http://portaildoc.univ-lyon1.fr Creative commons : Paternité - Pas d’Utilisation Commerciale Pas de Modification 2.0 France (CC BY-NC-ND 2.0) http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) UNIVERSITE CLAUDE BERNARD LYON-1 FACULTE DE MEDECINE LYON EST Année 2015 Thèse n°110 LE MÉDECIN GÉNÉRALISTE FACE AU REFUS DE SOIN DU SUJET ÂGÉ Étude qualitative à partir de 14 entretiens semi-dirigés Thèse Présentée à l’Université Claude Bernard-Lyon 1 et soutenue publiquement le 11 juin 2015 pour obtenir le grade de Docteur en Médecine par RADREAU Sophie Née le 2 septembre 1984 à Saint-Rémy (71) RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) UNIVERSITE CLAUDE BERNARD – LYON 1 . Président de l'Université́ François-Noël GILLY . Président du Comité de Coordination François-Noël GILLY des Etudes Médicales . Secrétaire Général Alain HELLEU SECTEUR SANTE UFR DE MEDECINE LYON EST Doyen : Jérôme ETIENNE UFR DE MEDECINE LYON SUD Doyen : Carole BURILLON - CHARLES MERIEUX INSTITUT DES SCIENCES PHARMACEUTIQUES Directrice: Christine VINCIGUERRA ET BIOLOGIQUES (ISPB) UFR D'ODONTOLOGIE Directeur : Denis BOURGEOIS INSTITUT DES SCIENCES ET TECHNIQUES DE Directeur : Yves MATILLON READAPTATION DEPARTEMENT DE FORMATION ET CENTRE Directeur : Pierre FARGE DE RECHERCHE EN BIOLOGIE HUMAINE SECTEUR SCIENCES ET TECHNOLOGIES UFR DE SCIENCES ET TECHNOLOGIES Directeur : Fabien de MARCHI UFR DE SCIENCES ET TECHNIQUES DES ACTIVITES PHYSIQUES ET SPORTIVES (STAPS) Directeur : Claude COLLIGNON POLYTECH LYON Directeur : Pascal FOURNIER I.U.T. Directeur : Christian COULET INSTITUT DES SCIENCES FINANCIERES ET ASSURANCES (ISFA) Directeur : Véronique MAUME-DESCHAMPS I.U.F.M. Directeur : Régis BERNARD CPE Directeur : Gérard PIGNAULT RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Faculté de Médecine Lyon Est Liste des enseignants 2014/2015 Professeurs des Universités – Praticiens Hospitaliers Classe exceptionnelle Echelon 2 Cochat Cordier Etienne Gouillat Guérin Pierre Jean-François Jérôme Christian Jean-François Mauguière Ninet François Jacques Peyramond Philip Raudrant Rudigoz Dominique Thierry Daniel René-Charles Pédiatrie Pneumologie ; addictologie Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Chirurgie digestive Biologie et médecine du développement et de la reproduction ; gynécologie médicale Neurologie Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement ; médecine générale ; addictologie Maladie infectieuses ; maladies tropicales Cancérologie ; radiothérapie Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Professeurs des Universités – Praticiens Hospitaliers Classe exceptionnelle Echelon 1 Baverel Blay Borson-Chazot Gabriel Jean-Yves Françoise Denis Finet Guérin Lehot Lermusiaux Martin Mellier Michallet Miossec Morel Mornex Neyret Ninet Ovize Ponchon Pugeat Philippe Gérard Claude Jean-Jacques Patrick Xavier Georges Mauricette Pierre Yves Jean-François Philippe Jean Michel Thierry Michel Revel Rivoire Thivolet-Bejui Vandenesch Zoulim Didier Michel Françoise François Fabien Physiologie Cancérologie ; radiothérapie Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques ; gynécologie médicale Ophtalmologie Cardiologie Réanimation ; médecine d’urgence Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Chirurgie thoracique et cardiovasculaire Urologie Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Hématologie ; transfusion Immunologie Biochimie et biologie moléculaire Pneumologie ; addictologie Chirurgie orthopédique et traumatologique Chirurgie thoracique et cardiovasculaire Physiologie Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques ; gynécologie médicale Radiologie et imagerie médicale Cancérologie ; radiothérapie Anatomie et cytologie pathologiques Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Professeurs des Universités – Praticiens Hospitaliers Première classe André-Fouet Barth Berthezene Bertrand Beziat Boillot Braye Xavier Xavier Yves Yves Jean-Luc Olivier Fabienne Breton Chassard Chevalier Claris Colin Colombel Cottin D’Amato Delahaye Di Fillipo Disant Douek Ducerf Dumontet Durieu Pierre Dominique Philippe Olivier Cyrille Marc Vincent Thierry François Sylvie François Philippe Christian Charles Isabelle Edery Fauvel Gaucherand Guenot Gueyffier Charles Patrick Jean-Pierre Pascal Marc François Guibaud Herzberg Honnorat Lachaux Lina Lina Mabrut Mertens Mion Morelon Moulin Négrier Négrier Nicolino Nighoghossian Obadia Picot Rode Rousson Roy Laurent Guillaume Jérôme Alain Bruno Gérard Jean-Yves Patrick François Emmanuel Philippe Claude Marie-Sylvie Marc Norbert Jean-François Stéphane Gilles Robert-Marc Pascal Ruffion Ryvlin Scheiber Alain Philippe Christian Cardiologie Chirurgie générale Radiologie et imagerie médicale Pédiatrie Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie Chirurgie digestive Chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique ; brûlologie Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Cardiologie Pédiatrie Epidémiologie, économie de la santé et prévention Urologie Pneumologie ; addictologie Psychiatrie d’adultes ; addictologie Cardiologie Cardiologie Oto-rhino-laryngologie Radiologie et imagerie médicale Chirurgie digestive Hématologie ; transfusion Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement ; médecine générale ; addictologie Génétique Thérapeutique ; médecine d’urgence ; addictologie Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Neurochirurgie Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie clinique ; addictologie Radiologie et imagerie médicale Chirurgie orthopédique et traumatologique Neurologie Pédiatrie Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Chirurgie générale Anatomie Physiologie Néphrologie Nutrition Hématologie ; transfusion Cancérologie ; radiothérapie Pédiatrie Neurologie Chirurgie thoracique et cardiovasculaire Parasitologie et mycologie Médecine physique et de réadaptation Biochimie et biologie moléculaire Biostatistiques, informatique médicale et technologies de communication Urologie Neurologie Biophysique et médecine nucléaire RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Schott-Pethelaz Terra Tilikete Touraine Truy Turjman Vallée Vanhems Anne-Marie Jean-Louis Caroline Jean-Louis Eric Francis Bernard Philippe Epidémiologie, économie de la santé et prévention Psychiatrie d’adultes ; addictologie Physiologie Néphrologie Oto-rhino-laryngologie Radiologie et imagerie médicale Anatomie Epidémiologie, économie de la santé et prévention Professeurs des Universités – Praticiens Hospitaliers Seconde Classe Allaouchiche Argaud Aubrun Badet Bessereau Boussel Calender Charbotel Chapurlat Cotton Dalle Dargaud Devouassoux Dubernard Dumortier Fanton Faure Fellahi Ferry Fourneret Gillet Girard Gleizal Guyen Henaine Hot Huissoud Bernard Laurent Frédéric Lionel Jean-Louis Loïc Alain Barbara Roland François Stéphane Yesim Mojgan Gil Jérome Laurent Michel Jean-Luc Tristan Pierre Yves Nicolas Arnaud Olivier Roland Arnaud Cyril Jacquin-Courtois Sophie Janier Javouhey Juillard Jullien Kodjikian Krolak Salmon Marc Etienne Laurent Denis Laurent Pierre Lejeune Hervé Merle Michel Monneuse Mure Nataf Pignat Poncet Philippe Philippe Olivier Pierre-Yves Serge Jean-Christian Gilles Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Réanimation ; médecine d’urgence Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Urologie Biologie cellulaire Radiologie et imagerie médicale Génétique Médecine et santé au travail Rhumatologie Radiologie et imagerie médicale Dermato-vénéréologie Hématologie ; transfusion Anatomie et cytologie pathologiques Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie Médecine légale Dermato-vénéréologie Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Maladie infectieuses ; maladies tropicales Pédopsychiatrie ; addictologie Pédiatrie Pneumologie Chirurgie maxillo-faciale et stomatologie Chirurgie orthopédique et traumatologique Chirurgie thoracique et cardiovasculaire Médecine interne Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Médecine physique et de réadaptation Biophysique et médecine nucléaire Pédiatrie Néphrologie Dermato-vénéréologie Ophtalmologie Médecine interne ; gériatrie et biologie du vieillissement ; médecine générale ; addictologie Biologie et médecine du développement et de la reproduction ; gynécologie médicale Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie Epidémiologie, économie de la santé et prévention Chirurgie générale Chirurgie infantile Cytologie et histologie Oto-rhino-laryngologie Chirurgie générale RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Raverot Gérald Ray-Coquard Richard Rossetti Rouvière Saoud Schaeffer Souquet Vukusic Wattel Isabelle Jean-Christophe Yves Olivier Mohamed Laurent Jean-Christophe Sandra Eric Endocrinologie, diabète et maladies métaboliques ; gynécologie médicale Cancérologie ; radiothérapie Réanimation ; médecine d’urgence Physiologie Radiologie et imagerie médicale Psychiatrie d’adultes Biologie cellulaire Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie Neurologie Hématologie ; transfusion Professeur des Universités - Médecine Générale Letrilliart Moreau Laurent Alain Professeurs associés de Médecine Générale Flori Lainé Zerbib Marie Xavier Yves Professeurs émérites Chatelain Bérard Boulanger Bozio Chayvialle Daligand Descotes Droz Floret Gharib Itti Kopp Neidhardt Petit Rousset Sindou Trepo Trouillas Trouillas Viale Pierre Jérôme Pierre André Jean-Alain Liliane Jacques Jean-Pierre Daniel Claude Roland Nicolas Jean-Pierre Paul Bernard Marc Christian Paul Jacqueline Jean-Paul Pédiatrie Chirurgie infantile Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Cardiologie Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie Médecine légale et droit de la santé Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie Cancérologie ; radiothérapie Pédiatrie Physiologie Biophysique et médecine nucléaire Anatomie et cytologie pathologiques Anatomie Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Biologie cellulaire Neurochirurgie Gastroentérologie ; hépatologie ; addictologie Neurologie Cytologie et histologie Réanimation ; médecine d’urgence Maîtres de Conférence – Praticiens Hospitaliers Hors classe Benchaib Mehdi Biologie et médecine du développement et de la reproduction ; gynécologie médicale RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Bringuier Davezies Germain Jarraud Jouvet Le Bars Normand Persat Pharaboz-Joly Piaton Rigal Sappey-Marinier Streichenberger Timour-Chah Pierre-Paul Philippe Michèle Sophie Anne Didier Jean-Claude Florence Marie-Odile Eric Dominique Dominique Nathalie Quadiri Voiglio Wallon Eric Martine Cytologie et histologie Médecine et santé au travail Physiologie Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Anatomie et cytologie pathologiques Biophysique et médecine nucléaire Médecine et santé au travail Parasitologie et mycologie Biochimie et biologie moléculaire Cytologie et histologie Hématologie ; transfusion Biophysique et médecine nucléaire Anatomie et cytologie pathologiques Pharmacologie fondamentale ; pharmacologie clinique ; addictologie Anatomie Parasitologie et mycologie Maîtres de Conférence – Praticiens Hospitaliers Première classe Ader Barnoud Bontemps Chalabreysse Charrière Collardeau Frachon Cozon Dubourg Escuret Hervieu Kolopp-Sarda Laurent Lesca Maucort Boulch Florence Raphaëlle Laurence Lara Sybil Sophie Grégoire Laurence Vanessa Valérie Marie Nathalie Frédéric Gaëtan Delphine Meyronet Peretti Pina-Jomir Plotton Rabilloud David Noel Géraldine Ingrid Muriel Ritter Roman Tardy Guidollet Tristan Vlaeminck-Guillem Jacques Sabine Véronique Anne Virginie Maladies infectieuses ; maladies tropicales Anatomie et cytologie pathologiques Biophysique et médecine nucléaire Anatomie et cytologie pathologiques Nutrition Anatomie et cytologie pathologiques Immunologie Physiologie Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Anatomie et cytologie pathologiques Immunologie Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Génétique Biostatistiques, informatique médicale et technologies de communication Anatomie et cytologie pathologiques Nutrition Biophysique et médecine nucléaire Biochimie et biologie moléculaire Biostatistiques, informatique médicale et technologies de communication Epidémiologie, économie de la santé et prévention Physiologie Biochimie et biologie moléculaire Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière Biochimie et biologie moléculaire Maîtres de Conférences – Praticiens Hospitaliers Seconde classe Casalegno Jean-Sébastien Bactériologie-virologie ; hygiène hospitalière RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Chêne Duclos Phan Rheims Rimmele Gautier Antoine Alice Sylvain Thomas Schluth-Bolard Simonet Thibault Vasiljevic Venet Caroline Thomas Hélène Alexandre Fabienne Gynécologie-obstétrique ; gynécologie médicale Epidémiologie, économie de la santé et prévention Dermato-vénéréologie Neurologie Anesthésiologie-réanimation ; médecine d’urgence Génétique Biologie cellulaire Physiologie Anatomie et cytologie pathologiques Immunologie Maîtres de Conférences associés de Médecine Générale Chanelière Farge Figon Marc Thierry Sophie RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Le Serment d'Hippocrate Je promets et je jure d'être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité dans l'exercice de la Médecine. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans discrimination. J'interviendrai pour les protéger si elles sont vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l'humanité. J'informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance. Je donnerai mes soins à l'indigent et je n'exigerai pas un salaire au dessus de mon travail. Admis dans l'intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés et ma conduite ne servira pas à corrompre les mœurs. Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement la vie ni ne provoquerai délibérément la mort. Je préserverai l'indépendance nécessaire et je n'entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je perfectionnerai mes connaissances pour assurer au mieux ma mission. Que les hommes m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses. Que je sois couvert d'opprobre et méprisé si j'y manque. RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Remerciements A notre président de jury : Monsieur le Professeur Jérôme ETIENNE Pour l’honneur que vous nous faites de présider ce jury. Nous vous remercions de vos conseils. Soyez assuré de notre profond respect. Aux membres de notre jury : Madame le Professeur Liliane DALIGAND Nous sommes honorés de votre participation à ce jury. Soyez assurée de notre reconnaissance. Monsieur le Professeur Yves ZERBIB Nous sommes honorés que vous ayez accepté de juger ce travail. Soyez assuré de notre gratitude. Monsieur le Docteur Thierry FARGE Pour l’honneur que vous me faites d’avoir dirigé cette thèse. Pour la confiance et le soutien dont vous m’avez gratifié tout au long de ce travail mais aussi pendant l’internat. Merci pour votre disponibilité, les précieux conseils et le partage de votre expérience. Aux médecins qui ont participé à cette étude : Nous les remercions pour le temps qu’ils nous ont accordé, pour l’intérêt porté à notre travail et pour nous avoir livré leurs ressentis riches d’enseignement. Merci à l’URPS des médecins de Rhône-Alpes d’avoir diffusé notre travail de thèse. RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) A mes parents Armelle et Gérard : merci pour l’enfance heureuse, merci pour votre indéfectible soutien durant ces années d’études. Vous avez toujours œuvré pour notre bonheur : MERCI. A ma sœur Mylène : ma soeurette adorée je suis heureuse de la complicité qui nous unit. J’espère que la route que tu as finalement choisie te rendra heureuse, nul doute que tu seras un excellent médecin. A ma grand-mère Andrée : brin de femme au caractère affirmé (on sait d’où cela vient…!). J’aurais aimé que tu sois là ce jour. A ma famille : je prends toujours autant de plaisir à vous retrouver en Bourgogne autour d’une bonne table. A Marion : à ton positivisme, à nos voyages, à nos fous rires, aux descentes de VTT ! Merci d’avoir toujours répondu présente dans les moments clés. Ton amitié m’est précieuse. A Gaëlle : à notre rencontre sur les bancs de la maternelle, à nos quatre-mains au piano, aux années lycées, à nos week-ends détente et la liste est encore longue ! Aux rencontres essentielles de l’internat : Clément, Lucile, Fanny, Olivier T., Céline, Olivier A., Abdellah. A nos virées aux quatre coins de la Haute-Savoie, aux soirées endiablées sur la piste de danse, aux bonnes bouffes. L’internat n’aurait pas eu la même saveur sans vous. C’est une chance de vous avoir à mes côtés. Longue vie à notre amitié ! A Cécile, la meilleure des chefs de pédiatrie. A Séverine : merci pour ta relecture. A tous les soignants rencontrés au cours de ce parcours qui m’ont permis de devenir à mon tour soignante. RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Table des matières I INTRODUCTION……………………………………………………………………………4 II GENERALITES …………………………………………………………………………….6 1) Quelques définitions …………………………………………………………………..6 1.1) Le soin ...……………………………………………………………………………6 1.2) Le refus de soin ………………………………………………………………….…8 1.3) La vieillesse ……………………………………………………………………...…8 2) Le refus de soin : évolution légale de la position du patient …………………………10 2.1) Le consentement éclairé …………………………………………………………...10 2.2) L'obligation d'information …………………………………………………………12 2.3) Du droit au consentement au droit au refus ………………………………………..13 2.4) Cas particulier : la fin de vie ……………………………………………………….13 3) Le principe d'autonomie ……………………………………………………………….15 III MATERIEL ET METHODE ………………………………………………………….….18 1) Choix de la méthode …………………………………………………………………18 1.1) Type d'étude ………………………………………………………………………..18 1.2) Population …………………………………………………………………………18 1.3) Guide d'entretien …………………………………………………………………...19 1.4) Déroulement des entretiens ………………………………………………………..19 2) Méthode analytique …………………………………………………………………..20 3) Méthodologie de la recherche bibliographique ………………………………………20 IV RESULTATS ……………………………………………………………………………..21 A) Les entretiens ……..….…………………………...……………………………………21 B) Description de la population ………...……..…………..………………………………21 C) Analyse thématique des entretiens …………..……...…………………………………23 1) Définition du soin par les médecins généralistes …………………………………….23 2) Prévalence du refus de soin exprimé par le patient selon les médecins généralistes ...24 3) Analyse des causes du refus de soin …………………………………………………26 3.1) Les causes du refus de soin dans la population générale ………………………..26 3.2) Les causes du refus de soin spécifiques au sujet âgé ……………………………30 4) Les réactions des médecins confrontés au refus ……………………………………..34 4.1) Influence du type de soin ………………………………………………………..35 1 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) 4.2) Influence de l'âge du patient …………………………………………………….35 4.3) Influence de l'âge du médecin ……………………………………………...……36 4.4) Influence des obligations médico-légales sur l'attitude des médecins ………….37 5) La pertinence du consentement de la personne âgée en cas de troubles cognitifs …...39 6) Les moyens mobilisés par les médecins pour obtenir une adhésion au soin …...……41 6.1) Anticiper le refus …………………...……………………………………………41 6.2) Explorer l'ambivalence du patient ……………………………………………….42 6.3) Fixer des objectifs de soin adaptés à chaque patient …………………………….42 6.4) Expliquer les propositions ……………………………………………………….43 6.5) Respecter le rythme de réflexion du patient ……………………………………..44 6.6) Rechercher un compromis ……………………………………………………….44 6.7) Rôle du comportement du médecin ………...……………………………………45 6.8) Maîtriser des techniques de communication …………...………………………46 6.9) Faire appel à des personnes ressources …………………………………………..47 6.9.1) Les aidants professionnels ………………………………………………….47 6.9.2) Les aidants non professionnels : l'entourage ……………………………….48 7) La contribution des directives anticipées …………………………………………….51 7.1) Les connaissances théoriques des médecins ……………………………………..51 7.2) Les conditions de recours aux directives anticipées …………….……………….52 7.3) Les freins évoqués par les médecins ……………………………………………..53 7.4) Les limites des directives anticipées ……………………….…………………….55 8) Conséquences du refus sur le médecin et sur la relation médecin-patient ……..…….55 8.1) Vécu personnel du médecin ………...……………………………………………55 8.2) Le refus du patient a-t-il des conséquences sur la relation médecin-malade ? ….57 V DISCUSSION ……..………………………………………………………………………60 A) Les forces, limites et biais de l’étude ……………..………………………………………60 1) Les points forts ……………………………………………………………………….60 2) Les limites et biais ………...…………………………………………………………60 2.1) Concernant le recrutement de la population …………………………………….60 2.2) Concernant la réalisation des entretiens …………...……………………………60 2.3) Concernant l’analyse des données ………………………………………………61 B) Analyse étiologique et sémiologique du refus ……………………………………………61 C) Les moyens mobilisés pour répondre au refus ……………………………………………65 2 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) D) La réponse finale des médecins au refus : le respect …….……………………………….68 E) Les conséquences du refus sur le médecin …………………………..……………………70 VI CONCLUSION ……………………………………………………..…………………….72 VII ANNEXES ………………………………………………………………………………74 1) Mail de demande d'entretien ………………………………………………………………74 2) Canevas d'entretien …………………………..……………………………………………75 3) Critères d'évaluation des capacités décisionnelles de Grisso et Appelbaum ………...……77 4) Questionnaire UBACC ……………………………………………………………………78 5) Recommandations du CCNE : « Refus de traitement et autonomie de la personne »……..79 VIII BIBLIOGRAPHIE ……………………...………………………………………………82 IX ABREVIATIONS ……………...