L'expérience de la Délégation des Frontières DOMINICAINES DANS LE MONDE Une Délégation sous le patronage des saints Cyrille, Méthode et Nicolas. Elle naît en 2006, héritage de ce qui fut réalisé à Bari. Les actions en cours à Kaboul, en Slovénie et à Londres. A la paroisse de Tamai. La prière œcuménique mensuelle. Sr. Sonia, à l'Institut Œcuménique de Bossey (Suisse). “Père, que tous soient un” Notice qui annonce les réunions mensuelles de la prière œcuménique qui s'est tenue à la paroisse de Tamai (Italie) (Jn 17, 21) Bien des fois, les mots ont plusieurs sens. C'est ainsi que la dénomination de notre Délégation peut faire penser à des limites, à des confins, plus qu'à une porte, à une possibilité d'entrée ou d'élargissement des espaces. Quelle véritable signification faut-il donc lui attribuer, et quelle fut la motivation de sa constitution? Quelle sollicitation le Conseil général avait-il reçue pour qu'en mars 2006, il l'ait instituée? Il avait su voir, dans les petites réalités de Kaboul, de Slovénie et de Londres, des présences prophétiques qui, par-delà leur fragilité et leur petitesse, étaient chargées de potentialités; des réalités isolées géographiquement, mais toutes porteuses d'un message fort de dialogue et d'unité qui les rapprochait. Le Chapitre général de l'Union (2005/2006) nous avait fortement appelées à faire quelque chose pour développer notre présence sur ces lieux où les fractures du passé et celles d'aujourd'hui sont encore ressenties comme des plaies ouvertes . De ce fait, le Conseil général ayant été sensible à cet 27 Église paroissiale de Tamai ( Italie ) : un moment de prière appel pressant, a confié à la Délégation et, par elle, à notre famille religieuse, la mission de répondre aux instances de témoignage, de service gratuit, de dialogue, de partage, de communion que ces lieux réclament, se référant surtout au désir de Jésus : "Père, que tous soient un". Une mission particulièrement œcuménique avait été confiée à la communauté de Bari, ouverte en 2007 et fermée en 2009. Et comme "rien de ce qui a de la valeur ne meurt", et qu'une mission n'est pas donnée à des murs mais bien à des personnes vivantes, cette mission continue en ceux qui s'engagent à la vivre. En me transférant à Tamai j'ai retrouvé, parmi les choses importantes à conserver, un document sur la formation oecuménique daté du 20 mai 1993, promulgué par le Groupe Mixte de Travail entre l'Eglise Catholique et le Conseil Œcuménique des Eglises. Lors d'une rencontre pour les prieures d'Italie - entre 19942000, on me chargea de présenter ce précieux document à cette Assemblée. Sa découverte fut pour moi une confirmation de 28 l'action de Dieu qui prépare de longue date ce qui adviendra. L'expérience de Bari et cette découverte – un petit signe - m'ont encouragée à proposer au Conseil pastoral de la Paroisse une prière œcuménique mensuelle. L'initiative proposée a été accueillie favorablement. Un bon groupe de personnes désireuses d'approfondir leurs connaissances sur l'œcuménisme et de prier pour que se réalise le rêve de Jésus y participent. C'est pourquoi nous sommes certaines que l'œcuménisme spirituel – défini comme 'l'âme de tout le mouvement œcuménique existe déjà, puisque le désir de Jésus et celui de ces personnes sont en train de se rencontrer. A ce propos, j'aime rapporter un encouragement qui m'est parvenu d'un oecuméniste passionné – également professeur d'œcuménisme, le Père Enrico Sironi, CRSP (Barnabite): "Quelle belle initiative que cette prière œcuménique mensuelle à la paroisse! Laissez-vous conduire par l'Esprit du Seigneur qui crée l'unité dans la diversité et la diversité dans l'unité. Aidons-nous à grandir vers la plénitude de l'unité visible dans le Christ, de tous ses disciples, mais aussi à respecter les diversités légitimes, toujours enrichies par l'échange des dons. L'expérience de la prière œcuménique aidera aussi la paroisse à croître toujours plus unie. A faire naître des fleurs et des fruits de communion. Bravo!" Je suis certaine