Neuropathologie de la schizophrénie
N Franck
Résumé. L’examen anatomopathologique du cerveau est utilisé dans la recherche des soubassements
organiques de la schizophrénie. Les études récentes se sont concentrées sur le lobe frontal et la formation
hippocampique, dont les fonctions sont atteintes dans ce trouble. Diverses anomalies des volumes régionaux,
de la densité neuronale, du volume des neurones et du nombre des épines dendritiques ont pu être mises en
évidence. Leur rôle physiopathologique précis reste à élucider.
©2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : anatomopathologie, lobe frontal, lobe temporal, hippocampe, cytoarchitecture.
Introduction
Depuis la description par Kraepelin puis Bleuler des troubles
schizophréniques il y a environ un siècle, de nombreux travaux se
sont succédé à la recherche d’anomalies cérébrales pouvant
expliquer les symptômes des patients. Ces travaux ont porté non
seulement sur la structure du cerveau (dont il va être question ici),
mais aussi sur son fonctionnement (à travers des études en
potentiels évoqués et en neuro-imagerie fonctionnelle -tomographie
par émission de positons et imagerie par résonance magnétique
fonctionnelle- permettant de cartographier l’activité cérébrale).
D’hypothétiques anomalies anatomiques, histologiques ou
cytologiques peuvent être accessibles d’une part à la neuro-imagerie
morphologique (c’est-à-dire en pratique la tomodensitométrie et
l’imagerie par résonance magnétique), procurant des informations
sur l’aspect macroscopique du cerveau in vivo, et d’autre part à
l’examen anatomopathologique des tissus cérébraux
(neuropathologie), permettant la recherche de particularités
microscopiques. L’anatomopathologie, qui concerne des fragments
d’autopsie, a été seule utilisée dans cette quête étiologique jusqu’au
développement des techniques de neuro-imagerie. Elle a bénéficié
assez récemment des avancées techniques de l’immunohistochimie
et de la génétique moléculaire, qui ont ouvert de nouvelles
perspectives de recherche en permettant l’étude de la constitution
chimique des tissus.
Cet article donne un aperçu des travaux neuropathologiques réalisés
chez les sujets schizophrènes, à travers les résultats des études
concernant les deux régions cérébrales les plus étudiées : le cortex
préfrontal et la formation hippocampique. La plupart des études
concerne en effet le cortex cérébral associatif, siège des fonctions
supérieures atteintes par le processus schizophrénique, les structures
limbiques (jouant un rôle dans le contrôle des émotions qui est
perturbé dans la schizophrénie), ainsi que les noyaux gris centraux,
impliqués dans le contrôle des mouvements (or des signes
neurologiques mineurs sont fréquemment observés dans la
schizophrénie, indépendamment des effets neurologiques du
traitement). Il est toutefois difficile de savoir si les anomalies mises
en évidence au niveau des noyaux gris centraux (comme
l’augmentation du nombre des récepteurs D2) sont causées
directement par la schizophrénie ou par les traitements
neuroleptiques reçus par les patients.
Historique
Grâce à l’anatomopathologie, on savait déjà au début du XX
e
siècle,
à travers en particulier les études d’Alzheimer et de Nissl, travaillant
avec Kraepelin, que la schizophrénie (alors encore appelée démence
précoce) peut être associée à des anomalies anatomiques ou
histologiques. Et, si le contenu de la boîte crânienne ne paraissait
pas modifié de façon spectaculaire d’un point de vue
macroscopique, on avait observé au niveau microscopique une
altération des neurones des couches profondes du cortex et une
perte cellulaire notable
[19]
.
Au cours du XX
è
siècle, on a en vain cherché une anomalie
histologique spécifique et, les différents résultats retrouvés n’étant
pas reproductibles, petit à petit, la conviction s’est forgée que l’étude
anatomopathologique du cerveau des schizophrènes n’était pas
pertinente pour la compréhension de la maladie (qui a même été
qualifiée de « cimetière des neuropathologistes »
[23]
). On a alors
considéré la schizophrénie comme relevant de mécanismes
purement psychopathologiques. Cette croyance n’a été ébranlée que
dans le troisième quart du siècle, après l’étude de Johnstone et al
[17]
.
Ces auteurs avaient rapporté une dilatation des ventricules
cérébraux chez 15 des 17 schizophrènes dont ils avaient réalisé
l’étude tomodensitométrique. Ce résultat était enfin reproductible et
obtenu avec une méthode dénuée d’inconvénient majeur
(contrairement à la pneumoencéphalographie gazeuse qui était
utilisée jusque-là dans le même but, mais avec nettement plus de
risques, une méthodologie beaucoup moins rigoureuse et donc des
résultats moins fiables) et de multiples travaux ont pu le confirmer
par la suite et mettre également en évidence une diminution du
volume cérébral total moyen
[34]
. Même si aucun signe
pathognomonique de la schizophrénie n’avait été trouvé et si la
plupart des patients ne présentait pas d’anomalie cérébrale
identifiable par la neuro-imagerie, il était néanmoins clairement
apparu que des anomalies neurostructurales touchaient plus
fréquemment les schizophrènes que les sujets sains.