…………………………………………………………87 3 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) I INTRODUCTION Tout médecin généraliste a été ou sera un jour confronté au refus de soin exprimé par un patient. Le respect du droit du patient au refus est un principe éthique important de la relation médecin-malade. Il est le reflet de l'intérêt croissant pour la question de la place du patient au sein du système de soin ces dernières décennies. Depuis la déclaration des droits du patient de Lisbonne de l'Assemblée Médicale Mondiale en 1981 : « Tout adulte compétent a le droit de donner ou de refuser de donner son consentement à une méthode diagnostique ou thérapeutique », jusqu'à la loi du 4 mars 2002 en France, l'obligation légitime d'information et de recueil du consentement n'a cessé d'être renforcée (1, 2). Cette notion de refus de soin, même si elle est désormais érigée comme un droit plein et entier, reste délicate et source « d'un véritable dilemme éthique » pour les professionnels de santé selon le Comité Consultatif National d'Ethique (3). En effet le médecin est soumis à deux injonctions qui peuvent être parfois difficilement conciliables : respecter le droit d'une personne à décider pour elle-même et la protéger d'une liberté qui peut potentiellement lui nuire. Son action reste encadrée médico-légalement et déontologiquement par le devoir impératif de soin et le respect de la volonté de la personne. Le médecin se retrouve au cœur de cette situation paradoxale opposant deux principes selon Beauchamp et Childress : d'un côté le principe de bienfaisance qui l'anime et de l'autre celui du respect de l'autonomie de son patient (4). La liberté de consentement est supposée totale et sans réserve pour tout patient quel que soit son âge, même avancé. Mais les soins en gériatrie peuvent comporter des spécificités éthiques comme les problèmes d'autonomie, de compétence et de valeur du consentement, et notamment lorsqu'apparaissent des altérations des fonctions cognitives. Dans une société où démographiquement la part dans la population des plus de 75 ans ne cesse de croître, il est intéressant de se demander dans quelle mesure l'âge influence-t-il la réponse médicale à un refus ? 4 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Ainsi le refus de soin d'un patient et notamment âgé, soulève des questions complexes et passionnantes qui sont sources de nombreux débats éthiques et philosophiques. Pourtant nous n'avons pas retrouvé d’étude faisant l’état des lieux des comportements des médecins généralistes confrontés à cette problématique. Nous avons donc entrepris d'étudier les réactions de médecins exerçant en région Rhône-Alpes, en choisissant une approche qualitative. Nous avons fait l'hypothèse que faire face au refus de soin d'un patient âgé pouvait être source de difficultés pour un médecin généraliste. Notre travail avait pour objectif principal l'étude des stratégies humaines et professionnelles du médecin généraliste mises en place face à un refus de soin du sujet âgé. Nous avions deux objectifs secondaires : d'une part analyser les causes du refus de soin identifiées par les praticiens, et d'autre part étudier le ressenti des médecins généralistes. 5 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) II GENERALITES 1) Quelques définitions Notre travail portant sur le refus de soin du sujet âgé, il nous paraît important au préalable de tenter d'en définir tous les termes. 1.1) Le soin Etonnement il n’est donné aucune définition du mot soin dans les dictionnaires médicaux type Garnier-Delamare (5). Lorsque l’on recherche le mot soin dans les dictionnaires généraux, ceux-ci proposent de multiples définitions montrant bien à quel point il peut être difficile de définir le soin. Ainsi le dictionnaire Larousse nous indique (6): • Pour le mot "soin" au singulier : - attention que l'on porte à faire quelque chose avec propreté, à entretenir quelque chose - attention portée à présenter quelque chose avec netteté, minutie - souci de bien faire, effort, peine scrupuleuse que l'on se donne - charge, devoir de veiller à quelque chose, de s'en occuper - avoir, prendre soin de quelqu'un, de quelque chose : y penser, s'en occuper • Pour le mot "soins" au pluriel : - actes par lesquels on veille au bien-être de quelqu'un - actes de thérapeutiques qui visent à la santé de quelqu'un, de son corps - actes qui visent à entretenir, préserver Le dictionnaire de l'Académie Française dans sa 8ème édition emploie sensiblement les mêmes termes en précisant que les remèdes et traitements prodigués par le médecin peuvent être appelés soins (7). Il est intéressant de relever les synonymes proposés par le dictionnaire établi par le CRISCO (Centre de Recherche Inter-Langues sur la Signification dans le Contexte). Ainsi 66 termes 6 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) sont répertoriés parmi lesquels : attention, application, délicatesse, zèle, conscience, scrupule, circonspection, précaution (8). Ces ouvrages généralistes évoquent donc la connotation médicale du terme soin. Ils soulignent le fait que le soin s'établit dans la relation, mais ils mettent surtout en avant des idées comme la préoccupation, la sollicitude, l'attention à autrui, soit autant de qualités attendues d'un médecin. Sur le plan médical nous pouvons également tenter de définir et catégoriser le soin selon son but. Ainsi pour un soignant le soin peut être : - un soin vital, c'est-à-dire que l'absence de sa mise en œuvre aboutit à la mort du patient - un soin préventif ou curatif c'est-à-dire ayant pour objectif d'éviter ou abréger un problème de santé - un soin de confort, un soin palliatif Le refus de chaque catégorie de soin est source de problèmes éthiques différents pour le médecin. Pour le patient la finalité d'un soin peut être la santé, l'intégrité du corps, le bonheur. Le but commun du soin, à la fois pour le soignant et le soigné, étant la santé. Terme qui, comme le souligne la définition de l'OMS de 1946 « La santé est un état de complet bienêtre à la fois physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité », est dans nos sociétés occidentales à la fois, un droit, un objectif à atteindre pour de nombreux individus, mais aussi une valeur au même titre que le bonheur (9). On notera enfin que la langue française, avec un seul terme, ne fait pas de distinction entre le sens général et le sens médical du soin à la différence de la langue anglaise qui utilise care et cure. Care ou to take care, pour soigner ou prendre soin, renvoie aux gestes rendant la vie quotidienne plus supportable. Cure, pour guérir, s'applique aux interventions thérapeutiques. Cette absence de distinction en français apparaît néanmoins logique car il semble difficile de hiérarchiser ces différentes formes de soins qui se chevauchent en pratique, la notion de cure n'étant qu'un sous-ensemble du care. 7 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Nous avons tenté, pour terminer, de formuler une définition du soin qui conviendrait dans un contexte médical : « Attention à l'autre et actions qui ont pour objectif de préserver ou améliorer son bien-être. » 1.2) Le refus de soin On peut considérer comme refus de soin le patient qui s'oppose à la réalisation d'un acte susceptible d'améliorer son état de santé actuel ou à venir. Un refus de soin peut être un traitement quel qu'il soit, un examen, une hospitalisation, une toilette, une institutionnalisation... Bien que le soin repose sur la relation soignant-soigné, le refus de soin signifie rarement le refus complet de la relation, notamment avec le médecin. L'expression du refus peut être de deux types : - explicite : le patient déclare qu'il ne suivra pas la proposition de soin. Ce non peut être signifié de façon non-verbale, nécessitant d'être attentif aux expressions et gestuelles. - implicite : il s'agit ici de la non-observance. Cette forme de refus de soin est fréquente et le médecin parvient très souvent malgré tout à la déceler. Le refus de soin doit être distingué du renoncement aux soins. Il y a renoncement lorsqu'une personne ne recourt pas aux services de soins alors que son état de santé le nécessiterait (que le besoin de soin ait été identifié par la personne elle-même ou par un professionnel de santé). Le renoncement est alors le fait de barrières ou contraintes environnementales notamment financières alors que le refus résulte d'un choix intrinsèque (10). 1.3) La vieillesse Il convient dans un premier temps de distinguer vieillesse et vieillissement. Le vieillissement est un processus, il se mesure en durée, il ne commence pas à un âge donné, comme le souligne la définition du Collège National des Enseignants en Gériatrie (CNEG) : « Le vieillissement correspond à l'ensemble des processus physiologiques et psychologiques qui modifient la structure et les fonctions de l'organisme à partir de l'âge mûr » (11). 8 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) La vieillesse est un état qui se constate. Elle peut être définie de différentes manières sans qu'il n'existe de consensus. L'OMS par exemple, dans une approche quantitative, donne une définition chronologique de la vieillesse : elle retient le critère de 65 ans pour parler de personne âgée, les 75- 90 ans sont des vieillards et les plus de 90 ans des grands vieillards. Cette vision peut paraître quelque peu monolithique notamment à l'échelle mondiale où les variations de l'espérance de vie sont importantes d'un pays à un autre. Il paraît difficile de donner un âge physiologique à la vieillesse car comme le remarque le psychosociologue Jean-Jacques AMYOT « A la différence de l'enfance et de l'adolescence qui peuvent se déterminer par rapport à des points de références physiologiques et biologiques, la vieillesse ne s'ancre pas sur des critères objectifs, reconnus unanimement par convention. » (12). D'un point de vue social il s'agit souvent de l'âge de départ en retraite mais ce seuil n'est pas pertinent car évolutif. Le terme sénior s'applique socialement parlant à partir de 60 ans. Pour bénéficier de l'Allocation Personnalisée d'Autonomie (APA), destinée aux personnes âgées en manque ou perte d'autonomie en raison de leur état physique ou mental, il faut être âgé d'au moins 60 ans. Il est intéressant de consulter la définition de la vieillesse donnée par le dictionnaire Larousse « diminution des forces physiques et fléchissement des forces mentales qui accompagnent habituellement cette période » (13). Celle-ci renvoie à une vision négative qui fait écho à nombre de stéréotypes dominants dans la culture occidentale : la vieillesse associée à la maladie (être vieux c'est être en mauvaise santé) ou encore la vieillesse somme de perte (perte d'autonomie, perte du conjoint, perte du domicile privé, perte de l'identité professionnelle). Le CNEG, en tentant de faire la synthèse de ces différents critères, considère que l’âge de 75 ans est le plus pertinent (11). Nous terminerons ce paragraphe par quelques données démographiques sur le vieillissement. La population française continue de vieillir, ainsi selon les données de l'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) au 1er janvier 2015 les personnes de plus de 9 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) 60 ans représentent 24,8 % de la population et les plus de 75 ans 9,3% (sur une population totale de 66,3 millions d'habitants). Selon une projection, si la tendance démographique actuelle se poursuit, le nombre de personnes de plus de 75 ans passerait de 5,2 millions en 2007 à 11,9 millions en 2060 représentant alors 16,2 % de la population (14). Cette tendance est bien entendue liée à l'augmentation de l'allongement de la durée de vie. En 2014 l'espérance de vie à la naissance est de 79,2 ans pour les hommes et 85,4 ans pour les femmes. A l'âge de 60 ans, les hommes peuvent espérer vivre 23,1 ans et les femmes 27,7 ans. 2) Le refus de soin : évolution légale de la position du patient 2.1) Le consentement éclairé La relation médecin-malade a profondément évolué au cours des dernières années, passant d'un modèle paternaliste, autoritaire et directif, à un modèle autonomique centré sur le consentement au soin. Le patient n'est plus objet de soins mais sujet de soins. Le consentement au soin est lié au principe de respect de l'intégrité du corps humain comme le rappelle l'article 16.1 du Code Civil, issu des lois de Bioéthique de 1994 : « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial. » (15). En 1936 l'arrêt Mercier (qui a pour origine le dépôt d'une plainte pour radio-dermomucite de la face consécutive à une radiothérapie) stipule : « L’obligation de soins découlant du contrat médical et mise à la charge du médecin est une obligation de moyens ; le médecin ne pouvant s’engager à guérir, il s’engage seulement à donner des soins non pas quelconques mais consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science » (15). Au-delà de rappeler la responsabilité médicale à savoir l'obligation de moyens, il souligne le caractère contractuel de la relation médecin-malade. Hors un contrat, comme définit par le Code Civil, suppose l'accord ou l'engagement des deux parties. Ainsi même si le terme consentement n'est pas précisément cité on peut y voir les prémices. 10 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) En France le consentement entre dans le Code Civil en 1994 avec l'article 16. 3 : « Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel pour autrui. Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir. » (15). Le consentement est un préalable nécessaire à la réalisation d'un acte médical. La loi du 4 mars 2002 renforce la place du patient au centre de la décision en matière de soins. Comme le souligne Mr Bernard Kouchner, alors ministre de la santé, lors des débats parlementaires : « Le consentement ne doit plus être l'acceptation passive d'une décision prise pas un autre ; il doit devenir l'expression d'une participation active du malade aux décisions qui le concernent, l'expression de responsabilité sur sa propre santé » (16). Ainsi l'article L 1111-4 du Code de Santé Publique (CSP) réaffirme le principe du droit au consentement : - « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte-tenu des informations et préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. » - « Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. » (17). Mais l'exercice de donner son consentement, c'est-à-dire choisir, peut parfois être difficile pour un patient. Le législateur a pris en compte ceci en introduisant dans la loi du 4 mars 2002 la notion de personne de confiance. Son statut a été précisé lors de l'adoption en 1ère lecture du projet de loi des députés Mrs Claeys et Leonetti le 17 mars 2015. Art. L. 1111-11-1 du CSP : « Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance, qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin. Elle témoigne de l’expression de la volonté de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage. Cette désignation est faite par écrit. Elle est révocable à tout moment. Si le malade le souhaite, la personne de confiance l’accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions. » (17). 11 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) 2.2) L'obligation d'information Le consentement du patient à un soin implique qu'il dispose de connaissances suffisantes pour être en mesure de prendre une décision libre et éclairée et est donc sous-tendu par une obligation d'information. Ce souci d'information n'est pas nouveau puisque Hippocrate, médecin de l'Antiquité, en fait état dans son serment : « J'informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences ». Cette nécessité d'information est à la fois un devoir du médecin et un droit du patient. Elle est garantie par le Code de Déontologie Médicale qui reprend le Code de Santé Publique. Article 35 du Code de Déontologie Médicale : « Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension.» (18). L'information doit porter sur : - l'état de santé du patient - les investigations diagnostiques, thérapeutiques et préventives, et leurs risques - leurs alternatives - l'évolution du patient en cas de refus des investigations ou du traitement Autrefois il incombait au patient d'apporter la preuve de l'insuffisance d'information. Avec l'arrêt Hedreul du 25 février 1997 la jurisprudence a évolué (15). Cet arrêt a été rendu dans le cadre d'une affaire de perforation colique post-polypectomie : il a été reproché au praticien de ne pas avoir informé le patient du risque de perforation inhérent à la réalisation d'une coloscopie. La cour de cassation a alors jugé que « le médecin est tenu d'une obligation particulière d'information vis-à-vis de son patient et qu'il lui incombe de prouver qu'il a exécuté cette information ». Le code de santé publique a suivi cette évolution en réaffirmant que la preuve de l'information incombait au médecin. 12 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Article L1111-2 du code de santé publique : « En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tous les moyens. » (17). La preuve de l'information est souvent apportée par l'écrit (données consignées dans le dossier du patient, fiche d'information) mais l'information orale reste indispensable. L'H.A.S. a établi une recommandation de bonne pratique sur la délivrance de l'information (19). 2.3) Du droit au consentement au droit refus Hippocrate ne reconnaissait pas ce droit au patient et les blâmait pour inobservance. La reconnaissance du droit au consentement a eu pour corollaire la reconnaissance du droit au refus. Article 36 du Code de Déontologie Médicale : « Lorsque le malade, en état d'exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement proposé, le médecin doit respecter ce refus après l'avoir informé le malade de ces conséquences. Si le malade est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin ne peut intervenir sans que ses proches aient été prévenus et informés, sauf urgence ou impossibilité. » (18). Si les textes réglementaires précisent les modalités pour faire la preuve de la délivrance de l'information, il n'en est rien sur la façon pour un médecin de conserver la preuve d'un refus de soin. Seul le Conseil National de l'Ordre des Médecins précise qu'il est « souhaitable que cette démarche se concrétise sous une forme écrite » (20). 2.4) Cas particulier : la fin de vie La loi Leonetti du 22 avril 2005, relative aux droits des malades et à la fin de vie, a précisé le devoir du médecin à respecter le refus de la part d'un patient en fin de vie et à l'accompagner, et a introduit les directives anticipées qui ont marqué une étape de plus dans le respect des libertés individuelles (21). Elles offrent au patient la possibilité de faire connaître directement ses volontés, dans le cas où il serait un jour hors d'état de les exprimer, temporairement ou durablement. Toute personne majeure, capable, qu'elle soit bien-portante 13 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) ou malade, peut rédiger ses directives anticipées pour indiquer ses souhaits ou refus de poursuite de traitement Le 17 mars 2015, la proposition de loi de Mr Claeys et Mr Leonetti créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, a été adoptée en 1ère lecture par L’Assemblée Nationale (22). Ce nouveau texte apporte des changements importants par rapport à la version initiale des directives anticipées de 2005 : - tout d'abord en leur donnant un caractère contraignant, c'est le principe d'opposabilité, alors qu'avant le médecin pouvait ne pas les suivre - elles seront sans limite de validité alors qu'elles n'étaient valables que 3 ans, mais révisables et révocables - jusqu’à présent rédigées sur papier libre, un modèle officiel va voir le jour, permettant d'éviter les imprécisions qui pouvaient compliquer l'interprétation par le médecin - elles seront conservées sur un registre national faisant l’objet d’un traitement automatisé (la proposition de loi prévoyait initialement que leur existence soit signalée sur la carte vitale). Jusqu' alors elles pouvaient être conservées dans le dossier de la personne (du médecin choisi ou du dossier médical en cas d'hospitalisation) mais aussi par l'auteur ou bien confiées par ce dernier à la personne de confiance, un membre de sa famille ou un proche L’article L. 1111-11 du CSP est ainsi rédigé : « Toute personne majeure et capable peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions du refus, de la limitation ou l’arrêt des traitements et actes médicaux. Elles sont révisables et révocables à tout moment. Elles sont rédigées selon un modèle dont le contenu est fixé par décret en Conseil d’État pris après avis de la Haute autorité de santé. Ce modèle prévoit la situation de la personne selon qu’elle se sait ou non atteinte d’une affection grave au moment où elle rédige de telles directives. Elles s’imposent au médecin, pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement, sauf en cas d’urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation. Si les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées, le médecin, pour se délier de l’obligation de les respecter, doit consulter au moins un confrère et motiver sa décision qui est inscrite dans le dossier médical. » (17). 14 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Cette nouvelle loi renforcera également le droit pour un patient dûment informé par un professionnel de santé de refuser un traitement comme le stipule l'article 5 : - « Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas subir tout traitement. Le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif. » - « Le professionnel de santé a l’obligation de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si par sa volonté de refuser ou d’interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Il peut être fait appel à un autre membre du corps médical. L’ensemble de la procédure est inscrit dans le dossier médical du patient. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l’article L. 1110-10 » (17). Au terme de l'examen de ces différents articles, on constate que la loi affirme la participation active du patient aux soins fondée sur son autonomie, mais la responsabilité d'apprécier cette autonomie est laissée au médecin. 3) Le principe d’autonomie L'autonomie est la faculté de se donner à soi-même la loi de son action (du grec "autos" : soi-même et "nomos" : la loi, la règle). Cela renvoie à la notion de libre-arbitre de la personne. En médecine l'autonomie s'exerce par le consentement libre et éclairé. Etre autonome et consentir, cela suppose la capacité de comprendre et analyser l'information pour pouvoir décider, comme le rappelle le Comité Consultatif National d'Ethique (CCNE) : « L'acte de consentir suppose une double compétence : il faut pouvoir comprendre et pouvoir se déterminer librement » (23). La reconnaissance de l'autonomie d'une personne apparaît donc comme un principe préalable au respect du refus et une exigence éthique, mais elle est source de nombreux questionnements pour le médecin : n'y-a-t’ il pas un risque à faire reposer le soin sur l'unique responsabilité du patient sous prétexte d'autonomie ? Comment évaluer au mieux les capacités 15 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) de compréhension et de réflexion du patient et sa liberté de jugement par rapport à autrui (un tiers notamment) ? Il n'existe pas de démarche validée et reconnue pour apprécier l'autonomie d'une personne, c'est-à-dire ses capacités cognitives, ses capacités à émettre un jugement, sa capacité de discernement. Les critères décisionnels du professionnel de santé ont donc une nécessaire part de subjectivité. L'échelle de la compétence éthique d'un patient de Beauchamp et Childress propose 7 étapes pour aider cette évaluation, allant de l'aptitude requise la plus faible jusqu'à la plus grande (4) : 1. capacité de manifester une préférence ou un choix 2. capacité de comprendre sa situation 3. capacité de comprendre les informations révélées 4. capacité de donner une raison (un motif) 5. capacité de donner une raison rationnelle (plausible) 6. capacité de donner une raison évaluant le rapport risque/bénéfice 7. capacité de formuler une décision raisonnable Chez la personne âgée la question de l'évaluation de l'autonomie est essentielle. L'âge, du fait de l’émoussement de certaines capacités intellectuelles et physiques (par exemple les déficits visuels et auditifs), peut entraîner une limitation de l'autonomie. De la même façon qu'il faut distinguer autonomie (capacité de vouloir par soi-même) et indépendance (capacité de faire par soi-même), il ne faut pas en gériatrie assimiler la dépendance à la perte d'autonomie. Le CNEG définit la dépendance comme « l'impossibilité partielle ou totale pour une personne d'effectuer sans aide les activités de la vie, qu'elles soient physiques, psychiques ou sociales, et de s'adapter à son environnement » (11). Une personne âgée peut donc être dépendante et faire valoir son autonomie. 16 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Il existe des échelles pour aider à évaluer la perte d'autonomie de la personne âgée : - l'échelle IADL (Instrumental Activities of Daily Living) ou échelle des activités instrumentales de la vie quotidienne - la grille AGGIR (Autonomie Gérontologie Groupes Iso-Ressources) - le MMSE (Mini Mental State Examination) pour l'altération des capacités cognitives et mnésiques, peut aussi être utile Les difficultés liées au recueil et à l'interprétation du consentement en gériatrie peuvent trouver une aide partielle avec les dispositifs de la personne de confiance et des directives anticipées. 17 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) III MATERIEL ET METHODE 1) Choix de la méthode 1.1) Type d'étude Notre travail est une étude qualitative visant à explorer les comportements et ressentis des médecins généralistes face au refus de soin d'un patient âgé. Il s'agit d'une étude qualitative par entretiens individuels semi-dirigés de médecins généralistes, volontaires pour participer à l'étude. Des entretiens individuels ont été réalisés afin de permettre aux médecins de s'exprimer librement, sans crainte du jugement éventuel d'autres confrères. Les entretiens ont été conduits par l'enquêtrice qui a également effectué l'analyse des résultats. 1.2) Population Les médecins généralistes ont été contactés par mail, grâce au concours de l'Union Régionale des Professionnels de Santé Médecins de Rhône-Alpes qui a diffusé par voie électronique notre demande d'entretien aux médecins généralistes des départements de la région RhôneAlpes (annexe 1). Parmi les réponses favorables, les médecins n'ont pas été choisis aléatoirement. Ils ont été recrutés de façon à être complémentaires sur les critères suivants : sexe, âge, milieu géographique d'exercice (urbain/ semi-rural/ rural). Le but était d'obtenir un échantillonnage dit en « recherche de variation maximale ». Il n'y a pas de recherche de validité statistique. La diversité des points de vue, des perceptions et des comportements était recherchée. Le seul critère d'exclusion était l'absence de mode d'exercice libéral (exclusif ou non) de la médecine générale. Lorsque le médecin donnait son accord pour un entretien, un rendez-vous était fixé, par mail ou téléphone. 18 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) 1.3) Guide d'entretien Un entretien semi-dirigé se caractérise par l'utilisation d'un guide d'entretien qui définit les différents thèmes à aborder lors de la discussion et qui permet ainsi de recueillir les données. Il est composé de questions ouvertes ainsi que de phrases de relance pour guider le médecin dans sa réflexion. Nous avons réalisé un canevas d'entretien simple, connu seulement de l'interrogateur, qui explorait trois axes principaux : - l'analyse du refus de soin par le médecin - les attitudes et stratégies mises en place par le médecin face au refus de soin - le ressenti du médecin Ce guide a été testé auprès de deux médecins généralistes, ce qui a permis de l'adapter, notamment en reformulant des questions qui semblaient mal comprises, et de l'enrichir. Ces deux entretiens n'ont pas été inclus dans les résultats. 1.4) Déroulement des entretiens Les entretiens ont été réalisés au cabinet des médecins, à l’exception d’un entretien réalisé au domicile personnel (médecin L). La durée annoncée de l'entretien était d'environ 30 minutes afin que le médecin prévoit un temps dédié suffisant, sans qu'il ne soit imposé de limite ni minimale ni maximale. Les entretiens ont été enregistrés, après accord oral des médecins, en leur garantissant l'anonymat, avec un dictaphone (modèle Olympus WS-831). Le langage non-verbal a également été relevé en parallèle. Le tutoiement du médecin interviewé, quand tel était le cas, résultait de sa demande. Le nombre d'entretien n'était pas prédéfini. Le recrutement a été stoppé à saturation des données, c'est-à-dire lorsque les arguments étaient redondants et qu'aucune donnée nouvelle n'apparaissait dans l'analyse. 19 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) 2) Méthode analytique Les entretiens ont été retranscris verbatim, manuellement, via le logiciel Word, en faisant apparaître le langage verbal et non verbal. La retranscription mot à mot respecte ainsi le style du langage parlé propre à chaque interlocuteur. Une copie des retranscriptions dactylographiées est jointe sur CD-ROM (annexes 1 à 14). Les entretiens ont été anonymisés et indexés de A à M selon leur ordre chronologique de réalisation. L'analyse des verbatim des entretiens retranscris a d'abord été verticale puis transversale. Les différentes idées ont été encodées sous forme de nœuds puis regroupées sous forme de thèmes. Ceci a permis de dégager les principales idées soulevées par les médecins et orienter le plan de travail. L'analyse descriptive et interprétative est décrite dans le chapitre résultats. 3) Méthodologie de la recherche bibliographique Nous avons réalisé des recherches en français et en anglais à partir de mots-clés conformes à la terminologie MeSH (d'après le site du CISMeF). Les mots-clés utilisés en français étaient : refus de soin, refus de soin par le patient, personne âgée, autonomie du patient, consentement au soin. Ceux en anglais ont été : patient refusal of treatment, elderly patient, patient consent, personal autonomy. Nous avons utilisé le site de documentation de la bibliothèque universitaire de Lyon 1 (http://portaildoc.univ-lyon1.fr), Pubmed (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed), le site du CAIRN (http://www.cairn.info), le site du Système Universitaire de Documentation (http://www.sudoc.abes.fr/xslt/), le site de la Banque de Données en Santé Publique (http://www.bdsp.ehesp.fr) et Google Scholar (https://scholar.google.fr/schhp?hl=fr). Nous avons également recherché des informations sur les sites de Légifrance, du Ministère des Affaires Sociales et de la Santé (http://www.sante.gouv.fr). 20 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) IV RESULTATS A) Les entretiens Quatorze entretiens ont été réalisés entre le 18 décembre 2014 et le 19 février 2015. Les entretiens ont duré entre 18 minutes et 51 minutes avec une moyenne de 31,5 minutes et une médiane de 30,5 minutes. B) Description de la population Quatorze médecins généralistes ont été interrogés pour composer l'échantillon, exerçant dans les départements du Rhône, de l'Ain et de l'Isère. Parmi les 14 médecins interrogés, 5 étaient des femmes et 9 des hommes. L'âge des médecins de l'échantillon variait de 28 ans à 67 ans avec un âge moyen de 45 ans. Il est à noter que d'après leur dernier Relevé Individuel d'Activité et de Prescription (RIAP) fourni par la CPAM, le pourcentage de patients âgés de plus de 70 ans au sein de la patientèle des médecins interrogés, était conforme à la moyenne régionale en Rhône-Alpes qui est de 12,81%. Les caractéristiques personnelles des médecins sont récapitulées dans le tableau n°1. 21 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Médecin Age Sexe Année Zone Intervention Orientation installation d’exercice EHPAD particulière A 47 ans M 2001 urbaine oui non B 28 ans F 2014 urbaine oui médecin en crèche C 34 ans F 2012 semi-rurale oui non D 36 ans F 2011 urbaine non non E 36 ans M 2014 urbaine oui non F 59 ans M 1993 rurale oui ostéopathie G 62 ans M 1980 rurale oui non coordonnateur H 41 ans F 2010 urbaine oui formation urgentiste I 42 ans M 2003 urbaine oui non J 50 ans M 1997 rurale non (pas traumatologie d’EHPAD sur le soins palliatifs secteur) K 54 ans M 1989 semi-rurale oui médecin sapeurpompier L 67 ans M 1979 urbaine oui psychothérapie M 42 ans M 2011 semi-rurale oui non N 33 ans F 2011 urbaine non non Tableau 1 : caractéristiques sociodémographiques des médecins interrogés. 22 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) C) Analyse thématique des entretiens 1) Définition du soin pour les médecins généralistes Définir ce que représentait le soin ne paraissait pas aussi évident pour des professionnels de santé. Cinq médecins (B, D, E, I, M) l'ont exprimé dès le début des entretiens. B : « Ah c’est vachement dur comme question » M : « [prend une grande inspiration] Ouh c'est un vaste débat ». Soigner consiste à prendre en charge un individu dans son environnement. K : « La pratique qui est de soigner quelqu'un dans son environnement avec ses pathologies et euh… les impératifs de sa vie. (…) Et c'est ce qui rend aussi le métier de généraliste intéressant à mon avis, c’est qu’on traite la personne dans son environnement, on ne traite pas la personne comme un malade. » Les médecins s'accordent à dire que le soin doit répondre à une demande du patient. J : « on s’inscrit dans la demande du patient et pas dans la volonté du soignant voilà. » L'objectif du soin est de préserver la santé de leur patient. A : « Moi je suis assez proche de la définition de l’OMS de la santé, enfin pour la santé. » D : « pour moi c’est accompagner en fait la personne, dans…euh… pour préserver sa santé physique et mentale. » E : « Le soin bah c’est augmenter, c’est, c’est, c’est l’activité qui permet d’augmenter les indicateurs de santé chez quelqu’un (…) Ça englobe des données subjectives qui sont propres au patient et ça englobe des données objectives qu’on connaît nous » En tant que soignant, ils se perçoivent davantage comme des "accompagnateurs" et non pas comme des "guérisseurs". B : « Parce que, finalement on guérit pas beaucoup de gens » H : « Le soin ça peut être guérir quelque chose de facilement guérissable mais c'est plutôt apporter du confort ou du mieux-être » 23 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Et notamment lorsqu'il s'agit de prendre en charge des patients âgés pour deux médecins. F : « quand on a affaire à une personne âgée, le soin et la guérison sont deux choses qui s’éloignent l’une de l’autre. Et le soin c’est des fois plus prendre soin que soigner. » L : « Enfin surtout quand on parle de personnes âgées, on est plus dans le "care" que dans le "cure" hein, c'est évident. » Ils mettent en avant le fait que le soin doit être dicté par un comportement, une attitude de la part du médecin : la bienveillance. C : « Donc le soin pour moi y’a une notion de bienveillance derrière, qui pour moi est inhérente au soin. » I : « C’est pour moi quelque chose d’assez profond cette attention à l’autre finalement. Ça va un peu au-delà de la résolution des problèmes. C’est la résolution d’un problème et la façon qu’on a de résoudre ce problème aussi. » 2) Prévalence du refus de soin exprimé par le patient selon les médecins généralistes La recherche du consentement du patient doit être un préalable indispensable à tout soin, mais un médecin soulignait que dans la pratique cette recherche n'était pas toujours active. H : « C'est vrai que je demande pas à chaque fois savoir si y veulent vraiment qu'on fasse ça. (…) Je me vois pas demander à chaque consultation si ils veulent bien que. » Pour tous les médecins interrogés, le refus de soin exprimé par un patient (quel que soit son âge) est une situation fréquente. A : « Eh oui c’est des choses qui sont assez, assez fréquentes. » M : « Ouais comme tout un chacun. Y’a toujours des patients qui sont pas d’accord pour faire des actions qui tendraient à les amener vers une meilleure santé oui y’en a » Pour certains il s'agit même de scènes quotidiennes. G : « Tous les jours ! » I : « Si on est un peu attentif à l’accord du patient c’est vraiment quotidien que d’être confronté à, au refus du soin. » 24 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Même si l'observance réelle d'un patient n'est pas toujours aisée à évaluer. A : « Je sais pas ce que ça donne en terme d’observance. Pfff, c’est difficile de se rendre compte de la façon dont les gens font les choses. » Ils pensent être à même de percevoir le refus de soin implicite. A : « Enfin on se rend compte il y a des examens qui sont pas fait parfois, des traitements qui sont pas pris, on a des retours » B : « ils m’ont dit oui-oui pour me faire plaisir et puis trois consultations après on en était toujours au même point » Pour ce qui est de la fréquence ressentie par rapport aux autres classes d'âges, neufs médecins interrogés (A, D, G, F, H, I, K, L, M) ne pensent pas que les personnes âgées refusent davantage. A : « j’ai autant de refus voire même de difficultés avec des gens plus jeunes » D : « Moi j’ai l’impression d’avoir des difficultés de soins à tous les âges de la vie et quel que soit le sexe. » M : « Je dirais qui refusent pas davantage, comme les autres. Peut-être que c'est les raisons du refus qui changent. Mais euh… j'ai pas l'impression que les personnes âgées sont plus difficiles en terme d’obtention de participation à un soin que quelqu'un qui a 30- 40- 50 ans quoi. » Ils avancent pour cela les raisons suivantes : - ils jugent les patients âgés plus compliants H : « Bah moi j’les trouve plutôt compliants en fait. » - ils accorderaient plus facilement leur confiance au médecin G : « Ah non, c’est les jeunes qui sont plus chiants. Non. Les gens âgés, surtout cette génération, en grande majorité nous font beaucoup confiance. » I : « Alors j’dirais non. Parc’que y’a encore chez les sujets âgés une sorte de déférence, une sorte de "dites moi docteur c’que j’dois faire ? ", c’est vous le docteur c’est à vous de me dire, qu’on trouve plus trop chez les jeunes » - les personnes âgées feraient preuve d'une attitude plus respectueuse F : « les personnes âgées ont encore le respect du médecin qui font que quand le médecin explique et prend la peine de …de donner du temps et ben généralement elles finissent par être du même avis que le médecin. (…) J’ pense que les personnes âgées sont plus en harmonie avec leur médecin, globalement. » 25 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Un médecin n'évalue pas précisément la prévalence du refus chez le patient âgé par rapport aux autres tranches d'âges. C : « Oui peut-être…bah, pff, non difficile de dire. Silence. J’aurais du mal à dire, honnêtement. » Les quatre derniers médecins estiment que les patients âgés refusent davantage. E : « Et puis effectivement j’pense que le refus de soin y monte probablement crescendo avec l’âge, ouais j’pense. » 3) Analyse des causes du refus de soin Avant de mettre en lumière les causes identifiées par les médecins généralistes, notons que pour l'ensemble des médecins interrogés, la recherche de la cause est un préalable nécessaire avant tout réponse à donner à ce refus. H : « Mais bon moi j’pars du principe quand quelqu’un est pas d’accord faut trouver pourquoi. Y’a toujours une raison, voilà. La plupart des gens ils ont pas envie de dire non à leur médecin. Donc si ils disent non c’est qu’ils ont une raison qu’il faut déjà identifier. (...)Moi j’suis tout de suite dans le questionnement de chercher pourquoi en fait. Chercher pourquoi et comprendre (…) y faut qu’je fasse un diagnostic de ce qu’il y a dans ce non. » M : « J’ pense qu'avant tout il faut se dire tiens il a pas adhéré ah ça bah pourquoi et le plus simple c'est de lui demander pourquoi vous faites pas ce que je vous ai dit. » 3.1) Les causes du refus de soins dans la population générale • Le défaut d'information La plupart des médecins se sont accordés à dire qu'une des premières causes de refus est le manque d'information. E : « Comme je disais tout à l’heure moi je crois beaucoup que les refus du quotidien (...) sont du manque d’information et sont en fait un appel à une exigence d’info et qu’on leur doit effectivement. » 26 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Ce défaut d'information est alors source d'incompréhension. E : « Moi j’crois beaucoup au fait que les gens refusent parc’qu’ils ont pas compris, ils ont peur (...) C’est lié à l’inconnu et l’ignorance. » H : « Des fois c’est parc’qu’ils ont pas compris, » Trois médecins ont souligné que cela peut-être accentué par une certaine désinformation ou "mésinformation" liée à l'influence des médias. A : « Ils ont tous internet même les vieux, c’est une catastrophe. Et tous ils vont chercher les résultats sur les forums. » G : « ah bah non docteur j’en veux pas, j’ai entendu à la télé que c’était pas bon. » L : « Alors au moment où les joyeux scandales successivement le Médiator, la pilule de troisième génération etc. ont éclaté ces dernières années beaucoup de patients ont dit mais alors toutes les saloperies que vous nous donnez (...) les gens se méfient des médicaments. » Deux autres médecins rapportent que l'incompréhension des informations peut être la résultante de barrières linguistiques. H : « c’est quelqu’un qui parle très très mal le français donc il avait peut-être pas tout compris non plus. » N : « Ici on a beaucoup de patients qui parlent pas français ou pas bien, donc du coup on explique beaucoup moins bien quand c'est déjà super difficile d'expliquer la base. » • Des représentations erronées de la maladie Notamment lorsqu'il s'agit de pathologies sans symptômes immédiats perceptibles par le patient. A : « sur des pathologies qu’en sont pas, enfin type hypertension, diabète, des choses qui sont pas perçues comme des maladies parce que y’a pas de symptômes, où là on est plus en situation d’échec à mon avis. C’est plus difficile de motiver les gens que lorsqu’y commence à y avoir des symptômes, des éléments de perte d’autonomie ou des complications dans la vie quotidienne. » • Une discordance d'objectifs et des attentes différentes. Le médecin et le patient peuvent avoir des représentations différentes de la maladie, donc des attentes différentes et le patient peut refuser un soin car il ne correspond pas à ses attentes. 