POLITIQUE DE L’AMC LA RELATION PATIENT-MÉDECIN ET L'ABUS SEXUEL DES PATIENTS (MISE À JOUR 2000) La politique de l'AMC sur la relation patient-médecin et l'abus sexuel des patients fait suite à une revue des politiques et des initiatives de ses divisions provinciales et territoriales et d'autres associations professionnelles. L'approche adoptée par l'AMC consiste à examiner la relation patientmédecin dans son ensemble pour comprendre les facteurs propres aux relations normales et anormales, y compris l'abus sexuel. Outre la définition de l'abus des patients par les médecins en général et de l'abus sexuel en particulier, le présent document contient des principes directeurs sur des questions comme les relations sexuelles ou sentimentales avec des patients actuels ou d'anciens patients et offre des stratégies de sensibilisation et de prévention. L'AMC a préparé la présente politique afin d'aider les médecins à faire l'unanimité sur les concepts clés de la relation patientmédecin et de l'abus sexuel des patients. Pour s'y préparer, elle a passé en revue les politiques et les initiatives de ses divisions provinciales et territoriales et d'autres associations professionnelles. L'AMC désire donner un point de vue national et professionnel sur la question. Son rôle consiste à élaborer des approches de sensibilisation et de prévention qui renforcent et qui favorisent les relations patient-médecin efficaces, un élément clé de la qualité des soins. L'approche adoptée par l'AMC consiste à tenir compte de l'ensemble de la relation patient-médecin afin d'examiner les facteurs propres aux relations normales et anormales, y compris l'abus sexuel. Les relations patient-médecin efficaces et convenables Une relation patient-médecin efficace et convenable est la base de la pratique de la médecine; il s'agit d'une alliance ou d'un partenariat thérapeutique où le médecin offre une opinion d'expert, de l'information, des possibilités et des interventions de sorte que le patient puisse prendre des décisions éclairées relativement aux soins médicaux. La participation des patients aux décisions qui ont trait à leurs soins n'est pas uniquement une obligation juridique et déontologique, elle fait aussi partie des règles de l'art de la médecine. 2001 Association médicale canadienne. Vous pouvez, à des fins personnelles non commerciales, reproduire en tout ou en partie, sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit, un nombre illimité de copies des énoncés de politique de l'AMC, à condition d’en accorder le crédit à l’auteur original. 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Au sein de cette alliance, les objectifs mutuels du patient et du médecin comprennent une issue positive, la bonne communication, la franchise, la souplesse, la sensibilité, le consentement éclairé et, par-dessus tout, le respect. Même s'ils partagent des objectifs, le patient et le médecin risquent de ne pas être à égalité : le patient peut être vulnérable puisqu'il est malade et qu'il ne possède pas de connaissances médicales, et le médecin est en situation de pouvoir puisqu'il possède les connaissances médicales et les compétences requises pour aider son patient et qu'il a sa confiance. Par conséquent, il en va de la responsabilité des médecins de respecter la confiance de leurs patients et de ne pas les exploiter. Les médecins sont tenus de «[tenir] compte d'abord du mieux-être du patient» (Code de déontologie de l'AMC 1996) et d'agir avec compétence et professionnalisme. L'AMC reconnaît que les conditions politiques, sociales et économiques se répercutent sur tous les aspects de la relation patient-médecin. Les médecins sont appelés à considérer l'environnement des soins de santé en évolution au Canada, y compris l'augmentation des restrictions budgétaires, et à toujours offrir des soins de haute qualité. La société et le système de santé doivent être conscients des limites que la situation impose aux patients et aux médecins et les aider en leur donnant le temps et les ressources nécessaires pour tisser des relations efficaces, établir de bonnes communications, et recevoir et fournir des soins de santé de haute qualité. L'abus sexuel des patients par les médecins La plupart des relations patient-médecin sont mutuellement positives et avantageuses; par contre, quelques-unes sont anormales, voire abusives. Un genre de relations anormales, l'abus sexuel des patients par les