Nicolas Franck : Praticien hospitalier universitaire, service du professeur Terra, centre hospitalier Le Vinatier,
69677 Bron cedex, France , Institut des sciences cognitives, UMR 5015 (CNRS et Université Claude Bernard.
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 37-285-A-18
37-285-A-18
Toute référence à cet article doit porter la mention : Franck N. Neuropathologie de la schizophrénie. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Psychiatrie, 37-285-A-18, 2003,
6p.
Ces constatations ont relancé les travaux sur les pièces d’histologie,
qui ont alors été conduits avec une méthodologie plus rigoureuse
qu’auparavant, avec en particulier l’utilisation de critères
diagnostiques consensuels et de cerveaux témoins appariés selon
l’âge et le sexe, l’examen des pièces en aveugle par les
investigateurs, l’utilisation de traitements standardisés des tissus et
enfin l’application de techniques de repérage spécifiques des
molécules-cibles, d’analyses morphométriques objectives et de
méthodes d’analyse quantitative assistée par ordinateur. Les
résultats obtenus ont permis de mettre en évidence les anomalies
des tissus qui seront présentées plus loin, et elles ont également
confirmé les résultats de neuro-imagerie, en retrouvant en particulier
une dilatation ventriculaire. De plus, à l’instar des études en neuro-
imagerie, l’anatomopathologie a mis en évidence des réductions du
volume cortical (en particulier temporolimbique) des schizophrènes
et une absence de corrélation entre les anomalies observées et la
durée de la maladie des patients.
Cette dernière constatation, comme l’absence de gliose, atteste du
caractère non évolutif du processus pathologique
[31]
. Cette absence
de gliose, rapportée par la plupart des travaux, a longtemps surpris
les anatomopathologistes, les conduisant même à contester la perte
neuronale et les réductions du volume cortical, car la gliose est un
signe cardinal de toute lésion cérébrale, qu’elle soit traumatique ou
dégénérative. En fait, seuls des événements neuropathologiques
survenant tôt dans le développement cérébral conduisent à des
altérations histologiques exemptes de gliose. L’hypothèse
neurodéveloppementale de la schizophrénie
[20, 30]
découle de cette
constatation.
Méthodes d’étude des tissus cérébraux
Pour éviter la nécrose cellulaire, le tissu cérébral doit être prélevé le
plus tôt possible après la mort. Il subit alors une fixation dans le
formaldéhyde, puis une inclusion dans un milieu qui solidifie le
spécimen, ce qui permet de le couper par la suite en sections fines.
Après ces opérations, les coupes de tissu cérébral peuvent être
colorées (au violet de crésyl, avec la coloration de Nissl à la
gallocyanine-chromalum, ou à l’hématéine-éosine, pour les corps
cellulaires ; avec la coloration de Golgi au nitrate d’argent, pour voir
la forme des neurones et de leurs prolongements axonaux et
dendritiques ; avec la coloration de Holzer, pour visualiser les
cellules gliales) avant un examen en microscopie optique à la
recherche d’anomalies morphologiques.
En dehors de ces traditionnelles méthodes d’observation, les coupes
de tissu fixé peuvent aussi être soumises à des techniques plus
modernes, développées dans les deux dernières décennies. Celles-ci
donnent accès d’une part à des informations sur la structure
chimique des cellules et d’autre part à des informations
quantitatives. L’immunohistochimie permet de marquer les
protéines que l’on souhaite identifier grâce à des anticorps
spécifiques ; l’hybridation in situ met en évidence les acides
nucléiques, grâce à des sondes complémentaires marquées avec des
isotopes radioactifs ou bien avec des groupements chimiques
détectables. Par ailleurs, l’autoradiographie réceptorielle (qui
s’adresse à des tissus non fixés) utilise des ligands marqués
spécifiques des sites de liaison des récepteurs. Enfin, les techniques
stéréologiques permettent de compter le nombre de neurones
contenus dans une région cérébrale définie (ce qui implique que les
échantillons comprennent toute la zone en question, dont les limites
ne doivent pas présenter d’ambiguïté).
Le fait que le cerveau des patients est étudié après leur mort peut
avoir des conséquences. En effet, outre les hypothétiques signes de
la maladie, on peut aussi observer sur les coupes les effets propres
de l’hypoxie consécutive au décès (autolyse cellulaire), les effets d’un
éventuel processus dégénératif concomitant ou encore les
conséquences possibles d’une imprégnation neuroleptique
prolongée. Pour pallier ces inconvénients, il est indispensable de
disposer d’échantillons de tissu prélevés le plus tôt possible et de
tenir compte de l’histoire clinique des patients.