27 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) I : « soit parc ‘que c’est complètement aux antipodes de ce à quoi y s’attendait quoi. (…) Et puis parfois c’est un soin qui leur parait pas acceptable tout simplement. (…) c’est quelque chose qui, qui ne leur semble pas, en tout cas au moment où on leur annonce, correspondre à leurs attentes. » Il peut exister un conflit entre le projet de soin du médecin et le projet de vie du malade. M : « Pourquoi ils ne font pas ? Parce qu'ils sont pas en recherche de la bonne santé. Personne n’est à la recherche de la bonne santé, les gens sont à la recherche du bonheur, pis ils font toutes les actions possibles et imaginables pour y arriver y compris les plus stupides. (...) quand ils ne font pas c’qu'on leur demande ou c’qu'il faudrait faire c'est pas juste pour nous enquiquiner, c'est parce que c'est pas le chemin qu'ils ont pris, parce que c'est pas celui qui leur semble aller vers le bonheur. » • Le temps du patient peut être différent du temps du médecin Il s'agit de savoir à quel stade d'acceptation de la maladie se situe le patient. D : « y’a des moments où on sent que les gens ne sont pas prêts, pas prêts à entendre (…) où en est la personne au moment où, elle est capable ou pas d’entendre certaines choses. » I : « (...) ou que c’est pas le bon moment pour le patient pour se soigner. » Au sein de ce cycle le patient peut par exemple être au stade du déni, processus psychopathologique de défense fréquent pour trois médecins (B, D et C). B : « Quand les gens sont dans le déni par exemple, ils sont dans l’opposition parce qu’ils dénient. » Il peut être au stade de la révolte. N : « ceux qui disent fichez moi la paix il faut savoir si ils sont en colère ou pas parce que c'est ils sont en colère c'est pas le même fichez- moi la paix. » • Le refus lié au soin proposé en lui-même Les patients peuvent avoir peur de ce soin, des résultats, des conséquences. H : « Parc’que eux souvent le refus va plutôt être lié à une peur. (…). A priori quelqu’un qui dit non c’est quelqu’un qui, moi j’pars du principe c’est quelqu’un qui a peur. C’est comme les gens agressifs en général, c’est une réaction de défense. » 28 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Ce peut être la crainte de la pénibilité du traitement ou de son caractère contraignant. H : « quelle liberté ils ont dans ce traitement, parc’que voilà y’a des traitements où y’a pas de liberté possible. Euh… j’sais pas par exemple un épileptique qui veut pas prendre son traitement c’est pas tout à fait pareil que quelqu’un qui veut pas prendre son doliprane quand il a mal au dos. » M : « y'a certains soins qui sont simples et courts et souvent y'a pas d’opposition mais y'a certains soins qui sont beaucoup plus complexes, beaucoup plus plus désagréables ou beaucoup plus longs et là euh… qui mettent en jeu beaucoup plus de choses c'est parfois plus compliqué et là on peut se voir opposer un refus » Le soin proposé peut être vécu comme "de trop". Notamment pour des patients souffrant de pathologies chroniques ou polymédiqués. K : « il a déjà 15 cachets dans la journée pour autre chose, on comprend qu’il ait pas envie de se nourrir de comprimés quoi. Nous déjà à notre âge quand on doit prendre 2 comprimés par jour pendant 6 jours, on tient 4 jours et pis c'est tout, alors quand c'est des traitements de fond depuis des années c'est encore autre chose. » • La personnalité propre du patient E : « je connais les gens et pis leur caractère et je sais que ça va être plus difficile » • L'histoire de vie du patient Des événements de vie marquants ou traumatisants peuvent influencer la prise de décision d'une personne. D : « je pense que l’histoire de la personne joue et moi dans mon exercice j’ai vu qu’il était difficile de soigner des gens qui avaient été maltraités. Après je connais pas les histoires de tous mes patients, mais ceux avec qui ça c’est mal passé, avec qui j’ai été dans une opposition de soin (...), j’me suis rendu compte qu’y avait des histoires de, ouais de maltraitance. » • Des convictions idéologiques, religieuses L : « Si on veut tenter de vous guérir, y va falloir vous faire des chimiothérapies, qui dit chimiothérapie dit effondrement des globules rouges, qui dit effondrement des globules rouges dit transfusion: non je suis témoin de Jéhovah. J’le savais mais c'est bien pour ça que j'ai amené la discussion là dessus tout de suite. » 29 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) 3.2) Les causes du refus de soins spécifiques au sujet âgé Les médecins interrogés repèrent dans leur pratique des motifs de refus plus prégnant chez le patient âgé. • La perturbation des capacités de raisonnement Tous ont mis en exergue le problème du refus de soin dans le cadre de troubles cognitifs. Ceux-ci peuvent être source d'agressivité et de comportement opposant. B : « il a une démence à corps de Lewy, il est dans le refus de soin permanent, dans l’agressivité » C : « une personne âgée qui est atteinte d’une maladie neurodégénérative (...) qui peut être dans une opposition permanente » La particularité du refus de soin des sujets âgés souffrant de troubles cognitifs fait l'objet d'un chapitre spécifique dans notre travail ci-après. Les praticiens recherchent également une composante dépressive chez un sujet âgé qui refuse. La perte de l'estime de soi liée à la dépression peut effectivement engendrer une perte de motivation pour des soins qui sont alors perçus comme inutiles. D : « j’dirais que la personne âgée étant de facto p’têtre plus touchée par la dépression, enfin dans cet âge de la vie comme le sont par exemple les ados, on sait que c’est des âges qui sont plus touchés par ça, ça peut rendre le soin ou l’adhésion au soin difficile. » N : « Mais quelqu'un qui me dit à 75 ans qu'il a plus trop envie, ça dépend ce qu’il y a derrière : si j’le sens dépressif. » • La modification des traits de caractère avec l'âge Pour six médecins (B, D, E, F, H, M) les personnes âgées font preuve d'un caractère opposant. D : « j’crois que peut être qu’à l’âge âgé y’a certains traits de personnalité qui se révèlent et qui font que parfois ben… ces traits là parfois psycho-pathologiques peuvent rendre le soin difficile. » H : « Voilà ils ont des idées assez arrêtées sur ce qu’ils veulent bien faire, sur ce qu’y veulent pas faire » 30 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) • La lassitude conséquence de l'âge K : « Le refus d'un patient âgé… y'a une certaine lassitude à un moment donné des traitements » M : « il y a des personnes âgées qui estiment qu’elles ont fait entre guillemets leur temps » N : « Y'a du discours du genre " (...) j’ suis assez vieux pour faire c’que je veux et surtout c'est un âge où il faut partir, arrêtez de m’embêter " » • Le refus de la perte d'autonomie Le refus de soin représente le refus de la maladie qui peut être source de perte d'autonomie temporaire ou définitive. Le refus de soin est un moyen d'exprimer la difficulté à vivre cette situation régressive de dépendance. C : « ça l’inquiétait énormément de ne plus avoir le contrôle de sa vie. Il s’est diminué très très vite, très très rapidement. (...)Et c’est vrai qu’il me disait je peux plus couper mon bois, regardez j’ai maigri [mime la perte de circonférence brachiale] (…) Il y a cette inquiétude d’être… de n’être plus capable de gérer leur vie, d’être actif. » Le non exprime la volonté de garder une certaine maîtrise sur les événements. N : « il y a la crainte de perdre le contrôle, soit que ce soit trop fatiguant soit de perdre le contrôle, surtout chez les personnes âgées. » • L'angoisse de mort Ce sentiment d'angoisse, l'idée d'une mort prochaine et certaine, peut conduire la personne âgée à se poser la question de l'intérêt d'un soin ou traitement puisque selon elle tout est déjà perdu et qu'il n'y a pas de projection dans l'avenir. H : « Les personnes âgées c’est vrai que le refus de soin ça peut être en lien avec des angoisses de mort. » • Les représentations personnelles négatives liées à un soin Pour six médecins (A, C, E, H, J, N) ceci concerne particulièrement l'hospitalisation. C : « D’ailleurs c’est ce qu’on voit à chaque fois quand ils sont hospitalisés (...). Pour eux c’est synonyme d’aller à l’abattoir quasiment, c’est un peu ça quoi. » N : « La crainte aussi de l'hôpital. Si je vais à l'hôpital je retournerai pas chez moi, ils vont pas me lâcher donc j'y vais pas. » 31 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) • L'influence du passé médical Les personnes âgées peuvent mettre en avant leur expérience médicale personnelle pour justifier un refus. B : « C’est beaucoup plus compliqué, parce qu'ils ont 80 ans de vie médicale à digérer et donc du coup ils ont vu X médecins, ils ont eu X prises en charge, X pathologies et ils ont l’habitude, ils sont rodés. Ils savent ce qu’on peut éventuellement ou pas leur proposer. Ils ont testé plein de trucs » H : « Oui y’a le fait qu’ils se connaissent. Ils ont une expérience, une expertise d’eux-mêmes et une expérience de vie qu’ils vont nous mettre face à nos connaissances médicales. Du genre "écoutez moi j’me suis jamais vacciné pour la grippe, j’ai jamais attrapé la grippe, et c’est comme ça ". » • Les contraintes liées au soin Le soin est jugé comme compliqué à organiser et sa mise en œuvre perturbe les habitudes de vie. Il s'agit notamment des déplacements que nécessitent certains soins. J : « Comme motif c’est qu’elle voulait pas quitter la maison (…) » N : « c'est des personnes que je vois à domicile et qui sortent plus et donc y me disent ça fait six ans que je suis pas sorti non j’irai pas chez le cardiologue j'ai pas envie de sortir. » Ou encore des interventions au domicile vécues comme intrusives, notamment dans le cas de la prévention du risque de chute. B : « les interventions qu’on peut leur proposer dans ce domaine là, en tout cas notamment pour les chutes, c’est extrêmement intime (…) il faut réorganiser votre domicile c’est juste le bazar » • La peur du changement I : « c’qui les fait le plus paniquer c’est le changement. Euh… là depuis 20 ans vous aviez ce médicament et ben on va changer. Là ça les rassure pas donc y ont tendance à, à dire ben non moi j’ai toujours fait comme ça. (...) c’est l’appréhension d’un changement. » 32 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Et parmi le changement, celui de médecin traitant (le patient âgé qui voit son médecin de famille de 40 ans partir en retraite et qui doit s'adapter à un nouveau médecin) peut être un motif de refus, au moins initialement. I : « Y’a parfois le charisme, ou le poids on va dire, du praticien précédent. "Parc’que le docteur D et bah lui y faisait comme ça". » • Les pressions familiales N : « des fois la pression familiale, parce que quand ils vivent avec la famille, les enfants, les petits-enfants, si ils ont pas envie mais qu'ils ont des enfants hyper inquiets et qui poussent à faire des examens c’est… c'est toujours embêtant. » • La nécessité de s'occuper d'un tiers à domicile Le poids d'un conjoint dépendant peut conduire à refuser un soin parce que sa propre santé n'est pas prioritaire. K : « il refuse pour l'instant de se faire opérer parc’que bah y va bien, qu’il a sa mamie qu’a Alzheimer et y dit si je me fais opérer bah personne pourra s'occuper d'elle, si je meurs pendant l’intervention personne s’occupera d’elle » • Le refus de soin qui s'inscrit dans un syndrome de glissement L : « le refus de soins ça m'évoque autre chose, c'est les patients âgés qui se laissent glisser hein. » • Un critère sociogéographique : la ruralité Selon un médecin, le fait que la personne âgée vive en milieu rural peut être un facteur de risque de refus. J : « Bah nous on a une population, la population âgée actuelle c’est une population rurale hein (...) j’pense qu’y a une culture rurale qui fait que… qui fait que les gens ont pas envie de descendre à l’hôpital (…) c’est toujours l’esprit un peu rural quoi. Ils ont pas une appétence particulière à v’nir voir leur toubib, ni la pharmacie. » 33 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) 4) Les réactions des médecins confrontés au refus de soin Même si leurs attitudes peuvent différer, pour les quatorze médecins interrogés le respect du refus est non opposable. J : « Mais la décision finale ça sera celle du patient. » L'opposition du patient peut être parfois à l'origine d'une remise en question de la part du médecin qui l'amène à se ranger à l'avis du malade. E : « Y’a l’effet inverse aussi des fois, tu te dis non finalement il a raison on peut très bien se démerder sans l’hospitaliser, sans faire le scan, sans je sais pas. (...) Et puis en même temps des fois je me remets en cause mais en direct, j’peux changer d’avis aussi grâce au patient. » H : « des fois elle est justifiée et c’est eux qui, qui voilà nous mettent le doigt sur un truc qu’on n’avait pas vu. » Car le médecin n'est pas le seul détenteur d'un savoir. J : « On détient pas, enfin faut arrêter de considérer que les médecins détiennent la vérité absolue. On est quand même souvent pris à défaut quoi. » N : « insister davantage sur le droit la personne pour se rendre bien compte que le savoir est pas forcément détenu que par médecin et qu'en tout cas c’est pas parce que qu’il sait ce qu’il faut faire que c'est ce qu'il faut faire » Pour tous, la condition sine qua non pour respecter le refus du patient est que ce dernier ait bien compris les enjeux du soin. E : « je leur dis souvent "j’veux bien que vous refusiez mais avant toute chose je veux être sûr que vous ayez bien compris pourquoi je veux. C’est la seule condition pour laquelle j’accepte que vous refusiez. Tant que vous avez pas super bien compris, que j’ai pas l’impression que vous avez super bien compris, je refuse que vous refusiez » K : « une fois qu'il a bien reverbalisé les tenants et les aboutissants et que j'ai bien compris, enfin j'ai bien réalisé qu'il avait bien compris et qu'il voulait pas, c'est son choix OK très bien » 34 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) 4.1) Influence du type de soin L'attitude initiale interventionniste ou attentiste du médecin dépend du caractère vital ou non du soin. Ils expriment leur insistance en cas de soin vital. F : « J’vous dis y’a que quand c’est …quand la situation de refus me semble mettre en jeu la survie de la personne euh… ou risque d’avoir des conséquences délétères graves euh… où j’insiste un p’tit peu » L : « mais si ça le met en danger je vais me battre. » S'il n'y pas de mise en danger immédiate, les médecins l'acceptent sans peine. L : « Bah si le refus ne met pas sa vie en danger, à court terme, bah pas vraiment de problème majeur. » I : « on a vraiment permis au patient d’exprimer son refus de soin et on a vraiment, on est vraiment allé au bout de la philosophie c'est-à-dire finalement c’est sa santé et ben on n’est pas dans le cadre d’une HDT, il est tout à fait libre de choisir le côté obscur si il le souhaite. » Ils indiquent également tolérer plus facilement le rejet de propositions de soins préventifs. K : « eh bien aujourd'hui un refus de soins préventifs, parce que c'est surtout là où il y a des refus de soins, euh… et bah OK vous voulez pas faire de la prévention on traitera le problème quand il sera là. » 4.2) Influence de l'âge du patient Deux médecins (D et K) ont déclaré que leur réaction n'était pas modifiée par l'âge du patient refusant. D : « Ça peut arriver de me mettre dans les mêmes états pour une personne âgée que pour quelqu’un, un adulte dans la vie active. (...) Non j’me dis pas bon bah il est âgé, j’déteste cette réflexion de " oh bah voilà vous avez l’âge de vos artères" ou " bon ben voilà c’est l’âge ”. C’est quelque chose que j’accepte pas (…) j’ai pas le sentiment d’être un médecin qui baisse les bras du fait de l’âge de ses patients. » K : « En tout cas j'ai pas l’impression de réagir différemment. » 35 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Pour tous les autres médecins, l'âge entre en ligne de compte. M : « L’âge est un élément important de ma décision. » Ils admettent plus naturellement le refus d'un patient âgé, pour les motifs suivants : - une acception plus volontiers "a priori" du fait de l'âge avancé pour quatre médecins (E, G, L, N) E : « Ah oui, alors moi oui. Ah oui, ah bah là oui oui. Mais c’est p’têtre un tort. Parc’que y’a peut-être pas de raison de vouloir imposer plus des choses aux plus jeunes, c’est peut-être pas une bonne raison philosophique.(...) J’ai moins de résistance au refus de soin chez une personne âgée que le trentenaire. » N : « Personnellement j'ai tendance à lever le pied parce que… parce que voilà quoi après un certain âge ça a pas toujours du sens. (…) J'ai l'impression d'être moins stressée ou d’être moins perturbée par des personnes âgées qui ne font pas ce qu'elles ont à faire. » - leur espérance de vie est plus courte, les conséquences du refus leur paraissent donc moins graves F : « Très honnêtement, un patient de 85 ans je crois qu’il a, qui refuse d’être soigné pour son cancer du poumon, ça va pas changer énormément son avenir, ça va peut-être le raccourcir un peu mais pas de façon euh…, il va pas perdre 40 ans de vie quoi » L : « Je crois pas parce que j'ai toujours dans un coin de ma tête que si cette personne très âgée choisi de ne pas se soigner elle va p’têtre raccourcir un peu sa vie mais voilà. » - la balance bénéfice-risque du soin leur est plus souvent défavorable E : « Pour le reformuler je dirais que la balance bénéfice-risque est moins évidente chez les patients âgés quoi. C'est-à-dire que le bénéfice qu’y peuvent tirer des soins, on est souvent dans des situations où la partie bénéfice est moins évidente à évaluer alors que la partie risque celle-là au contraire elle gonfle » 4.3) Influence de l'âge du médecin L'attitude des médecins évolue au fil des années d'exercice. Ils ont l'impression d'être plus respectueux des choix du patient avec l'âge. C'est ce qu'ont notamment exprimé les médecins plus âgés interrogés. 36 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) G : « Vous vous allez le vivre différemment quand vous allez vous installer, que vous êtes encore avec toute votre, votre enthousiasme de ce que vous venez d’apprendre et vous voulez convaincre les gens qu’ils fassent comme vous voulez parc’que vous savez que vous avez raison. Que quand vous arrivez vers mon âge, vous commencez à être un peu plus… voir ça de loin. (...) l’âge du médecin compte autant que l’âge du patient hein. Quand on débute on est très à cheval sur ce qu’on nous a appris donc on est plus agressif pour faire adhérer les gens. » J : « J’pense que j’ai lâché du lest en vieillissant » L : « J'ai passé l’âge de dire "Hé c'est moi le docteur" [dit cela en prenant une grosse voix]. » Le médecin I relève que lorsque le patient a le même âge que le médecin, ce dernier pourrait se projeter davantage et cela influerait sur son attitude quant au fait de respecter ou non ce refus. I : « L’âge change la façon de faire bah forcément parc’que des fois on va se, enfin on va être plus motivé à convaincre, enfin convaincre ah j’utilise le mot banni ! On va plus être motivé à, justement à aider un patient à aborder une meilleure démarche santé quand on s’reconnait en lui parce qu’il a notre âge. » 4.4) Influence des obligations médico-légales sur l'attitude des médecins Il s'agit pour eux de l'obligation d'informer et s'assurer que les patients aient bien compris. A : « Bah le seul médico-légal que j’ai en tête moi c’est une obligation de moyens voilà. Après moi par rapport à ça… L’obligation d’informer, l’obligation de moyens. (...) Les gens sont pas fous. Une fois qu’ils ont eu les explications, ils comprennent quoi, ils sont capables d’assumer leurs responsabilités. » Cette question médico-légale est présente dans l'esprit des trois médecins C, D et L. D : « Oui, mais malheureusement pour tous les patients. Et ça c’est un vrai problème. C’est un vrai problème parce qu’à mon sens aujourd’hui le médico-légal altère la relation de confiance à la personne et peut-être nous fait prendre des décisions qu’on n’aurait pas prises autrement. Ça c’est une inquiétude, permanente, et qui altère la qualité humaine. (…) On est 37 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) dans une société qui fonctionne comme ça parce qu’on sait que le patient y peut dégainer aussi la plainte et du coup euh… la crainte médico-légale elle est à tous niveaux et quel que soit l’âge. » Mais pour les autres elle n'est pas obnubilante. Ce n'est pas une crainte prépondérante dans leur exercice. A : « enfin c’est pas un frein, c’est pas une crainte » M : « moi j’me sens pas pénalement, administrativement ou ordinalement responsable d'un patient qui a clairement les informations, qui les a compris et qui refuse le soin. » Car ils se sentent protégés par la relation singulière, par le lien de confiance entre le médecin généraliste référent et son patient. A : « A partir du moment où la relation est à peu près construite, enfin où il y a une relation de confiance qui s’est établie des deux côtés (...) y’a pas de médico-légal. » G : « Alors que quand vous êtes en cabinet c’est différent. Les gens vous ont choisis déjà et puis euh…le contact est pas le même. On les connaît depuis plus longtemps, c’est pas le même contact. » Souvent il s'agit d'une appréhension davantage par rapport à l'entourage et à la famille, que le patient lui-même (médecins I, J, L). L : « un intérêt à appeler la famille, je dirais qu'il est médico-légal "ah le docteur il a rien fait, il a laissé mourir la mémé" » I : « C’est pas du tout une décharge. C’est j’assume ma responsabilité, par contre j’vous demande juste de m’aider à pouvoir prouver, par la suite, que je vous ai informé, vraiment de manière claire et loyale, du risque que vous courriez et que, si y’a une plainte de la famille trois ans après, je puisse dire ce monsieur a signé un document où je disais qu’il allait mourir, il a signé. » 38 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Ils ne sont pas tous d'accord sur l'intérêt médico-légal de renseigner le dossier à propos du refus de leur patient. Pour la majorité d'entre eux (12 médecins) la notification du refus du patient dans le dossier médical est très importante. C : « Quand il y a eu notamment une discussion autour d’un truc avec un refus de soin ou un refus, ça je le note, pour moi quoi. Parce qu’à un moment donné il faut aussi savoir se protéger. » J : « L’aspect médico-légal encore une fois c’est l’écriture. Y’a des traces dans le dossier. (...) Parc’qu’ effectivement professionnellement on peut s’exposer et euh… y faut faire la trace dans l’écriture du refus de traitement. » Par contre, une décharge signée par le patient n'a à leurs yeux aucune utilité ni valeur pour un médecin. A : « c’est bien pour un gastro-entérologue ou un chirurgien y fait signer mais ici on n’a pas ce genre de problème je pense. » Pour deux médecins (F et K) l'oral prime même sur l'écrit. F : « ma façon de travailler c’est une relation de confiance entre un patient et un médecin. Si le patient dit au médecin, ce que je veux c’est ça et si le médecin en tient pas compte c’est qu’il est pas dans cette relation de confiance et inversement j’veux dire. C’est vraiment une relation humaine, une relation duelle et une relation de confiance donc voilà je… Qu’elle s’appuie sur des papiers, ça me dérange enfin ça me dérange, j’suis pas familier de cette chose là. » 5) La pertinence du consentement de la personne âgée en cas de troubles cognitifs. Tous les médecins de l'étude ont évoqué la difficulté posée par le recueil et la valeur du consentement de la personne âgée atteinte de troubles cognitifs. Ils s'interrogent sur l'attitude à adopter en cas de refus dans ces circonstances. 