le dia-
gnostic de métaplasie néphrogène.
Le pronostic de cette variante de carcinome urothélial est
généralement mauvais avec un fort potentiel métastatique.
4. LECARCINOME UROTHÉLIAL
MICROKYSTIQUE
Comme la précédente, cette variante histologique de car-
cinome urothélial est très rare avec moins de 20 cas
décrits dans la littérature [22]. L’âge moyen de survenue
se situe aux alentours de 70 ans. Son aspect endoscopique
et sa symptomatologie clinique ne la distinguent pas du
carcinome urothélial classique [37].
Elle se caractérise histologiquement par la présence de
cavités kystiques, le plus souvent rondes ou ovalaires, de
taille variable, pouvant atteindre 1 à 2 mm de diamètre,
creusées au sein de la prolifération urothéliale infiltrante,
ou isolées [39]. Ces kystes, au contenu faiblement éosino-
phile, ont un revêtement parfois érodé mais sont habituel-
lement bordés de plusieurs couches de cellules urothé-
liales, ou d’un revêtement endothéliforme. Plus rarement,
l’épithélium de bordure est constitué de cellules cylin-
driques mucosécrétantes. Dans la grande majorité des cas
recensés, cette variante de carcinome urothélial est de
haut grade et de stade avancé [22,39].
Sur une pièce de cystectomie, le diagnostic ne pose pas de
difficulté. En revanche, sur un matériel de résection exigu,
il est important de savoir reconnaître cette entité tout par-
ticulièrement si la composante kystique prédomine sur le
carcinome urothélial classique. En effet, des problèmes de
diagnostic différentiel peuvent alors se poser avec un adé-
nocarcinome primitif ou secondaire, une cystite glandu-
laire, une cystite kystique ou même avec un adénome
néphrogénique [37].
5 . LEC A R C I N O M E U R O T H É L I A L VA R I A N T E
MICROPAPILLAIRE
Cette entité, de description récente, est importante à
reconnaître car elle est de très mauvais pronostic et cor-
respond toujours à un carcinome de haut grade et de stade
avancé [2]. Johansson en 1999 rapporte une série person-
nelle de 20 cas et n’en recense que 18 dans la littérature
[18]. Cette variante représenterait donc moins de 1% des
carcinomes urothéliaux ; elle survient de préférence chez
l’homme, à un âge moyen de 67 ans. Le contingent micro-
papillaire représente 20 à 80% de la tumeur. Tous les
patients ont des tumeurs de stade au moins pT3 au
789
790
Figure 5 : Carcinome urothélial avec foyer de différencia -
tion malpighienne (à gauche).
Figure 6: lobules carcinomateux urothéliaux de grade II
avec métaplasie glandulaire apparaissant sous forme de cel -
lules cylindriques claires mucosécrétantes au centre de
quelques lobules.
Figure 7 : Carcinome urothélial variante micropapillaire
infiltrant la musculeuse : dispositif en petites touffes pseu -
dopapillaires avec aspect de pseudoemboles.
Figure 8 : Carcinome urothélial à type de nids infiltrant la
musculeuse : cellules carcinomateuses urothéliales de bas
grade à dispositif microlobulaire ou microkystique
moment du diagnostic et 75% d’entre eux sont décédés
dans les 5 ans.
Histologiquement, les cellules tumorales relativement
monomorphes, de petite taille et atypiques, sont agencées
en îlots muriformes ou en petites touffes pseudopapil-
laires, fréquemment entourées d’un espace clair artéfac-
tuel réalisant un aspect de pseudoemboles vasculaires
(Figure 7). Lorsque le contingent micro papillaire est pré-
dominant, cela peut poser des problèmes de diagnostic
différentiel avec un adénocarcinome primitif ou secondai-
re, en particulier avec une métastase de carcinome séreux
de l’ovaire chez la femme [2].
6. LECARCINOME SARCOMATOÏDE
Le carcinome urothélial est parfois accompagné d’une
composante fuso-cellulaire. Celle-ci peut devenir prépon-
dérante, voire presque exclusive ; ces tumeurs sont alors
appelées carcinome sarcomatoïde.
