10 Economie genevoise Tribune de Genève | Lundi 20 octobre 2014
Son conseil
Par Haroldo Jiménez *
Alimentation
Le poisson abonde et les
Genevois se l’arrachent
En 2013, la pêche
dans le Léman a été
miraculeuse. Du
jamais-vu depuis 1991.
Mais seuls 2,1% des
poissons consommés
sont suisses
Richard Etienne
Vingt et un francs. Le filet de féra
au restaurant L’Echalotte, au cen-
tre-ville, ne coûte guère plus. Le
poisson vient du lac, de ses eaux
françaises entre Excenevex et
Anthy-sur-Léman. Achetée au quo-
tidien chez Aligro, la féra est fraî-
che. Elle est capturée au maximum
quelques jours avant d’arriver
dans nos assiettes.
«Les prix en Suisse pour la féra
sont compétitifs», selon Dimitri
Jaquet, de la Direction générale de
la nature et du paysage à l’Etat de
Genève. En 2013, la pêche dans le
Léman a été extraordinaire: plus
de 1300 tonnes de perches, ombles
chevaliers, brochets, écrevisses
américaines et surtout féras
(974 tonnes) ont été capturés, un
record depuis 1991. C’est bon si-
gne: cela signifie que les eaux du
lac sont propres, propices aux
bien-être de ces bestioles. Ceux qui
aiment consommer local se réjoui-
ront d’autant plus que le label
Genève Région – Terre d’Avenir
(GRTA) est sur le point d’être
étendu aux animaux du Petit-Lac.
«Les poissons se vendent très
bien en Suisse romande, beaucoup
mieux qu’en Suisse alémanique»,
précise de son côté Joos Sutter,
président de la direction de Coop.
Comparé à Migros Genève, Coop
vend plus d’espèces du Léman.
Outre les féras, que les deux distri-
buteurs proposent, le détaillant
écoule truites, perches et brochets.
Les féras peuvent aussi arriver du
lac de Neuchâtel, où l’on préfère
l’appeler bondelle ou palée, et
d’Annecy. Elle est alors connue
sous le nom de bondelle.
Demande croissante
En Suisse, d’autres noms sont plus
répandus, comme le saumon, nor-
végien ou écossais, les maque-
reaux ou les perches, estoniennes.
Parmi les quelque 350 espèces
importées chez le grossiste Lucas
Genève SA, à Carouge, on trouve
aussi des turbots, maigres, et pour
les coquillages, des palourdes,
couteaux ou coques.
Tous des produits de la mer. A
Genève, dix-sept pêcheurs profes-
sionnels sont recensés. Guère suffi-
sant pour satisfaire les exigences
des 2000 restaurants, hôtels et
particuliers du canton. Leur de-
mande croît: l’an dernier, selon
l’association Proviande, chaque
habitant en Suisse a consommé en
moyenne 9,1 kg de poissons contre
8,6 en 2008. Le gros des troupes
doit être importé.
Outre Aligro et Lucas Genève,
une petite dizaine d’importateurs
professionnels s’active à Genève.
Les plus importants se nomment
Ultra Marine Food SA, Gastromer
SA ou Novameditpesca Sàrl.
Lucas Genève, 48 employés et
un chiffre d’affaires proche des
25 millions de francs, collabore par
exemple avec des hôtels et des res-
taurants, 350 en tout, dont cer-
tains en terres alémaniques. A 4 h
du matin, quand le premier em-
ployé arrive, il commence par
écouter son répondeur, attentive-
ment, une heure durant. Une
grosse partie des commandes se
fait par téléphone, en soirée ou de
nuit, quand les restaurateurs ont
fini de servir.
Importations en hausse
Entre trois et quatre camions li-
vrent au quotidien le poissonnier
carougeois. Sur les 400 tonnes an-
nuelles qu’il reçoit, la moitié res-
sort presque aussitôt (la tête des
poissons, les arêtes, etc.) en direc-
tion d’une déchetterie à Berne qui
les brûle. Le reste est trié et part en
général au plus tard le lendemain.
Le poissonnier, après avoir traité
les cargaisons, se transforme en li-
vreur. Lucas Genève possède une
dizaine de camionnettes.
