Tomoscintigraphie myocardique et risque cardiaque opératoire
111
Revue de l'ACOMEN, 2000, vol.6, n°2
myocardique. En effet, les troubles de la coagulation limi-
tent la perfusion des couches sous-endocardiques ( les plus
menacées par lischémie) en favorisant la formation de
thrombus au niveau des petites artères coronaires ou des
artérioles intra-myocardiques. Dautre part, la stimulation
sympathique qui augmente la consommation du myocarde
en oxygène favorise lhypercoagulabilité sanguine. La cons-
titution dune thrombose au niveau dune sténose coro-
naire nest sûrement pas le seul mécanisme à lorigine de
linfarctus du myocarde postopératoire. Plusieurs études
établissent la relation de cause à effet qui existe entre les
épisodes dischémies myocardiques péri-opératoires et lin-
farctus du myocarde postopératoire, suggérant que des épi-
sodes dischémies myocardiques naboutissant pas à une
nécrose cellulaire lorsquils surviennent isolément peuvent,
par leurs effets délétères cumulatifs sur le métabolisme
myocardique, provoquer une nécrose irréversible (6,7). Il
apparaît ainsi que lischémie myocardique nest pas une
complication transitoire et totalement réversible mais que
dans la plupart des cas, elle induit des anomalies cellulaires
prolongées par des foyers de nécroses. Les lésions anato-
miques coronaires, mises en évidence par la coronarogra-
phie réalisée avant lintervention chez les opérés de chirur-
gie non cardiaque ayant développé une complication coro-
narienne aiguë post opératoire, étayent le rôle joué par les
ischémies myocardiques dans létiopathogénie de linfarc-
tus du myocarde postopératoire. En revanche, cest essen-
tiellement labsence de circulation collatérale en aval dune
sténose coronaire qui semble être la cause de la nécrose
cellulaire myocardique (8). Cependant, les malades les plus
à risque de développer une nécrose myocardique aiguë post
opératoire sont ceux dont les lésions coronaires sont les
plus sévères et qui, de ce fait, sont les plus exposés à un
épisode dischémie myocardique. Ceci, ajouté au fait que
80% des nécroses myocardiques aiguës péri-opératoires ne
sont pas accompagnées de douleurs thoraciques et sont
limitées au sous endocarde, rend compte de lutilité du dé-
pistage de tous patients coronariens susceptibles de déve-
lopper de telles complications, bien que la prise en charge
anesthésique de ces opérés se soit grandement améliorée
grâce en particulier à lemploi prophylactique de latenolol
(5).
Risques cardiovasculaires et chirurgie
non cardiaque
On distingue la chirurgie lourde avec des risques jusquà
6% daccidents cardio-vasculaires concernant en particu-
lier la chirurgie vasculaire avec clampage aortique, des chi-
rurgies à risques intermédiaires de 2 à 5%, il sagit de
chirurgies orthopédiques en particulier dintervention sur
les hanches, enfin, des risques faibles, cest à dire avec des
risques inférieurs à 2% daccidents cardiaques, il sagit cette
fois ci de la chirurgie ophtalmologique, des explorations
endosco-piques sous anesthésie générale
Evaluation du risque cardiovasculaire
du patient hors chirurgie vasculaire
Après avoir estimé le risque inhérent à la chirurgie, il con-
vient de faire une évaluation qui sera essentiellement clini-
que. Hormis les patients graves pour lesquels une stabilisa-
tion de leur pathologie coronaire devra être réalisée avant
intervention chirurgicale et les patients chez lesquels les
risques sont très minimes ne justifiant daucune exploration
complémentaire, il faut distinguer les patients dits à risques
intermédiaires tel que la défini Eagle (9). Ces patients sont
ceux qui présentent 2, ou plus, des facteurs de risques sui-
vants: diabète, hypertension artérielle avec altération de la
fonction ventriculaire gauche, antécédent dinfarctus du
myocarde, dangine de poitrine, anomalies de lélectrocar-
diogramme de repos (onde Q ou anomalies du segment ST),
souffle vasculaire. La présence de 2 ou plus de ces facteurs
doit déclencher une évaluation préopératoire par épreuve
deffort ou scintigraphie sauf dans le cas dune chirurgie à
faible risque. A noter, selon la task force ACC,AHA (10),
que les patients coronariens, mais asymptomatiques, et qui
ont bénéficié dans les 5 ans dune revascularisation
myocardique avec succès , ne sont pas considérés comme à
risques de même que ceux qui ont bénéficié dune évalua-
tion coronarienne moins de deux ans auparavant et dont
létat clinique est stable. Pour les patients autres et présen-
tant au moins deux des facteurs de risque précités, la pre-
mière exploration à envisager est lélectrocardiogramme def-
fort qui permet dapporter des renseignements à la fois sur
laptitude du patient à faire un effort et dautre part sur une
éventuelle ischémie myocardique (sous décalage de ST su-
périeur ou égal à 2 mm). Dans tous les cas où lépreuve
deffort ne pourra être satisfaisante du fait de son niveau de
stimulation, la TSM pourra trouver sa place, sensibilisée par
un test au dipyridamol qui sera pratiqué dès le début de
leffort aux doses actuellement préconisées de 0.7 à 0,8 mg/
kg. Seuls les patients présentant dimportants marqueurs de
risque clinique cardiaque doivent bénéficier dune scinti-
graphie myocardique de perfusion. La réalisation dune co-
ronarographie napparaîtra justifiée quà la condition que
cette évaluation révèle une ischémie étendue. Il ne faut en
effet pas perdre de vue que la coronarographie a elle-même
des risques inhérents qui se surajoutent au risque thérapeu-
tique sanglant éventuel et à la chirurgie.
Evaluation du risque cardiovasculaire
du patient pour chirurgie vasculaire
La chirurgie vasculaire expose à un risque particulièrement
élevé daccidents cardio-vasculaires péri ou postopératoi-
res; ces complications étant les premières causes de décès.
Concernant ces patients, il faut remarquer que les facteurs
de risques responsables de latteinte vasculaire sont égale-
ment ceux de la coronaropathie, la présence dune