39 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) D : « Après dans les refus de soin la difficulté c’est les personnes qui ont des troubles cognitifs. » C : « Y’a des facteurs limitant si c’est quelqu’un qui est atteint, une personne âgée qui est atteinte d’une maladie neurodégénérative, forcément y’a….en général les personnes qui sont pas, qu’arrivent pas à… comment dire à… à comprendre le pourquoi du comment. » Même en cas d'altération des fonctions cognitives, l'information doit être délivrée et reste un droit. A : « Ça dispense pas de donner des explications pour le coup en même temps, ou de préparer, y’a peut-être des choses qui passent. » L'existence de troubles de la compréhension du fait de pathologies neurodégénératives ne doit pas être un frein pour tenter d'obtenir un consentement, quatre médecins (B, D, H, G) ont particulièrement insisté. B : « Mais pour les personnes âgées, même démentes, même qui ne peuvent plus communiquer, évidemment… enfin voilà y’a un consentement qui est imprescriptible quoi. » G : « Moi quelqu’un qui a un Alzheimer, vous pouvez faire des examens, des traitements, il faut quand même chercher à obtenir son consentement. » Car l'absence d'adhésion aux soins peut être source de violence. H : « on essaye toujours d’avoir l’adhésion sinon ça rime à rien. Imposer des soins euh… ouais vraiment imposer des soins à une personne qu’a la maladie d’Alzheimer qui comprendrait pas l’intérêt des soins et qui vivrait ça comme une espèce de torture imposée, c’est plus de la médecine. C’est vrai que même avec eux on doit négocier quand même. » Mais certains médecins sont ambivalents à cause du caractère changeant de la pensée en cas troubles cognitifs. A : « Si on peut avoir un consentement en même temps c’est bien, mais en même temps la valeur qu’il peut avoir et sa réversibilité dans les 5 minutes, ça le rend vraiment précaire quoi, c’est difficile de se baser dessus. » D : « On essaye d’obtenir l’adhésion mais l’adhésion elle est fluctuante. » N : « J'ai un vrai problème avec les patients Alzheimer ou les troubles mnésiques et … là moi j'ai des patients qui me disent oui mais je sais pas quelle est la valeur du oui ou non et je sais pas quelle est la valeur du non donc voilà. » 40 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Ils ne sont pas tous unanimes sur le crédit à donner à ce consentement, et certains n'en tiennent pas compte. M : « dans la mesure où il est dément cet agrément n’a pas de valeur de participation. » Dans leurs réponses les médecins soulignent que le problème se pose en terme de communication. F : « comment communiquer euh…des sujets qui sont des fois à la limite de ce que nous nous pouvons comprendre avec quelqu’un qui n’a plus toute sa capacité intellectuelle ? » Car certaines fonctions de communication restent préservées. A : « Même quand il y a des altérations de fonctions cognitives c’est assez surprenant parfois d’avoir des retours élaborés. Voilà, on se dit ça va pas être possible c’est pas la peine de discuter, en fait non il y a des choses qui passent quand même. » Il leur faut aussi s'appuyer sur d'autres facteurs relationnels. H : « les personnes qui ont vraiment des troubles cognitifs, moi j’trouve que euh… ce qu’ils ont de préservé assez longtemps quand même c’est les liens affectifs, les émotions, donc ça on peut jouer là-dessus dans l’approche physique de la personne, dans la façon de parler. Voilà le fait d’être vraiment, comme apprivoiser quelqu’un, y faut les apprivoiser quoi. » Ils accordent une place importante dans ce cas à l'analyse du non-verbal pour obtenir un consentement ou ne pas enfreindre un refus de soin. B : « Enfin il a plus les compétences pour prendre la décision. En fait euh, euh…en regardant en fonction de sa physionomie, de ses attitudes, de ses gestes euh… quand il ouvre les yeux c’est qu’il est d’accord, quand il les ferme et qui se crispe c’est qu’il est pas d’accord. » 6) Les moyens mobilisés par les médecins pour obtenir une adhésion au soin 6.1) Anticiper le refus Deux médecins expliquent essayer de repérer au cours de la consultation les éventuelles résistances ou signes annonciateurs d'un refus pour ainsi adapter leur proposition de soin. B : « C'est-à-dire quand je les examine que je commence à leur dire "oh là ça ça me plaît pas, oh vous avez vu vos pieds comme y sont dégueulasses faut faire quelque chose", voilà, j’regarde quelle tête y font et ce qu’ils me renvoient. C'est-à-dire que si ils commencent à se 41 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) crisper, à se fermer comme des huîtres ou à faire la tronche, à me dire " ah pff on m’l’a déjà dit 10 fois " ben je, j’essaye d’en parler tout de suite, de dire "oh bah je vois bien que vous faites la tronche, oh bah je vois bien que je vous casse les pieds avec ça, pourquoi, comment ça se fait". Pour lever tout de suite les barrières et que ça s’installe pas » I : « Parc’que justement si je sens que la prescription elle est pas acceptée je la fais pas. » Il s'agit aussi d'anticiper au sens prévoir l'organisation du soin afin qu'il soit mieux accepté. C : « Quand j’ai une hospitalisation c’est quelque chose que j’essaie d’organiser un minimum (…) j’essaie toujours de shunter les urgences pour les personnes âgées, au maximum. » D : « y faut préparer le terrain. Et moi d’expérience en fait que j’ai eu des gens qui ont commencé à avoir des troubles cognitifs graves, enfin qui s’aggravaient en fait très vite, plus la décision d’institutionnalisation était faite au moment où les gens étaient capables de prendre la décision et de ne pas la subir, mieux ça c’est fait et mieux l’institutionnalisation s’est passée. » 6.2) Explorer l'ambivalence du patient C : « Je considère que le patient s’il a demandé (...) à ce qu’on vienne le voir, même si lui il grogne, il est pas content, bon bah c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas. » K : « Alors si vraiment ils avaient dans l'idée de pas se soigner ils appelleraient personne. » Ils renvoient le patient face à cette contradiction entre sa demande de consultation et le refus de la proposition de soin. L : « Alors moi j’veux bien que vous refusiez ça mais vous vous mettez en danger et dans ce cas là, expliquez moi pourquoi vous êtes venu me demander mon avis. » 6.3) Fixer des objectifs de soin adaptés à chaque patient Les objectifs du médecin doivent être en adéquation avec ceux de son patient dans la mesure du possible. 42 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) B : « Je pense qu’à partir du moment où, en tant que soignant, on a des objectifs qui sont, qui collent avec le patient, et ben on ne se pose même plus la question du consentement, il est naturel, il vient tout seul. » Les médecins tentent d'adapter leur démarche de soin à la personnalité de leur patient. Il ne peut y avoir de réponse préétablie à un refus, car tout se passe dans la subjectivité de la relation médecin-malade. D : « j’dirais que pour moi en tout cas le refus de soin il est géré différemment en fonction de la personne que j’ai en face ». L'effort d'adaptation est fait par le médecin et non l'inverse C : « Et après en fonction des caractères et des personnalités qui sont en face de moi, j’adapte ma façon de faire. » Cela permet d'obtenir une décision partagée, élément clé pour obtenir une adhésion aux soins. E : « Moi je vois plutôt le truc comme une décision commune basée, enfin c’est peut-être un peu idéal ce que je dis, plutôt que de voir le médecin qui propose et le patient qui dispose ou pas, c'est-à-dire qui rejette ou pas, j’aurais plutôt tendance à dire on est ensemble et on évalue ensemble la balance bénéfice-risque pour le gars quoi. Pour décider ensemble. » M : « on sera beaucoup plus efficace si on travaille en collaboration étroite avec le patient que si on travaille seulement dans une optique dirigiste » La décision devant rester centrée sur le patient. I : « On a quand même une approche centrée sur leurs attentes. » 6.4) Expliquer ses propositions Lorsqu'ils sont confrontés à un refus de soin, tous les médecins recommencent leur travail d'explications, ils reformulent. A : « j’essaye de, de m’astreindre à expliquer, à apporter une information » Certains sont investis par cette mission de "pédagogue". E : « enfin moi dans mon expérience, c’est la pédagogie par rapport à la médecine, en repartant sur les bases avec le patient, la physiopath quoi, le cours de médecine (…) j’fais des schémas, je dessine les organes (...) le refus se dissipe très souvent quand les gens ils ont bien compris l’enjeu et surtout l’enjeu du soin rapporté à l’explication physiopathologique » 43 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Ils essaient de partager et vulgariser leurs connaissances. K : « Ça je pense que c'est très important de…d’utiliser des mots qu'ils puissent comprendre et pas des grands termes médicaux ou même nous on a de la peine à s’y retrouver. » Pour ce travail d'explication, ils se sentent avantagés par le colloque singulier qui existe entre le médecin traitant et son patient. J : « on est médecin de famille donc y’a aussi donc dans l’argumentation ça pèse un peu, même beaucoup » 6.5) Respecter le rythme de réflexion du patient Le processus de soin s'inscrit dans la durée. Le rythme du patient ne suit pas toujours celui du médecin, et tous les praticiens interrogés l'ont souligné. Il faut laisser la possibilité au patient de mûrir sa réflexion. A : « Donc il faut revenir quoi, à la charge, régulièrement et puis on est rarement dans l’urgence donc on peut toujours prendre un p’tit peu de temps et jalonner. » M : « on est là en train de se dire bon on est à une sorte de statu quo sur ce sujet là, on n’ a pas d'accord commun, peut-être que ça va évoluer dans le temps. J’pense qu'il faut pas fermer la porte » Un refus de soin initial, ne signifie pas un refus ferme, définitif ou irrévocable. C : « Et pour moi ça ne veut pas dire que ce sera forcément non à la fin » Pour cela, la position de spécialiste en médecine générale leur paraît être un facteur facilitant, car la relation s'inscrit également dans la longévité. H : « En médecine générale c’est vrai qu’on a cet avantage là du temps. » 6.6) Rechercher un compromis Presque tous les médecins ont employé le terme "négociation" ou "compromis" (A, B, C, D, F, G, H, I, J, L, M, N). Cela leur parait être la meilleure méthode pour finalement obtenir une alliance thérapeutique. G : « Sinon il y a toujours des possibilités de négocier, tout est affaire de négociation. » 44 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) M : « Donc le maître mot c’est le compromis si y'a pas une adhésion complète, entre rien et l'adhésion complète et bah j’pense que le compromis c'est pas mal. » Alors que la confrontation est contre-productive. B : « Mais, le fait de s’opposer comme ça [mime le poing qui tape dans l’autre main] ça change strictement rien quoi. » Un médecin souligne la différence pour cela entre convaincre (amener quelqu'un, par des raisons ou des preuves, à reconnaître quelque chose comme vrai ou nécessaire) et motiver (créer chez quelqu'un les conditions qui le poussent à agir). Le patient doit être moteur de la décision. I : « C’est inutile de chercher à convaincre. Y faut motiver. [Rires] Convaincre c’est une perte d’énergie terrible. » 6.7) Rôle du comportement du médecin Les médecins ont conscience que leur attitude joue un rôle important dans la réponse à apporter à un refus. A : « il y a beaucoup de questions de personnalité, de culture, une question d’apprentissage et puis une question de posture. » Mais ils ne sont pas tous du même avis et ils s’interrogent quant à la meilleure conduite à adopter pour vaincre les résistances du patient. D : « Je sais pas trop comment les gérer en étant suffisamment inquiétante pour euh voilà, et suffisamment enrobante pour pas non plus leur faire voilà, leur faire peur. Trouver un juste milieu (…) Et des fois j’trouve qu’y a une histoire où on passe en fait à un rôle de père, enfin de père d’autorité on va dire, j’dis père pour faire des raccourcis, mais parfois on passe d’une autorité un p’tit peu violente à un maternage peut être un peu trop important » Certains (les médecins A, C et D) pensent qu'être plus autoritaire peut aider chez certains patients. A : « Moi ça m’arrive d’être un p'tit peu directif en matière de réflexion. Parfois je peux être capable de mettre les gens face à leur réalité de manière un peu brutale, sur certains aspects 45 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) en tout cas (...) en tout cas mettre les gens devant des réalités soit qu’ils n’expriment pas soit qu’ils n’ont pas forcément vues. » C : « Il y en a où je vais être un p’tit peu, un p’tit peu, je vais un peu titiller (...) ça peut arriver parce que je sais qu’avec cette personne ça va fonctionner comme ça. Il faut un peu les électrocuter quoi. » Cette attitude peut aussi se justifier quand le patient se met en danger. D : « des patients qui avaient plus de comment dire, de jugement euh objectif en fait sur leur santé, ça m’est déjà arrivé de ouais m’engueuler avec des patients pour leur imposer. (…) quand t’as l’impression que la personne est vraiment en train de se mettre en danger…et quel est ton rôle en fait à c’moment là, un p’tit peu de prendre le rôle autoritaire quoi » Mais la plupart pensent qu'il faut rester flexible et conciliant. M : « Moi j’pense qu'il faut être très souple, parce que quand c'est très rigide de toute façon on arrive vite à des limites. » Ils pensent que ceci reflète bien l'évolution de leur pratique et la position du médecin : ils considèrent que l'abandon du modèle paternaliste est une bonne chose. J : « Non j’pense que globalement les jeunes soignants, jeunes médecins…ils ont cessé d’être dictateur quoi, c’est quand même un progrès. Prendre du temps pour argumenter, l’introduction de l’éducation thérapeutique, enfin ce rapport au patient sachant c’est important. » G : « Si vous partez du principe moi j’suis le médecin j’ai raison, vous êtes le malade vous avez tort, à ce moment là des patients qui acceptent on en a quasiment plus. » 6.8) Maîtriser des techniques de communication I : « j’pense que ça passe beaucoup par des outils de, de communication pour dépasser le, enfin pour gérer la situation. (…) le refus de soin qui s’arrête au non du patient c’est un échec de la communication » 46 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Des médecins exposent leurs astuces, outils de communication : - la technique du "disque rayé" H : « Un des trucs, un des outils par exemple ça s’appelle la technique du disque rayé (...)et ben le disque rayé c’est on lui répète toujours la même chose et au bout d’un moment : on lui dit oui c’est vrai j’comprends bien que vous avez pas envie d’aller à l’hôpital c’est vrai que, mais aujourd’hui faut y aller. La personne dit nan, nan, nan j’suis pas d’accord, tout le monde meurt à l’hôpital. Oui c’est vrai que mais aujourd’hui faut aller à l’hôpital. Et donc on répète tout le temps comme ça la même phrase » - le questionnement réflexif I : « le questionnement réflexif : "Vous me dites que vous ne souhaitez pas faire tel soin, d’après vous comment est-ce qu’on pourrait faire autrement ?/ Oh bah j’sais pas. /Vous savez ce que vous ne voulez pas mais j’aimerais qu’on regarde maintenant ce que vous vous voulez. Qu’est-ce que vous pensez que je pourrais faire devant cette situation ? " » Un manque de formation est parfois ressenti dans ce domaine. D : « peut-être qu’y me faudrait des aides en terme de communication avec les patients. Peut-être qu’aujourd’hui ce qui pointe c’est les formations par rapport aux entretiens motivationnels (…) Aujourd’hui ça c’est quelque chose que je sais pas faire mais peut-être que demain moi ce qui pourrait m’aider ce serait peut-être des formations sur l’adhésion du patient et l’entretien motivationnel et la communication avec l’autre quoi. » 6.9) Faire appel à des personnes ressources extérieures 6 .9 .1) Les aidants professionnels Devant une situation de refus de soin, les médecins n’éprouvent pas de difficulté à faire appel à d'autres confrères. B : « Ah bah oui oui oui, quand j’suis paumée j’suis paumée hein, je passe la main. » Et en premiers recours il s'agit de confrères généralistes. M : « Enfin en plus on peut les adresser un autre confrère ça peut être aussi un moyen d'obtenir leur assentiment en disant "bah voilà aller voir quelqu'un d'autre, discutez-en avec 47 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) cette personne là et puis voyez ce qui vous dit, si jamais il vous dit la même chose que moi ce sera peut-être un argument supplémentaire pour pouvoir prendre les choses en charge telles qu'on vous les propose". J’pense que c’est d’ailleurs une ressource très intéressante. Par exemple nous on le fait parce qu'on est deux au cabinet parce que des fois on n'a pas la même approche et on dit pas la même chose. » L'exercice en cabinet de groupe leur semble être un atout. D : « Et j’trouve ça intéressant d’être du coup dans ces cas la d’être en équipe. » E : « Dès que j’ai un problème c’est mon premier réflexe c’est d’en discuter avec le voisin. » Il apparaît judicieux parfois de laisser le patient choisir le médecin pour un second avis, pour écarter tout soupçon de connivence entre médecins. M : « Alors soit on va adresser à un confrère mais là la personne va être adressée donc elle va se dire ouais y m'envoie voir quelqu'un qui va avoir le même discours, soit on le laisse libre de choisir hein. » En second recours viennent les spécialistes d'autres disciplines, qui peuvent faire figure d'autorité. B : « le spécialiste ça aide bien. C'est-à-dire que lui s’occupe du physique, y fait le méchant médecin. [Rires] C’est horrible hein. Pis moi après je leur tapote sur la main [fait le geste en même temps] en leur disant ah y vous a dit qu’y avait rien ben c’est peut-être qu’y a rien en même temps » H : « Des fois les spécialistes aussi. Quand nous ça fait 10 fois qu’on dit quelque chose si un jour c’est le gériatre qui le dit des fois ils l’entendent autrement oui. » 6.9.2) Les aidants non professionnels : l'entourage Lorsque les patients âgés refusent un soin, les médecins font majoritairement appel à la famille et notamment aux enfants. I : « L’entourage, j’dirais que c’est des relais, c’est les personnes qui connaissent le mieux le patient euh… et c’est les relais de la volonté du patient. » 48 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Ils ne négligent pas pour autant le conjoint. A : « Et qui fonctionne en binôme quoi, donc il y a une unité fonctionnelle du couple qu’est importante. (...) C’est un travail global sur les deux personnes et parfois le consentement peut-être qu’il est pas obtenu de façon claire sur une personne mais, mais le couple accepte les choses quoi. » Le refus d'un patient âgé ne doit pas découler systématiquement sur le recours à un tiers. Les médecins le font intervenir dans les cas suivants : - quand le soin refusé est jugé absolument nécessaire N : « Quand j’pense que c'est important, quand j'ai des doutes sur la compréhension ouais j'ai tendance à m'appuyer sur les familles » - lorsqu’il existe une altération des fonctions cognitives I : « C'est-à-dire que là aujourd’hui il est pas capable de le dire mais s’il avait eu le choix est-ce que vous pensez que ça il aurait plutôt accepté ou plutôt refusé » - lorsque la personne âgée est dépendante C : « Je demande quand c’est des personnes âgées qui ont un problème de dépendance. » Néanmoins ils soulèvent un certain nombre de limites à faire appel à l'entourage : - cela peut générer un sentiment d'infériorité pour la personne âgée D : « j’fais toujours passer la personne âgée avec des troubles cognitifs avant la famille, avant le choix de la famille (...) pour pas avoir à l’infantiliser » - la relation habituellement duelle devient triangulaire, et peut être alors plus compliquée à gérer F : « J’ai très peu de problèmes avec les personnes âgées lorsque l’on est en binôme. J’ai plus de problème avec les familles. (...) Par contre, il y a des fois il y a des divergences d’appréciation et des fois ça met très mal à l’aise, c’est… parce qu’on pense dans notre fort intérieur que la décision qu’on aurait aimé prendre ou qu’on aurait aimé mettre en œuvre était la bonne, et quand la famille a une vision différente de la chose, c’est vrai que c’est assez inconfortable. » - est-ce vraiment le rôle du tiers ? M : « passer à un intervenant familial qui est un non soignant ça pose un autre problème de débat qui est est-ce que c'est son rôle de manipuler la personne pour qu'elle participe aux 49 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) soins. Est-ce que c'est normal qu'on mette cette responsabilité, ce poids là, sur les épaules d'un accompagnant qui est là plus pour accompagner, pour prendre une part de vie, plutôt que d'amener du médicament ou du soin thérapeutique. » - le risque est d'éclipser la parole du patient et de donner plus de poids à celle de l'entourage N : « Alors c'est vrai que des fois je pense que je triche, je m'appuie sur les conjoints, les enfants, quand ils sont pas seuls. Quand je pense que c'est important. /Et pourquoi vous dites tricher ?