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GÉOLOGIE : "La déchirure atypique de l'Asie" - La Recherche, l'actu...
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Au bord du lac Baïkal, la Mongolie se détache doucement
de la Sibérie
La déchirure atypique de l'Asie
Comment un continent se morcelle-t-il ? En plein coeur de la Sibérie, le lac Baïkal est
e st
un lieu unique pour étudier cet éclatement. Depuis cinq ans, grâce aux satellites de
positionnement GPS, l'ouverture de cette entaille est mesurée au millimètre près : les
le s
théoriques...
..
premiers résultats donnent une image bien différente de celle des modèles théoriques.
Juillet 1994,nousdébarquons pour la première fois sur l'aéroport d'Irkoutsk, en Sibérie,
encombrés d'étranges valises noires qui nous valent d'âpres discussions avec les
douaniers. Elles contiennent les instruments de positionnement satellitaire GPS que
(jusqu'à
qu'à
nous allons déployer autour du lac Baïkal. Ce lac, le plus profond de la planète (jus
1 640 mètres), est niché dans une entaille de la croûte terrestre le long de laquelle le
continent asiatique se déchire et commence à se disloquer. Il s'agit donc d'un
laboratoire naturel exceptionnel pour étudier le tout premier stade de l'éclatement d'un
d 'un
continent (la formation d'un « rift* » dans notre jargon), prélude à l'apparition d'un
d'u n
nouvel océan. Mais qui dit laboratoire grandeur nature, dit échelle de temps
géologiques : les dépôts sédimentaires accumulés au fond du lac indiquent que le rift
s'ouvre en moyenne à une vitesse annuelle inférieure au centimètre depuis environ 3,5
millions d'années. Peut-on quantifier dans le détail des mouvements aussi minimes à
l'échelle de quelques années ?
Sites de mesure GPS. Après quelques jours de préparatifs logistiques avec nos collègues
pourr
russes de l'Institut de la croûte terrestre à Irkoutsk, trois équipes se séparent pou
rejoindre leur secteur de travail respectif. Sur place, chacune doit trouver un site de
mesure qui doit répondre à deux critères impératifs : un, il faut trouver un
affleurement de roche dure, tels le granite ou le calcaire, assurant un site parfaitement
parfaitem ent
stable ; deux, l'horizon doit y être dégagé dans toutes les directions, pour assurer une
réception parfaite des satellites GPS.
Cesconditions,apparemment simples à réunir, sont parfois un défi impossible dans ces
zones montagneuses, le plus souvent couvertes d'une forêt dense : la taïga. Nous devons
devo ns
nous résoudre dans certains cas à abattre quelques arbres gênants... Reste ensuite à
voir
sceller un cylindre d'acier dans le rocher et à installer l'antenne et le récepteur ((voir
l'encadré ci-contre). Pendant quatre jours, nos instruments enregistrent les
informations reçues des satellites. Analysées au retour de la mission, ces données
fourniront les positions relatives de nos sites de mesure avec une précision de quelques
quelq ues
millimètres. Dans cette débauche de haute technologie, c'est cependant parfois grâce
aux batteries de nos camions que nous parvenons à assurer l'acquisition continue des
données ! Au terme de ces quatre jours, chaque équipe se déplace vers son site de
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mesure suivant, et ainsi de suite pendant les trois semaines de notre campagne de
terrain. Au total, ce sont douze points qui sont mesurés dans la moitié sud du rift
Baïkal, sur une zone de cinq cents kilomètres carrés. Pour détecter les mouvements
entre ces points avec une précision de l'ordre du millimètre par an, il a fallu répéter
répét er ces
campagnes de terrain chaque année pendant quatre ans, en revenant aux mêmes sites
et en renouvelant les mesures à l'identique.
Vitesse des mouvements. Aujourd'hui, après cinq ans de mesures, un premier résultat
tombe : 4 ou 5 millimètres par an(1). C'est à cette vitesse que s'écartent, de part eett
d'autre du rift Baïkal, deux morceaux du continent eurasiatique, la Mongolie et la
Sibérie. Tout se passe comme si la Mongolie, au sud du rift, se déplaçait lentement vers
v ers
l'est par rapport à la Sibérie, au nord du rift. Si la direction moyenne du mouvement,
mouvement ,
O-NO/E-SE, est cohérente avec celle des glissements sur d'autres grandes failles d'Asie,
d'As ie,
la vitesse est surprenante.
Bien que relativement faible, elle est deux à cinq fois supérieure aux prédictions des
de s
modèles théoriques de déformation de l'Asie(2) ! Les résultats GPS montrent aussi que
les déformations sont essentiellement localisées le long des grandes failles bordant le lac
(jusqu'à 200 kilomètres de long et 30 kilomètres de profondeur) et jalonnées de dizaines
dizaines
de milliers de petits séismes (fig. 1). On observe que plus les sites de mesure sont
proches de ces failles, plus leurs déplacements relatifs sont faibles : cela indique
our
qu'elles sont en train d'accumuler de l'énergie, qui sera inévitablement libérée un jjour
ou l'autre lors d'un grand séisme (magnitude supérieure à 7,5) comme elles l'ont déjà
fait six fois au cours des trois derniers siècles. En cela, le Baïkal est tout à fait au
standard des grands rifts, ces failles « géantes » étant une de leurs caractéristiques
caractéristique s
majeures(I).