médecins, suscite en particulier de graves et urgentes préoccupations. Même si la plupart des médecins n'ont pas de relations sexuelles avec leurs patients, un nombre restreint mais significatif en ont. L'abus sexuel est une nouvelle préoccupation non seulement dans les relations patient-médecin, mais aussi dans d'autres relations client-fournisseur. Cette préoccupation se fait jour au moment où la société prend davantage conscience de la violence et des abus. Il existe de nombreux modèles ou façons de comprendre et d'expliquer l'abus sexuel des patients (voir The Patient-Physician Relationship: a Literature Review, AMC 1993). Selon un modèle, le fait de dépasser les limites de la relation patient-médecin est perçu comme le reflet des traits psychopathologiques du médecin agresseur; selon un autre modèle, on examine le contexte socio-culturel plus large de la relation, où le déséquilibre entre les pouvoirs et la socialisation sexuelle sont des facteurs importants. Des définitions de l'abus L'AMC définit l'abus de patients par des médecins comme étant tout comportement qui transgresse la relation patient-médecin à des fins d'exploitation, par des mots employés ou des gestes posés par le médecin. L'exploitation implique que les médecins agissent à leur avantage et non dans l'intérêt de leurs patients. 2 L'AMC est d'avis que cette définition générale de l'abus englobe l'abus sexuel. L'abus sexuel des patients par des médecins est par conséquent défini comme étant tout comportement qui transgresse la relation patient-médecin à des fins d'exploitation sexuelle, par des mots employés ou des gestes posés par le médecin. Lorsqu'on définit l'abus, il est important de considérer le point de vue des patients et des médecins, parce que la perception de chacun quant aux limites du comportement acceptable peut varier. De même, il est essentiel de reconnaître qu'il en va de la responsabilité des médecins d'établir et de maintenir les frontières ou les limites du comportement, pour eux-mêmes et pour leurs patients. La définition de l'abus s'étend à la relation entre les médecins et les membres de la famille ou d'autres personnes dont la participation au traitement et au bien-être d'un patient comprend l'interaction directe avec le médecin (p.ex., une mère qui consulte le médecin de son enfant). La communication avec les patients sur des questions d'ordre sexuel est un élément justifié de la pratique médicale de qualité. Cette pratique n'est pas considérée comme une pratique sexuelle abusive. Le fait de poser aux patients des questions sur leur comportement, leurs inquiétudes et leurs antécédents sexuels est un élément essentiel de l'entrevue clinique et de la prise de décision. De même, les médecins peuvent procéder à des actes préventifs et diagnostiques, entre autres, en touchant leurs patients. Un interrogatoire et un examen physique complets sont tout spécialement importants pour la santé générale et les problèmes courants liés aux maladies transmises sexuellement, à la planification familiale et aux troubles sexuels. Pour donner des soins convenables et adaptés, les médecins sont priés d'expliquer aux patients les raisons médicales pour lesquelles ils posent des questions d'ordre sexuel et les formalités de l'examen physique. La cordialité et la sensibilité entre les patients et les médecins font partie de relations patient-médecin convenables. La considération, l'appui et la compassion si essentiels à une saine alliance thérapeutique peuvent se transmettre par des mots et par des touchers sans exploitation, p.ex., une main sur une épaule. Cette catégorie est considérée comme une partie normale de la relation et est exclue de la définition de l'abus sexuel. Les relations sexuelles ou sentimentales avec des patients actuels ou d'anciens patients La relation entre un patient et un médecin débute lorsqu'une personne reçoit un service direct — conseil, diagnostic ou traitement — d'un médecin et se termine lorsque le service n'est plus requis ni attendu ou lorsque le patient ou le médecin met officiellement un terme à la relation professionnelle. Les relations patient-médecin vont de brèves et mineures à longues et intensives. Les médecins ne doivent jamais avoir de relations sexuelles ou sentimentales avec leurs patients actuels. Par ailleurs, la situation exceptionnelle de médecins qui exercent dans des collectivités isolées et éloignées, où chaque membre de la collectivité