É d i t o r i a l S Édito rial

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Éditorial
Éditorial
Devoir de
justification
G. Mégret (Paris)
S
anté “morte” en ces derniers jours de l’an 2000. C’est sans doute
beaucoup dire. Mais, moribonde, certainement.
Nous fûmes donc conviés, sous l’égide du principal syndicat libéral (la CSMF), à fermer nos cabinets durant la semaine de la trêve
des confiseurs. Cette ultime et désespérée forme de contestation
d’un corps médical n’en pouvant plus du dédain et de l’autoritarisme des
pouvoirs publics appelle quelques réflexions peaufinées par le recul du
temps.
Il va de soi que, selon l’origine des commentaires, ce mouvement “aura été
un franc succès” ou “ne sera pas parvenu à susciter l’adhésion des médecins”. Il en est hélas ! du comptage des défilés du 1er mai comme de l’estimation du suivi d’un mouvement de grève : la marge d’erreur se mesure à
l’aune de la mauvaise foi des acteurs et de leurs détracteurs. Qu’importe. Le
plus important nous paraît la perception que nos malades auront pu avoir du
profond malaise qui règne dans cette profession en voie de fonctionnarisation (il n’y a d’ailleurs rien de déshonorant dans le statut de fonctionnaire,
mais à deux conditions : un, qu’on le reconnaisse ; deux, qu’on en ait – tous
– les avantages).
Et là s’impose un devoir de justification sans lequel ce contresens éthique
(nous nous interdisons en règle générale de porter le moindre préjudice à
nos patients) et ce sacrifice financier (à quand le remboursement des journées de grève pour les médecins ?) resteront sans le moindre effet pour la
santé meurtrie. Il nous faut maintenant relayer notre absence brutale de cette
fin d’année par l’explication convaincante de son implacable nécessité. Car,
outre que l’intérêt de tous, soignés et soignants, réside dans une résistance
commune à la mainmise de quelque Arpagon étatique sur la santé chancelante, méfions-nous de l’esprit dévastateur de certains cyniques : “Bien sûr...
ils ferment leur cabinet pendant les fêtes, c’est plus facile !”.
Ainsi reste le discours à tenir face à nos patients. Certes il ne peut et ne doit
être stéréotypé. La grandeur – discrète – de notre activité tient beaucoup à
la spécificité du rapport que nous entretenons avec chaque patient. Mais,
nantis ou SDF, adolescents boutonneux ou seniors fringuants, tous doivent
se reconnaître comme le dernier maillon d’une chaîne tortueuse mais indissociable. Celle qui va des deniers publiques (les leurs et les nôtres) jusqu’à
eux (les souffrants), en passant par les boucs émissaires (les médecins).
Qu’un seul de ces éléments soit montré du doigt sans que les autres ne se
sentent concernés, et cette tresse indispensable à une bonne santé, se déchirera. Surtout au détriment du dernier maillon.
Au fait, bonne année et... bonne “Santé” à tous !
Act. Méd. Int. - Angiologie (16) n° 9/10, novembre/décembre 2000
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