ÉTUDES CYTOARCHITECTURALES
L’anatomopathologie peut en premier lieu procurer des informations
sur les volumes corticaux et plus généralement sur les volumes
cérébraux. Ces volumes peuvent être modifiés par différents
processus histopathologiques, pouvant être irréversibles ou
réversibles. Une diminution de volume ne signifie pas
nécessairement qu’ilyaeuperte neuronale : pour le savoir, il faut
compter les cellules et tenir compte de leur taille
[14]
. Ensuite, on peut
observer l’architecture corticale, c’est-à-dire la composition cellulaire
du cortex et la disposition spatiale des cellules
[14]
. L’architecture du
cortex (ou substance grise) est essentiellement déterminée pendant
la période fœtale. Dans les régions les plus évoluées (frontale,
pariétale et occipitale) où on l’appelle isocortex homotypique, le
cortex compte six couches, comprises entre la pie-mère et la
substance blanche. On y trouve des neurones avec leurs
prolongements, des cellules gliales (dont les astrocytes) jouant le rôle
de tissu de soutien et des capillaires sanguins. Les plages de
substance grise situées entre les corps cellulaires neuronaux et gliaux
et les capillaires sont appelées neuropile. Celui-ci est constitué par
l’enchevêtrement des prolongements cytoplasmiques neuronaux
(axones et dendrites) et gliaux. On appelle gliose la prolifération des
astrocytes consécutive à une lésion cérébrale.
La couche 1 du cortex, située à sa surface, comprend peu de cellules,
la grande majorité des neurones étant de petite taille avec une
arborescence locale (restant à l’intérieur de la substance grise) ; ces
interneurones sont généralement inhibiteurs, à acide gamma-amino-
butyrique (GABA). Les couches 2 et 4, dites granulaires, sont peu
épaisses et denses en petits neurones pyramidaux, mais elles
comprennent aussi des neurones à GABA dans la proportion de 15
et 30 % respectivement. Les couches 3 et 5, les plus épaisses,
contiennent principalement de grands neurones pyramidaux, mais
aussi 15 à 30 % de neurones à GABA. Les neurones pyramidaux
reçoivent des afférences, principalement excitatrices, au niveau de
leurs 6 000 à 10 000 épines dendritiques, situées sur un long arbre
dendritique apical dirigé vers la surface corticale et sur de courtes
dendrites basales issues des parties latérales évasées de leur corps
cellulaire en « fer de lance » ; quelques épines dendritiques reçoivent
aussi des influx inhibiteurs, qui peuvent encore parvenir directement
sur la surface des dendrites, sur les corps cellulaires ou sur la partie
initiale des axones ; après avoir donné naissance à des collatéraux
intrinsèques dirigés verticalement ou horizontalement à l’intérieur
de la substance grise, ces axones projettent généralement à
l’extérieur de la région cérébrale où sont situés les corps cellulaires
dont ils sont issus ; les neurones pyramidaux utilisent comme
neurotransmetteurs des acides aminés excitateurs, tel le glutamate.
Dans la couche 6 (ou couche plexiforme), on trouve des neurones
pyramidaux prenant des formes atypiques, ainsi que des neurones à
GABA.
Cette organisation prend un caractère plus rudimentaire dans
certaines aires cérébrales : l’architecture prend ainsi l’aspect
d’isocortex hétérotypique, caractérisé par des couches moins
distinctes ou moins nombreuses, ou d’allocortex pour les zones les
plus primitives comme la formation hippocampique et la formation
rhinencéphalique. On observe alors une couche granulaire
superficielle et une couche profonde de cellules pyramidales. Le
mésocortex est une forme mixte caractérisée par la juxtaposition de
formations d’isocortex et d’allocortex. La stratification du cortex
détermine la nomenclature chiffrée des aires corticales définie par
Brodmann en 1909. L’architecture de chaque zone corticale dépend
des facteurs suivants : migration, croissance et différenciation
neuronale (sous le contrôle respectif des facteurs de croissance
intrinsèques et extrinsèques), développement des prolongements
neuronaux et des cellules gliales, mort cellulaire programmée, mort
cellulaire dans le cadre du vieillissement normal ou bien d’affections
intercurrentes.
37-285-A-18 Neuropathologie de la schizophrénie Psychiatrie
2
ÉTUDES QUANTITATIVES
DES POPULATIONS NEURONALES
L’absence d’anomalie anatomopathologique qualitative spécifique
dans le cerveau des schizophrènes a conduit à utiliser des méthodes
quantitatives à la recherche de manifestations moins visibles.