est un patient éventuel, devra être examinée de plus près. On doit juger au cas par cas pour savoir si la relation sexuelle ou sentimentale d'un médecin avec un ancien patient est convenable ou non; certains des facteurs à considérer comprennent la maturité du patient, le fait 3 que le patient ait ou non un trouble qui pourrait altérer ses capacités à prendre des décisions, le temps écoulé depuis la fin du service, et la nature, l'intensité et la durée du service. Le facteur le plus important est la probabilité que le médecin exploite la confiance, les connaissances et la dépendance qui se sont développées pendant la relation professionnelle. La déclaration d'abus sexuels L'AMC est d'avis que l'abus sexuel n'a jamais sa place dans la relation patientmédecin. En outre, lorsqu'ils ont des motifs raisonnables de croire qu'il y a abus sexuel dans une relation patient-médecin ou toute autre relation patient-fournisseur, les médecins ont la responsabilité déontologique de protéger le patient contre tout préjudice en prenant toute mesure raisonnable nécessaire pour garantir la déclaration du comportement à l'autorité compétente. Pour être certains d'avoir rempli leurs responsabilités déontologiques, les médecins doivent informer les patients de leur droit de déclarer l'abus sexuel, les aider en leur donnant des conseils au sujet du processus de déclaration et discuter avec eux de l'incidence éventuelle de leur décision de déclarer ou non l'abus. Si les patients choisissent de ne pas déclarer l'abus, les médecins doivent obtenir leur permission avant de le déclarer eux-mêmes. Les médecins doivent être au courant des prescriptions de la loi relativement à la déclaration dans leur province ou leur territoire, car elles peuvent varier et les exigences peuvent dépasser les responsabilités que nous venons de décrire. Les systèmes de soutien professionnel destinés aux patients victimes d'abus sexuel L'AMC reconnaît l'importance d'aider les patients victimes d'abus sexuel. Les médecins doivent offrir un soutien professionnel à ceux qui ont été victimes d'abus sexuel ainsi que de l'information sur le processus de déclaration de l'abus. L'AMC préconise l'élaboration de programmes de soutien professionnel à l'intention des personnes victimes d'abus. La profession médicale doit assurer la disponibilité de traitements en incitant les médecins à suivre la formation nécessaire pour comprendre, traiter et référer les patients victimes d'abus sexuel. Il faudrait encourager les autres professionnels de la santé qui soignent ces patients à suivre la formation qui s'impose. La présence d'un tiers Afin de prévenir l'abus sexuel, l'AMC reconnaît le droit qu'ont les patients et les médecins d'être en présence d'un tiers pendant la rencontre patient-médecin. En outre, elle admet que la présence d'un tiers pendant un examen ne protège pas nécessairement le patient ou le médecin et qu'elle peut être contre-productive dans certains cas (p.ex., séances de counselling personnel). Le patient et le médecin doivent accepter la présence d'un tiers et son identité. Les médecins ont le droit de refuser de faire un examen, et les patients ont le droit de refuser d'être examinés s'ils ne s'entendent pas sur la présence ou l'identité d'un tiers. Qu'ils soient ou non en présence d'un tiers, les médecins doivent établir des politiques et des pratiques de cabinet qui réduisent au 4 minimum les probabilités d'abus. Les médecins doivent respecter l'intimité des patients et suivre des procédures en conséquence, comme couvrir les patients et leur garantir leur intimité lorsqu'ils se changent. Des stratégies de sensibilisation et de prévention La profession médicale joue un important rôle de leader pour favoriser l'élaboration de stratégies de sensibilisation des patients et des médecins quant aux relations patientmédecin convenables et à la prévention de l'abus sexuel des patients par les médecins. Le cas échéant, les programmes d'enseignement médical prédoctoral, postdoctoral et d'éducation médicale continue doivent comprendre des objectifs éducatifs dans des domaines généraux liés à la relation patient-médecin et dans des domaines spécifiques liés à la question de l'abus sexuel des patients par les médecins. Les exemples de domaines généraux liés à la relation patient-médecin comprennent la déontologie, l'art de communiquer (p.ex., comment expliquer et effectuer des examens physiques normaux