FR FR
COMMISSION
EUROPÉENNE
Bruxelles, le 2.6.2016
COM(2016) 356 final
COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU
CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ
DES RÉGIONS
Un agenda européen pour l'économie collaborative
{SWD(2016) 184 final}
2
1. Introduction
L’économie collaborative crée des possibilités nouvelles pour les consommateurs et les
entrepreneurs. La Commission est d'avis que, pour autant qu'elle soit encouragée et
développée d'une manière responsable, l'économie collaborative est en mesure de contribuer
d'une manière importante à la croissance et à l’emploi au sein de l’Union européenne. Portés
par l’innovation, les nouveaux modèles économiques présentent un potentiel considérable
pour la compétitivité et la croissance. Le succès des plateformes collaboratives pose parfois
de multiples problèmes pour les opérateurs du marché en place et les pratiques existantes,
mais en permettant aux particuliers de proposer des services, ces plateformes encouragent
également de nouvelles possibilités d'emploi, des formules de travail souples et de nouvelles
sources de revenus. Les consommateurs, quant à eux, peuvent tirer parti de l’économie
collaborative sous la forme de nouveaux services, d'une offre élargie et de prix plus
abordables. Elle peut aussi promouvoir un partage plus important des actifs et une meilleure
utilisation des ressources, ce qui peut contribuer à la stratégie de développement durable de
l’UE et à la transition vers l’économie circulaire.
Dans le même temps, l’économie collaborative soulève souvent des questions sur
l’application des cadres juridiques existants, brouillant ainsi les limites entre consommateurs
et fournisseurs, salariés et travailleurs indépendants, ou encore entre fourniture
professionnelle et non professionnelle de services. Cela peut dès lors susciter une certaine
incertitude sur les règles applicables, en particulier lorsqu'elle s'accompagne d'une
fragmentation réglementaire découlant d’approches divergentes à cet égard au niveau national
ou local. Cette situation freine le veloppement de l’économie collaborative en Europe et
empêche ses avantages de se matérialiser pleinement. À cela s'ajoute le risque que les zones
grises réglementaires soient exploitées pour contourner les règles destinées à préserver
l’intérêt général.
De petite taille, l’économie collaborative croît cependant rapidement et gagne d'importantes
parts de marché dans certains secteurs. D'après les estimations, les plateformes et les
fournisseurs collaboratifs ont généré en 2015 28 milliards d’euros de recettes brutes dans
l'UE. Les recettes dans cinq secteurs clés de l'UE ont pratiquement doublé par rapport à
l’année précédente et devraient continuer à augmenter vigoureusement
1
. Forte depuis 2013, la
croissance s’est accélérée en 2015, les grandes plateformes ayant beaucoup investi pour
développer leurs activités européennes. Certains experts estiment que l’économie
collaborative pourrait injecter, à l'avenir, de 160 à 572 milliards d’euros dans l’économie de
l’UE. Ces marchés à croissance rapide, qui sont à conquérir, peuvent représenter des
débouchés considérables pour les nouvelles entreprises
2
. D'ailleurs, les consommateurs
manifestent un vif intérêt pour l'économie collaborative, comme le confirment une
consultation publique et un sondage Eurobaromètre
3
.
L'objectif de la présente communication est d'aider à tirer pleinement profit de ces bénéfices
et de répondre aux préoccupations exprimées sur l'incertitude entourant les droits et les
1
D'après les estimations, les plateformes collaboratives présentes dans cinq secteurs clés de l’économie collaborative ont
rapporté 3,6 milliards d’euros en 2015 dans l’UE: hébergement (location de courte durée); transport de personnes;
services de proximité; services professionnels et techniques et financement collaboratif. Les chiffres se fondent en
totalité sur les estimations produites par PwC Consulting dans le cadre d’une étude commandée par la Commission
européenne.
2
EPRS: «The cost of non-Europe in the Sharing Economy» (Le coût de la non-Europe dans l’économie du partage).
Janvier 2016.
