a qualité de vie est un concept qui se veut unificateur, tellement globalisant
que nous pouvons tout y mettre.
La qualité de vie, sous l’angle individuel, c’est ce que nous souhaitons aux êtres
chers lors d’occasions festives, non pas la simple survie, mais ce qui fait la vie bonne.
Dès lors, comment l’évaluer et qui doit le faire ?
Ce concept est aussi profondément lié à un contexte socioculturel, celui de notre
temps. Son émergence tend à exiger que la réflexion porte essentiellement sur
l’individu et sa vie actuelle, et non plus sur la vie dans l’au-delà et sur le groupe.
Probablement que la vérité est tout autre et qu’en fait, seul l’individu lui-même est
capable d’apprécier ce qu’il juge être sa bonne ou mauvaise qualité de vie.
Il ne faut pas considérer la qualité de vie comme un vécu, mais plutôt comme un jugement
apte à être vrai ou faux que le sujet porte sur sa vie et sa qualité ou sur celle des autres.
Ne faudrait-il pas aussi, dans cette démarche de qualité de vie, considérer ce que préconisait
Socrate, quand il disait qu’il était plus important de chercher à vivre meilleur et non mieux ?
D’où l’importance, notamment en termes d’évaluation, de cette notion de qualité qui
implique un jugement de valeur, pour lequel il semble préférable de connaître l’appréciation
par le sujet lui-même de ce dont il fait l’expérience, en fonction de ses aspirations
et de son for intérieur, plutôt que d’évaluer l’expérience elle-même.
Au-delà de la qualité se pose aussi le problème de la référence au choix de la conduite
de sa vie et des objectifs personnels qui en dépendent, lesquels vont bien évidemment
être différents, voire opposés en fonction des individus.
Pour chacun, l’importance accordée à chaque domaine peut correspondre à leur
importance réelle, mais elle peut aussi résulter d’une hiérarchisation destinée à mini-
miser les hiatus et contraintes, trop difficiles à assumer entre buts et réalisation.
Par ailleurs, pour les uns, le summum de leur vie sera, par exemple, de considérer
précisément la femme aimée et aimante comme étant l’aboutissement de leur recherche
de l’absolu, pour les autres, ce sera la quête d’un bonheur impossible à atteindre et ce,
dans le cadre ou non, d’une “normalité sociale, culturelle”, voire philosophique.
C’est aussi dans ces démarches qui peuvent être opposées que réside la difficulté d’é-
valuer la qualité de vie des individus avec un même instrument.
Et pourtant, cela est possible. Même si, à l’heure actuelle en France, la préférence est
de traduire des outils anglo-saxons, plutôt que d’en créer de nouveau.
Pour notre part, nous avons relevé la gageure de tenter l’aventure, en élaborant un
instrument pour et avec le patient schizophrène.
Enfin, il ne faut pas oublier qu’il y a quinze ou vingt ans, paradoxalement, vouloir évaluer
la qualité de vie était une utopie. Plus près de nous, Henri Bergson, ne s’opposait-il pas
à la réduction du qualitatif au quantitatif ? Principe même de l’évaluation
de la qualité de vie par opposition à la mesure de ce qui est symptomatique.
Malgré les problèmes encore non résolus, les progrès récents laissent espérer qu’il
sera possible, demain, aujourd’hui même, de la prendre en compte rigoureusement et
utilement, afin de proposer aux patients la prise en charge la mieux adaptée.
Dès lors, en termes de santé publique, comme en termes de santé mentale, il peut apparaître
primordial d’évaluer la qualité de vie. Reste à savoir quelles sont les exigences politico-
administratives et réglementaires, pour la prise en considération optimale de ce concept.
Par ailleurs, dans le cadre de notre politique de santé actuelle, se pose la question de savoir
si elle est compatible avec une morale médicale empreinte d’humanisme personnaliste, dans
laquelle la prise en compte de la qualité de vie de l’individu aurait une place de choix.
éditorial
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (18) n° 6, juin 2001
Éditorial
L
La qualité de vie :
Quelle qualité ?
Quelle vie ?
Patrick Martin*
* Hôpital Saint-Antoine, unité de
recherche, département de psychiatrie,
professeur Maurice Ferreri et AMC, Paris.
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