Intervention Philippe Vachette

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«Que veut dire pour le chrétien, être co-créateur de la
création ? »
Introduction
Tout d’abord, quelques rappels de vocabulaire, pour être équipés des mêmes outils ! !
Nous avons toujours vécu dans un monde fini, mais maintenant nous le savons tous, avec
une conscience de plus en plus aiguë ; ce monde connu, photographié avec grande
précision depuis les satellites, dont la population a plus que triplé en moins de 100 ans
commence à devenir vraiment dans les esprits une « petite » ou une « trop petite » planète.
Très petite, mais avec une « espèce colonisatrice », l’homme, dont beaucoup sentent bien
que ces hommes maintenant posent sérieusement question : la somme des besoins et des
prélèvements génèrent un impact écologique global rapidement croissant !
Répondre aux sollicitations artificielles crées par la diffusion mondiale d’un type de société
post moderne (besoin de mobilité par exemple) va avoir des conséquences encore très mal
calculées sur les consommations du reste du monde pauvre !
1) Des besoins croissants………. pourquoi ? pour qui ?
Une gestion durable et responsable implique une activité économique qui soit à la fois
réfléchie, anticipée, contrôlée et répartie équitablement, et parmi ces 4 termes, peu vont
dans le bon sens, ou seraient maîtrisés ! Comment pourraient-ils l’être quand les choix
stratégiques, les décisions d’investissements sont de plus en plus guidés par la seule
maximisation des résultats financiers de quelques uns, même si cela menace l’intérêt
général de la majorité des communautés humaines ! Ils appellent ça l’économie
mondialisée ! mais est-elle inéluctable ?
Parmi les chrétiens engagés, et malgré le discours dominant- nous sommes nombreux à
tenter de ne pas confondre l’économie (produire et distribuer de la valeur ajoutée) avec la
« prédation financière » qui cherche à maximiser dans les 6 mois le rendement financier de
liquidités placées !
On a fait de l’hyper consommation, (c’est a dire d’une consommation rapide de produits à
cycle très courts) le principal moteur de nos économies. (exemples bouteille consignée, pot
yaourt en terre, verre solide consigné, l’alu forte source d’énergie…). Et on est devenus de
plus en plus performants dans la transformation de matières premières avec des besoins
croissants d’énergie ! Et c’est là que le modèle va bloquer ! De plus en plus de gens (les
pays riches et les gros pays émergeants) ont des marchés qui progressent très rapidement,
avec des populations qui aspirent à consommer bien plus de produits plus riches et/ou à
durée de vie plus courte !
Les multinationales ou les pays qui ont les technologies et les finances disponibles,
s’approprient donc énergies et matières stratégiques, mais comme elles sont cantonnées
dans le court terme, s’intéressent très peu au socle qui vacille !
2) Vers une économie « cyclique » à base écologique, celle qui cherche à fermer la
boucle entre besoins et rejets;
a) - D’abord choisir d’aller vers le facteur 4 : Apprendre à faire 2 fois mieux, (plus propre,
mieux réparti) avec 2 fois moins d’énergies et de matières 1eres, donc 2 fois moins de
ressources prélevées et de CO² émis.
- Les ressources, ce sont d’abord les hommes, les moyens financiers, mais aussi l’espace à
aménager, la biodiversité qui nous fait vivre, les paysages, le cadre bâti (hérité de nos
histoires ou conçu pour durer).
Ex : L’ensemble de la « filière bois » en France, de l’ONF jusqu’au dernier marchand de
meuble, c’est 550 000 emplois, autant que la construction automobile en France (500 T de
bois plaquettes = 1 emploi ou voir le scénario « Négawatt » animé par plus de 200
spécialistes énergie (negawatt.org)
b) - Ensuite, les rejets d’une filière économique peuvent être pour une part, les ressources
pour une autre activité ! C’est le démarrage de l’écologie industrielle (1); dans cette
approche, la gestion devient vraiment durable car le déchet est perçu donc géré comme
une ressource et pas comme un fardeau, une charge à gérer au moindre coût, acceptable
par la réglementation et les populations voisines ; une ressource, est par définition
considérée, avec une grande attention, et gérée comme un stock vital, même si elle n’est pas
obligatoirement un centre de profit.
3) Les chrétiens se posent ils la question différemment ?
Pendant longtemps, si ce n’est de belles exceptions (Hildegarde de Bingen, François
d’Assise…) l’Eglise et les chrétiens ont surtout cherché à dominer et domestiquer cette
nature souvent sauvage (cf. texte de Buffon par ex.) ou qui semblait illimitée. Et cette idée a
duré jusque dans les années 50, sans bien réaliser que les révolutions industrielles
successives avaient donné aux hommes des moyens considérables de transformer ou
détruire cette Création de Dieu, qui est prêtée aux hommes ! Heureusement, les chrétiens
et les Eglises rattrapent leur retard en la matière, en réflexion au moins et timidement en
action (pour les catholiques) ! Des prises de positions et des écrits forts ont été posés par
Jean Paul II : (citations réunies par JP RAFFIN, prof. Muséum Paris)
- 1987. A Punta Arenas.
« Comme vous le savez, dans de nombreuses régions du monde nous nous trouvons
devant des dangers et des menaces pour l’écologie qui causent non seulement de graves
dommages à la splendeur de la nature, mais qui vont même jusqu’à menacer gravement
l’homme. (…) Je lance un appel à tous les responsables de notre planète afin qu’ils
protègent et conservent la nature créée par Dieu. »
1990. Rome. Message pour la Paix.
« Face à la dégradation générale de l’environnement (…) on assiste ainsi à la formation
d’une conscience écologique qu’il ne faut pas freiner mais favoriser, en sorte qu’elle se
développe. »
« Les réflexions bibliques mettent mieux en lumière le rapport entre l’agir humain et
l’intégrité de la création. Lorsqu’il s’écarte du dessein de Dieu créateur, l’homme provoque
un désordre qui se répercute inévitablement sur le reste de la création. »
« Certains éléments de la crise écologique actuelle font apparaître à l’évidence son
caractère moral. Il faut y inscrire en premier lieu, l’application sans discernement des
progrès scientifiques et technologiques.