Moteur de la fracturation. Que nous apprennent ces résultats sur la formation du
Baïkal, et plus généralement sur l'origine des rifts continentaux ? Jusqu'ici la collision
collision
entre l'Inde et l'Eurasie était considérée comme l'unique moteur de la déformation en
Asie(2). Mais le désaccord considérable entre la vitesse d'extension mesurée et celle
prédite théoriquement suggère l'intervention d'un mécanisme supplémentaire.
Rappelons tout d'abord les thèses actuelles pour expliquer la fracturation d'un
continent. On oppose classiquement deux scénarios. Selon le premier, le rifting actif,
tout est déclenché par la remontée d'une quantité massive de matériel chaud des
profondeurs du manteau. Ce « panache », c'est le terme consacré, provoque d'abord un
bombement topographique large de quelques centaines de kilomètres, puis l'étirement
et la rupture de la lithosphère*.
Dans le second scénario, le rifting passif , l'amincissement de la lithosphère sous le rift
résulte au contraire du jeu des mouvements horizontaux entre les plaques. Beaucoup de
chercheurs admettent aujourd'hui que ces deux situations extrêmes ne sont ni
systématiques ni exclusives : l'action seule d'un panache ascendant n'est probablement
probablement
pas suffisante pour provoquer la rupture d'une plaque, mais peut être nécessaire pour
affaiblir la lithosphère et favoriser cette rupture.
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Un rift froid. Dans le cas du rift Baïkal, l'école russe privilégiait le premier scénario,
tandis que l'école française défendait le second. Pour éclairer ce débat, parallèlement
parallèleme nt
aux mesures GPS, nous avons développé de nouveaux modèles gravimétriques(3,4) et
tomographiques*(5,6), deux méthodes pour sonder indirectement les profondeurs de la
croûte et du manteau. Résultat troublant : aucun indice de panache notable !
L'ensemble de ces travaux révèle en effet que la croûte continentale sous le rift Baïkal
Baïkal
est froide, peu amincie et résistante du point de vue mécanique. Abondent également
dans ce sens des modélisations numériques récentes qui, simulant la déformation de la
lithosphère sous l'action de forces extensives horizontales, ont montré qu'il est possible
pos sible
de former le rift Baïkal sans faire intervenir de panache !
Pièce manquante. Ce panache aurait pourtant été un bon candidat pour expliquer la
vitesse d'extension élevée que nous mesurons au travers du rift Baïkal... Quel
mécanisme invoquer ? Nous inspirant de travaux sur la convection dans le manteau
réalisés dans les années 1980(7), nous proposons une nouvelle conjecture : la pièce
manquante du puzzle se situerait à quelques milliers de kilomètres de là, à l'ouest du
du
Pacifique, là où les plaques Philippine et Pacifique plongent en subduction* sous l'Asie.
l'Asie.
Sous certaines conditions en effet, une plaque océanique froide qui plonge sous un
continent peut accélérer les mouvements de brassage dans le manteau, augmentant
ainsi la force de traction à la base de la lithosphère continentale. Cette force de
traction, en se superposant aux forces liées à la collision Inde-Asie, pourrait expliquer
expliquer
le taux d'extension « anormalement » élevé que nous mesurons dans le rift Baïkal. Dans
Dans
ce scénario, c'est donc un processus de subduction situé à plusieurs milliers de
continentt
kilomètres qui, en modifiant le régime de convection à grande échelle sous le continen
asiatique, contribuerait à la déformation de la croûte terrestre jusqu'au coeur de ce
continent. Hypothèse audacieuse ? Nous travaillons actuellement à la valider (ou à
l'infirmer !).
Au-delà de ce contexte sibérien, les mécanismes contrôlant la déformation interne des
continents restent mal connus et sont aujourd'hui un axe majeur de recherches en
géodynamique. Cette question suscite bien des débats, le cas de l'Asie en est le plus bel
exemple.
Deux écoles s'affrontent. L'une, menée par Philip England de l'université d'Oxford en
Grande-Bretagne et Peter Molnar du Massachusetts Institute of Technology aux
Etats-Unis, défend un modèle où la déformation de l'Asie s'effectuerait de manière
diffuse et continue par un épaississement de la lithosphère au nord de l'Inde, au fur et à
l'Institut
titut
mesure de sa collision avec l'Eurasie. L'autre, conduite par Paul Tapponnier de l'Ins
de physique du Globe de Paris, prône un modèle de type « plaquiste » selon lequel
l'essentiel de la déformation s'exprimerait le long de grandes failles actives permettant
permet tant
l'expulsion vers l'est de grands blocs continentaux rigides (Indochine, Chine du Sud,
Chine du Nord). Dans les deux cas, la collision Inde-Asie est le seul moteur de ces
grands bouleversements.