et délicats et comment discuter de sexualité), l'attention portée aux besoins propres du patient (p.ex., relativement à son âge, son sexe ou sa culture), les comportements de transfert et de contre-transfert. Les exemples de domaines spécifiques liés à la question de l'abus sexuel des patients par les médecins comprennent la connaissance et la compréhension des limites comportementales convenables dans la relation patient-médecin; la reconnaissance, le traitement et la déclaration d'abus sexuel des patients par les médecins; la détermination des actes à haut risque d'abus sexuel ou de malentendu; et les façons de prévenir l'abus sexuel des patients, notamment la bonne communication, le consentement du patient et la présence d'un tiers pendant un examen. Pour prévenir l'abus sexuel de patients par des médecins, il faut inciter les médecins à se déclarer de leur plein gré lorsque leur comportement ou leur comportement éventuel les inquiètent. Des lignes d'aide confidentielle destinées aux médecins et l'accès à une aide professionnelle peuvent favoriser l'intervention hâtive, prévenir l'abus des patients et préconiser la réadaptation, dans la mesure du possible. Un contexte réglementaire qui ne garantirait pas la confidentialité des médecins à titre de patients serait incompatible avec cette approche de prévention. Les plaintes et les processus disciplinaires L'AMC insiste sur l'importance et la nécessité de l'équité procédurale pour les patients et les médecins dans les cas de plaintes et de processus disciplinaires. Les bonnes relations patient-médecin et les alliances thérapeutiques sont fondées sur le fait que les patients et les médecins comprennent qu'il existe certaines normes minimales d'équité procédurale. Il faut se conformer à ces normes à chaque étape des plaintes et des processus disciplinaires. Le fait de savoir que ces normes seront suivies contribue à donner aux patients l'assurance qu'ils recevront les meilleurs soins possibles et aide les médecins à acquérir la confiance nécessaire pour offrir de bons soins. La recherche et l'évaluation Il est important de faire avancer la recherche et l'évaluation sur la nature changeante de la relation patient-médecin, tout particulièrement sur les facteurs qui contribuent aux éléments normaux et 5 anormaux de la relation. Les domaines de recherche et d'évaluation pourraient comprendre, sans s'y limiter, la compréhension de l'alliance thérapeutique et l'influence de facteurs comme la culture, le sexe et la socialisation sexuelle; des modèles ou des moyens d'expliquer l'abus sexuel des patients et l'efficacité des méthodes d'évaluation et de traitement des agresseurs; et l'évolution des exigences imposées aux médecins et à la profession médicale ainsi que leurs répercussions sur la prestation des soins de santé au Canada. En terminant, le présent document a été rédigé à l'intention des médecins et du public et cherche à faire comprendre, orienter et rassembler les réflexions actuelles sur la relation patient-médecin et l'abus sexuel des patients. Consciente de la nature dynamique de ces questions et de leur évolution constante dans le milieu, l'AMC croit que la politique doit être examinée périodiquement. L'AMC est impatiente de discuter et de collaborer avec les personnes qui font des recherches sur la relation patient-médecin dont pourraient profiter le public et la profession. Des questions à pousser plus loin Il existe de nombreux aspects de la relation patient-médecin dont ne traite pas le présent document, et l'AMC croit que ces aspects devraient être examinés. Ils comprennent la possibilité de mettre sur pied des équipes spécialisées d'évaluation-clinique pour évaluer les comportements dans les cas d'abus sexuel des patients par les médecins afin de faire des commentaires éclairés sur les plaintes et les processus disciplinaires et, au besoin, de décrire les possibilités de réadaptation et de traitement; l'opportunité de mettre en place des systèmes de soutien à l'intention des médecins (et de leur famille) accusés d'abus sexuel d'un patient ou qui, de leur plein gré, se déclarent comme agresseurs potentiels ou de fait; l'équité procédurale et son rôle relativement aux plaintes et aux procédures disciplinaires, tout spécialement dans les cas d'abus sexuel de patients par des médecins; ainsi que le harcèlement et l'abus des médecins, tout particulièrement les femmes médecins, par des patients. 6