PRAXIS Forum Med Suisse Nr. 3 17 janvier 2001 46
Introduction
Nous avons montré dans la première partie de
cet article que l’application du théorème de
Bayes en matière de diagnostic pouvait consti-
tuer un soutien rationnel de l’intuition. Nous
avons expliqué à l’exemple de l’agriculteur avec
présomption d’appendicite les règles valables
dans le diagnostic différentiel pour l’acquisition
d’informations. Outre la sensibilité et la spéci-
fité, nous avons également exposé les avan-
tages du coefficient de probabilité en tant que
paramètre objectif de la performance d’un test.
Nous décrivons ci-dessous comment le théo-
rème de Bayes est susceptible d’enrichir quan-
titativement le diagnostic, et cela dans la pers-
pective du potentiel représenté par une banque
de données diagnostiques aisément accessible
aux médecins généralistes.
Un agriculteur souffre de
douleurs abdominales: quelle est
la probabilité d’une appendicite?
Dans le cas de notre agriculteur, comment par-
venir, à l’aide du théorème de Bayes, à la pro-
babilité post-test d’une appendicite? La pre-
mière étape consiste à évaluer la probabilité
avant test d’une appendicite. Wagner et al [4]
ont montré que dans la pratique ambulatoire,
la prévalence de cette maladie chez les adultes
présentant des douleurs abdominales se situe
entre 0,7 et 1,6% (tab. 1). La prévalence de
l’appendicite chez les patients souffrant de dou-
leurs abdominales aiguës ne revêt aucune si-
gnification dans notre cas, parce que la défini-
tion «aiguës» présuppose déjà l’utilisation de
tests cliniques. Versons la prévalence de 1%
dans l’«entonoir» du premier «transformateur
de probabilité», à savoir le premier test (fig. 1).
Afin de caractériser ces transformateurs de
probabilité, nous avons besoin maintenant
d’informations sur les qualités de test de
l’anamnèse, des résultats des examens cli-
niques et des résultats de laboratoire.
Ces qualités sont réunies dans le tableau 2, à
ceci près que seuls sont indiqués les coefficients
de transformation de probabilité et qu’on a re-
noncé à la citation de la sensibilité et de la spé-
cificité. L’exemple des vomissements montre
clairement que l’existence d’un symptôme peut
présenter un CP+ inférieur à 1. Des vomisse-
ments cités dans l’anamnèse réduisent ainsi la
probabilité d’une appendicite. On remarquera
que seule la mention de douleurs dans la zone
de l’abdomen inférieur droit avec un CP+ de 7
apporte, en tant que test isolé,un complément
d’information essentiel. Une certaine numéra-
tion de leucocytes ainsi que de la fièvre sont
cités à titre de paramètres de l’inflammation
(tab. 3). La protéine C-réactive et la vitesse
de sédimentation du sang fournissent des per-
formances de test de qualité inférieure. Dans la
mesure où ces paramètres ne sont pas dicho-
tomiques, la distinction en CP+ et CP– est in-
utile. Ceci met en lumière un autre avantage du
coefficient de probabilité: le potentiel informa-
tif d’un test peut être optimisé par le calcul des
CP pour différentes valeurs limites d’un test.
Seules les numérations de leucocytes de plus
de 15×109/L peuvent être considérées comme
expressives à titre de test isolé.
Dans le cas de notre agriculteur souffrant de
douleurs abdominales, les indications sui-
vantes sont donc exploitables à titre de tests
pour une appendicite (pour simplifier, les va-
leurs ont été arrondies): (I) Douleurs dans l’ab-
domen inférieur droit (CP+ = 7.3); (II) Migration
de la douleur dans l’abdomen inférieur droit
(CP+ = 3.2); (III) Douleur d’un genre nouveau,
jamais encore éprouvée (CP+ = 1.5) et (IV)
la Leucocytose de 13×109/L (LR+ = 2.4). La
probabilité avant test d’environ 1% (tab. 1)
est ainsi modifiée par plusieurs tests qui peu-
vent être considérés comme séquence de
«transformateurs de probabilité» (fig. 1). Le
test de la nouveauté du type de douleur qui,
considéré isolément, serait peu expressif avec
Sur la voie de l’intuition?
Théorème de Bayes et diagnostic
en médecine générale
Partie II
D. Pewsnera, J. P. Bleuerb, H. C. Bucherc, M. Battagliad, P. Jünid,e, M. Egger d,f
aPraxis für Innere Medizin FMH,
Bern
bMediscope AG, PF, 3000 Bern 23
cMedizinische Universitäts-
Poliklinik, Kantonsspital, Basel
dInstitut für Sozial- und Präventiv-
medizin, Universität Bern
eRheumatologische Universitäts-
klinik, Inselspital, Bern
fDivision of Health Services
Research, Department of Social
Medicine, University of Bristol
Correspondance:
Dr Daniel Pewsner
Case postale
CH-3000 Berne 26
469-00 Praxis f