Il est possible de déterminer le nombre de cellules par unité de
volume par comptage cellulaire automatisé ou de réaliser des
analyses planimétriques. La plupart des études ont mesuré la
densité neuronale plutôt que le nombre total de neurones. Or, une
perte neuronale n’aboutit pas nécessairement à une diminution de
la densité neuronale. De plus, une augmentation de la densité
cellulaire n’implique pas nécessairement une augmentation du
nombre de neurones car il faut tenir compte du volume des espaces
intercellulaires où sont situés les prolongements neuronaux et la
plupart des synapses. Enfin, ces études n’ont généralement pas tenu
compte de la taille, de l’orientation ou de la forme des cellules dans
leurs mesures. Or ces différents facteurs génèrent des biais pouvant
entraîner des différences notables (jusqu’à 40 %
[32]
) dans le comptage
cellulaire. L’utilisation des outils de quantification stéréologique
permet d’éviter ces écueils. Il ne faut pas pour autant jeter le
discrédit sur toutes les mesures de la densité neuronale, qui gardent
un intérêt dans la mesure où les résultats sont soumis à une
interprétation pertinente
[14]
.
ÉTUDES DE LA TAILLE, DE LA FORME
ET DE L’ORIENTATION DES NEURONES
L’anatomopathologie permet aussi l’étude de ces variables qui
apporte d’autres renseignements sur l’état du cortex. La taille et la
forme des neurones sont déterminées par les protéines du
cytosquelette, telles les protéines des neurofilaments, les actines, les
tubulines et les protéines associées aux microtubules ou MAP
(MAP2 étant la plus étudiée dans la schizophrénie). Leur expression
peut être appréciée grâce à l’immunohistologie.
Étude du cortex préfrontal
S’appuyant sur des données cliniques, Kraepelin
[19]
considérait déjà
le lobe frontal comme une zone d’intérêt dans la schizophrénie. En
effet, on connaissait à l’époque le rôle que cette région du cerveau
joue dans les opérations intellectuelles complexes, le contrôle du
comportement, la motricité et le langage, fonctions qui peuvent
toutes être atteintes dans la schizophrénie. Cette hypothèse était
d’ailleurs déjà étayée par les observations histologiques d’Alzheimer,
Nissl ou Southard
[3, 14]
montrant diverses anomalies dans cette partie
du cerveau. Pour Alzheimer
[1]
, la démence précoce était causée par
une atteinte des couches 2 et 3 du cortex frontal. Toutefois, comme
nous l’avons dit plus haut, les résultats de ces premières études
n’étaient pas reproductibles et aucune altération cytoarchitecturale
spécifique n’avait alors pu être mise en évidence.
Ultérieurement, l’attention a été attirée sur le lobe frontal par l’étude
d’Ingvar et Franzen
[16]
. Contrairement aux études sur le débit
sanguin cérébral total réalisées dans les années 1940 par Ketty et
al
[18]
qui ne montraient pas de différence entre les patients et les
sujets sains, cette première étude des débits sanguins cérébraux
régionaux a mis en évidence une « hypofrontalité », c’est-à-dire une
réduction de l’activité du lobe frontal chez les schizophrènes. La
plupart des études ultérieures, mais pas toutes, a confirmé ce
résultat. Plus précisément, la diminution de l’activité du cortex
préfrontal dorsolatéral serait corrélée à la pauvreté psychomotrice.
Selon Frith
[12]
, ce résultat s’expliquerait par la difficulté des patients
schizophrènes à générer des actions volontaires, qui pourrait
s’exprimer aussi bien dans la clinique par une pauvreté du discours,
qu’au moment où on enregistre l’activité cérébrale de repos des
patients. Par ailleurs, la réalisation de tests standardisés sollicitant
leurs fonctions exécutives (test de Wisconsin [WCST] ou test de la
Tour de Londres, par exemple) ne provoque pas chez ces patients
l’augmentation de l’activité préfrontale retrouvée chez les témoins
sains.
VOLUME DE LA RÉGION PRÉFRONTALE
Une partie des études apporte des données en faveur d’une
réduction du volume frontal dans la schizophrénie, alors que l’autre
partie va à l’encontre d’un tel résultat
[34]
. On ne peut donc conclure
définitivement au sujet du volume frontal dans son ensemble et il
est nécessaire de s’intéresser à des zones plus circonscrites. Une
étude récente
[10]
, comparant un échantillon de neuf schizophrènes à
neuf témoins sains d’âge moyen comparable (35 à 37 ans), a mis en
évidence chez les premiers une réduction significative du volume
de la circonvolution frontale supérieure et de la région
orbitofrontale ; les volumes des patients étaient du même ordre que
ceux de neuf sujets âgés sains, également inclus dans l’étude.
