Complément - UTL du Pays Bigouden

publicité

(Conférence
d’Ali
AÏT
ABDELMALEK,
professeur
de
sociologie)
«
Le
Suicide
comme
fait
social
»
Penmac’h,
le
1er
Juin
2010
1
–
La
division
du
travail
social
:
du
territoire
à
la
profession
Le
problème
crucial,
dans
la
société
moderne
–
et
qui
l’était
déjà
à
l’époque
de
Durkheim
qui
a
étudié
le
suicide
(1897)
–
est
le
rapport
«
individuel‐collectif
».
Autrement
dit,
de
l’intégration
sociale
dans
la
mesure
où
la
modernité
contraint
les
individus
à
user
de
leur
liberté.
«
Soyez
autonome…
»
est
en
quelque
sorte
le
commandement
contraignant
voire
coercitif
de
notre
société
moderne.
Nous
savons,
aujourd’hui,
que
les
variations
du
lien
social
et
les
rapports
entre
l’individuel
et
collectif
ont
des
répercussions
sur
le
suicide.
Ainsi,
en
société
traditionnelle,
chacun
fait
«
un
peu
de
tout
»
dans
le
cadre
du
groupe,
de
la
parenté
;
la
forme
principale
de
construction
des
identités
individuelles
et
collectives
c’est
le
territoire
comme
espace
d’«
appartenance
».
En
société
moderne,
chacun
est
plus
spécialisé
dans
le
cadre
de
métiers
également
différenciés
:
la
spécialisation
peut,
pour
le
moins,
distendre
le
lien
social.
C’est
donc
la
différenciation
sociale
qui
explique,
autorise
la
rationalisation
des
conduites
individuelles.
C’est
le
tout,
la
structure
de
la
société
qui
permet,
par
son
évolution,
de
comprendre
la
variation
de
la
division
technique
ou
économique
du
travail.
Autrement
dit,
si
nous,
individus,
nous
nous
spécialisons,
ce
n’est
pas
pour
pouvoir
produire
plus,
mais
pour
pouvoir
vivre
dans
des
conditions
nouvelles
d’existence
qui
nous
sont
faites
!
Dans
la
société
rurale
traditionnelle,
le
principe
qui
est
à
la
base
de
l’organisation
sociale
d’un
groupe
est
celui
d’une
conscience
collective
et
d’une
faible
conscience
individuelle.
Pour
survivre
dans
un
environnement
hostile,
le
groupe
ne
peut
tolérer
que
de
faibles
écarts.
La
loi
générale
est
celle
de
la
ressemblance,
de
la
similitude
qui
se
traduit
par
une
solidarité
mécanique,
les
rôles
et
les
statuts
n’y
sont
qu’exceptionnellement
diversifiés.
En
tout
état
de
cause,
ils
sont
fixés
et
toute
déviance
y
est
durement
réprimée.
Dans
la
société
moderne,
l’homme
peut
relativement
se
distancier
de
la
contrainte
collective.
La
complexification
de
la
collectivité
appelle
même
les
individus
à
utiliser
la
marge
d’autonomie
personnelle
qui
leur
est
accordée,
mais
celle‐ci
peut
conduire
à
des
écarts
préjudiciables
d’où
l’extension
d’un
droit
restitutif.
Le
droit
répressif
ne
disparaît
pas
totalement
car
la
complémentarité
des
fonctions
peut
ne
pas
être
spontanément
organique,
consensuelle.
La
convergence
d’intérêts
ne
va
pas
de
soi,
l’individualisation
ne
libère
pas
de
toutes
contraintes
mais
plus
assurément
en
modifie
la
représentation
et
les
valeurs
(fig.
1).
Fig.
1
:
Schématisation
de
la
bipolarisation
Solidarités
Modernité
organiques
mécaniques
Règles
répressives
coopératives
Ainsi,
dans
la
société
moderne,
le
droit,
qui
est
contractualiste,
organise
la
coexistence
régulière
d’individus
différenciés.
Ceux‐ci,
autonomes,
peuvent
contracter
mais
en
respectant
des
règles
générales,
impersonnels.
La
prépondérance
progressive
des
solidarités
professionnelles
dans
la
société
contemporaine
(moderne)
révèle
combien
la
vie
morale,
l’association
des
hommes
se
régulent
de
manière
artificielle.
