Une campagne qui rase gratis, Etienne Lefebvre, édacteur en chef "International, Politique et
Économie générale". Les Échos
Les débats télévisés avant le premier tour de la présidentielle ont eu un point commun : les finances
publiques n'ont été que brièvement (et tardivement) abordées, la plupart des candidats assurant
doctement que, pour régler le problème, il suffirait d'annuler une partie de notre dette, de changer
les règles sur le déficit ou de sortir de l'Union européenne... Des propos édifiants. La France a
dépensé 76 milliards d'euros de plus qu'elle n'a engrangé en recettes en 2016, et sa dette publique
file vers les 100 % de PIB. Les évaluations des programmes des cinq principaux candidats réalisées
par l'Institut Montaigne, que nous publions ce vendredi, viennent pourtant confirmer que
le redressement des comptes n'est pas la priorité de cette campagne. Au contraire, la liste des
dépenses nouvelles promises par certains donne le tournis. L'Institut Montaigne arrive à un total
d'engagements supérieur à 100 milliards pour Benoît Hamon et Marine Le Pen, et à 200 milliards
pour Jean-Luc Mélenchon. A eux trois, ces candidats représentent environ 50 % des intentions de
vote. Combien d'économies en face ? Rien, ou presque. L'expression « raser gratis » employée
mardi soir par Emmanuel Macron a rarement été aussi justifiée, en particulier pour le projet du FN.
Car les promesses sont un peu moins « gratis » du côté de Benoît Hamon et, surtout, de Jean-Luc
Mélenchon, qui prévoient de substantielles hausses d'impôt : 85 milliards pour le candidat de la
France insoumise, soit davantage que sous les quinquennats Hollande et Sarkozy réunis. François
Fillon et Emmanuel Macron, qui promettent de suivre une trajectoire budgétaire sérieuse, ne
sont pas exempts de reproches. La liste de leurs dépenses nouvelles est assez conséquente. Surtout,
leurs plans d'économies sont peu crédibles, faute de mesures précises pour justifier les chiffres
revendiqués ou bien parce que le rendement de certaines mesures est trop optimiste. Deux exemples
sont symboliques. Emmanuel Macron revendique 10 milliards d'économies sur l'assurance-chômage
quand l'Institut Montaigne n'en trouve que 2 (la baisse du chômage escomptée par le candidat ne
peut être rangée dans les économies). Quant aux 500.000 suppressions de postes de fonctionnaires
de François Fillon, elles ont très peu de chances d'être réalisées d'ici à 2022, juge le think tank, pour
qui les économies risquent en outre d'être entièrement contrebalancées par les compensations
salariales liées à la hausse du temps de travail. Il ne s'agit pas, ici, de faire le procès des projets des
deux seuls candidats qui ont le courage de proposer des économies. Mais de souligner qu'il est
invraisemblable que le débat public fasse l'impasse sur cet enjeu essentiel. Les lendemains
d'élection risquent d'être difficiles.