ÉTUDE DES NEURONES INTERSTITIELS
DE LA SUBSTANCE BLANCHE
Les neurones interstitiels de la substance blanche sont les reliquats
de la sous-plaque corticale. Le rôle de cette structure embryonnaire
est de guider la migration des neurones et des fibres
thalamocorticales. Une anomalie de la distribution des neurones
interstitiels chez le schizophrène adulte pourrait être liée à un
trouble de la migration neuronale ou de la mort cellulaire
programmée (apoptose), durant le développement cérébral
intra-utérin.
Une étude utilisant des anticorps monoclonaux dirigés contre
MAP2
[2]
a permis de quantifier la densité et la distribution des
neurones dans la substance blanche préfrontale de cinq patients
schizophrènes et de témoins sains appariés. Dans les deux
échantillons, la densité des neurones diminuait avec la profondeur,
mais cette densité était plus importante dans la partie superficielle
(et seulement cette partie) de la substance blanche des patients que
dans celle des témoins. À l’encontre de ce résultat, une étude
récente
[6]
n’a mis en évidence aucune différence de densité et de
distribution spatiale des neurones immunoréactifs pour MAP2 entre
la substance blanche frontale d’un groupe de 15 schizophrènes, un
groupe de 15 patients déprimés et un groupe de 15 témoins sains.
Une troisième étude avait auparavant montré chez les schizophrènes
une augmentation de la densité des neurones limitée à la partie la
plus profonde de la substance blanche préfrontale, qui n’a pas été
examinée dans les deux autres études. Enfin, une quatrième étude,
consacrée cette fois au lobe pariétal inférieur et non au lobe frontal,
a révélé une augmentation de la densité des neurones au niveau de
la substance superficielle chez des schizophrènes déficitaires, alors
que les patients non déficitaires avaient des résultats proches de
ceux des témoins sains. Au total, il est pour l’instant impossible de
conclure définitivement au sujet des neurones interstitiels dans la
schizophrénie.
DENSITÉ DES NEURONES CORTICAUX
ET DES ÉPINES DENDRITIQUES, TAILLE DES NEURONES
Benes et al
[8]
ont mis en évidence une diminution de la densité des
interneurones dans la plupart des couches du cortex cingulaire
antérieur et dans la couche 2, ainsi que, dans une moindre mesure,
dans la couche 1 du cortex préfrontal des schizophrènes ; ils ont
aussi montré dans leur couche 5 préfrontale, une augmentation de
la densité des neurones pyramidaux par rapport à des témoins sains.
La grande majorité des études n’ayant pas mis en évidence de gliose,
on ne peut pas expliquer une éventuelle diminution du nombre de
neurones par des morts cellulaires entrant dans le cadre d’un
processus neurodégénératif, mais des phénomènes excitotoxiques
pourraient en revanche jouer un rôle
[14]
. Par ailleurs, si plusieurs
études ont également retrouvé une diminution de la densité des
neurones, d’autres ont en revanche rapporté des résultats négatifs.
Les méthodes de comptage cellulaire utilisées (bidimensionnelles ou
tridimensionnelles) ne semblent pas avoir déterminé la valence des
résultats
[14]
.
D’autres auteurs ont montré une augmentation de la densité des
neurones au niveau du cortex préfrontal (aires de Brodmann 9 et 46)
des schizophrènes et l’ont interprétée comme le résultat d’une
Psychiatrie Neuropathologie de la schizophrénie 37-285-A-18
3
réduction du neuropile dans cette région. Grâce à une méthode de
comptage tridimensionnel direct
[33]
, l’équipe de Goldman-Rakic a
comparé la densité neuronale au niveau du cortex préfrontal chez
des patients schizophrènes, des témoins sains et des patients atteints
de la maladie de Huntington. Une première étude a mis en évidence
chez les schizophrènes une augmentation de 17 % de la densité
neuronale au niveau de l’aire 9 de Brodmann. La densité était
augmentée dans les couches3à6etlacouche 5 était amincie. Chez
les Huntington, la densité des cellules gliales était très élevée et
l’épaisseur corticale extrêmement réduite. Dans une deuxième
étude
[27]
, une augmentation de 21 % de la densité neuronale a été
retrouvée au niveau de l’aire 46. Des élévations significatives de
densité étaient observées au niveau des couches 2, 3, 4 et 6 des
schizophrènes et l’épaisseur de leur couche 2 était diminuée. Chez
les Huntington, encore une fois, la densité neuronale et gliale était
très importante et l’épaisseur corticale très fine. D’autres résultats
expérimentaux ont rapporté une augmentation de la densité des
neurones au niveau préfrontal (mais aussi dans d’autres aires), que
ce soit en coloration de Nissl ou en immunocytochimie (certaines
diminutions de densité retrouvées avec cette technique ayant pu être
interprétées comme des diminutions de l’expression des protéines
mises en évidence).
