La Lettre du Cardiologue - n° 338 - novembre 2000
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depuis plus de six mois, cinq malades sont décédés d’insuffisance
cardiaque récidivante et quatre ont été secondairement trans-
plantés. Par ailleurs, les critères prédictifs de la récupération myo-
cardique d’une cardiomyopathie dilatée sont mal connus. La prise
en charge très étroite de ces patients, leur sevrage systématique
de toute consommation d’alcool ont peut-être constitué un biais
dans les résultats de l’étude. Toujours est-il qu’aujourd’hui, il
semble qu’il n’y ait pratiquement plus d’implantation de machine
d’assistance circulatoire dans ce type d’indication.
L’utilisation d’un dispositif d’assistance ventriculaire à titre défi-
nitif, ou en tout cas pour une très longue durée, constitue certai-
nement la définition la plus classique de l’alternative à la trans-
plantation. Plusieurs éléments plaident en sa faveur. Une plus
large utilisation des ventricules artificiels permettrait de s’af-
franchir au moins partiellement du problème lié à la pénurie de
greffon. Par ailleurs, la transplantation cardiaque en soi est une
thérapeutique dont on connaît les limites du fait des manifesta-
tions de rejet chronique et des imperfections liées aux complica-
tions induites par le traitement immunosuppresseur (5). Enfin,
l’expérience accumulée au cours des dix dernières années avec
les différents dispositifs d’assistance circulatoire permet d’ac-
corder aux plus puissants d’entre eux une fiabilité sinon remar-
quable, du moins prometteuse (6-7).
LE CAHIER DES CHARGES
Pour constituer une véritable alternative à la transplantation, l’as-
sistance circulatoire doit répondre à un certain nombre de critères
qui constituent ce que l’on pourrait appeler le cahier des charges
de l’assistance ventriculaire en alternative à la greffe. Ainsi, la mor-
talité opératoire devra rester dans des limites acceptables, et sur-
tout non supérieures à celles de la mortalité de la transplantation
faite à froid, soit entre 5 et 15 % (5). Les dispositifs artificiels
devront induire une morbidité faible : ils devront être le moins
sujets possible à complications infectieuses malgré le volume et la
masse de corps étranger qu’ils représentent d’une part, et, d’autre
part, en matière de risque thromboembolique et de traitement anti-
coagulant, être assimilables à la situation d’un patient appareillé
par deux prothèses valvulaires aortique et mitrale. Les caractéris-
tiques des dispositifs d’assistance doivent être compatibles avec
une autonomie complète du patient, permettant sa réintégration
dans la société : retour à domicile, voire reprise d’une activité pro-
fessionnelle (8). Le ou les ventricules artificiels devront donc être
totalement implantables, activés par une source d’énergie non
encombrante, portable, facilement renouvelable et transmissible
sans connexion transcutanée. Le moniteur de gestion miniaturisé
devra être implantable, tel un pacemaker, et ses paramètres devront
être modulables par télémétrie. On le voit, seuls des dispositifs
électriques uni- ou biventriculaires totalement implantables répon-
dent à ce cahier des charges. Enfin, pour tenir compte des réalités
financières, le coût du dispositif doit être raisonnable pour être, à
terme, inférieur à celui d’une transplantation.
L’ÉTAT ACTUEL DE L’ART
Les machines
Parmi les matériels d’assistance circulatoire disponibles aujour-
d’hui, très peu répondent aux exigences du cahier des charges pré-
cité (9). Nous éliminerons d’emblée les pompes rotatives, centri-
fuges ou à turbine dont la puissance limitée ne permet pas le plus
souvent d’assurer la suppléance totale du cœur ; la fragilité, l’usure,
l’hémolyse induite en limitent l’usage à quelques jours ou quelques
semaines. À l’exception de la turbine de De Bakey ou du Jarvik
2000, actuellement en évaluation en Europe, aucune de ces pompes
rotatives n’est implantable, et une connexion aux cavités car-
diaques par des canules transcutanées demeure indispensable.
Beaucoup plus puissants, les ventricules pneumatiques de type
Thoratec®ou Medos®(figure 1) sont susceptibles d’assurer une
suppléance cardiaque totale de durée prolongée, se comptant
néanmoins généralement en mois (9). Il s’agit là encore de dis-
positifs externes paracorporels, reliés aux cavités atriales ou ven-
triculaires et aux gros vaisseaux de la base par des canules tra-
versant la paroi abdominale. Par ailleurs, ces ventricules sont
dépendants d’une source d’énergie peu miniaturalisable, encore
encombrante et lourde, l’air comprimé. Il existe certes des
consoles dites “portables”, sur un caddie, mais leur autonomie ne
dépasse guère les 60 minutes. La réintégration du patient dans
son milieu socio-économique ne paraît pas raisonnablement envi-
sageable. Ces mêmes critiques s’appliquent au cœur artificiel total
implantable Jarvik-CardioWest®(10) qui ne dispose même pas
d’une console portative (figure 2).
Seuls les ventricules électriques implantables dans la paroi de
l’abdomen, comme le HeartMate TCI®et le Novacor®(figure 3),
répondent au moins en partie aux impératifs du cahier des charges.
Leur implantation intracorporelle, leur source d’énergie électrique
avec des batteries assurant une autonomie de quatre à six heures,
le caractère véritablement portable de ces batteries et du contrô-
leur, soit à la ceinture, soit dans un sac approprié, permettent une
excellente réhabilitation des patients qui en sont appareillés. Le
retour à domicile, la réinsertion sociale et, dans certains cas, la
reprise d’une certaine activité professionnelle sont possibles (11).
Les résultats
La mortalité opératoire varie entre 15 et 40 %. Elle est dépen-
dante du statut clinique au moment de l’implantation. Logique-
ment, une implantation en alternative à la transplantation se réa-
lisera dans des conditions optimisées, en dehors de l’urgence. On
peut alors estimer qu’une implantation programmée aurait une
mortalité inférieure à 10 %.
Avec une assistance univentriculaire gauche, notons que près de
75 % des patients quittent l’hôpital après 60 jours. Parmi eux,
80 % sont au stade 1, alors que seulement 46 % des malades res-
tés sous traitement médical auraient le même statut clinique. Un
travail récent confirme l’intérêt évident de ces dispositifs implan-
tables (12). Dew (13) a montré que la qualité de vie des patients
sous assistance qui ont quitté l’hôpital est similaire à celle des
patients transplantés et supérieure à celle des patients sous assis-
tance mais maintenus à l’hôpital, et même supérieure à celle des
patients sur liste d’attente à domicile. Les malades assistés à domi-
cile ou les transplantés cardiaques estiment donner significative-
ment moins de soucis à leur famille que ceux qui sont sur la liste
d’attente ou qui sont maintenus à l’hôpital sous assistance circu-
latoire. Néanmoins, ces dispositifs électriques restent encore
aujourd’hui dépendants d’une connexion transcutanée avec la
DOSSIER