Dans ce débat, nos résultats ajoutent une tout autre composante puisqu'ils semblent
indiquer une contribution de la subduction des plaques Pacifique et Philippine sous
l'Asie ! Quoi qu'il en soit, la multiplication de mesures directes par GPS sera
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certainement une des clés pour la compréhension des déformations à l'intérieur des
éclairagee
continents. Comme pour le rift Baïkal, il faut s'attendre à ce que ce nouvel éclairag
révèle des mécanismes probablement plus complexes que ceux actuellement invoqués.
JACQUES DEVERCHÈRE ET ERIC CALAIS
JACQUES DEVERCHÈRE ET ERIC CALAIS
(1) E. Calais et al., Geophys. Res. Lett., 25, 4003, 1998.
(2) G. Peltzer et P. Tapponnier, J. Geophys. Res., 93, 15085, 1988 ; G. Peltzer et F.
Saucier, J. Geophys. Res., 101, 27943, 1996 ; P. England et P. Molnar, Geophys. J. Int.,
130, 551, 1997.
(3) E.B. Burov et al., Geophys. Res. Lett., 21, 129, 1994.
(4) C. Petit et al., Earth Planet. Sci. Lett., 149, 29, 1997.
(5) I.Y. Koulakov, Geophys. J. Int., 133, 467, 1998.
(6) C. Petit et al., Tectonophysics, 296, 125, 1998.
(7) H-C. Nataf et al., J. Geophys. Res., 86, 643, 1981.
Le système gps et la tectonique des plaques
Le GPS (Global Positioning System) est un système de géodésie spatiale fondé sur une
constellation de satellites dédiés et permettant le positionnement en trois dimensions
dimensions
(latitude, longitude, altitude) ainsi que la mesure du temps. Développé aux Etats-Unis
Etats-Unis
par les militaires dans les années 1980, il est entièrement opérationnel depuis avril
1994, avec vingt-quatre satellites assurant une couverture complète du Globe 24 h/24.
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Ces satellites, dont les trajectoires sont connues avec une précision de quelques
centimètres, émettent en continu un signal radio sur deux fréquences (1.2 Ghz et 1.5
Ghz). Les récepteurs GPS décodent ce signal pour déterminer la distance qui les sépare
sépar e
de chacun des satellites qu'ils peuvent « écouter ». En captant simultanément les
signaux de trois satellites, un récepteur fournit donc les données suffisantes pour
résoudre les trois inconnues définissant sa position : latitude, longitude et altitude.
altitude . Une
quatrième inconnue est le décalage de temps entre les horloges des satellites et des
récepteurs. En toute rigueur, il faut donc au moins quatre satellites pour se positionner
positio nner
par GPS.
Les distances satellite-récepteur peuvent être déterminées à partir de l'identification
l'identificatio n de
codes émis de manière répétitive par les satellites, dont on connaît le temps d'émission
d'émiss ion
et de réception. C'est le mode de positionnement le plus simple, mais sa précision est
es t
limitée entre 1 et 100 mètres. Une seconde manière de calculer des distances satellitesatellit erécepteur est de compter le nombre de longueurs d'onde (de « phases ») qui se sont
propagées entre un satellite et le récepteur. La longueur d'onde des signaux GPS est de
l'ordre de 20 centimètres : comme les récepteurs sont capables de détecter une fraction
fraction
de longueur d'onde, théoriquement, la précision millimétrique est donc possible. C'est
C'es t
cette stratégie qui est utilisée pour les applications géophysiques du GPS. Les données
donné es
(code et phase) enregistrées par des récepteurs GPS sur le terrain sont traitées ensuite
ensu ite
par des logiciels qui prennent en compte différentes sources d'erreurs. Citons en
particulier l'influence de l'atmosphère terrestre (en particulier, l'ionosphère et la
troposphère), dont les constituants ralentissent la propagation du signal GPS par
rapport à la vitesse théorique de la lumière, ou celle de la précision avec laquelle sont
années
nées
connues les orbites des satellites GPS. La répétition de ces mesures sur plusieurs an
permet de calculer les déplacements relatifs des sites, c'est-à-dire des plaques
tectoniques auxquelles ils appartiennent, et de quantifier la déformation subie par la
croûte terrestre.
L'un des sites de mesures GPS dans la région du lac Baïkal. L'antenne GPS (disque
métallique) est installée au sommet d'un trépied à l'aplomb d'un repère géodésique
(petit cylindre métallique) scellé dans le rocher. Cette technique permet de mesurer la
distance entre les points situés à plusieurs centaines de kilomètres les uns des autres
autres
avec une précision de quelques millimètres.
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