qu'une telle expérience peut aussi se faire dans nos communautés. L'expérience qui suit, racontée par Sr. Sonia qui l'as vécue, confirme la valeur de la ligne d'un œcuménisme construit dans le respect réciproque des différentes identités; identités ouvertes au dialogue dans la dimension de l'amour comme dans celle de la théologie, tout en demeurant enracinées dans un engagement de recherche de l'unité, dans la charité et dans la vérité. Sr M. Consuelo Serafin Une année et vie religieuse oecuménique... Une année à Château de Bossey comme membre de la communauté religieuse œcuménique : tel est le projet promu par l’Institut œcuménique de Bossey, qui dépend du CEC (Conseil Œcuménique des Eglises) en collaboration avec le Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des Chrétiens. Quand en septembre dernier s’est fermée la communauté de Bari, à laquelle j’appartenais, la possibilité de vivre cette expérience œcuménique s’est offerte à moi. Et c’est ainsi que de septembre 2009 à septembre 2010 je me suis trouvée ici, dans ce petit pays entouré de très belles montagnes et baigné par le Lac de Genève, à 20 km de la ville de Genève. Fondé en 1946, l’Institut rassemble, pour l’apprentissage œcuménique, l’étude académique et les échanges personnels, des personnes provenant de diverses églises, cultures et sphères. Ce qui caractérise et distingue cet Institut œcuménique c’est l’aspect communautaire, en effet, la Une partie de la communauté religieuse oecuménique - Institut œcuménique de Bossey (Suisse) vie académique et la vie communautaire coexistent bien. Chaque année au mois de septembre arrivent à Bossey de 30 à 40 étudiants issus de tous les Continents . Plusieurs d’entre eux suivent seulement les cours du premier semestre qui aboutissent à la qualification du Graduate School, d’autres poursuivent jusqu’au Master. Au cours de l’année académique 2009-2010 ont été présents 40 étudiants, d’environ 25 églises différentes, de confession et de dénomination chrétiennes ; d’autres, des pasteurs (hommes et femmes) luthériens, réformés, pentecôtistes et méthodistes, prêtres et moines catholiques et orthodoxes, beaucoup de jeunes laïcs engagés, et notre communauté œcuménique constituée de deux Sœurs luthériennes de la Tanzanie : Sr Adventyna et Sr Jerda ; deux Sœurs orthodoxes de l’Eglise Orthodoxe-Syriaque : Sr Theodora de l’Iraq et Sr Fadia de la Syrie ; deux Sœurs catholiques dominicaines : Sr Carolyn des philippines et Sr Sonia de l’Italie. Notre devoir ici consiste d’une part en une présence spirituelle parmi les étudiants, la fréquentation des cours comme tous les autres étudiants et avec eux, ensemble, la participation aux travaux de groupe et aux discussions qui font partie du cheminement universitaire, d’autre part le devoir de préparer la prière œcuménique qui a lieu chaque soir du lundi au vendredi dans la chapelle de l’ l’Institut. Au début de notre expérience, nous sœurs, lors d’une rencontre communautaire, nous avons “inventé” la prière œcuménique, de manière à ce qu’elle fût l’expression des trois traditions : orthodoxe-syriaque, catholique et luthérienne. Durant toute l’année, divers groupes de travail du CEC sont venus à Bossey pour des rencontres de travail et de formation ; ce fut l’occasion pour partager, bien que brièvement, expériences, de- 29 derne ! Le dialogue et la confrontation ont été notre pain quotidien pour chercher à comprendre, clarifier et approfondir le point de vue de l’autre ; en effet, provenant de diverses parties du monde, avec des cultures et des formations diverses, nous avons expérimenté la profondeur et la radicalité de notre diversité. Les loisirs à Bossey mandes et projets ; quand le temps le permettait, ils ont participé à notre prière du soir. Les diverses expériences vécues durant l’année : la visite aux paroisses dans la Suisse allemande au cours du mois de novembre, le voyage à Taizé en décembre et à Rome à la fin de janvier, ont offert l’opportunité aux étudiants de connaître des réalités “autres” que leur