/Euh… parce que je pense que du coup je les écoute moins (...) Et finalement je pense que je triche parce que je ne respecte plus mon patient… et du coup c'est pas forcément honnête. Et plus on, enfin quand on commence à faire ça on a tendance à le refaire. Et une fois que l'interlocuteur n'est plus le patient, on a plus tendance à s'adresser aux enfants et c’est des fois difficile de recentrer en disant oui mais non là il a pas envie on s'arrête » Pour éviter cet écueil, les médecins sont attentifs à la formulation de leurs questions lorsqu'ils s'adressent à l'entourage. I : « c’est très important de poser les questions de la bonne manière. On va pas dire " bon qu’est-ce qu’on fait ? ". Parc’que si on dit qu’est-ce qu’on fait, c’est à votre avis qu’est-ce qu’on fait donc qu’est-ce qui vous plairait qu’on fasse. Donc c’est pas ça. C’est " là dans cette situation, tel soin me semble important, j’me rends bien compte qu’il est pas en mesure de donner son avis sur la situation, vous qui le connaissez bien vous pensez qu’il aurait dit quoi ? " » - ne plus respecter le secret médical en partageant des informations avec la famille C : « Mais du coup je fais le médiateur et la famille quand je lui explique que c’est important elle soutient ma parole et du coup, voilà, mais c’est pas une coalition, c’est que je le préviens, je dis au patient écoutez moi je vais la prévenir. » - les intérêts de l'entourage peuvent différer des intérêts du patient E : « t’as un interlocuteur sur lequel t’as des doutes qui puisse vraiment servir les intérêts du patient, c’est délicat quoi. » F : « Alors quand les aidants sont véritablement aidants, il y a rarement de problème. Quand les aidants sont plutôt des héritiers, il peut y avoir des problèmes. » I : « Y’a un biais. Y’a un biais parc’que le proche projette aussi ce que lui souhaite, ses propres attentes et ses propres réticences » 50 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Finalement il leur apparaît parfois délicat de trouver la personne adéquate. N : « Parce que les enfants ils ont pas du tout les mêmes demandes. Des fois c'est dur de trouver qui est l'interlocuteur. » Les médecins jugent alors très important de pouvoir faire désigner une personne de confiance par le patient, pour éviter toute ambiguïté. E : « c’est qu’on invite les gens à nous, tant qu’ils en sont capables, à bien nous donner des noms de leurs personnes ressources, de désigner leur personne de confiance » 7) La contribution des directives anticipées 7.1) Les connaissances théoriques des médecins Cinq médecins (C, D, F, K, N) ne connaissaient pas l'existence des directives anticipées et leur principe. C : « C’est quoi ça les directives anticipées » N : « Alors je sais pas, je suis nulle du point de vue légal, je sais pas précisément dans quel cadre il faut le faire. » Parmi les médecins qui avaient des connaissances précises quant à leurs objectifs et utilisation il est à noter que l'un avait un DU de soins palliatifs et le second avait suivi un séminaire dédié à l'étude de la loi Leonetti de 2005 et que tous deux ont souligné le caractère essentiel de cette formation. J : « De toute façon c’est écrit dans la loi Leonetti, y suffirait de la lire et de la comprendre, et de la diffuser chez les soignants, ce qui n’est pas le cas. On a fait 2, 3 EPU autour de la loi Leonetti, c’est affligeant quoi, je parle des professionnels de santé hein. Le niveau de connaissance pour moi est très décevant. » I : « j’ai envie de vous dire que c’était pour moi tellement nébuleux ces histoires là, avant que je fasse un séminaire de formation 2 jours dessus » Pour eux les directives anticipées ne sont pas nécessairement la traduction de refus de soin, elles servent avant tout à exprimer des souhaits. I : « oui c’est une façon de dire ce qu’on souhaite et où on en est vis à vis de ça quoi. Est-ce qu’on est un peu choqué par l’acharnement thérapeutique et on le veut pas pour soi ou est-ce 51 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) qu’au contraire on veut que tout soit fait jusqu’au bout, jusque vraiment il n’y ait plus rien à faire quoi.(...) On s’fait souvent la représentation des directives anticipées comme une limitation des soins mais non non c’est pas du tout ça. C’est une forme d’expression, un moyen d’expression. » 7.2) Les conditions de recours aux directives anticipées La demande de rédaction de directives anticipées émane très rarement des patients euxmêmes. K : « Alors les personnes qui rédigent leurs souhaits non j'en ai jamais eu. » L : « Ah non jamais. Jamais un patient est venu me voir en me disant je voudrais rédiger mes directives anticipées. Bah je pense que dans la génération des 80 ans et des poussières et audelà c'est sûrement par manque d’information. » Les médecins quant à eux n'abordent pas ce sujet avec tous leurs patients mais seulement avec ceux atteints de pathologies chroniques ou souffrant de maladie engageant le pronostic vital. H : « Les patients qui ont des pathologies lourdes, chroniques, pas forcément mortelles dans l’immédiat mais on sait que un jour ou l’autre ça va se présenter, par exemple l’insuffisance respiratoire dans les maladies neurologiques dégénératives. Et c’est vrai que c’est des situations on pourrait se dire on pourrait anticiper » J : « Globalement c’est surtout dans les pathologies chroniques et en cancéro notamment chez des patients qui sont en 3ème-4ème rideau de chimiothérapie » Ou bien lors d'institutionnalisation. M : « Bah y signent des directives anticipées en entrant dans l’EHPAD où je travaille par exemple, c'est proposé de façon systématique. » La moitié des médecins interrogés (B, E, H, I, J, L, M) partagent le sentiment que les directives anticipées sont utiles. E : « Ah moi les directives anticipées j’trouve ça hyper important. » H : « Moi j’pense que c’est très important que les gens aient eu ce genre de réflexion avant avec leur médecin » 52 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Malgré cela ils concèdent les proposer très peu, voire jamais. M : « Bah les directives anticipées c'est un outil…mais… j’trouve qu'on a du mal à l’utiliser. Bah en tout cas c'est pas très répandu dans les cabinets il me semble, en tout cas pas ici. Bah je l'ai encore jamais proposé en toute honnêteté » 7.3) Les freins évoqués par les médecins • Le reflet d'un manque d'information à l'échelle nationale Pour les médecins le niveau d'utilisation encore faible des directives anticipées ne relève pas de la seule responsabilité des médecins, il est également le reflet d'un défaut d'information plus global. A : « Mais culturellement c’est pas encore bien établi cette affaire. C’est pas un truc naturel. » I : « cette loi j’ai pas souvenir qu’y ait eu vraiment, des campagnes d’information auprès des patients pour dire voilà la loi change et à partir d’aujourd’hui vous avez possibilité de vous exprimer sur ce qu’on fait de votre corps quand vous êtes plus en mesure de dire ce que vous voulez qu’on en fasse quoi. (…) Alors bon, est-ce que c’est vraiment notre rôle d’informer les patients sur ce dispositif ? Ben…quand ça se présente je le fais, mais…mais là on est quand même plus sur quelque chose de sociétal » • La difficulté à parler de la fin de vie Une difficulté qui peut être ressenti par le médecin, attaché à son patient après plusieurs années de suivi. B : « Ah c’est vachement dur. Bah oui. On a envie qu’ils aillent bien nos patients. On a envie qu’ils meurent jamais, enfin moi en tous cas j’ai envie qu’y meurent jamais, et qu’y soient jamais malades. Enfin c’est terrible je devrais pas dire ça, mais c’est vrai. On n’a pas envie qu'ils leur arrivent des choses. Donc c’est dur aussi d’en parler. » D : « j’pense que le jour où elle m’a posé la question en gros de la fin de sa vie j’ai été incapable de lui répondre et pour moi ça a été très violent. (…) j’pense qu’y a aussi un problème à entendre la fin de vie quoi, à gérer enfin l’approche de la fin de vie aussi en tant que médecin. Et moi je vois c’est vrai que mes patients âgés j’ai du mal à me confronter à leur maladie et à leur fin quoi. » 53 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Les situations de consultations ne sont pas toujours propices pour instaurer ce dialogue. B : « Mais c’est difficile parce que quand les gens viennent pour un rhume, ou un genou qui gratte, ou une oreille qui pique, c’est difficile de dire et alors quand vous mourrez ça se passera comment, enfin voilà de basculer sur ces sujets là ça se fait pas comme ça quoi » Mais aussi pour les patients qui ne sont souvent pas prêts à aborder ce sujet. Il leur est difficile de se projeter dans la situation de fin de vie. H : « Les gens tant qu’ils vont bien, tant qu’ils sont pas confrontés à l’imminence de la mort, c’est quand même rare ceux qui sont prêts à réfléchir là-dessus. Franchement c’est pas simple. Les gens ont pas envie de parler de leur mort. » L : « Et moi quand je branche les gens là-dessus, j'ai l'impression qu'ils reculent, comme si parler des directives anticipées c'était déjà ouvrir le cercueil quoi. » Un médecin mettait en exergue sa propre expérience I : « (…) enfin moi dans le cadre d’un séminaire sur la loi Leonetti j’ai dû rédiger mes directives anticipées. (…) Au moment où je faisais mes directives anticipées, même si j’ai bien conscience de ma mortalité, j’étais pas du tout dans le projet de mourir [rires] à brève échéance. Donc c’est une première difficulté à la rédaction de ces directives. » • Deux médecins (D et F) mettaient en avant le colloque singulier entre le médecin généraliste et son patient : ils connaissent de ce fait les volontés de leur patient et ne perçoivent pas la nécessité de les rédiger de façon formelle. D : « En tout cas dans le rapport que j’ai avec mes patients… Je crois que maintenant, c'està-dire dans le rapport de confiance qui s’est créé je crois que…on n’est pas au point de formaliser les choses. » • La lourdeur administrative F : « Ça veut pas dire que dans l’esprit de la loi Leonetti ou autre il n’y ait pas des choses qui sont bien mais pffoou…c’est, c’est, c’est lourd quoi. (…) J’ai l’impression qu’on vit dans une époque où les administratifs au sens large du terme voudraient pouvoir tout contrôler les aspects de la médecine. C’est voué à l’échec quoi, j’veux dire c’est voué à l’échec parce que justement la médecine c’est autre chose que l’application de simples protocoles, le 54 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) remplissage de formulaire, c’est autre chose que ça. Voilà. On est dans une relation qui est, qui implique une certaine philosophie et la philosophie je suis pas sûr que ça se mette… » 7.4) Les limites des directives anticipées La principale limite à l'application de ces directives est liée selon eux au caractère potentiellement réversible de la décision du patient. K : « Quand la personne n'est pas en épisode aigu elle a une certaine forme de pensée, quand elle est en épisode aigu elle a une autre forme de pensée. Quand il n'y a pas l’angoisse, quand on réfléchit aux choses et qu'il n'y a pas l'angoisse de la mort on peut prendre des décisions et puis quand on est véritablement dans le… dans le cas avec l'angoisse, avec la douleur, avec la fatigue et avec etcétéra, on réfléchit plus du tout de la même façon. » Trois médecins (B, H et M) pointent d'autre part le problème du partage de cette information. Les directives anticipées sont souvent utiles en situation d'urgence et lors de prises en charge hospitalières, et dans ce cas le médecin généraliste dépositaire des volontés de la personne n'est pas toujours contacté. H : « la personne qu'elle a informé c’est son médecin et moi j’sais très bien que l’hôpital m’appellera pas pour me demander s’ils la réaniment ou pas (…) y’a peu de lien entre l’hôpital et la ville sur ce type de situation (…) ils demandent éventuellement à la famille. Mais pour les personnes où la famille n’est pas joignable ou qui n’ont pas de famille, des fois on est les seuls dépositaires de cette volonté et y’a pas de lien quoi, l’outil n’existe pas. » 8) Conséquences du refus sur le médecin et sur la relation médecin-patient 8.1) Vécu personnel du médecin • Pas d'atteinte narcissique A l'exception de deux médecins (jeunes) pour qui être confronté au refus d'un patient est vécu parfois difficilement. D : « Ouais ça a des répercussions… parc’que ça me remet en question ». 55 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) N : « C'est dur (...) Mais souvent émotionnellement c’est compliqué. (...) Mais c'est vrai qu’ça peut poser de vrai problème. C'est pas facile à vivre » Tous les médecins s'accordent à dire que sur le plan personnel ils ne vivent pas le refus comme une attaque. Ils font la distinction entre le professionnel de santé et l'Homme. Le refus n'est pas source d'angoisse non plus. F : « dans l’absolu ça a pas d’incidence sur moi (…). C’est pas sur moi, je m’en fiche de ça (...) mon égo est pas au premier plan » E : « Après j’ai pas le souvenir d’un truc vraiment où j’en souffrais vraiment » Certains expriment même une certaine indifférence. B : « Et quand le patient dit non (...) qu’est-ce que ça te fait ? Oh je m’en fous complètement » A : « Ça, ça m’empêche pas de dormir » D'autres simplement une contrariété passagère. H : « oh y’a des fois j’suis comme tout le monde ça énerve ça agace mais c’est assez passager » Ils reconnaissent néanmoins que cette absence de blessure narcissique est la conséquence d'une prise de distance au fur et à mesure des années de pratique. C : « C’est différent maintenant de quand j’étais remplaçante, parce que maintenant j’ai fait beaucoup de chemin (...) Avant ça avait un impact énorme, je me disais t’es incompétente. Je me remettais en permanence en cause, et ça m’effondrait, j’avais juste envie de me cacher. J’étais vraiment pas bien, vraiment. Et je pouvais avoir des réactions de défense, d’être sur la défensive, d’être vexée quoi quasiment. » Cette difficulté parfois ressentie en début d'exercice serait le reflet d'un manque de formation en sciences humaines. N : « on n'est pas assez formé à laisser la possibilité de dire non sans que ce soit pris pour une offense personnelle (…) Culturellement, avoir des cours de philo et d'éthique ce serait bien.» 56 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) • Un défi personnel Des médecins (C, H et I) ont exprimé le fait que le refus pouvait être une source de stimulation. C : « C’est un peu un défi. C'est-à-dire qu’il dit non, et pour moi derrière il y beaucoup de choses que je comprends, que j’entends en fonction de la personne, si je la connais plus ou moins bien. » H : « Et pis c’est un challenge aussi pour nous quand même, un patient qui dit non ça nous oblige à aller chercher un peu plus. C’est intéressant quoi. » Ils déclarent même un certain côté ludique (médecins B, E, H). B : « je me dis ah chouette [tape et frotte dans ses mains] je vais pouvoir aller grattouiller, voir pourquoi est-ce qu’il me dit non » E : « Non, non moi j’aime bien en fait quoi, j’crois que j’aime bien ces situations où ça racle un peu, j’suis peut-être un peu maso. [Rires] J’aime bien que les gens m’exigent des explications. » 8.2) Le refus du patient a-t-il des conséquences sur la relation médecin-malade ? • Il n'entraîne généralement pas de rupture de la relation K : « En tout cas je me désintéresse pas du patient en disant bon bah il veut pas se soigner donc je laisse tomber. » M : « mais c'est pas ça qui va forcément faire en sorte que je ne vois plus ce patient là ou que ce patient ne vienne plus me voir ( ...) pas forcément un critère qui va faire en sorte que la relation va se déliter C'est pas quelque chose qui va nécessairement nuire au très long terme, en tout cas sur la relation hein. On peut très bien avoir une relation avec un patient qui adhère pas au traitement, heureusement d'ailleurs parce qu’y en a quand même beaucoup. J'en ai jamais mis à la porte. » Il n'y a pas de jugement de valeur d'un patient parce qu'il dit non. G : « Jusqu’à présent moi j’ai des patients, des malades mais j’ai pas des bons ou mauvais. » 57 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) • Des répercussions positives Le refus d'un patient est finalement analysé et perçu de façon favorable pour plus de la moitié des médecins. (A, B, C, E, H, I, M, N). M : « Ah bah forcément ça l’impacte, mais pas forcément négativement hein » D'une part parce qu'un patient qui dit non est un patient acteur de ses soins. H : « C’est bien qu’ils exercent leur liberté à dire oui ou à dire non. Et j’préfère vraiment un patient qui va me dire non frontalement que celui qui dit oui oui oui et pis qui part et en fait derrière on s’rend compte 6 mois après qu’il a rien fait de ce qui était prévu. (…) Ça veut dire qu’il a son avis, qu’il l’exprime et qu’on est vraiment dans un échange et c’est ça la base de la médecine : échanger autour de la santé du patient. » D'autre part ils interprètent la liberté de parole de leur patient comme un signe de confiance, un signe de bonne santé de la relation. A : « c’est que ça permet aux gens de s’exprimer librement, de dire j’ai fait, j’ai pas fait, ça ça me plaît, ça ça me plaît pas, plutôt que d’avoir peur de contrarier le médecin. Là pour le coup c’est assez ouvert » N : « je pense que des gens qui me disent non, c'est pas évident pour eux de dire non, de savoir s'ils vont être entendu donc je pense que quand on a réussi à avoir cette confiance euh… ça peut mettre en confiance pour d'autres choses. » Cela peut être constructif, et contribuer à renforcer, enrichir la relation. C : « Parce que je sais qu’il y a toujours possibilité de discuter et que voilà c’est ça qui est super avec l’humain finalement c’est quand on est quand même dans l’échange et c’est l’échange qui va apporter et qui va enrichir » H : « Les gens qui disent non c’est une bonne base de travail. » I : « Enfin j’crois qu’le patient qui exprime son refus c’est un trésor quoi. On va pouvoir travailler, le faire avancer là-dessus et puis lui faire exprimer les vraies raisons de son refus. Et ça c’est génial. » 58 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) • Des répercussions négatives En cas de refus systématiques ou répétés quelques médecins pensent que la relation peut être mise en danger. H : « Après par contre sur des refus systématiques on peut se sentir démuni au point de dire à un moment donné je sais pas à quoi je vous sers, je sais pas où on va , j’me demande si vous devriez pas voir un autre confrère. Ça ça pourrait se poser oui. » Deux médecins déclarent avoir mis un terme à la relation avec un patient et cessé d’être leur médecin traitant. D : « un patient (...) qui refusait les soins et qui était un peu en guerre contre tout le monde. Donc là j’ai obtenu qu’y parte et après j’ai refusé de continuer à le suivre. (...) C’est quelqu’un qui remettait toujours en question mes prescriptions. (...)Et après y’a des gens qui sont continuellement dans une mise en échec de ce que je propose, et alors là à ce moment là je deviens plus très sympa. » L : « Si j’prends un exemple récent oui j’l'ai foutu dehors. Silence. Mais on était… ça faisait deux ans que j’me battais avec ce type diabétique, hypertendu, enfin le diabète multicompliqué, qui refusait ci, qui refusait çà. / Et cette situation vous est arrivée souvent ?/ Silence. En 35 ans…bof aller on va dire 10 fois. » 59 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) V DISCUSSION A. Les forces, limites et biais de l'étude 1) Les points forts Le thème du refus de soin est souvent d'actualité, source de nombreux questionnements pour le monde médical. Sur ce sujet nous n'avons pas retrouvé d'étude qualitative s’intéressant aux comportements et ressentis des médecins généralistes. Nous avons reçu un bon accueil des médecins interrogés, tous volontaires puisqu'ils ont répondu spontanément à la demande envoyée par mail via l'URPS, et qui ont bien pris part à la discussion. 2) Les limites et biais 2.1) Concernant le recrutement de la population Même si nous avons choisi les médecins afin d'obtenir un échantillon raisonné, notre étude s'appuie sur un petit nombre de médecins exerçant en Rhône-Alpes et n'est donc pas représentative de la population médicale générale. Nous pensons avoir atteint la saturation des données mais un échantillon plus large aurait été préférable pour conclure à une transférabilité des résultats. 2.2) Concernant la réalisation des entretiens Ils ont tous été réalisés au cabinet des médecins généralistes (à l’exception d’un entretien) et des perturbations externes (interruption par le téléphone, la secrétaire, une urgence) ont pu troubler leur déroulement. Les entretiens ont été conduits par un enquêteur non professionnel, ce qui a pu aboutir à une perte d'information. Cette méthode requiert un certain climat de confiance pour que le médecin interrogé réponde librement et sans crainte de jugement. Ainsi il peut être difficile pour l'enquêté de se confier à une inconnue et ceci peut peut-être mener à une certaine autocensure. Par ailleurs, il était 60 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) difficile en tant que médecin remplaçante de veiller à adopter en permanence une position neutre pour ne pas influencer le discours des participants. Enfin, chaque entretien était unique, les idées exprimées sont donc celles de l'instant, et peuvent avoir évoluées secondairement. 