Ce
n’est
plus
la
parenté,
le
village
qui
structure
la
répartition
du
travail,
voire
la
vie
sociale
;
ce
sont
les
entreprises,
les
collectivités
publiques
–
i.e.
la
profession
et
les
diplômes
!
–
qui
embauchent
un
travailleur
et
non
toute
la
famille,
et
qui
fondent
les
identités,
d’où
les
dislocations
familiales
(exode
rural,
interne
à
la
société,
ou
externe
par
l’immigration).
La
cause
du
progrès
de
la
division
du
travail
:
non
par
le
besoin
d’accroître
le
bonheur
individuel,
car
les
changements
sont
psychologiquement
coûteux
ainsi
qu’en
témoigne
l’augmentation
du
taux
de
suicide1
;
mais
par
la
combinaison
de
divers
phénomènes,
constitutive
du
fait,
induite
par
des
variations
du
milieu
social
soit
:
a) Vie
agricole
moins
nomade,
plus
sédentaire,
plus
régulière
;
b) Vie
des
cités‐villes,
qui
donne
naissance
à
des
libertés
négociées
avec
le
seigneur
terrien
;
c) Lieu
d’effervescence,
ou
foyers
d’intensification
de
la
vie
sociale
;
d) Voies
de
communications,
d’échanges
plus
développées.
1
Cf.
l’astreinte
d’un
travail
régulier
et
persistant
que
cet
autre
fait
social,
le
chômage,
ne
doit
pas
occulter
!
En
fait,
plus
la
société
se
complexifie,
s’éloigne
du
type
«
simple
»,
et
plus
l’individu
s’éloigne
aussi
de
son
milieu
natal
et
ainsi
se
soustrait
à
l’action
des
anciens,
plus
généralement
de
l’autorité,
de
la
tradition.
Tel
est
le
principe
de
fonctionnement
de
la
société
moderne
«
durkheimienne
»,
perçue
comme
étant
fondamentalement
harmonieuse
ce
qui
n’exclut
pas
les
expressions
anormales
ou
pathologiques.
A
cet
égard,
Durkheim
tend
à
faire
appel
à
la
justice,
à
la
fraternité
pour
dépasser,
prévenir
l’anormal
;
il
revalorise
le
social
en
proposant
une
intégration
optimale
par
la
corporation
(tradition).
En
conséquence,
la
corporation
pourrait
(re)devenir
la
base
de
l’organisation
politique
car,
d’un
côté,
l’Etat
est
trop
éloigné
des
individus
;
de
l’autre,
la
famille,
plus
exactement
la
parenté,
est
trop
proche,
trop
contraignante.
Cette
proposition
a
été
récusée
tout
à
la
fois
par
les
libéraux
–
au
nom
de
l’individualisme
–
et
par
les
révolutionnaires
au
nom
de
la
rupture
avec
le
capitalisme
;
on
peut
la
retrouver
actuellement
sous
les
traits
de
l’interprofession2,
du
néo‐corporatisme3.
II
–
Le
suicide
Nous
allons,
ici,
prolonger
la
réflexion
en
privilégiant
une
pathologie
de
la
différenciation
sociale
se
manifestant
par
le
suicide,
acte
apparemment
individuel
mais,
sociologiquement,
révélant
le
principe
constitutif
des
sociétés
modernes
:
l’individualisme.
A
–
Définition
préalable
La
rupture
avec
le
sens
commun
est
relative
car
vulgairement
le
suicide
désigne
avant
tout
l’acte
de
désespoir
qui
ne
tien
plus
à
vivre.
Dans
sa
recherche,
Durkheim
gardera
cette
(pré)notion
du
suicide
car
elle
n’est
pas
sans
lien
avec
la
théorie
qu’il
développe
sur
la
différenciation
sociale.
On
considère
avec
lui
que
l’espoir,
y
compris
lorsque
l’on
est
âgé,
est
lié
à
la
vie
que
l’on
mène
avec
ses
proches,
dans
la
société.
Encadré
n°
1
:
«
Suicide
»
«
…toute
mort
qui
résulte
médiatement
(indirectement)
ou
immédiatement
(directement)
d’un
acte
positif
(brutal)
ou
négatif
(refus
de
la
nourriture)
accompli
par
la
victime
elle‐même
»4.
2
Le
secteur
agricole
en
est
l’exemple
implicite
(cf.
A.
Aït
Abdelmalek,
thèse,
1993
et
H.D.R.,
2003).
