Les vérités scientifiques sur les marées vertes

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2010
Les dossiers...
...de VivArmor
Les vérités scientifiques
sur les marées vertes
Environnement
Les vérités scientifiques sur les marées vertes
Par Michel Guillaume
Le sujet certes n’est pas nouveau. Il y a 17 ans que le Râle d’eau a cru nécessaire de faire une
mise au point très détaillée sur « Les algues vertes en baie de St-Brieuc » ! Mais il me semble
nécessaire d’y revenir car depuis quelque temps l’opinion publique a mis la question à
l’ordre du jour. Rappelez-vous il y a eu l’émission « Thalassa » (c’était en avril 2009)… il y a
eu la mort du cheval puis des chiens… et les décès suspects de personnes en contact avec le
fameux H2S (Mr MORFOISSE par exemple)… Alors maintenant que la question des algues
vertes « est sur toutes les lèvres » (selon l’expression consacrée)… que la profession agricole
montrée du doigt se défend… allant (pour certains de ses représentants du moins) jusqu’à
nier le rôle exclusif des nitrates agricoles dans la prolifération des ulves… il m’a semblé nécessaire de refaire le point… et d’abord de rappeler ce que nous disions en 1993 dans le Râle
d’eau n° 76.
Ce que nous disions déjà à l’époque
D’abord que (en 1993 donc) le phénomène n’était pas nouveau : « nous en parlions déjà en
1974… le numéro 10 du Râle d’eau faisait un premier point sur cette question en 1977 ! ». Mais
en décembre 1993 nous consacrons (presque entièrement) le numéro 76 de notre bulletin d’information à cette question parce que le 25 septembre de cette année là nous avions invité Jean-Yves
PIRIOU d’IFREMER à venir nous faire d’abord une sortie puis une conférence sur le sujet.
Cela nous permettait d’écrire : « Aujourd’hui en effet la prolifération des algues vertes est bien
connue dans son mécanisme, dans ses causes… mais pour autant, on préfère encore traiter le problème à son arrivée sur le littoral plutôt qu’à la source, ce qui n’est pas bien sûr la meilleure façon de le résoudre. »
Les causes de la prolifération des algues vertes
Nous expliquions d’abord (avec schémas à l’appui)
que sur les 7 espèces d’Ulves connues, seules deux
espèces sont impliquées dans le phénomène algues
vertes (et l’une principalement, l’autre étant plus occasionnelle).
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Nous insistions ensuite sur « les 3 conditions nécessaires à la prolifération des algues vertes »
« Il est maintenant bien démontré que trois conditions doivent être réunies pour que se développent activement les ulves sur le littoral :
 il faut d’abord un estran sableux étendu et à faible pente, ce qui favorise un effet de lagunage. Le réchauffement de l’eau est rapide ; la pénétration de la lumière se fait de manière homogène dans toute la masse de l’eau. Cela favorise enfin l’échouage des algues
sur les plages à marée montante.
 Il faut ensuite une arrivée d’eau douce avec une teneur élevée en nitrates. Si cette arrivée
d’eau débouche directement dans la zone favorable, là où existe une masse flottante
d’algues, celles-ci vont se développer rapidement.
 Il faut enfin un piégeage de la masse d’eau… Si la circulation résiduelle de marée est très
faible ou nulle, les algues ne sont pas dispersées et baignent toujours dans le milieu qui
leur convient le mieux, d’où leur prolifération ».
Sous le titre « Rapport avec les nitrates » nous expliquions bien que ces derniers (contrairement
au phosphore, aux sels minéraux…) sont bien ce que l’on nomme en terme scientifique le
« facteur limitant », ce qui veut dire que si les flux d’azote sont réduits, la prolifération des algues
le sera aussi… et inversement bien entendu !
Nous faisions ensuite l’historique des « marées vertes en baie de St-Brieuc » montrant que si l’on
connaît le phénomène depuis 1952, celui-ci s’est régulièrement amplifié depuis, atteignant des records à partir des années 80.
marées vertes en baie de St-Brieuc
Nous expliquions aussi que tous les bassins versants n’ont pas la même rôle (là aussi je cite) :
« … trois critères vont intervenir :