vécu quotidien et “différents” de ce qu’ils imaginaient ; pour nous tous, ce furent un défi et une opportunité pour compléter les visions partielles et/ou corDeux témoins dans le domaine œcuménique 30 riger les visions tordues. A Taizé nous avons rencontré une communauté protestante-catholique ( et pas seulement catholique comme le pensaient quelques étudiants ) qui cherche, dans la prière et dans la vie communautaire, à vivre l’unité et à concrétiser tous les jours une réconciliation entre Chrétiens, une communauté “où la bonté du cœur est vécue très concrètement, et où l’amour est au cœur de tous” (Frère Roger). A Rome les étudiants ont eu la possibilité de visiter un des lieux de la chrétienté antique, de connaître l’organisation de l’Eglise Catholique, de rencontrer quelques représentants qui travaillent au Conseil Pontifical pour la promotion de l’unité des Chrétiens, de participer à une audience papale et de découvrir une ville à la fois antique et mo- De là le défi du dialogue ! N’ont pas manqué les difficulté, méprises et incompréhensions. Cependant le climat né entre nous étudiants a été de dialogue et d’accueil des diversités : ceci, je le pense, constitue le don le plus beau qui nous a tous enrichis ; ceci, je le crois, est aussi le chemin que notre Famille religieuse est en train d’accomplir depuis ces dernières années au cours desquelles nos communautés sont devenues et sont en train de devenir toujours plus internationales et multiculturelles. Un tel accueil des diversités, une telle “unité-dans-la-diversité” est don, défi, engagement, prophétie. Au cours du mois de février la moitié des étudiants, leur cheminement académique terminé, ont regagné leur pays, les autres ont Le Château de Bossey, le bâtiment du réfectoire et la tour poursuivi avec le Master, tandis que pour nous les Sœurs débutait un cours de spiritualité œcuménique. Au mois de mars, avec notre responsable, “la pasteur” luthérienne Heller Dagmar, nous nous rendions à la communauté religieuse œcuménique - protestante de Grand-Champ, une localité voisine de Neufchâtel. L’objectif de ce voyage : connaître la vie religieuse dans le Protestantisme, partager pendant quelques jours son expérience et sa vie. Le second semestre, pour nous les Sœurs, moins intense et moins organisé que le premier, m’a donc permis de trouver le temps pour approfondir l’histoire de l’Eglise dans sa “lutte” et son pèlerinage dans le temps, l’Eglise et la spiritualité orthodoxe, qui depuis toujours me fascinent, et l’histoire du mouvement œcuménique. Très intéressant et stimulant fut le séminaire interreligieux organisé au mois de juillet avec comme thème Construire une communauté interreligieuse. A ce séminaire participaient : nous, les Chrétiens de la communauté de Bossey (Sœurs et étudiants), quelques jeunes musulmans provenant de la Palestine, de la Turquie, de l’Egypte, de l’Indonésie et des Etats-Unis et deux jeunes juifs de Jérusalem. Ce fut un mois très intense centré sur l’approfondissement des trois grandes religions abrahamites, par leçons, travaux de groupe, échanges d’expérience, participation à la prière dans la Synagogue, dans la Mosquée et dans l’Eglise. À cette occasion aussi nous avons expérimenté la pénibilité et le défi du dialogue. Particulièrement difficile a été le dialogue entre les jeunes juifs et palestiniens, à cause de la situation qui depuis plus de 60 ans continue à tourmenter le voisin du MoyenOrient. Que de souffrance et que de colère dans le cœur de Badia, David, Adrian, Sahar, Arzu..... Si le dialogue œcuménique entre Chrétiens n’est pas simple, ardu est le dialogue interreligieux, mais les deux représentent un grand défi : le défi pour nous Chrétiens, de témoigner “unis” du Christ Ressuscité, Fils de Dieu et Sauveur de l’homme, le défi pour tous (Juifs, Chrétiens et Musulmans) de construire la paix et la justice pour offrir aux générations futures une société pacifiée et pacifiante. Sr M. Sonia Mele Sr Sonia Mele, à gauche, auteur de l'article, avec deux sœurs 31