LE SOMMEIL DANS TOUS SES ÉTATS Samedi 4 février 2012 Conférence du Dr Patrice Dunaigre, Pédopsychiatre, Directeur de l’Hôpital de jour du Relais jeunes de Sèvres, Attaché au service hospitalo-universitaire du Professeur Krebs à l’Hôpital Sainte-Anne Membre du Réseau Morphée pour la prise en charge des troubles chroniques du sommeil. « Sur le sommeil, indique d’entrée de jeu le Dr Dunaigre, on ne sait pas encore grand chose ». C’est un sujet un peu obscur, qui a donné lieu à différentes perceptions selon les cultures. Associé au monde de la nuit, de la non vigilance, il a souvent été considéré de façon équivoque, comme un signe de faiblesse, renvoyant au vice ou à la paresse. On dit volontiers « Dans la vie, il ne faut pas s’endormir » Pour les parents, la question du sommeil se pose dès l’enfance, elle est une expérience où leur attention, et leur inquiétude, rejoint celle qu’ils portent, par exemple, à l’alimentation de leur enfant. Sa place et sa représentation dans la relation intrafamiliale restent éminemment subjectives. Les adolescents en particulier affichent une certaine désinvolture à l’égard du sommeil. Ne pas dormir, c’est être grand, devenir autonome. L’adolescence est aussi une façon particulière d’investir le monde de la nuit. Pour les jeunes engagés dans un parcours exigeant et soumis aux pressions de la performance, le sommeil peut être considéré comme une perte de temps : dans leur recherche d’efficacité, ils ont tendance à rogner sur leur temps de sommeil, ne s’autorisent pas à dormir. Il est donc important de leur décrire la physiologie du sommeil, d’en préciser le fonctionnement, afin de les aider à comprendre la contribution essentielle du sommeil à l’équilibre de l’organisme. Pourquoi dort-on ? Le sommeil est un état de conscience de l’organisme, il a ses modalités propres : le cerveau continue de fonctionner, ainsi que le métabolisme : les organes sécrètent des hormones, telles que l’hormone de croissance ou l’insuline, qui sont nécessaires à l’entretien du corps. Nous y consacrons un tiers de notre vie : ce n’est pas du temps perdu, bien au contraire, c’est une façon de gagner du temps, d’assurer l’équilibre homéostatique, sans lequel nous nous exposons à des difficultés physiques et psychiques. C’est un temps intégré dans le fonctionnement du corps humain. Une des fonctions essentielles du sommeil est la synchronisation des expériences vécues pendant la journée, leur intégration dans l’expérience singulière de chacun. Le sommeil à ses rythmes propres, qui ne ressemblent pas à ceux de l’état de veille : on distingue les stades 1 et 2 de sommeil lent et de sommeil léger, les phases 3 et 4 de sommeil profond, et la phase 5 du sommeil paradoxal. Ces phases ne sont pas chronologiques, elles peuvent se mélanger, alterner. Elles forment un cycle assurant des fonctions métaboliques essentielles, telle que la régulation des lipides et des glucides, ou la sécrétion de l’insuline et de l’hormone de croissance. La phase de sommeil paradoxal, où l’on rêve, joue un rôle primordial dans le rééquilibrage du système nerveux et la mémorisation des informations acquises pendant la journée. Le dérèglement de ces fonctions peut entrainer des troubles. Un sommeil de mauvaise qualité se traduira par une augmentation des sécrétions de cortisol(1), l’hormone du stress, donc par plus d’anxiété, ainsi que par une sécrétion moindre d’insuline entrainant l’apparition d’un diabète. Pour le Dr Dunaigre, le sommeil est un écosystème et un « échosystème », qui entre en résonance avec certains événements de l’état de veille : on prépare son sommeil dès le lever. Il est en lien avec la vigilance, l’apprentissage, l’efficience intellectuelle : ainsi, un enfant qui réussit à maitriser les stratégies d’apprentissage pendant la journée dormira-t-il mieux le soir. Il est important de respecter les rythmes biologiques, d’être attentif aux signaux « donneurs ou voleurs de sommeil » : la luminosité par exemple, facteur négligé car on ne mesure pas assez l’effet des écrans (TV, jeux vidéo, téléphones portables), qui exposent l’homéostasie(2) interne à des réactions empêchant l’endormissement. De même, il faut réduire le niveau sonore, surveiller son alimentation, l’hyperstimulation de certaines fonctions empêchant la sécrétion d’hormones pendant le sommeil. L’abus d’excitants (café, thé, Coca Cola, Red Bull, cigarettes, cannabis), augmente l’anxiété et retentit sur le sommeil en le morcelant. Enfin, les activités extrascolaires, notamment sportives, pour utiles et nécessaires, ne devraient pas être pratiquées le soir. Mme Isabelle Martin-Pascual, infirmière au Lycée Saint-Louis, complète l’exposé du Dr Dunaigre en décrivant brièvement la conférence organisée le mercredi 1er février pour les étudiants par le service de santé du lycée, avec le Docteur Olympe Veron, Chef de Clinique assistant au Centre du sommeil de l’Hôtel-Dieu. Cette conférence avait été suivie d’exercices pratiques dirigés par Madame Caroline Rome, sophrologue qui avaient été appréciés par les élèves. A la suite de ces deux présentations, les parents ont posé quelques questions, portant notamment sur les variations individuelles des besoins de sommeil, le rapport entre le déficit de sommeil et les maux de tête, le recours aux médecines alternatives telles que la phytothérapie, l’homéopathie ou l’acupuncture, le retard à l’endormissement et les interruptions de sommeil, la récupération du manque de sommeil et l’usage de la sieste, et enfin le moyen de rendre le sommeil plus attractif pour les jeunes et de les inciter à participer à la prise en charge des troubles du sommeil. (1) Le cortisol (ou hydro-cortisone) est une hormone stéroïde (corticostéroïde) secrétée par le cortex (la partie externe) de la glande surrénale à partir du cholestérol, sous la dépendance de l'ACTH hypophysaire. Ses fonctions ou actions principales sont : - l'augmentation de la glycémie par le biais de la néoglucogenèse ; - l'inhibition de certaines réponses du système immunitaire ; - la régulation du métabolisme des graisses, protéines et glucides ; - régulation du cycles circadiens (en complément de la mélatonine) (2) l'homéostasie (du grec ὅμοιος, homoios, « similaire » et ἵστημι, histēmi, « immobile ») est la capacité que peut avoir un système quelconque (ouvert ou fermé) à conserver son équilibre de fonctionnement en dépit des contraintes qui lui sont extérieures