normes de qualité, de service après-vente… Que l’on soit vendeur ou acheteur, prestataire ou usager, on a pourtant
besoin de s’accorder sur un niveau de qualité, de se rassurer sur le degré de fiabilité de son interlocuteur et de faire
confiance à l’autre. Toutes les grandes plateformes de consommation collaborative ont bien compris cet enjeu et font
beaucoup d’efforts pour garantir la qualité des services (assurances, transactions sécurisées, service après-vente,
accompagnement et professionnalisation des individus) et construire la confiance entre leurs
consommateurs/producteurs par des systèmes de réputation et d’identité en ligne (systèmes de notation propres à
chaque plateforme, ou systèmes transversaux comme TrustCloud ou Traity). Pour une collectivité locale, il pourrait être
intéressant de se pencher sur une déclinaison territorialisée de plateformes de réputation ou d’identité numérique, sur
des dispositifs de formation ou de professionnalisation des habitants, ou sur une logique de labellisation de services
collaboratifs locaux.
L’enjeu de l’ancrage territorial
Développer l’économie collaborative sur un territoire, cela va de pair avec la diffusion d’une culture du partage et de
nouveaux rapports de confiance entre les individus, mais aussi avec la capacitation de chacun et le renforcement de
l’esprit entrepreneurial. Chaque habitant, à son échelle, peut ainsi créer de la valeur en mettant en vente des objets
d’occasion sur Leboncoin.fr ou en proposant un trajet en covoiturage… Pour aller dans ce sens, Anne-Sophie Novel,
dans : mode d’emploi, propose des conseils concrets pour aider les novices à entrer dans l’ère de
La Vie share
l’économie collaborative.
Cependant, développer les pratiques ne suffit pas pour en tirer tous les bénéfices, encore faut-il ancrer localement les
richesses ainsi créées, générer des emplois ou sécuriser ceux qui travaillent dans cette économie collaborative. Les
risques sont que la valeur produite échappe en partie au territoire et soit captée par les plateformes globales, que les
communautés ne s’identifient pas au territoire et que les nouveaux emplois soient précaires. C’est pourquoi une
collectivité locale devrait notamment s’interroger sur la manière de réguler l’activité locale des grandes plateformes
globales de mise en relation (type Airbnb, BlaBlaCar, Uber, Ouicar), sur l’opportunité de développer des plateformes de
ce type à l’échelle territoriale pour que la valeur soit réinvestie localement, sur la possibilité de dynamiser un écosystème
entrepreneurial local autour de ces pratiques collaboratives pour renforcer la diversité des offres de la ville servicielle,
etc. Le projet CoCoTe (Consommation collaborative en territoires) du conseil général de la Loire avec l’association
Zoomacom est intéressant dans cette perspective, car il vise à développer des dispositifs de consommation collaborative
au service des territoires, à partir d’un diagnostic local et d’une bonne articulation entre des plateformes globales et des
projets qui émergent des communautés locales, dans une logique de biens communs. En Bretagne, l’association
Collporterre oeuvre dans une logique similaire pour accompagner les démarches collaboratives sur les territoires.
L’enjeu de l’équité
Il s’agit de permettre à tous habitants du territoire de participer à ces pratiques de partage et de collaboration, en évitant
de créer de nouvelles segmentations de la société. Segmentation par le haut en mobilisant uniquement ceux qui sont
équipés de smartphones, qui sont adeptes de la consommation « responsable » et qui contribuent spontanément à la vie
de la cité. Segmentation par le bas en valorisant ces services collaboratifs comme des offres « au rabais » ciblant les
personnes qui sont exclues de l’économie traditionnelle et de la société de consommation. En soutenant des pratiques
de consommation collaborative sur son territoire, une collectivité territoriale risque de susciter des effets rebonds, où les
gains de pouvoir d’achat obtenus sont aussitôt redépensés dans une logique d’hyperconsommation… Le deuxième
risque est d’attendre que ces services entre pairs se substituent aux mécanismes classiques de la solidarité locale, voire
à certains services publics. On pourrait aller jusqu’à un désengagement des acteurs publics qui compteraient sur les
communautés d’habitants pour se prendre en charge elles-mêmes, avec toutes les dérives possibles de la big society
britannique. Afin d’assurer un développement équitable et responsable de l’économie collaborative sur son territoire, un
engagement politique de la collectivité est certainement nécessaire. À ce propos, la ville de Séoul est souvent citée
comme exemple, tant le projet Sharing City est ambitieux et concerne de très nombreuses facettes de la vie quotidienne
locale. Mais sans aller jusqu’à un tel niveau d’engagement des pouvoirs publics, la collectivité se doit de jouer un rôle de
régulation (comme la municipalité d’Amsterdam, qui a mené une négociation très proactive avec Airbnb pour obtenir un
accord gagnant-gagnant autour du logement), voire d’intervention, comme le Grand Lyon, qui a choisi de développer sa
propre plateforme de covoiturage afin d’en maîtriser les effets et de contribuer à atteindre les objectifs de son Plan de
déplacement urbain.