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Dépression et MMD : des maladies que l’on peut soigner • www.frm.org 3
De même, il existe fréquemment des troubles associés : anxiété généralisée, troubles paniques et
obsessionnels, troubles de conduite alimentaire, notamment les boulimies, consommation d’alcool et
de toxiques, qui sont des facteurs d’aggravation et qui justifient parallèlement une prise en charge
spécifique.
> Une maladie avec plusieurs phases
Le patient fonctionne avec des "hauts" et des "bas".
Dans la phase de haut, il est dans un état d’euphorie pathologique, d’optimisme démesuré, ayant la
sensation d’être très intelligent : « il est champion du monde ». La pensée fuse, à tel point que, par
moments, il y a une fuite des idées tellement elles vont vite et partent dans tous les sens. S’ajoute
aussi un état de désinhibition, avec des dépenses d’argent inconsidérées, des conduites sexuelles
excessives, des troubles du sommeil. Le patient n’a pas de besoin de dormir, il n’est pas fatigué et a
mille projets à réaliser.
Brutalement, ce patient va se retrouver dans l’état opposé, de tristesse, de mal être, accompagné d’un
ressenti très pénible, le sentiment d’être nul, une perte d’estime de soi, une dévalorisation, un
sentiment d’inutilité, une culpabilisation, une incapacité à se projeter dans un futur. Cette souffrance
est abominable et s’accompagne d’autres symptômes, pensée ralentie, efforts surhumains pour se
concentrer, fixer son attention, se souvenir, troubles du sommeil, perte de l’appétit, grande fatigue,
état d’aboulie (perte de la volonté) et désintérêt pour tout.
Entre ces phases d’excitation et ces phases de dépression se placent des intervalles libres. Le patient
a un niveau de fonctionnement normal, même s’il garde en mémoire cet état de fragilisation.
Beaucoup de maniaco-dépressifs ne sont jamais véritablement «bien» : ils ont toujours cette peur de
la rechute et conservent des séquelles post-dépressives et maniaques.
> Les différentes modalités évolutives
Ces modalités correspondent à différents modes d’expression de la maladie.
Il y a d’abord des formes d’excitation atténuées : on n’est pas “champion du monde”, on est deuxième
ou troisième sur le podium. Ces formes d’excitation modérée sont compatibles avec une vie normale,
mais la personne s’épuise tout de même : il existe une réduction du temps de sommeil, des projets
multiples, une hyperactivité, des facilités de contact...
Ensuite des formes délirantes. Ce matin, une patiente me disait qu’il y a 7 ans s’étant prise pour le
messie, elle avait enterré du miel dans son jardin. Persuadée que le miel était radioactif du fait des
abeilles qui venaient de Tchernobyl, elle ne voulait pas contaminer des gens. Elle n’en a parlé à
personne, elle ne m’en avait jamais parlé : j’ai mis 7 ans avant de poser le diagnostic correct.
Des formes mono-symptomatiques : un seul symptôme au premier plan. Ces sujets vont présenter
des troubles obsessionnels récurrents avec des intervalles libres et ou d’autres types de manifestation
qui masquent l’état de dépression et d’excitation.
Certaines formes de la maladie évoluent en fonction des saisons, d’autres évoluent très vite avec
plusieurs cycles au cours d’une année. On trouve des formes mixtes avec une intrication d’excitation
et de dépression. Le diagnostic est alors plus difficile à poser et s’oriente souvent vers des pathologies
comme la schizophrénie. Ces troubles sont beaucoup plus difficiles à traiter.
Quand les malades sont sous antidépresseurs, cela peut aggraver l’excitation et lorsqu’ils sont mis
sous neuroleptiques, cela peut favoriser l’apparition de la dépression. Il y a aussi des formes qui ont
une évolution complètement indéterminée, allant dans tous les sens.
Enfin, il existe une forme très particulière, qu’on appelle circulaire ou rémittente, c’est-à-dire, sans
intervalles libres. Ce sont des sujets qui ne sont jamais “ bien ”. Ils sont soit “ champions du monde ”
soit "nuls" et sans phases intermédiaires, sans répit. C’est très épuisant pour eux mais aussi pour la
famille.