Cette augmentation de densité pourrait être le produit d’une
diminution du volume cortical. Étant donné la réduction du volume
cérébral total qui a été mise en évidence dans la schizophrénie, il est
possible que le nombre des neurones ne soit pas diminué et que
l’augmentation de densité soit due à une réduction du neuropile.
Les prolongements neuronaux et les synapses étant situés dans ces
espaces, la réduction du neuropile pourrait altérer les
communications entre neurones
[26]
. La diminution de la capacité de
transmission des informations au niveau préfrontal aurait pour
conséquence les anomalies des fonctions exécutives et de la mémoire
de travail observées chez les schizophrènes.
Les résultats en faveur d’une diminution de la densité des épines
dendritiques dans le cortex préfrontal de ces patients confortent cette
hypothèse. Une étude récente
[13]
a permis de déterminer, après
coloration par la méthode de Golgi, la densité des épines situées sur
les dendrites basales des neurones pyramidaux situés dans les zones
profonde et superficielle de la couche 3 de l’aire 46 et de la couche 3
de l’aire 17 (appartenant au cortex visuel, utilisé à titre de contrôle)
chez 15 schizophrènes, 15 patients psychiatriques non schizophrènes
et 15 témoins sains. La densité des épines dendritiques de la couche
3 profonde de l’aire 46 était plus basse dans l’échantillon des
schizophrènes que dans les deux autres échantillons de sujets (de
23 % par rapport aux autres patients et 16 % par rapport aux
témoins sains). Dans les deux autres zones, il n’y avait pas de
différence entre les trois groupes. La diminution constatée peut
conduire à une diminution des influx inhibiteurs d’origine
thalamique ou corticale chez les schizophrènes. Par ailleurs, la taille
des corps cellulaires des neurones étant proportionnelle au
développement des prolongements axonaux et dendritiques, la
diminution de la densité des épines dendritiques prédit une
diminution du volume des corps cellulaires des neurones
préfrontaux de la couche 3 profonde. Or, celle-ci a pu être mise en
évidence par des techniques stéréologiques, au niveau de l’aire 9
d’un échantillon de 28 schizophrènes comparés à des témoins sains
appariés
[22]
.
Étude de l’hippocampe
L’hippocampe a été incriminé dans la physiopathologie de la
schizophrénie beaucoup plus tard que le cortex préfrontal.
Néanmoins, un intérêt majeur lui a été porté, ainsi qu’au lobe
temporal en général, en premier lieu pour des raisons cliniques. En
effet, l’atteinte tumorale de cette région par un processus vasculaire,
inflammatoire, dégénératif ou irritatif (épilepsie temporale) peut
générer des symptômes apparentés à ceux de la schizophrénie. Une
lésion temporale peut même entraîner la constitution d’un tableau
de psychose organique. Par ailleurs, l’hippocampe joue un rôle
important dans la mémorisation des informations, donc dans
l’apprentissage, ainsi que dans les processus émotionnels. Or, ces
domaines étant atteints dans la schizophrénie, on peut émettre
l’hypothèse que cette région est touchée par le processus morbide.
De nombreuses études en neuro-imagerie et en anatomopathologie
ont concerné le lobe temporal et en particulier l’hippocampe des
schizophrènes. D’autres études ont porté sur l’animal. On a en effet
observé chez la souris plusieurs mutations différentes pouvant
entraîner un même type d’anomalies dans les processus de
migration neuronale impliqués dans le développement de
l’hippocampe. Ces anomalies pourraient constituer un modèle
animal des altérations anatomopathologiques de la schizophrénie
[29]
.
La région hippocampique est située à la face interne du lobe
temporal. Elle entretient des rapports anatomiques étroits avec le
noyau amygdalien, le ventricule latéral et la fente de Bichat, qui la
sépare du pédoncule cérébral. Elle se compose du gyrus dentelé, de
la corne d’Ammon (comprenant quatre zones distinctes : CA1 à
CA4) et du subiculum. Elle est séparée par le sillon de l’hippocampe
de la circonvolution de l’hippocampe ou gyrus parahippocampique,
à la partie antérieure duquel est situé le cortex entorhinal.
L’ensemble de ces structures prend le nom de formation
hippocampique. Chacune a des caractéristiques histologiques
particulières. Cette région reçoit des afférences provenant des aires
corticales associatives des quatre lobes cérébraux et parvenant aux
couches 2 et 3 du cortex entorhinal. Des fibres efférentes quittent
CA1, le subiculum et le cortex entorhinal en direction des aires
corticales associatives frontales, temporales et pariétales, de
l’hypothalamus, de l’amygdale et de la partie inférieure du striatum.