3
Selon un sondage Eurobaromètre, 52 % des citoyens de l’Union ont connaissance des services offerts par l’économie
collaborative et 17 % les ont utilisés au moins une fois. Le document de travail ci-joint contient une présentation des
résultats du sondage Eurobaromètre et de la consultation publique menée entre septembre 2015 et janvier 2016.
3
obligations des acteurs de l’économie collaborative. Elle fournit des orientations juridiques et
stratégiques
4
aux autorités publiques, aux acteurs du marché et aux citoyens intéressés afin
d'assurer le développement équilibré et durable de l’économie collaborative, comme annoncé
dans la stratégie pour le marché unique
5
. Les présentes orientations non contraignantes sur les
modalités selon lesquelles il conviendrait d'appliquer le droit de l’Union en vigueur traitent
des problèmes clés auxquels les acteurs du marché comme les pouvoirs publics sont
confrontés
6
. Elles sont sans préjudice des initiatives que la Commission pourrait prendre à
l’avenir dans ce domaine et des prérogatives de la Cour concernant l’interprétation du droit de
l’Union.
Qu’est-ce que l’économie collaborative?
Aux fins de la présente communication, le terme «économie collaborative»7 désigne des
modèles économiques des plateformes collaboratives qui créent un marché ouvert pour
l’utilisation temporaire de biens et de services souvent produits ou fournis par des personnes
privées facilitent des activités. L'économie collaborative fait intervenir trois catégories
d'acteurs: i) des prestataires de services, qui partagent des actifs, des ressources, du temps
et/ou des compétences il peut s'agir de personnes privées qui proposent des services sur
une base occasionnelle («pairs») ou des prestataires de services qui interviennent à titre
professionnel («prestataires de services professionnels»); ii) des utilisateurs de ces services;
et iii) les intermédiaires qui mettent en relation via une plateforme en ligne les
prestataires et les utilisateurs et qui facilitent les transactions entre eux («plateformes
collaboratives»). Les transactions réalisées dans le cadre de l'économie collaborative
n’entraînent généralement pas de transfert de propriété et peuvent avoir un caractère lucratif
ou non lucratif. 8
2. Questions clés
2.1. Exigences à satisfaire pour accéder au marché
De même qu'elles élargissent des marchés existants et qu'elles en créent de nouveaux, les
entreprises de l’économie collaborative s’implantent dans des marchés desservis jusqu’alors
par des prestataires de services traditionnels. Une des questions clés tant pour les autorités que
pour les opérateurs du marché est de déterminer, si et dans quelle mesure, les plateformes
collaboratives et les prestataires de services peuvent, en vertu du droit de l'Union existant, être
tenus de respecter certaines exigences pour pouvoir accéder au marché. Ces exigences
comprennent, entre autres, des autorisations d'établissement, des obligations en matière de
4
Les questions liées aux activités de financement participatif [abordées dans la communication COM(2014) 172 de la
Commission] et aux services fournis par des plateformes d’apprentissage ne sont pas traitées dans la présente
communication.
5
COM(2015) 550.
6
Les orientations contenues dans la présente communication se concentrent sur les activités économiques. Dans le cadre
de l'économie collaborative, les services peuvent être proposés gratuitement, sur la base d’un partage des coûts, ou
contre rémunération. De nombreux États membres considèrent que des activités fondées exclusivement sur un partage
des coûts ou des transactions qui mettent des services à disposition dans le cadre d’un échange ne font pas intervenir de
rémunération. Seules les activités rémunérées constituent une activité économique en vertu du droit de l’Union. Voir
l’affaire C-281/06, Jundt, Recueil 2007, p. I-12231, points 32 et 33. Il importe de noter que même si la transaction entre
un prestataire de services et un utilisateur ne constitue pas une activité économique, la relation de chacun d'eux avec la
plate-forme collaborative pourrait bien en constituer une. Chaque relation (plateforme-utilisateur; plateforme-prestataire
de services; prestataire de services-utilisateur) doit faire l'objet d'une évaluation distincte.