3
Sur
le
«
corporatisme
sectoriel
»,
cf.
B.
Jobert,
P.
Müller,
L’Etat
en
action,
Paris
:
PUF,
1987,
256
p.
4
Le
Suicide,
Paris
:
PUF,
1897,
1991,
463
p.
(p.
3).
Notons
que
ce
n’est
pas
seulement
le
sens
commun
vulgaire
qui
individualisait
le
suicide
il
y
a
plus
d’un
siècle,
c’est
aussi
le
sens
commun
savant.
Durkheim
se
doit
en
conséquence
de
montrer
que
les
théories
en
vigueur
ne
rendent
pas
correctement
compte
du
fait
observé.
Un
exemple
pour
illustrer
comment
Durkheim
autonomise
son
territoire,
dessine
peu
à
peu
la
frontière
de
la
sociologie.
La
neurasthénie,
ou
plus
généralement
la
«
folie
»
‐
fait
psycho‐pathologique
et
non
sociologique
–
ne
serait‐elle
pas
facteur
de
suicide
?
•
Un
peu
plus
de
femmes,
en
France,
dans
les
asiles
et
elles
se
suicident
beaucoup
moins
que
les
hommes
;
•
Les
classements
des
divers
pays
sur
ces
deux
variables
sont
divergents.
•
Par
ailleurs,
le
taux
de
suicide
tend
à
croître
avec
l’âge
alors
que
le
taux
de
folie
est
plus
élevé
durant
l’âge
de
la
maturité
(vers
la
trentaine).
Il
y
a
donc
absence
de
corrélation
et
a
fortiori
de
causalité.
Ceci
étant,
on
n’exclut
pas
que
les
états
psycho‐pathologiques
puissent
éventuellement
faciliter
le
suicide
mais
ce
n’est,
au
plus,
qu’un
facteur
parmi
d’autres.
Au
nombre
des
explications
écartées,
celle
de
l’alcoolisme
:
les
deux
cartes
–
taux
de
suicide
et
d’alcoolisme
–
pour
la
France,
sont
assez
similaires
mais
c’est
trompeur.
D’une
part,
ce
n’est
pas
le
cas
à
l’étranger
;
d’autre
part,
la
consommation
de
boissons
alcoolisées
en
France
est
trop
diversement
corrélée
avec
le
suicide
:
dans
le
Midi,
on
boit
plus
de
vin
et
on
s’y
suicide
peu…
Tandis
qu’en
Bretagne
on
boit
du
cidre,
de
l’eau
de
vie,
et
aujourd’hui
du
vin
et
de
la
bière
et…
on
se
suicide
beaucoup
(depuis
le
XIXe
siècle)
!
Autre
réfutation,
l’influence
cosmique
:
en
fait,
plus
de
suicide,
durant
la
journée
et
l’été
car
la
vie
sociale
y
est
plus
intense.
Il
faut
supposer
en
conséquence
et
en
congruence
avec
la
théorie
de
Durkheim
que
l’intégration
y
est
ressentie
comme
y
étant
alors
:
ou
trop
faible
ou
trop
forte5.
Pour
construire
sociologiquement
son
objet,
rendre
sa
définition
opératoire,
Durkheim
utilise
la
notion
de
taux
social,
aujourd’hui
élémentaire
en
statistique
mais
que
l’on
peut
néanmoins
expliciter
:
a) Le
taux
ou
pourcentage
relativisant
les
nombres
absolus
et
les
rendant
en
principe
comparables
car
le
volume
des
populations
observées
est
neutralisé.
b) Social,
ou
le
fait
propre
à
une
société
(groupe
social
au
sens
large)
et
non
relatif
aux
psychologies,
aux
personnalités
des
individus.
5
Durkheim
ne
suit
pas,
ici,
la
théorie
de
son
maître
Montesquieu
pour
qui
le
climat
est
l’un
des
facteurs
prédominants
de
la
vie
sociale
!
Ce
travail
sur
les
statistiques
n’a
pas
pour
seul
effet
d’objectiver
le
phénomène
étudié.
Plus
crucialement
à
notre
avis,
il
concrétise
la
seconde
règle
énoncée
par
Durkheim.
Rappelons
la.
Expliciter
le
social
par
le
social
en
tant
que
tel,
pour
s’intéresser
aux
concomitants
sociaux
(contextes)
ou
milieux
(par
exemple
les
confessions
religieuses,
les
familles,
les
groupements
politiques,
professionnels
etc.