VOLUME DE LA FORMATION HIPPOCAMPIQUE
Le volume de la région hippocampique est réduit en moyenne de
plus de4à5%chez les schizophrènes, selon les études en imagerie
par résonance magnétique
[21, 34]
. Tous les patients ne présentent
néanmoins pas une telle anomalie. Par ailleurs, cette caractéristique
n’est pas spécifique de cette pathologie et on a également retrouvé
une diminution du volume de la partie interne du lobe temporal
dans la dépression, le trouble bipolaire, le stress post-traumatique,
l’alcoolisme ou les troubles neurodégénératifs tels que la maladie
d’Alzheimer
[15]
. Dans cette dernière, la réduction de volume est
d’ailleurs beaucoup plus importante que dans la schizophrénie. Le
caractère modéré de cette réduction, ainsi que sa présence précoce
dans la schizophrénie, sont des arguments allant à l’encontre de son
caractère dégénératif. Elle serait toutefois caractérisée par une
aggravation lente au cours de la maladie, pouvant être due aux effets
des médicaments, comme à un effet indirect des troubles par
l’entremise du stress
[15]
. Il semblerait que cette perte de volume
concerne plus particulièrement la partie antérieure de l’hippocampe
et la substance blanche ; les voies de communication seraient donc
touchées
[15]
. Une étude en imagerie par résonance magnétique
montre que les apparentés de premier degré seraient aussi affectés
par cette diminution de volume
[25]
. Cela pourrait indiquer que cette
diminution est la conséquence de facteurs génétiques déterminant
un risque schizophrénogène. Si ce premier résultat est confirmé, il
faudra considérer d’un côté les anomalies morphologiques signalant
la présence de ce risque et d’un autre côté les anomalies du
fonctionnement de l’hippocampe en lien avec les symptômes (cette
région est en particulier activée lors des hallucinations verbales,
comme l’ont montré des études en tomographie par émission de
positons
[28]
et en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle
[11]
). Enfin, les mauvaises performances en mémoire verbale et en
catégorisation, la diminution de la capacité d’abstraction et
l’importance de la symptomatologie positive sont corrélées
positivement à la réduction de volume de la région temporale
interne
[14]
.
Les études anatomopathologiques sur fragments d’autopsie ayant
mesuré le volume de l’hippocampe ou de la région
parahippocampique sont plus partagées. Treize études sont
concernées ; seules huit d’entre elles retrouvent une diminution de
volume
[14]
. Le résultat négatif des cinq autres pourrait être expliqué
37-285-A-18 Neuropathologie de la schizophrénie Psychiatrie
4
par la taille réduite des échantillons étudiés ou des différences dans
la manière de circonscrire les volumes à mesurer.
DENSITÉ ET NOMBRE DES NEURONES
Les études concernant la densité ou le nombre des neurones dans
l’hippocampe n’ont pas apporté non plus de résultats univoques. La
plupart d’entre elles n’ont retrouvé aucune anomalie de densité ; une
étude a montré une diminution de densité dans CA3 et CA4 et une
autre étude une augmentation de densité latéralisée dans CA1 et
CA3
[14]
. Quant au nombre total de neurones de l’hippocampe, il a
été retrouvé diminué dans une étude (où le volume de l’hippocampe
était aussi diminué, alors que la densité neuronale était normale) et
comparable à celui des témoins sains dans une autre étude ayant
utilisé des méthodes stéréologiques
[14]
. Une troisième étude, utilisant
une méthode de comptage spatial, a mis en évidence une réduction
sélective de la densité et du nombre de neurones non pyramidaux
au niveau de CA2 chez des schizophrènes, mais aussi chez des
bipolaires
[7]
. Enfin, les résultats des études consacrées au nombre
ou à la densité des neurones dans le cortex entorhinal sont
également partagés
[14]
. Au total, on ne peut retenir l’existence
d’anomalies notables de la densité neuronale, lorsqu’on considère
l’ensemble de la formation hippocampique. Certaines sous-
populations neuronales pourraient cependant être anormales. Le fait
que les études en imagerie par résonance magnétique montrent une
diminution du volume total de la région laisse penser que le nombre
de neurones hippocampiques pourrait être diminué.
TAILLE, FORME ET ORIENTATION DES NEURONES
Les résultats concernant la taille des neurones ont mis en évidence
des résultats plus homogènes. Benes et al
[9]
ont rapporté une
diminution de 13 à 18 % de la taille des neurones pyramidaux dans
les quatre zones de la corne d’Ammon de 14 patients schizophrènes
comparés à neuf témoins sains. Deux autres études ont confirmé ce
résultat, l’une d’entre elles ayant également montré une élongation
des neurones dans certaines zones. Enfin, deux études, dont l’une
ne concernait que 12 neurones dans CA1, n’ont pas retrouvé de
diminution de taille
[14]
. Il reste à étudier le développement des
prolongements axonaux et dendritiques au niveau de l’hippocampe,
puisqu’il est généralement lié à la taille des corps neuronaux. Au
total, on retiendra que l’hippocampe des schizophrènes est souvent
dystrophique.