la pluviométrie efficace (pluviométrie moins évaporation) va conditionner les écoulements et les lessivages et elle peut être très variable

la nature géologique du sous-sol, va permettre ou non de stocker des réserves…

l’hydromorphie des sols qui est un indicateur de la saturation potentielle en eau, intervient aussi . De plus, elle conditionne les potentialités de dénitrification naturelle »
Nous fournissions enfin des références bibliographiques en précisant :
« l’essentiel de ce dossier est extrait des publications fournies à notre association par J.Y. PIRIOU à la suite de sa conférence du 25 septembre 1993 ».
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Les vérités scientifiques sur les marées vertes
Etant souvent interpellés au sujet des proliférations d’algues vertes littorales et n’en possédant pas
toutes les données scientifiques, l’association VivArmor a invité Jean Yves Piriou, chercheur
scientifique à IFREMER, à répondre à quelques questions en débat actuellement. L’entrevue s’est
déroulée le 12 octobre 2010 dans les locaux de l’association.
VivArmor : certains se présentent comme scientifiques pour dire que les nitrates ne sont pas la
cause des marées vertes ; qu’en pensez-vous ?
Jean Yves Piriou : ne peuvent se déclarer avoir des compétences scientifiques sur le sujet que les
chercheurs qui ont publié dans des revues internationales de rang A à comité de lecture ; c’est-àdire des gens qui sont reconnus par leurs pairs au niveau mondial pour la validité et l’objectivité de
leurs recherches et de leurs résultats. Sur le sujet des marées vertes en Bretagne, il n’y a que l’Ifremer et le Ceva qui sont dans ce cas. Les autres n’ont pas été validés et il faut s’en méfier.
VivArmor : certains s’appuient sur les travaux d’Ifremer pour nier l’influence des nitrates. Quelle
réaction ?
Jean Yves Piriou : ces gens ont de mauvaises intentions : en tirant une phrase de son contexte, on
peut lui faire dire le contraire de son sens. Procédé connu, mais mal intentionné.
VivArmor : selon les scientifiques reconnus, quelles sont les vraies causes des marées vertes ?
Jean Yves Piriou : pour l’Ifremer et le Ceva, 3 facteurs simultanés sont indispensables : une plage
de sable à faible pente, un piégeage de l’eau en fond de baie et une arrivée directe de nitrates sur la
plage. Ceci a été démontré par des études très poussées sur le terrain et en laboratoire, et reconnu
dans d’autres pays par des publications.
VivArmor : alors que les concentrations de nitrates baissent légèrement, pourquoi ne voit-on pas
de baisse des tonnages d’algues vertes ?
Jean Yves Piriou : beaucoup de sites de marée verte sont physiquement saturés. Il y a trop d’apport de nitrate pour nourrir toutes les ulves. Les premiers milligrammes de nitrates enlevés n’ont
donc pas d’effet.
VivArmor : quel taux de nitrates faudra-t-il atteindre pour voir une baisse significative des algues
vertes ?
Jean Yves Piriou : en baie de Saint Brieuc, à 10 mg/litre on verra une baisse de plus de la moitié
des tonnages d’ulves.
VivArmor : quelle a été l’influence des marées noires sur les marées vertes ?
Jean Yves Piriou : la baie de Saint Brieuc n’a pas été affectée par la marée noire. Pourtant c’est le
plus gros site breton de marée verte. Il n’y a pas de relation.
Jean-Yves Piriou est chercheur en environnement littoral à l'Institut français de recherche pour l'exploitation
de la mer (Ifremer) de Brest.
Il est l’auteur de nombreuses publications scientifiques
sur les marées vertes.
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