!
C’est
la
construction
de
l’objet
par
mise
en
relation
d’une
variable
à
expliquer
(suicide)
et
de
variables
explicatives
(faits
sociaux
antécédents).
Du
singulier
trop
général
–
le
suicide
–
aux
catégories
ou
types
construits,
Durkheim
propose
une
administration
de
la
preuve,
résultant
du
travail
de
construction
de
l’objet,
puis
d’explication
du
«
social
par
le
social
».
Le
sociologue
met
ainsi
en
exergue
une
«
loi
humaine
»
(fig.
2).
Fig.
2
:
«
La
loi
de
l’intégration
sociale
»
Société
Traditionnelle
Moderne
Rapport
à
autrui
:
altruiste
Rapport
à
soi
:
égoïste
Excès
de
règles
:
fataliste
Insuffisance
de
règles
:
anomique
Intégration
Forte
Faible
1
–
Les
suicides
dans
les
sociétés
traditionnelles
:
altruiste,
fataliste
Ces
types
se
repèrent
plus
du
côté
des
groupes
à
solidarité
ou
cohésion
mécanique.
Dans
les
deux
cas,
le
groupe
est
perçu
comme
très
pesant,
mais
s’agissant
du
suicide
altruiste,
il
y
a
adhésion
à
la
conscience
collective
qui
soumet
naturellement
les
consciences
individuelles
socialisées
;
dans
le
second
cas
(fataliste)
;
c’est
le
détachement
face
à
la
coercition,
par
exemple,
dans
les
situations
esclavagistes
ressenties
comme
telles.
1.1 –
Altruiste
Ce
suicide
n’est
pas
nécessairement
«
obligatoire
»6,
il
présente
un
caractère
plus
ou
moins
facultatif.
Mais
dans
toutes
ses
variétés,
il
renvoie
à
une
individuation
très
faible
:
la
vie
apparaît
être
hors
de
la
vie
elle‐même
;
ce
peut
être
le
cas
pour
:
•
L’épouse
devenue
veuve
(Inde)
;
•
Le
militaire
déshonoré
;
6
E.
Durkheim,
Le
suicide,
op.
cit.,
p.
235.
•
Le
serviteur
à
la
mort
de
son
maître
;
•
Le
membre
d’une
secte
;
•
L’homme
arrivé
au
seuil
de
la
vieillesse
ou
malade.
1.2 –
Fataliste
Les
normes
sont
jugées
très,
trop
contraignantes,
rien
d’autre
n’est
visible,
réel
que
ces
normes
:
•
Esclaves
;
•
Epoux
mariés
trop
jeunes7.
2
‐
Suicides
modernes
:
égoïste,
anomique
2.1
–
Egoïste
:
Ce
type
de
suicide
est
opposé
dans
ses
variations
au
suicide
altruiste
des
sociétés
traditionnelles.
La
règle
manque
aux
activités
elles‐mêmes,
on
ne
peut
s’y
attacher,
s’y
rattacher.
Généralement,
c’est
l’intégration
du
groupe
qui
est
en
cause
;
ce
que
Durkheim
montre
notamment
sur
l’exemple
de
trois
religions
monothéistes
occidentales
qui
condamnent
quasi‐également
le
suicide
(fig.
3)
:
Fig.
3
:
Le
rapport
à
la
religion
et
au
suicide
Taux
de
suicide
+
Protestants
Catholiques
Juifs
Place
au
jugement
individuel
+
7
Sans
pouvoir
étayer
statistiquement,
Durkheim
affirme,
plus
douteusement
qu’il
n’y
paraît,
que
le
suicide
est
«
certainement
très
fréquent
chez
les
peuples
primitifs
»
(ibid.,
p.
235).
Plus
significative
est
l’opposition
qu’il
repère
entre
les
suicides
de
ces
peuples
et
ceux
observables
chez
les
modernes.
Chez
les
premiers
c’est
un
devoir
qui
jette
le
discrédit,
le
déshonneur
si
l’on
dérobe
à
la
prescription
de
la
société
(ibid.,
p.
236)
;
chez
les
seconds,
c’est
un
«
droit
»
que
s’arroge,
ou
peut
s’arroger,
l’individu
autonomisé.