Cette variété tumorale a souvent un mode de croissance
polypoïde, et est composée de cellules rondes, de cellules
géantes pléomorphes et d’une prédominance de cellules
fusiformes fortement anisocaryocytaires (Figure 9a). Ces
cellules fusiformes sont disposées en faisceaux faisant
évoquer un léiomyosarcome ou un histiocytofibrome
malin. Le diagnostic reposera sur :
la détection d’un foyer de carcinome urothélial clas-
sique intriqué, ou de plages de carcinome in situ sur
les bords de la lésion ;
les résultats de l’étude immunohistochimique mon-
trant des cellules tumorales positives avec les mar-
queurs épithéliaux (cytokératines, EMA).
Le terme de « carcinosarcome » était habituellement
réservé aux tumeurs dont la composante sarcomateuse
présentait une nette différenciation : ostéosarcomateuse
(Figure 9b), chondrosarcomateuse (Figure 9c), léiomyo-
ou rhabdomyosarcomateuse (Figure 9d) et exceptionnel-
lement liposarcomateuse [16]. Cependant, depuis qu’il a
été démontré que les composantes carcinomateuse et sar-
comateuse avaient une origine monoclonale, lusage
d’une double terminologie n’apparaît plus justifié, le
terme de carcinome sarcomatoïde pour ce type de tumeur
serait plus approprié [16,29].
Ces tumeurs sont généralement diagnostiquées à un stade
avancé, et le taux de survie à 5 ans est inférieur à 50%
[29,30]. A stade égal, leur pronostic est voisin de celui des
carcinomes urothéliaux communs.
7. VARIANTES DE CARCINOME UROTHÉLIAL À
CELLULES GÉANTES
On en distingue plusieurs formes :
Le carcinome urothélial indifférencié à cellules
géantes :Bien qu’il ait été identifié par certains
auteurs comme une entité anatomoclinique associée à
un mauvais pronostic, il est plus juste de le considérer
comme un carcinome urothélial commun très peu dif-
férencié comportant un contingent plus ou moins
abondant de cellules géantes à noyaux monstrueux ou
multiples [26]. Le diagnostic histologique ne pose
habituellement pas de grandes difficultés et sera
conforté par la positivité des cellules tumorales avec
les marqueurs épithéliaux et l’absence de sécrétion de
ß-HCG [8].
Le carcinome urothélial comportant des cellules
géantes de type ostéoclastique :Cette variante est très
rare puisque 13 cas seulement ont été décrits dans le
tractus urinaire, dont 8 dans la vessie et 5 dans les
voies excrétrices supérieures. L’originalité de cette
variété tumorale réside en l’association quasi constan-
te d’un contingent urothélial bien différencié et d’une
prolifération de cellules fusiformes mêlées à des cel-
lules géantes (Figure 10a), sans qu’il soit possible
d’établir un lien histogénétique entre ces 2 compo-
santes. La composante fusiforme avec cellules géantes
est interprétée de façon variable selon les auteurs. Les
uns la considèrent comme une inflexion sarcomatoide
du carcinome urothélial, les autres comme une forme
de stroma réaction. Par ailleurs la nature exacte des
cellules géantes reste l’objet de discussions. Pour cer-
tains elles représentent une stroma-réaction, alors que
pour d’autres, elles seraient d’authentiques cellules
cancéreuses [21,40]. Ces cellules « ostéoclast-like »
expriment des marqueurs histiocytaires (CD68) mais
aucun marqueur épithélial (Figure 10b) [24]. La biolo-
gie moléculaire et l’immunohistochimie plaident en
faveur de la nature réactionnelle, non tumorale, de ces
cellules géantes.
Le carcinome urothélial à cellules géantes sécrétant
de la ß-HCG : Cette variante de carcinome urothélial
est caractérisée par la présence de cellules géantes
multinucées d’allure syncitiotrophoblastique,
mêlées à la prolifération urothéliale. Elle est rare, avec
seulement une trentaine de cas recensés dans la litté-
rature. Même s’il peut exister un taux sanguin élevé de
ß-HCG et une gynécomastie, cette tumeur ne doit pas
être assimilée à un choriocarcinome, ni traitée comme
tel. En effet, ses caractéristiques épidémiologiques,
cliniques et histologiques sont celles d’un carcinome
urothélial de haut grade et non celles d’un authentique
choriocarcinome [4,8]. A la différence des choriocar-
cinomes gonadiques ou placentaires qui touchent les
sujets jeunes, il s’agit ici de patients plus âgés (64 ans
en moyenne) et à nette prédominance masculine. Si
quelques cas, pour la plupart très anciens, de chorio-
carcinome pur de la vessie ont été rapportés, il existe
le plus souvent une composante de cellules géantes
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