« La société actuelle ne trouvera pas de solution au problème écologique si elle ne révise
sérieusement son style de vie. En beaucoup d’endroits du monde, elle est portée à
l’hédonisme et à la consommation, et elle reste indifférente aux dommages qui en
découlent. . « Les chrétiens, notamment savent que leurs devoirs à l’égard de la nature et
du Créateur font partie intégrante de leur foi. C’est pourquoi, ils sont conscients du vaste
domaine de collaboration œcuménique et inter religieuse qui s’ouvre devant eux ».
ou en 1999 « La beauté de cette terre me conduit à lancer un appel pour sa conservation au
profit des générations futures. (…)
C’est également à Jean-Paul II que l’on doit l’implication forte de l’Eglise catholique dans les
rassemblements œcuméniques où ont été traitées des questions d’environnement, puis de
développement durable
A Bâle en 1989, premier rassemblement œcuménique européen, à Séoul en 1990, rassemblement
œcuménique « Justice, Paix, sauvegarde de la Création », à Graz en 1997, deuxième
rassemblement œcuménique européen.
Le point VII du message final du Rassemblement œcuménique de Séoul (1990) est tout à fait
significatif du changement d’attitude des chrétiens :
« Les expressions « dominer la terre » et « l’assujettir » qui sont utilisées dans la Bible ont
servi pendant des siècles à justifier les actes de destruction perpétrés contre l’ordre créé.
Nous nous repentons de cette violation et nous acceptons l’enseignement biblique selon
lequel l’être humain, créé à l’image de Dieu, a une responsabilité particulière à assumer en
tant que serviteur de ce Dieu : l’intégrité de la création a une dimension sociale qui prend
à nos yeux la forme de la paix dans la justice, et une dimension écologique qui s’exprime
à nos yeux dans le renouvellement permanent et la viabilité des écosystèmes naturels.
Nous sommes résolus à nous opposer à l’idée que tout, dans la création, n’est que
matière destinée à être exploitée par l’être humain ; nous voulons combattre, la
surconsommation et la production massive, la pollution des terres, de l’atmosphère et des
eaux, toutes les activités humaines qui risquent d’entraîner (c’est une citation de 1990 !) un
rapide changement climatique.
Ces rassemblements qui ont conduit à l’adoption en 2001 par le Conseil des Conférences
Épiscopales d’Europe et la Conférence des Eglises Européennes d’une charte œcuménique dont un
des points, le point 9 est « Sauvegarder la création » :
« Dans notre foi en l’amour de Dieu, le créateur, nous reconnaissons avec gratitude le
cadeau de la création, la valeur et la beauté de la nature. Mais nous voyons avec effroi que
les biens de la terre sont surexploités sans considération de cette valeur propre, sans
tenir compte de leur caractère limité et sans égards pour le bien des générations futures.
Nous voulons concourir ensemble à créer des conditions de vie durables pour l’ensemble
de la création. Responsables de sa Création devant Dieu, nous devons dégager et
développer des critères communs pour déterminer ce que les hommes peuvent sans
doute faire d’un point de vue économique, scientifique et technologique, mais ne doivent
pas faire d’un point de vue éthique.
C’est dans cette perspective que travaille l’atelier national CVX « Chrétiens coresponsables
de la Création » CCC : gérer attentivement nos activités économiques en les fondant sur
bien plus de solidarité et de partage, tout en respectant et économisant la planète qui nous a
été confiée par le Créateur ! Ce sont là, les trois piliers du développement durable que nous
cherchons à installer au sein de la Communauté Vie Chrétienne.
Conclusion : (par un écologiste chrétien et qui est heureux de l’affirmer !)
Celui qui croit à l’avenir d’une croissance infinie….dans un monde fini….c’est un fou ou un
économiste, disait A Einstein !
Le gaspillage est une transgression qui porte en elle le principe d’inégalité devant les
richesses ou les ressources selon la sociologue D. Rappoport. Cette transgression,
expression de la liberté individuelle, (par ex. je suis libre de rouler dans un 4X4, qui brûle 18L
/100 km) ne devrait pas tarder à se heurter à un équilibrage des ressources à une échelle
plus collective, donc devenant nettement plus contraignante ! C’est un principe de réalité qui
va annuler très vite le principe de jouissance sans limite revendiquée (ou voulue) par nos
sociétés de consommation !
La simplicité volontaire, que choisissent un nombre croissant de chrétiens est une vraie
réponse à l’appel prophétique et quasi évangélique de Gandhi : Vivre simplement pour que
tous puissent simplement vivre !
Dole, Avril 2008, Philippe VACHETTE, CVX Chambéry
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------(1) Le district de Kalunborg en Suède, où 18 entreprises sont liées entre elles par une ou plusieurs
connexions d’approvisionnement en matières 1eres ou énergies issues des rejets de l’autre. C’est l’emblème
de l’économie cyclique étudiée et promue par Suren Erkman.
Les vieux papiers : on en importe entre 350 et 400 000 t/an alors qu’il en reste 1,5 M de T. dans nos
ordures ; ou l’aluminium à recycler qui demande 12 fois moins d’énergie que celui issu de la bauxite !
La démarche Rank Xérox : une innovation systémique (conception à base de remanufacturage ou éco
conception) nettement plus efficace que le recyclage
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