Les
protestants
se
tuent
beaucoup
plus
que
les
catholiques
et
ce
qui
divise
essentiellement
ces
deux
rameaux
de
la
chrétienté
n’est
autre,
selon
Durkheim,
que
le
rapport
aux
autorités
:
‐
Très
faible
chez
les
protestants
appelés
à
être
auteurs
de
leur
croyance
par
le
libre
examen,
le
rapport
direct
à
Dieu.
‐
Très
fort
chez
les
catholiques
encadrés
par
tout
un
système
hiérarchique
d’autorités
et
notamment
de
théologiens,
qui
font
que
lesdits
catholiques
reçoivent
la
foi
sans
examen.
‐
Les
juifs
se
tuent
très
rarement
eu
égard
à
leur
forte
propension
au
regroupement,
à
leur
cohésion
générée
par
les
intolérances
dont
ils
sont
historiquement
l’objet
et
à
la
faible
place
que
laisse
le
judaïsme
«
au
jugement
individuel
».
2.2
–
Anomique
Il
est
lié
à
l’état
d’une
société
obscurcissant
ses
normes,
désorientant
de
fait
les
individus
:
«
On
ne
sait
plus
ce
qui
est
possible
et
ce
qui
ne
l’est
pas,
ce
qui
est
juste
et
ce
qui
est
injuste…
».
Les
situations
de
crise,
conjugales
et
encore
plus
économiques
au
19
ème
siècle
et
la
modernisation
de
la
société
au
20
ème
siècle
font
croître
l’état
d’anomie
car
les
passions,
les
désirs
y
sont
moins
disciplinés
au
moment
où
ils
auraient
le
plus
besoin
de
l’être.
Concernant
l’agriculture
par
exemple,
la
crise
économique
malheureuse
et
aussi
heureuse,
mais
trop
soudaine,
est
à
l’origine
de
trop
forte
mobilité,
déclassement,
perte
de
repères,
de
relations,
…
Mais
ne
généralisons
pas
hâtivement
:
toute
crise
ne
fait
pas
croître
le
suicide
;
par
exemple
une
guerre,
qui
mobilise
les
énergies,
le
fait
décroître.
En
résumé,
l’évolution
des
structures
sociales
favorise
le
suicide
lorsque
l’intégration
au
groupe
est
trop
faible,
et
c’est
le
cas
du
suicide
des
«
paysans
»,
ou
trop
fort
(courbe
en
U)
et
c’est,
par
exemple,
le
cas
du
suicide
des
chefs
d’entreprise
familiale
agricole,
moderne
et
compétitive8.
La
variation
essentielle
étant
alors
à
situer
au
niveau
de
l’intégration
optimale,
de
sa
variabilité
par‐delà
sa
personne.
Enfin,
le
droit
conçu
non
comme
une
science
mais
comme
un
corps
de
règles
à
observer
par
une
personne
qui
veut
vivre
e,
société,
remplace
peu
à
peu
la
morale
;
pour
cela,
«
il
faut
de
toute
nécessité
qu’il
y
ait
une
autorité
dont
les
hommes
reconnaissent
la
supériorité,
et
qui
dise
le
droit
»9.
Cette
autorité
ne
serait
pas
juridique
ni
même
politique
8
Cf.
A.
Aït
Abdelmalek,
2004.
9
Cf.
E.
Durkheim,
Le
Socialisme
(1828),
Paris
:
PUF,
1971,
p.
291
(217
p.).
mais
sociétale
:
inhérente,
pour
l’essentiel,
à
la
force
d’une
société
rationnelle,
propre
à
s’auto‐diriger
comme
y
aspirait
Auguste
Comte10.
L’analyse
durkheimienne
du
suicide
a,
ainsi,
constitué
un
des
meilleurs
exemples
de
la
manière
dont
une
théorie
sociologique
–
celle
d’Emile
Durkheim
(1858‐1917)
–
peut
être
reliée
aux
données
empiriques
par
l’intermédiaire
d’une
typologie
appropriée.
Il
s’agissait
de
se
distancier
de
la
philosophie
pour
donner
corps
à
la
sociologie,
science
sociale
des
sociétés
complexes
ou
modernes11.
Ali
Aït
Abdelmalek,
10
Que
l’idéal
moral
soit
simultanément
social
et
scientifique,
pour
ne
pas
dire
sociologique
!
11
Cf.
A.
Aït
Abdelmalek,
Edgar
Morin,
penseur
de
la
complexité,
à
paraître.

Téléchargement