2.3) Concernant l'analyse des données Un seul enquêteur a analysé les entretiens, avec des interprétations personnelles. Il existe donc une subjectivité à l'analyse des résultats. Cette absence de triangulation, c'est-à-dire l'encodage des données par deux chercheurs indépendants, constitue un biais d'interprétation. Par ailleurs les résultats n'ont pu être comparés à d'autres études qualitatives. B. Analyse étiologique et sémiologique du refus Tous les médecins interrogés ne se contentent pas d'un non et cherchent une raison pouvant motiver ce refus, quel que soit l'âge. La première des causes de refus est selon eux un manque ou une mauvaise compréhension de l'information délivrée. Cela signifie que le patient a besoin de plus d'informations ou que celles fournies manque de clarté. Les médecins estiment que dans ce cas ce manquement relève de leur responsabilité. Ils soulignent néanmoins que la tendance de plus en plus marquée des patients à aller chercher l'information sur d'autre sources (notamment internet) ne leur facilite pas la tâche. Une autre cause est en lien avec les représentations que le patient peut avoir de la pathologie nécessitant des soins ou bien du soin en lui-même. La perception qu'à la personne du soin va moduler son observance. Des représentations négatives ou fausses peuvent entraîner un refus. Les médecins doivent donc s'informer sur ce que leur patient sait, croit ou craint. 61 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Certains médecins sont également attentifs à repérer à quel stade d'acceptation de la maladie et donc du soin se trouve le patient. Ils transposent en fait trois théories dans leur analyse du refus d'un patient. D'une part la stratégie du « coping » de Lazarus et Folkman (24). Le coping, que l'on peut traduire en français par « ajustement », représente pour ces deux auteurs l'ensemble des moyens qu'un individu mobilise pour faire face à un stress. Il s'agit d'un processus dynamique : la phase primaire concerne la perception qu'a l'individu de la situation et il s'agit souvent d'un sentiment de perte, de menace ou de déni ; au cours de la phase secondaire il met en œuvre ses ressources pour gérer la situation. On peut dès lors considérer que le soin pouvant représenter un stress, cette stratégie de gestion s'applique dans cette situation et proposer un soin à un patient qui se trouve en phase primaire expose à un risque plus important de refus. D'autre part le « modèle transthéorique du changement » de Prochaska et DiClemente (25). Utilisé pour l'aide au sevrage en cas de comportement addictif, le cycle de Prochaska décrit cinq étapes au changement du comportement : la pré-intention, l'intention, la préparation, l'action et le maintien. Il sert à évaluer la motivation du patient. Le temps nécessaire pour passer d'une étape à une autre varie pour chaque personne. On peut transposer ce modèle pour tout soin : un patient qui se trouve au stade de la préintention c'est-à-dire qu'il ne compte pas changer son comportement est à risque de refus, il faut alors lui laisser du temps et lui reproposer plus tard. Et enfin bien sûr les cinq phases, décrites par le Dr Kübler-Ross, par lesquelles passe une personne en réaction à l’annonce d’une mort prochaine à savoir : le choc- l’incrédulité, la colère, la négociation, la dépression et l’acceptation (26). Les médecins recherchent et identifient des causes de refus plus spécifiques au sujet âgé. Lorsqu’ on les compare à celles décrites dans la littérature on constate que leur analyse est pertinente. Les études ne recensent pas spécifiquement les étiologies du refus mais celles de la non-adhésion thérapeutique chez le patient âgé, on peut néanmoins les transposer (27,28). Les facteurs prédictifs de mauvaise observance ou obstacles à l'adhésion les plus fréquents chez les personnes âgées, répertoriés par les auteurs sont : - des problèmes psychologiques avec en particulier la dépression, l'anxiété - des déficiences cognitives 62 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) - des lacunes du patient quant à la connaissance de sa pathologie, les représentations négatives de la maladie - les effets secondaires, la complexité du traitement - le manque de confiance du patient dans les bénéfices du traitement, du soin - la faiblesse de la relation médecin-patient Les troubles cognitifs représentent un facteur de refus évident pour tous les médecins car source d'incompréhension de la proposition de soin bien sûr, mais aussi parce qu'ils peuvent s'accompagner d'une attitude agressive et résistante. Ils s'interrogent sur la valeur à donner au consentement d'une personne démente. La difficulté réside pour eux dans l'évaluation des capacités décisionnelles. Les études suggèrent que les capacités d'autonomie décisionnelle sont souvent sous-estimées et que les professionnels de santé ont parfois tendance à se substituer à la parole du sujet âgé. Dans notre travail si certains médecins reconnaissent cet écueil, d'autres au contraire expliquent prendre le temps d'apporter l'information même s'ils savent qu'elle ne sera sans doute pas reçue du fait des déficiences, et ils recherchent systématiquement un consentement. Cette attitude est-elle le reflet de valeur humaine ou bien répond-t-elle à une obligation médico-légale ? Notre étude n'apporte pas la réponse mais il serait intéressant de questionner les médecins sur ces déterminants. Il n'existe pas d'outils consensuels internationaux pour évaluer les capacités à consentir. Le M.M.S.E. par exemple évalue les facultés cognitives mais est peu discriminant pour apprécier les aptitudes décisionnelles, en effet un trouble mnésique n'est pas synonyme d'incompétence à décider. Les travaux de Grisso et Appelbaum proposent des critères et des questions à poser par les praticiens pour les aider dans cette évaluation, il s'agit en quelque sorte d'un entretien semi-dirigé (29). Le patient est évalué sur quatre critères : - la possibilité de communiquer un choix - la compréhension des informations délivrées - apprécier les conséquences médicales du consentement - raisonner quant aux différentes options de traitement, soin, possibles. Le guide des questions figure en annexe dans sa version originale (annexe 3). 63 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Ceci est intéressant mais peut paraître chronophage. Un outil plus concis est validé et utilisé aux USA, il s'agit de l'UBACC (the University of California Brief Assessment of Capacity to Consent) (30). Le questionnaire a été conçu pour évaluer le consentement à la participation à la recherche clinique de sujets âgés ayant spécifiquement des troubles cognitifs (annexe 4). Les 10 questions sont rapides, chaque réponse est cotée de 0 à 2 (0= réponse clairement inappropriée, 1= éléments de réponse partiellement inappropriés, 2= réponse totalement appropriée). Un score de 0 ou 1 à au moins une question doit alerter le soignant. Il est en cours d'évaluation et validation en Europe. Même si ce modèle ne peut être transposé il nous semble à tout type de soin, car accepter de participer à une étude c’est à dire à des soins pour autrui ne signifie pas la même chose que des soins ayant une finalité personnelle, certaines idées pourraient néanmoins servir de base pour créer un nouvel outil. Ces questionnaires nous apparaissent comme une aide potentielle. En France où le nombre de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer est estimé à plus de 800 000, la juste évaluation de leurs capacités de décision est primordiale afin de ne pas les sous-estimer et de les respecter car comme le démontre une récente étude française même s'il existe une altération des capacités de discernement dès le stade léger de la maladie d'Alzheimer, les patients demeurent capables d'exprimer un choix et de le maintenir dans le temps (31, 32). Dans notre travail, les médecins jugent le caractère de certains patients âgés plus opposant : cette tendance à “l'oppositionnisme” du fait de l'âge prédisposerait au refus. Les personnes âgées sont souvent décrites comme plus rigides, autoritaires ou obsessionnelles mais n'est-ce pas un stéréotype sur la vieillesse ? Y-a-t-il une personnalité sénile caractérielle ? Pour répondre à cette question il faut souligner que le groupe « personne âgée » est un ensemble hétérogène et qu'il n'y a donc pas un modèle de vieillissement de la personnalité. A l'inverse la personne peut devenir plus douce ou passive. Lorsque le médecin estime que le refus est en lien avec un caractère agressif, il doit s'interroger pour savoir s'il s'agit de l'accentuation de traits de personnalité antérieurs, spontanée ou en réaction à des difficultés, ou bien si ce changement est nouveau et peut-être révélateur de trouble de l'humeur et notamment d'une pathologie dépressive, ou bien d’une pathologie sous-jacente aiguë non diagnostiquée (un globe vésical par exemple) (33). 64 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) La dépression est justement identifiée par les médecins comme motif possible de refus. L'opposition au soin peut être un signe d'appel, et plus particulièrement de la dépression hostile du sujet âgé. La pathologie dépressive est fréquente chez les personnes âgées, estimée à un taux de 5 à 10% en soins primaires et jusqu'à 35% en institution (34). Mais elle reste sous-diagnostiquée car on attribue souvent les symptômes à des plaintes usuelles de la vieillesse, comme en témoigne certaines réponses des médecins : l'agressivité est liée à la personnalité caractérielle, la fatigue et la lassitude vont de pair avec l'âge, la tristesse résulte de la solitude, les plaintes somatiques se multiplient car le corps est "usé". A l'extrême, le refus de soin peut révéler un syndrome de glissement, que les praticiens de notre travail considèrent comme un équivalent suicidaire. Le questionnement du médecin sur la cause du refus est donc essentiel puisqu'il peut permettre de diagnostiquer et traiter l'épisode dépressif du sujet âgé et ainsi diminuer le risque suicidaire. Le taux de suicide étant élevé dans cette catégorie d'âge : 28% des suicides concernent les plus de 65 ans, l'incidence du suicide pour 100000 habitants est de 29,6 pour les 75-84 ans et de 40,3 pour les 85-94 ans (35). Enfin les médecins pensent que des contraintes extérieures peuvent conduire les individus âgés à refuser : - des contraintes familiales (la nécessité de s'occuper d'un conjoint dépendant) - des contraintes géographiques (difficultés d'accès au soin en zone rurale) Il faut donc penser à resituer la personne dans son environnement. C. Les moyens mobilisés pour répondre au refus Les médecins considèrent que leur rôle est d'accompagner le patient dans sa réflexion. Leurs réponses convergent toutes dans le même sens : le meilleur moyen pour tenter d'obtenir une adhésion est d'être à l'écoute des résistances. On ne perçoit aucun jugement ni aucune critique du patient, par contre ils n'hésitent pas à se remettre personnellement en question : ils réexpliquent, ils reformulent, ils changent d'avis parfois. Ils appliquent en fait le « jugement réflexif a posteriori » en réfléchissant à la manière dont ils ont proposé initialement le soin (36). 65 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Ils sont tous animés par le même principe : une approche centrée sur le patient. En proposant et en aménageant le soin pour qu'il soit au plus près des attentes de la personne, ils parviennent souvent à obtenir si ce n'est une adhésion totale, un compromis qui n'est pas un aveu d'impuissance. Il s’agit de trouver le juste milieu entre le projet de vie de la personne et le projet du soignant. La communication est un élément essentiel. Même s'ils ne le nomment pas explicitement, la plupart appliquent les principes de l'entretien motivationnel. En explorant et en renvoyant le patient à son ambivalence, en étant dans l'empathie, en explorant les résistances c'est-à-dire les causes du refus et en respectant son autonomie, ils essaient de modifier le comportement pour obtenir une alliance thérapeutique (37). Lorsque le dialogue au sein de la relation duelle entre le patient et le médecin n’est pas suffisant, les médecins n'hésitent pas à faire appel à des aides extérieures. Ils n'ont aucune difficulté à adresser la personne à des confrères qu'ils soient généralistes ou spécialistes pour qu'elle obtienne un éclairage différent. Cette collaboration est importante : « Chaque professionnel détient des informations pertinentes et synergiques à la compréhension du patient dans son contexte » (38). Et puis lorsqu'il s'agit d'un patient âgé, ils font principalement appel à l'entourage familial, notamment en cas de déficiences cognitives entravant les capacités décisionnelles. Ils sollicitent les “protecteurs naturels ” du patient, qui sont censés le connaître le mieux. Même si le fait de demander l'avis de la famille relève toujours d'une attitude bienveillante, les médecins sont conscients qu'il existe des limites : les attentes de la parenté peuvent différer et surtout le risque est d'infantiliser la personne âgée. Ils sont donc attentifs lorsqu'ils prennent l'avis des familles à la formulation de leur discours pour rappeler qu'il ne s'agit pas d'agir "à la place de", mais "dans l'intérêt de". Mais malgré tout parfois ce n'est pas évident de trouver le meilleur interlocuteur. Une des solutions pourrait être, comme préconisé par le Comité Consultatif Bioéthique belge dans un avis spécifique aux « Règles éthiques face aux personnes atteintes de démence », de faire rédiger par la personne des directives anticipées à caractère social et pour des soins médicaux ordinaires, distinctes de celles concernant la fin de vie, dans lesquelles elle désignerait sa personne de confiance et ses souhaits en terme de soins courants, avant l'apparition des incapacités (39). 66 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Ceci renvoie à l'intérêt d'anticiper pour d'une part peut-être éviter les situations de refus et d'autre part les gérer au mieux quand elles se présentent. Les directives anticipées existent en France depuis 2005 mais cinq des médecins de notre étude ne le connaissaient pas (21). Ce constat sévère est également reconnu par le CCNE dans son avis rédigé en octobre 2014 après deux années de débat public impliquant des citoyens et des professionnels de santé (40). Pour les médecins qui en connaissent l'existence, le principe leur semble utile mais ils reconnaissent les utiliser très peu. Ils déclarent également que la demande n'émane qu'exceptionnellement des patients. Ceci concorde avec l'enquête de l'INED de 2012 : parmi les personnes se trouvant en fin de vie, seules 2 ,5% d'entre elles avaient rédigé des directives anticipées et pour 72% des médecins leur existence est utile à la prise de décision médicale dans ce contexte (41). Une autre étude réalisée par le centre d’éthique de Cochin abonde également dans ce sens : sur 186 personnes âgées de plus de 75 ans, 90 % n’avaient jamais entendu parler des directives anticipées et les personnes informées avaient le même profil à savoir un tempérament autonomiste et fort (42). Si les professionnels de santé le maîtrisent peu, on ne peut s'étonner que le grand public et donc les patients ne se soient pas appropriés cet outil. Comment peut-on expliquer cette sous-utilisation ? Les médecins ont fait part de la difficulté à aborder le sujet de fin de vie et des conditions de la mort avec leur patient. La proximité qui existe très souvent entre une personne et son médecin traitant, son médecin de famille, n'apparaît donc pas nécessairement comme un facteur facilitant dans cette situation : certains ont exprimé leur malaise à se confronter à la fin de vie de patients âgés du fait de l'attachement et sans doute de certaines projections personnelles. Et même si cette relation singulière peut aider, il n'est pas toujours aisé de trouver le bon moment, que la personne soit en bonne santé ou atteinte d'une pathologie à mauvais pronostic. La formation médicale est essentiellement biotechnique, cette question éthique de la fin de vie est peu abordée et cette négligence n'est peut-être donc pas entièrement volontaire. Le CCNE recommande la mise en place obligatoire d'un séminaire dédié lors du 3ème cycle des études médicales, quel que soit le D.E.S. (43). Mais comme le soulignent les enquêtés, dans ce débat sociétal, cette sous-utilisation ne relève pas de la seule responsabilité des soignants et une campagne d'information nationale devrait être organisée par les pouvoirs publics. 67 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Les médecins ont soulevé un certain nombre de limites parmi lesquelles la réversibilité de la décision du patient et l'accessibilité des directives anticipées. Les modifications (détaillées dans la partie généralités de notre travail) qui seront prochainement apportées à la loi devraient permettre de lever ces freins. D. La réponse finale des médecins au refus : le respect Après avoir analysé les raisons possibles du refus, tenté d'accompagner le patient dans sa décision, si celui-ci persiste, les médecins le respectent. Une majorité des médecins de l'échantillon n'a pas le sentiment que les patients âgés refusent davantage par rapport aux autres classes d'âge. Rappelons que nous n'avons pas choisi de nous intéresser plus particulièrement au refus chez le sujet âgé pour des raisons d'incidence ou de prévalence, mais pour les questions éthiques et morales que peuvent susciter les soins de cette population. Nous n'avons pas retrouvé d'étude de qualité sur la prévalence du refus de soin exprimé par les patients et plus particulièrement lorsqu'ils sont âgés, en médecine ambulatoire. Il existe des études sur la non-adhésion thérapeutique principalement aux traitements médicamenteux (qui est une forme de refus de soin) chez la personne âgée atteinte de pathologies chroniques et sévères : sa fréquence oscille entre 40 et 60% (44). Ces médecins qui perçoivent des refus moins fréquents chez leurs patients âgés ont notamment mis en avant une meilleure compliance, une confiance accordée plus facilement ou une certaine « déférence » du fait de l'âge. La compliance suggère que le patient suit passivement les prescriptions du médecin et témoigne donc plutôt d'un mode de relation paternaliste. Il est sans doute vrai que les personnes âgées peuvent avoir été habituées à ce modèle paternaliste et continuent à fonctionner ainsi. Il y a là une contradiction entre des médecins plutôt favorables à l'abandon progressif de ce modèle et finalement la reconnaissance que la confiance a priori du patient limite les situations de refus. 68 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Pour tous, le respect du choix du patient même âgé est fondamental. Ceci est essentiel car le non respect de leur choix est vécu par les sujets âgés comme une maltraitance comme le souligne une enquête portant sur les « Perceptions et réactions des personnes âgées aux comportements maltraitants » (45). La remise en cause de la liberté à décider pour soi-même est définie comme une atteinte à l'autonomie citoyenne, une infantilisation. Les médecins en agissant ainsi veillent au principe de non-malfaisance (4). Ils admettent, à l'exception de deux médecins, que l'acceptation est plus facile pour eux lorsque le refus émane d'un patient âgé. Notamment parce qu'ils pensent que les conséquences du refus seront moins graves en terme d'années potentielles de vie perdues. L'âge leur apparaît donc comme un critère décisionnel. Mais n'est-ce pas discriminatoire ? L'âge doit-il est un critère pour limiter des soins ? A ces questions il n'y a pas de réponse catégorique. D'un côté la réponse est oui, comme en témoigne le développement de la gériatrie, discipline fondée sur l'âge. Le raisonnement médical doit tenir compte des particularités physiologiques et psychologiques de la vieillesse pour soigner au mieux et de ce fait traiter un patient âgé différemment n'est pas signe d'injustice. D'un autre côté la réponse est non : on doit raisonner selon l'état de santé de la personne et non sur un âge chronologique sinon cela s'apparente à de l'âgisme. L'âgisme est un écueil fréquent de nos sociétés occidentales où la vieillesse est souvent perçue négativement à la différence des sociétés africaines par exemple pour lesquelles elle représente la sagesse. Il est le reflet de la place accordée à la personne âgée, une tendance à la mise à l'écart, la considérant sans doute moins utile en terme de productivité. Les deux argumentaires sont complémentaires et au final là encore la réponse se trouve sans doute dans le respect des attentes et décisions de la personne concernée, au cas par cas. Les médecins ayant plus d'années d'exercice avaient l'impression que leur attitude avait évolué au fil du temps, qu'ils étaient devenus plus respectueux des souhaits de leur patient et notamment lorsqu'ils se manifestaient sous forme de refus. Est-on nécessairement interventionniste lorsqu'on est jeune médecin et plus attentiste avec l'expérience ? Les réponses recueillies n'abondent pas dans ce sens et les jeunes médecins interrogés ne semblent pas plus autoritaires ou irrespectueux ou désireux d'imposer leurs 69 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) connaissances, sans doute parce qu'ils ont moins été formés au modèle de relation paternaliste avec le patient. Les médecins ne s'accordent pas tous quant à l'influence du risque médico-légal sur leur pratique dans ce cas particulier. Pour certains cette inquiétude est présente : en acceptant le refus, si la non-réalisation du soin est finalement délétère au patient, ils craignent que cela puisse leur être reproché par la suite. Dans le cas de personne âgée, ils redoutent davantage les plaintes de la famille plutôt que du patient lui-même. Pour se prémunir de ce risque médico-légal, ils mentionnent par écrit le refus du patient dans le dossier médical. Pour les autres médecins, à partir du moment où ils ont satisfait à l'obligation de moyens qui est là leur, c'est-à-dire dans le cas d'un refus avoir bien informé et expliqué au patient les conséquences, ce n'est pas une crainte. Cette pensée est majoritaire. Ils se sentent en quelque sorte protégés par la relation de confiance singulière qu'ils entretiennent avec leurs malades. Ce facteur protecteur du statut de médecin généraliste a été mis en évidence dans la thèse du Dr Roland portant sur les médecins généralistes et le risque médico-légal (46). Leur attitude est en accord avec les recommandations du CCNE en cas de refus de traitement, à savoir « ne pas céder à l'obsession médicale du concept de non-assistance à personne en danger qui ne doit pas occulter une relation médecin/malade fondée avant tout sur la confiance » (3 , annexe 5). E. Les conséquences du refus sur le médecin Dans de nombreux articles d'opinion le refus de soin apparaît comme une question angoissante ou source d'une certaine souffrance pour les professionnels de santé. Ceci ne concorde pas avec ce qu'ont exprimé les médecins de notre étude : ils ne vivent pas, sauf peutêtre les toutes premières années d'exercice pour certains, le refus de leur patient comme une offense ou une agression personnelle. Pour quelles raisons ? D'une part parce qu'ils ne sont plus dans une interaction paternaliste avec leurs patients, cela écarte donc le risque d’atteinte narcissique. L'évolution du droit médical qui a 70 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) renforcé le principe d'autonomie et la relation contractuelle est bien intégrée. Ils ne se déchargent pour pas pour autant de leur devoir médical en renvoyant le patient à son unique responsabilité. D'autre part parce qu'un patient refusant ne le fait jamais dans le but de nuire à son médecin ; surtout quand il s'agit du médecin traitant qu'on choisit jusqu'à présent, ses raisons comme nous l'avons exposé précédemment sont toutes autres. De la même manière, le refus du patient conduit rarement à une rupture de la relation. Au contraire, le non du patient est interprété comme un signe de liberté d'expression, d'interactions possibles, de confiance. Il est constructif, et ce parce que le refus d'un soin ne signifie pas le rejet de tous les soins. 