7
Les expressions «économie collaborative» et «économie du partage» sont souvent interchangeables. L'économie
collaborative est un phénomène qui évolue rapidement et sa définition est susceptible d’évoluer en conséquence.
8
Dans le cadre de l'économie collaborative, les services peuvent s'accompagner d'un transfert de droits de propriété
intellectuelle.
4
licence, ou des exigences standard en termes de qualité minimale (par exemple, taille des
pièces ou type de voitures, obligations relatives aux assurances ou aux dépôts, etc.). En vertu
du droit de l’Union, ces exigences doivent être justifiées et proportionnées, elles doivent
prendre en considération les spécificités du modèle économique et des services innovants
concernés, sans favoriser un modèle par rapport à un autre.
Prestation de services par des professionnels
Les approches glementaires adoptées au niveau national diffèrent selon les secteurs,
certaines étant plus restrictives que d’autres. En fonction du type de service, une intervention
réglementaire est généralement motivée par divers objectifs d’intérêt général: protéger les
touristes; garantir la sécurité publique; lutter contre l’évasion fiscale; garantir des conditions
de concurrence équitables; protéger la santé publique et la sécurité alimentaire; remédier à la
pénurie de logements à des prix abordables pour les citoyens, etc. Dans certains États
membres, des interventions réglementaires ciblées viennent s'ajouter à la réglementation
sectorielle existante, favorisées par l’arrivée sur le marché des opérateurs de l’économie
collaborative.
En vertu du droit de l’UE, en particulier des libertés fondamentales du traité et de la directive
«services»
9
, les prestataires de services ne peuvent être soumis à des exigences en matière
d'accès au marché ou autres, telles que des régimes d’autorisation et des exigences en matière
de licence, sauf si celles-ci sont non discriminatoires, nécessaires pour atteindre un objectif
d’intérêt général
10
clairement identifié, et proportionnées à la réalisation de cet objectif (c’est-
à-dire en n'imposant pas davantage d'exigences que ce qui est strictement nécessaire)
11
. Cela
vaut également pour la réglementation des professions
12
.
La directive sur les services impose aux autorités nationales de réexaminer la législation
nationale existante afin de garantir que les exigences en matière d'accès au marché restent
justifiées par un objectif légitime. Ces exigences doivent également être nécessaires et
proportionnées. Comme le souligne la Commission dans son examen annuel de la
croissance 2016
13
, une réglementation plus flexible des marchés des services conduirait à une
productivité plus élevée et pourrait faciliter l'entrée sur le marché de nouveaux acteurs,
réduire le prix des services et garantir un choix plus vaste pour les consommateurs.
L’émergence de l’économie collaborative et l’apparition sur le marché de nouveaux modèles
économiques représentent une chance à saisir pour les décideurs politiques et les législateurs
dans les États membres. Ceux-ci peuvent vérifier si les objectifs poursuivis par la législation
en vigueur restent valables, en ce qui concerne tant l’économie collaborative que les
prestataires de services traditionnels.
Lorsqu'elles réévaluent la justification et la proportionnalité de la législation applicable à
l’économie collaborative, les autorités nationales devraient généralement tenir compte des
spécificités des modèles économiques de l’économie collaborative et des outils qu’elles
pourraient mettre en place pour répondre aux préoccupations d'ordre public, en lien par
9
Voir les articles 9 et 16 de la directive 2006/123/CE (directive «services»), ainsi que les articles 49 et 56 du traité sur le
fonctionnement de l'Union européenne.
10
L'article 4, paragraphe 8, de la directive «services» dresse une liste des raisons impérieuses d’intérêt général.
11
La notion d'«autorisation» est définie au considérant 39 et à l'article 4, paragraphe 6, de la directive «services».
12
Voir l’article 59 de la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Les
questions de la proportionnalité et de la nécessité de réglementations nationales dans le domaine des professions
réglementées seront examinées dans deux prochaines initiatives de la Commission (orientations relatives aux besoins de
réformes en matière de professions réglementées et test de proportionnalité dans le cas des professions réglementées).