Par ailleurs, plusieurs études ont mis en évidence des anomalies de
l’expression de protéines responsables de l’aspect des neurones.
L’immunohistochimie a en particulier permis de montrer que, chez
certains patients schizophrènes, l’expression de MAP2 et MAP5 est
diminuée de façon spécifique par rapport à d’autres protéines du
cytosquelette, au niveau du subiculum et du cortex entorhinal. Cette
anomalie ne se rencontre pas chez les témoins sains, mais a en
revanche été retrouvée dans d’autres affections telles que la maladie
d’Alzheimer ou les troubles de l’humeur. De plus, son rôle
hypothétique dans le développement de la schizophrénie et même
dans la modification de la morphologie neuronale reste à établir
[14]
.
Enfin, selon certains auteurs, l’orientation des corps cellulaires des
dendrites apicales des neurones pyramidaux de la corne d’Ammon
serait plus hétérogène chez les schizophrènes que chez les sujets
sains. Toutefois, l’étude de ces caractéristiques a le plus souvent
abouti à des résultats négatifs.
Conclusion
Grâce à l’emploi de techniques sophistiquées, diverses anomalies ont été
observées dans le cerveau des schizophrènes. Elles ont toutefois un
caractère relativement modeste et aucune d’entre elles n’a été retrouvée
chez tous les patients. Par ailleurs, tous les résultats ne sont pas
concordants, même quand les études ont été réalisées avec des méthodes
similaires. De plus, des patients souffrant d’autres troubles partagent
avec les schizophrènes certaines particularités mises en évidence. Au
total, il est impossible d’affirmer que le cerveau des schizophrènes est
normal ; cependant, les résultats les plus probants doivent être
reproduits et leur spécificité confirmée.
Dans la schizophrénie, l’importance des troubles cliniques contraste
avec le caractère restreint de l’atteinte cérébrale. Cette observation ne
peut manquer d’être mise en balance avec le fait que des destructions
cérébrales conséquentes peuvent n’aboutir qu’à des symptômes bien
circonscrits, voire à une absence de symptômes. En effet, les
temporalectomies droites, réalisées dans le cadre de la chirurgie de
l’épilepsie, n’entraînent généralement que très peu de séquelle
[24]
et une
hémisphérectomie droite réalisée chez un enfant de 3 ans pour la même
indication ne l’a pas empêché de se développer de façon satisfaisante du
point de vue moteur, mental et psychologique
[5]
. Par ailleurs, l’atteinte
de telle ou telle zone cérébrale entraîne une aphasie, une hémiplégie, une
apraxie, etc, mais, contrairement à la schizophrénie, ces symptômes
restent isolés et n’altèrent pas nécessairement de manière massive la
relation à l’autre ou à la réalité des sujets qui en sont atteints. Ces
constatations peuvent s’expliquer par le fait que, dans la schizophrénie,
l’activité du cerveau est probablement beaucoup plus perturbée que ne
l’est sa structure. Ces perturbations du fonctionnement pourraient
relever de l’atteinte des voies de transmission de l’information
[4]
plutôt
que des centres dédiés à des fonctions spécifiques.
La grande variété des anomalies anatomiques, histologiques et
moléculaires observées dans la schizophrénie a conduit certains auteurs
à considérer cette pathologie comme la voie finale commune à laquelle
conduiraient plusieurs types d’anomalies ou encore l’addition de
certaines d’entre elles
[14]
. Une telle explication a permis d’expliquer la
diversité étiologique de l’épilepsie et du retard mental. Cette hypothèse
suggère par ailleurs que la clinique schizophrénique est unitaire ou du
moins possède un noyau commun. Or, ce point est discuté. Une autre
manière d’envisager la question de la diversité histologique dans la
schizophrénie est de la mettre en rapport avec l’hétérogénéité clinique
dont elle serait la cause directe : tel fait anatomopathologique
déterminerait tel symptôme. En ce cas, l’étude des tissus devrait dans
l’idéal se faire par rapport aux ensembles syndromiques, plutôt qu’en
fonction de la schizophrénie comme entité nosographique. Cette
conception se heurte à des limites pratiques (en particulier la taille des
échantillons dans ce domaine).
Pour finir, l’hypothétique rapport de causalité liant anomalies
organiques et symptômes ne pourra être décrit que dans le cadre d’une
modélisation du produit de l’activité cérébrale. Celle-ci pourrait être
élaborée, encore une fois, autour de syndromes transnosographiques
plutôt que de la schizophrénie. Le fait que certaines des anomalies
décrites dans cet article se retrouvent dans d’autres pathologies abonde
dans ce sens.
Références
Psychiatrie Neuropathologie de la schizophrénie 37-285-A-18
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