71 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) VI CONCLUSIONS Le refus de soin d'un patient âgé, comme pour tout autre patient, est une situation fréquente en consultation de médecine générale. Le but de notre travail n'était pas de proposer une démarche à suivre standard, car chaque situation est particulière, mais d'explorer les perceptions et réactions du médecin généraliste confronté à cette problématique. Nous avons donc réalisé une étude qualitative. La réponse à un refus de soin passe par le nécessaire diagnostic de ses causes. En cela, l'analyse des médecins nous semble pertinente. Pour eux, le refus d'un patient est avant tout le signe d'une incompréhension ou de représentations négatives, et donc le reflet d'un manque d'information quant au soin proposé. Chez le sujet âgé il peut être symptomatique d’un syndrome dépressif. L’existence de déficits cognitifs est également source de refus. Dans ce cas la difficulté est d’estimer le plus justement l’autonomie décisionnelle. Des outils doivent encore être développés pour aider ces médecins à évaluer les capacités à consentir de la personne âgée. Pour tenter d'obtenir une adhésion à leur proposition de soin, la stratégie la plus adéquate est d'adopter une approche centrée sur le patient afin d'aboutir à un compromis entre le projet du soignant et le projet de vie de la personne. La compréhension des attentes de l'autre repose avant tout sur la communication. Les médecins n'hésitent pas à faire appel à des tiers professionnels ou familiaux, en étant bien conscients et attentifs au fait que l'avis de l'entourage n'est jamais totalement équivalent au consentement de la personne. C'est pourquoi les directives anticipées, qui sont l'expression des souhaits du patient, ont été mises en place. Malheureusement il ressort de notre étude que ce dispositif est insuffisamment connu et utilisé. Gageons que les modifications apportées à la loi Leonetti et leurs diffusions permettront d'y remédier. Lorsqu'au terme de ce processus une décision partagée n'est finalement pas possible, tous les médecins s'accordent sur le respect absolu de ce droit au refus. Dans ce cas l'âge est un facteur d'influence puisqu'une majorité des médecins admet accepter plus facilement le refus exprimé par un patient lorsqu'il est âgé. 72 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) 73 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) VII ANNEXES Annexe 1 : DEMANDE D'ENTRETIEN Madame, Monsieur Sophie Radreau, je suis médecin généraliste remplaçante dans le Rhône. Je prépare actuellement ma thèse, dirigée par le Dr Thierry Farge. J’étudie la gestion et les réactions du médecin généraliste face au refus de soin du sujet âgé. Pour ce faire je réalise des entretiens auprès de médecins généralistes (il s’agit d’un travail de recherche qualitative). Ces entretiens me permettront de collecter des données pour ma thèse : de recueillir vos stratégies professionnelles et humaines, vos éventuelles difficultés, afin de faire émerger de vos expériences des aides possibles pour la pratique quotidienne. Cet entretien sera individuel, d’une durée d’environ 30 minutes. Il sera enregistré, avec votre accord, afin de garantir la retranscription fidèle de vos propos, et restera strictement confidentiel et anonyme (rien dans mon analyse ne permettra de vous reconnaître). Je suis bien consciente de la difficulté de donner du temps, et souhaite être le moins chronophage possible pour ceux d’entre vous qui accepteront de participer à ce travail. Je suis disponible pour me déplacer au cabinet de chacun pour réaliser ces entretiens selon vos disponibilités. Je suis joignable aux coordonnées ci-dessous : [email protected] Un grand merci à vous par avance. Cordialement Sophie Radreau 74 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 2 : CANEVAS D’ENTRETIEN Bonjour Dr X. Je vous remercie d'avoir accepté de participer à mon travail de thèse qui porte sur la gestion du refus de soin du sujet âgé par le médecin généraliste. Ces entretiens confidentiels sont enregistrés afin de garantir la retranscription fidèle de vos propos, et rendus anonymes, rien dans mon analyse ne permettra de vous reconnaître. L'idée est de vous exprimer librement, sans crainte de jugement. 1) Pour commencer qu’est-ce que veut dire soigner pour vous ? Pourriez-vous qualifier le « soin » ? 2) Mon travail porte sur le recueil du consentement, comment l’abordez-vous en consultation ? Et plus particulièrement pour des patients âgés ? Comment évaluez-vous la compétence d’une personne âgée à prendre une décision concernant un soin ? 3) Est-ce-que vous avez en mémoire une consultation où un patient âgé à refuser votre proposition de soin ? Est-ce fréquent ? Est-ce que vous avez déjà été confronté au refus de soin d’un patient âgé ? relance = soin au sens large : un examen, un médicament, une hospitalisation Est-ce que les patients âgés refusent davantage ? 4) Déterminants Recherchez-vous une cause au refus ? Quelles causes de refus repérez-vous ? Est-ce que vous identifiez des motifs de refus spécifiques au sujet âgé ? Quelle(s) signification(s) donnez-vous au refus chez cette population ? 5) Prise en charge Cherchez vous à interrompre cette situation de refus ? Si oui, comment ? Méthodes pour obtenir adhésion ? Personnes ressources ? Si non, pourquoi ? Quelle place prend l’aspect médico-légal dans votre décision ? 75 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Cherchez vous à prévenir cette situation ? Comment ? Relance : que pensez-vous des directives anticipées ? 6) Répercussions Quelles conséquences, répercussions ce refus a-t-il sur vous ? Sur votre relation avec le patient ? 7) Avant de terminer avez-vous quelque chose à ajouter ? Voulez-vous préciser votre pensée sur un point particulier ? Notre entretien touche à sa fin, encore quelques questions sociodémographiques 8) Fiche médecin - âge, sexe, zone installation, durée installation - type patientèle (répartition âges, proportion patients âgés) , orientation particulière Je vous remercie de m’avoir accordé du temps pour cet entretien. Si vous le souhaitez je vous ferai part des résultats de mon travail. 76 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 3 : critères de Grisso et Appelbaum pour évaluer la capacité décisionnelle Legally Relevant Criteria for Decision-Making Capacity and Approaches to Assessment of the Patient. Criterion Communicate a choice Physician’s Assessment Approach Ask patient to indicate a treatment choice Questions for Clinical Assessment Have you decided whether to follow your doctor’s [or my] recommendation for treatment? Can you tell me what that decision is? [If no decision] What is making it hard for you to decide? Understand the relevant information Encourage patient to paraphrase disclosed information regarding medical condition and treatment Please tell me in your own words what your doctor [or I] told you about: The problem with your health now The recommended treatment The possible benefits and risks (or discomforts) of the treatment Any alternative treatments and their risks and benefits The risks and benefits of no treatment Appreciate the situation and its consequences Ask patient to describe views of medical condition, proposed treatment, and likely outcomes What do you believe is wrong with your health now? Do you believe that you need some kind of treatment? What is treatment likely to do for you? What makes you believe it will have that effect? What do you believe will happen if you are not treated? Why do you think your doctor has [or I have] recommended this treatment? Reason about treatment options Ask patient to compare treatment options and consequences and to offer reasons for selection of option How did you decide to accept or reject the recommended treatment? What makes [chosen option] better than [alternative option]? 77 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 4 : questionnaire UBACC (Brief Assessment of Capacity to consent) 1. What is the purpose of the study that was just described to you ? (2 points si réponse correcte) 2. What makes you want to consider participating in this study ? ( 2 points si réponse aider les autres) 3. Do you believe this is primarily research or primarily treatment ? (2 points si réponse recherche) 4. Do you have to be in this study if you do not want to participate ? (2 points si réponse non) 5. If you withdraw from this study, will you still be able to receive regular treatment ? (2 points si réponse oui) 6. If you participate in this study, what are some of the things that you will be asked to do ? (2 points si au moins 2 actions citées, par exemple prendre des médicaments, répondre à des questions, faires des prises de sang…) 7. Please describe some of the riks or discomforts that people may experience if they participate in this study ? (2 points si au moins 2 risques cités) 8. Please describe some of the possible benefits of this study. (2 points si au moins 2 bénéfices cités) 9. Is it possible that being in this study will not have benefit to you ? (2 points si réponse oui) 10. Who will pay for you medical care if you are injured as a direct result of participating in this study ? (2 points si réponse hôpital ou institution) 78 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) Annexe 5 : recommandation du CCNE, avis n° 87 « Refus de traitement et autonomie de la personne ». Le Comité propose ainsi les recommandations suivantes : 1 - Tout faire pour éviter que les décisions importantes ne soient prises qu’en situation critique. Que ce soit sur le plan médical somatique ou psychiatrique il faut, toutes les fois où cela est possible, anticiper au maximum les situations, afin d’éviter que surgissent des conflits graves lors de la décision de mise en œuvre d’un nouveau traitement, susceptible de provoquer un refus. 2 - Promouvoir le sentiment et des attitudes de reconnaissance mutuelle ; en dehors d’une situation d’extrême urgence le médecin ne doit jamais imposer une solution thérapeutique ; il ne doit pas non plus adopter une attitude de fuite, d’abandon ou de chantage. Sa responsabilité professionnelle est celle du maintien du soin en respectant au maximum les décisions d’un malade qui doit pouvoir comprendre, lui aussi, les obligations morales de celui qui le soigne. 3 - Ne pas céder à l’obsession médico-légale du concept de « non assistance à personne en péril » qui ne doit pas occulter une relation médecin/malade fondée avant tout, sur la confiance dans l’aide que ce médecin peut apporter au malade, même s’il faut aussi que le médecin puisse se protéger de situations rares mais toujours possibles par une mention écrite de ce refus. 4 - Etre conscient qu’une information doit, dans toute la mesure du possible, être progressive, évolutive en fonction du temps, tenant compte d’éventuels phénomènes de sidération psychique et au besoin réévaluée. 5 - Etre sensible au fait qu’une information est l’expression de faits ou d’opinions explicités de façon apparemment objective, fondés sur un savoir porté par une personne, mais qui s’adressent à la subjectivité d’une autre personne. Une information ne peut donc jamais être purement objective, car la subjectivité de l’émetteur et celle du récepteur interagissent dans le processus de communication et modifient en permanence les conditions de l’échange. 6 - Etre conscient que, dans la rencontre de deux libertés, la compassion comporte le piège de l’abus d’autorité. Les médecins doivent en être conscients, et être formés à l’écoute de 79 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) l’expression de la liberté du malade, comme l’a rappelé le CCNE dans son avis n° 84 sur la formation à l’éthique médicale ; l’appréciation du degré d’autonomie doit être évolutive en fonction du temps. 7 - Ne pas présumer l’absence totale de liberté pour éviter de prendre en compte un refus de traitement ; ne pas profiter pour le médecin de cette situation de vulnérabilité. Respecter cette personne vulnérable en l’informant de façon telle qu’elle comprenne les enjeux sans chantage ni indifférence. On ne peut vouloir faire toujours le bien d’une personne contre son gré au nom d’une solidarité humaine nécessaire et d’une obligation d’assistance à personne en péril. 8 - Réfléchir à une nouvelle compréhension de la déontologie médicale qui tienne compte de l’évolution culturelle d’une revendication croissante à l’autonomie. Le caractère déraisonnable d’une obstination devrait pouvoir être aussi jugé par le malade et non par le médecin seul. 9 - Comme toujours en situation de crise, recourir non seulement à un deuxième avis, mais aussi à un processus de médiation ou à une fonction médiatrice, pour ne pas laisser seuls face à face le médecin et le malade ou le médecin et une famille. C’est à ce titre, que les tierces personnes, peuvent faire prendre conscience, au malade et au médecin, de la reconnaissance qu’ils peuvent avoir mutuellement, et de ce que cela implique. La notion de personne de confiance inscrite dans la loi de mars 2002 prend ici toute sa signification. L’importance des psychologues, voire des psychiatres et du personnel soignant ne peut être que soulignée. L’objectif est en effet non seulement d’accueillir une parole de refus comme réellement signifiante, mais aussi de juger du degré d’aliénation éventuelle. Pour autant, il ne s’agit pas de s’en remettre à un tiers de la responsabilité de la décision, mais d’aider la personne au gouvernement d’elle-même. 10 - Accepter de passer outre un refus de traitement dans des situations exceptionnelles tout en gardant une attitude de modestie et d’humilité susceptible d’atténuer les tensions et de conduire au dialogue. Même s’il est impossible de fixer des critères, des situations peuvent être envisagées où il serait permis d’effectuer une telle transgression, quand des contraintes de temps mettent en cause la vie ou la santé d’un tiers. Ainsi : - Les situations d’urgence ou d’extrême urgence où la médecine se trouverait en situation d’avoir à répondre dans l’instant en présence d’une personne inconsciente ou à laquelle il est en pratique impossible de demander dans l’instant, un accord. La 80 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) présence d’un tiers, même détenteur d’une déclaration anticipée, ne constitue pas un élément décisif. - Un accouchement en urgence mettant en jeu la vie d’un enfant à naître. L’éthique dans ce domaine ne doit pas constituer le paravent d’une fausse bonne conscience respectueuse à l’excès de l’autonomie. - Les situations où la sécurité d’un groupe est en jeu, comme lors du cas de menace d’épidémie grave où la liberté d’un individu doit être jugée de manière responsable à l’aune du devoir de solidarité envers son prochain. 11 - Respecter la liberté individuelle tant qu’elle ne s’approprie pas la liberté d’autrui. Le refus d’une césarienne ou d’une transfusion doit pouvoir être entendu en dehors des situations d’urgence. Le refus de traitement clairement exprimé par une personne majeure ayant encore le gouvernement d’elle-même ne peut être que respecté, même s’il doit aboutir à sa mort. Soigner une personne, ce n’est pas prendre en compte chez elle, seulement l’aspect médical mais l’unité même de sa personne. Venir en aide à une personne n’est pas nécessairement lui imposer un traitement. C’est ici tout le paradoxe parfois méconnu par la médecine qui doit accepter d’être confrontée à une « zone grise » où l’interrogation sur le concept de bienfaisance reste posée. 81 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) VIII BIBLIOGRAPHIE 1. WMA Declaration of Lisbon on the Rights of the Patient [Internet]. 2005 . Disponible sur: http://www.wma.net/fr/30publications/10policies/l4/ 2. LOI n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé [Internet]. 2002-303 mars 4, 2002. 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Thèse d'exercice, Université Claude Bernard Lyon 1; 2012, 232 p 86 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) IX ABREVIATIONS AGGIR : Autonomie Gérontologie Groupes Iso-Ressources CANTOU : Centre d'Animation Naturel Tiré d'Occupations Utiles CCNE : Comité Consultatif National d'Ethique CISMeF : Catalogue et Index des Sites Médicaux de langue Française CMPPA : Centre Médico-Psychologiques pour Personnes Agées CNEG : Collège National de Enseignants de Gériatrie CPAM : Caisse Primaire d'Assurance Maladie CRISCO : Centre de Recherche Inter-Langues sur la Signification dans le Contexte CSP : Code de Santé Publique DES : Diplôme d’Etude Spécialisé DU : Diplôme Universitaire EHPAD : Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes HAD : Hospitalisation A Domicile HAS : Haute Autorité de Santé HDT : Hospitalisation à la Demande d’un Tiers HO : Hospitalisation d’Office IADL : Instrumental Activities of Daily Living INED : Institut National d’Etudes Démographiques INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques MAIA : Maisons pour l'Autonomie et l'Intégration des malades Alzheimer MeSH : Medical Subjects Headings MMSE : Mini Mental State Examination OMS : Organisation Mondiale de la Santé RIAP : Relevé Individuel d’Activité et de Prescription UBACC : the University of California Brief Assessment of Capacity to Consent URPS : Union Régionale des Professionnels de Santé 87 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0) RADREAU Sophie : Le médecin généraliste face au refus de soin du sujet âgé. Etude qualitative à partir de 14 entretiens semi-dirigés. 87 pages, 1 CD-ROM, 1 tableau Th. Méd : Lyon 2015 n° 110 __________________________________________________________________________ Résumé : Le refus de soin d'un sujet âgé est une situation fréquente en consultation. Nous avons entrepris d'étudier les réactions de médecins confrontés à cette problématique, dans une approche qualitative. Nous avons réalisé 14 entretiens individuels semi-dirigés de médecins généralistes, en RhôneAlpes, entre décembre 2014 et février 2015. La réponse à un refus passe par le diagnostic de ses causes. Le refus signe souvent une incompréhension et donc un manque d'information. Chez le sujet âgé il peut être dû à un syndrome dépressif. Les déficits cognitifs sont source de refus. Dans ce cas la difficulté est d’estimer l’autonomie décisionnelle. Des outils doivent encore être développés pour aider les médecins à évaluer les capacités à consentir de la personne âgée. Pour obtenir une adhésion au soin, la meilleure stratégie est d'adopter une approche centrée sur le patient. Ils n'hésitent pas à faire appel à des tiers, en étant conscients que l'avis de l'entourage n'est jamais équivalent au consentement de la personne. C'est pourquoi les directives anticipées ont été mises en place, mais il ressort de notre étude que ce dispositif est insuffisamment utilisé. Lorsqu' une décision partagée n'est pas possible, tous les médecins s'accordent sur le respect absolu de ce droit au refus. L'âge est un facteur d'influence puisqu'une majorité accepte plus facilement le refus exprimé par un patient lorsqu'il est âgé. Quant aux conséquences du refus : il n’y a pas d’atteinte narcissique du médecin et il entraîne exceptionnellement une rupture de la relation thérapeutique. Au final, les attitudes professionnelles et humaines des médecins témoignent d'un comportement éthique responsable. MOTS CLES : refus de soin, personne âgée, médecin généraliste, consentement au soin, autonomie du patient JURY : Président : Monsieur le Professeur Jérôme ETIENNE Membres : Madame le Professeur Liliane DALIGAND Monsieur le Professeur Yves ZERBIB Monsieur le Docteur Thierry FARGE DATE DE SOUTENANCE : jeudi 11 juin 2015 Adresse de l’auteur : 18 rue Balthazar 69003 LYON Mail : [email protected] 89 RADREAU (CC BY-NC-ND 2.0)