13
COM(2015) 690 final du 26.11.2015, communication sur l’examen annuel de la croissance 2016: Consolider la reprise
et renforcer la convergence.
5
exemple avec les questions d’accès, de qualité ou de sécurité. Par exemple, des systèmes de
classement ou de putation ou d'autres mécanismes destinés à décourager les comportements
préjudiciables des acteurs du marché peuvent, dans certains cas, diminuer les risques encourus
par les consommateurs du fait de l’asymétrie d'information. Cela peut contribuer à augmenter
la qualité des services et à réduire potentiellement la nécessité de certains éléments
réglementaires, pour autant que l'on puisse faire suffisamment confiance à la qualité des
évaluations et des classements.
Des interdictions absolues et des restrictions quantitatives d'une activité constituent
normalement une mesure de dernier recours. En gle générale, elles ne devraient être
appliquées que lorsqu'il n'est pas possible d'atteindre un objectif légitime d’intérêt général par
d'autres exigences moins restrictives. Par exemple, l’interdiction de la location de courte
durée d'appartements semble généralement difficile à justifier lorsque la location de courte
durée de biens immobiliers peut, par exemple, être limitée à un nombre maximal de jours par
an. Les particuliers peuvent ainsi partager leurs propriétés immobilières à titre occasionnel
sans les soustraire au marché de la location de longue durée.
En outre, lorsqu'il est légitimement exigé des prestataires de services qu'ils obtiennent des
autorisations en vertu du droit national, les États membres doivent veiller à ce que les
conditions pour les obtenir soient, entre autres, claires, proportionnées et objectives et que les
autorisations soient en principe accordées pour une période illimitée
14
. En outre, les
procédures et formalités administratives concernées doivent également être claires,
transparentes et ne pas être indûment compliquées, cependant que leurs coûts pour les
prestataires doivent être raisonnables et proportionnés au coût de la procédure en question et
que les procédures doivent être aussi rapides que possible et faire l'objet d'une approbation
tacite
15
. L'utilisation des bonnes pratiques et des principes de l'administration en ligne peut
diminuer sensiblement le coût et les charges de mise en conformité des prestataires de
services
16
.
Prestation de services de pair à pair
Dans le contexte de l’économie collaborative, le fait que les services soient proposés par des
prestataires professionnels ou par des particuliers sur une base occasionnelle constitue un
élément important pour évaluer s'il est nécessaire, justifié et proportionné d'imposer aux
acteurs concernés une exigence pour pouvoir accéder au marché. De fait, l’économie
collaborative est caractérisée par le fait que les prestataires de services sont souvent des
particuliers proposant des biens ou des services à titre occasionnel entre pairs. Dans le même
temps, les micro-entrepreneurs et les petites entreprises sont de plus en plus nombreux à
utiliser les plateformes collaboratives.
La législation de l’Union ne définit pas expressément à quel stade un pair devient un
prestataire de services professionnels dans le cadre de l’économie collaborative
17
. Les États
membres utilisent des critères différents pour distinguer les services professionnels des
14
Voir les articles 10 et 11, de la directive «services».
15
Voir l'article 13 de la directive «services».
16
COM(2016) 179 final du 19.4.2016, Communication sur le Plan d’action européen 2016-2020 pour l’administration en
ligne. Accélérer la mutation numérique de l’administration publique.
17
La directive «services», par exemple, définit les prestataires de services comme toute personne physique ou morale qui
offre toute activité économique non salariée, exercée normalement contre rémunération (voir l’article 4, paragraphe 2).
Autrement dit, toute activité économique pourrait être couverte par les dispositions de cette directive, indépendamment
de la périodicité à laquelle elle est offerte et sans exiger que le prestataire agisse nécessairement à titre «professionnel».
En outre, l’acquis communautaire sur la protection des consommateurs définit le «professionnel» comme toute personne
qui agit à des fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale (voir la
section 2.3).
1 / 18 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !