gouvernance, et ce dans une vision intergénérationnelle, alors que
seule la première composante (par le biais du prix de marché) est
aujourd’hui prise en compte. Ce qui signifie i) qu’aucun produit n’est
actuellement « durable », ii) que l’on doit passer d’une valeur mar-
chande à des valeurs sociales, écologiques et de gouvernance, sans
abandonner bien sûr l’économique et enfin iii) que pour consommer
durable, il faut produire durable.
On en arrive à la conclusion, suggérée par l’économiste Arthur
Cecil Pigou voilà plus de 90 ans que, pour améliorer le bien-être, il faut
internaliser les externalités, ce qui est possible, notamment par un
mécanisme de taxes et subventions permettant de corriger les
défaillances de marché [Pigou (1920)], ce qui implique la définition
consensuelle de normes dans un cadre éthique (considération sur les
valeurs) et d’actualiser la pensée pigovienne.
Cohabitation tumultueuse de deux types de systèmes alimentaires
L’analyse globale qui vient d’être faite est applicable à l’alimenta-
tion, avec des exigences encore plus fortes que pour les biens et ser-
vices « ordinaires » car, d’une part, « l’alimentation n’est pas une mar-
chandise comme une autre » en raison de son caractère vital et, d’autre
part, les conditions de production des aliments restent lourdement liées
aux écosystèmes.
Les modèles alimentaires du monde contemporain sont multiples.
On observe cependant des convergences et des exclusions qui font que,
pour les besoins de l’analyse et de l’action, on peut ramener ces
modèles à deux grands sous-ensembles :
– Le modèle agroindustriel de masse, ainsi appelé parce qu’il voit la
généralisation du processus industriel à l’ensemble de ses filières :
agrofourniture, agriculture, industries agroalimentaires et même la
distribution et la restauration et les services d’appui (logistique,
organismes financiers et de conseil, administration et contrôle,
etc.). Ce modèle est spécialisé, concentré, globalisé et financiarisé.
Il concerne, en 2014, environ 50% de la population mondiale et se
caractérise par des produits standardisés et marquetés, à prépara-
tion rapide, hygiéniquement sûrs, mais de qualité organoleptique
médiocre et culturelle nulle. Ce modèle a permis d’accompagner la
croissance démographique en éliminant les famines d’origine
agroclimatique, et la croissance économique en réduisant drasti-
quement les prix (en proportion des revenus des ménages, les
dépenses alimentaires représentent 10 à 15%, ce qui libère du pou-
voir d’achat pour d’autres fonctions de consommation).
ÉDITORIAL 1549