CHIRURGIE THORACIQUE ET CARDIO-VASCULAIRE - 2013 ; 17(4) : 201-206 205
c h i r u rg i e c a r d i a q u e
dossier thématique valve aortique
normalisent leur FE, car la dysfonction VG était la consé-
quence d’une postcharge élevée uniquement.
À l’opposé, un gradient aortique moyen effondré constitue un
facteur de risque opératoire déterminant. En effet, lorsque le
gradient aortique moyen est ≤ 20 mmHg, le risque de décès
opératoire est multiplié par 5 avec un taux de mortalité qui
peut atteindre 40 % [15]. Le pronostic opératoire dépend éga-
lement d’éventuelles lésions coronaires associées [8], mais
surtout en cas d’antécédents d’infarctus du myocarde. David
[16] a rapporté un taux de mortalité opératoire de 45 % en
cas d’infarctus du myocarde préalable vs 3 % en son absence.
La réserve contractile (RC) ventriculaire gauche est un fac-
teur déterminant du risque opératoire. Selon l’étude mul-
ticentrique française publiée par Tribouilloy en 2009 [17],
la mortalité opératoire était de 5 % en présence d’une RC
contre 32 % en son absence. Ces données étaient confir-
mées par une autre étude multicentrique européenne [18].
La recherche d’une RC est particulièrement recommandée
lorsque le gradient aortique moyen est faible associé à un bas
débit cardiaque mais son absence ne doit pas constituer une
contre-indication à la chirurgie [19,20]. Elle permet d’abord
d’éliminer une autre cause de dysfonction VG à savoir la car-
diomyopathie dilatée. Chez les patients avec RC positive, les
résultats de la chirurgie sont excellents et c’est ce groupe qui
bénéficie le plus du RVAo. Cependant, chez les patients avec
RC négative, certes le RVAo est à haut risque avec une mor-
talité élevée, mais il reste meilleur qu’un traitement médical
seul, surtout dans notre pays ou la transplantation cardiaque
fait défaut [21-23].
Dans notre série, la mortalité hospitalière était de 11,1 %
dans le groupe BG et de 13,6 % dans le groupe HG, résultats
en parfait accord avec la littérature [1,14,18,24]. Borowski [25]
a rapporté un taux de mortalité presque identique entre les
2 groupes : 7 % dans le groupe BG et 6 % dans le groupe
HG. Les patients du groupe HG étaient plus symptomatiques
que ceux du groupe BG (72,7 % vs 55,5 % de classe III-IV
de la NYHA) et ce paramètre est retenu par diverses études
comme prédictif de mauvais pronostic opératoire [24,26].
Ceci explique en partie la mortalité un peu élevée dans ce
groupe en comparaison avec le groupe BG. Notre étude vient
conforter également les résultats publiés documentant une
amélioration de la fonction systolique dans les 2 groupes
[24,27,28]. D’après certaines études, la récupération de la fonc-
tion systolique de VG lorsqu’elle existe se manifeste dans les
10 premiers jours postopératoires [24,29]. D’autres auteurs
ont constaté que certains patients peuvent normaliser leur
fonction VG durant la première semaine, et chez d’autres pa-
tients, cette récupération met un peu de temps et peut durer
6 à 18 mois [30,31]. Des études plus approfondies ont montré
que les patients qui arrivent à normaliser leur FE étaient ceux
qui avaient récupéré > 10 unités de la FE dans les 8 à 10 jours
qui suivent le remplacement valvulaire aortique [24,28,32].
Kühl [33] a trouvé que les patients qui avaient un RAo sévère
mais aussi très serré avaient récupéré une FE plus correcte
que ceux qui avaient un RAo sévère mais moins serré. Ceci
était constaté également dans notre série. En effet, les patients
du groupe BG avaient une surface aortique moyenne très ser-
rée par rapport à ceux du groupe HG, mais ils avaient récu-
péré 17,8 unités sur leur FE initiale alors que les patients du
groupe HG ont récupéré 16,4 unités seulement. L’impact du
remplacement valvulaire était également indiscutable sur le
plan clinique, ce qui va dans le même sens que ce qui est
publié dans la littérature.
4.1. Limites de l’étude
• Il s’agit d’une étude rétrospective avec un faible effectif de
patients.
• Nos patients étaient relativement jeunes avec moins de
comorbidités associées en comparaison avec les séries des
pays occidentaux ; les patients ayant des antécédents d’in-
farctus du myocarde ont été exclus. Ces données doivent
être prises en compte dans l’interprétation des résultats de
notre série.
5. CONCLUSION
Les patients porteurs d’un RAo sévère avec dysfonction VG et
faible gradient transvalvulaire moyen bénéficient d’un rem-
placement valvulaire aortique au prix d’un risque opératoire
comparable à celui des patients conservant un gradient moyen
élevé. La stratification du risque opératoire doit tenir compte
des autres critères et comorbidités associées.
n
Tableau 4. Résultats après contrôle.
Variables BG (n = 18) HG (n = 22)
Préop (n = 18) Postop (n = 12) p Préop (n = 22) Postop (n = 12) p
NYHA 2,72 ± 0,82 1,42 ± 0,51 0,002 3,14 ± 0,64 1,33 ± 0,49 0,000
RCT 0,57 ± 0,03 0,51 ± 0,04 0,018 0,6 ± 0,06 0,52 ± 0,04 0,029
DTS VG (mm) 53 ± 8,6 36 ± 11 0,017 47,6 ± 9,1 40,2 ± 8,9 0,015
DTD VG (mm) 65 ± 8,7 52,8 ± 8,1 0,004 62,2 ± 9,1 54 ± 9,7 0,021
FR (%) 16,3 ± 5,8 27,2 ± 7,1 0,058 18,7 ± 3,9 26,1 ± 5,8 0,012
FE (%) 30,8 ± 8,9 48,6 ± 17 0,032 33,2 ± 7,2 49,6 ± 12,4 0,002
Délai de contrôle 9 (2-24) 24 (12-60) 0,7
DTS : diamètre télésystolique ; DTD : diamètre télédiastolique ; FR : fraction de raccourcissement ; FE : fraction d’éjection.