La société se fournit surtout en
Europe, en Norvège et en Ecosse
pour les saumons (son produit
phare), en France, au Danemark,
en Italie, mais aussi en Amérique
du Nord et au large du Maroc. Les
circuits sont bien rodés: une fois
pêchés, fruits de mer et poissons
sont vendus à un mareyeur qui re-
vend à son tour la marchandise.
Elle transite ensuite en camion par
Lyon, où elle est déchargée avant
d’être redirigée vers le canton. Les
aliments parviennent dans la Cité
sarde pas plus de deux jours après
avoir été extraits de l’eau. Le fait
que les poissons soient toujours
plus nombreux, en aquaculture ou
pisciculture, rend les tarifs plus at-
tractifs et «le transport, surtout par
la route, ne coûte pas cher du tout»,
relève Dominique Lucas. Le patron
de l’entreprise souligne également
que ses «meilleurs publicitaires
sont les médecins». Les denrées de
la mer sont saines, disent-ils.
Selon l’Office de la statistique,
73 928 tonnes de poissons ont été
importées en 2013 et 1579 tonnes
ont été pêchées en Suisse, soit 2,1%
du total, une part qui n’a jamais été
aussi faible (les féras de L’Echalotte
ne sont pas comptées parmi ces
dernières car elles viennent de
France; près de la moitié des pê-
ches du lac sont d’ailleurs hexago-
nales). Autrement dit, les eaux du
Léman ont beau avoir été généreu-
ses l’an dernier, on n’a proportion-
nellement jamais consommé aussi
peu de poissons du lac cette an-
née-là en Suisse. A L’Echalotte
d’ailleurs, outre la féra, on sert
aussi des saumons, des cabillauds,
sébastes, merlans et des aiglefins.
Tout est importé.
Chez Lucas Genève, le poissonnier carougeois, on traite 400 tonnes de poissons, crustacés et coquillages par année. STEEVE IUNCKER-GOMEZ
Le Mövenpick s’offre un nouveau look à 20 millions
En six ans, l’hôtel situé au
seuil de Genève Aéroport
a rénové ses 350 chambres,
son lobby et ses restaurants
Vingt-cinq ans. Quel bel âge pour
s’offrir une première chirurgie es-
thétique! Du coup, le Mövenpick
Hotel Casino de Genève a investi
20 millions de francs pour réno-
ver notamment ses 350 cham-
bres, sept suites, trois espaces
voués à la restauration, son lobby
et des salles de société suscepti-
bles d’accueillir des centaines de
visiteurs. Cet établissement cinq
étoiles, situé au seuil de Genève
Aéroport, a ainsi exaucé les vœux
stratégiques de son propriétaire,
Mövenpick Hotels Resorts, société
appartenant elle-même à la firme
zougoise Mövenpick Holding AG,
cotée à la Bourse suisse jusqu’au
12 juin 2007, avant de devenir une
entreprise familiale.
Dès l’arrivée de ses clients dans
le lobby, le directeur général du
Mövenpick genevois (l’un des
81 hôtels porteurs de cette marque
dans le monde), Nicolas Meylan, a
voulu doter son établissement de
trois atouts: «Lumière, volume et
classe. Telles sont les trois forces
immédiates de notre nouveau
lobby.» L’entreprise a aussi pris
soin d’assurer une fluidité dans
l’accueil de ses hôtes. A cette fin,
la réception a été équipée d’un
long comptoir épuré. A cela
s’ajouteront bientôt des bornes
où il sera possible de payer
promptement avec une carte de
crédit et de recevoir tout de suite
la carte en plastique permettant
d’ouvrir la porte de la chambre.
Au 14e étage, Nicolas Meylan
garde toujours un intense plaisir
en faisant découvrir la «suite
suisse»: une perle d’un haut de
gamme tout en pudeur, d’où les
hôtes peuvent s’offrir une vérita-
ble sensation d’envol, du fait d’une
vue imprenable sur le Salève et la
chaîne des Aravis.
Bénéficiant d’un emplacement
très envié, le Mövenpick Hotel
Casino de Genève séduit une clien-
tèle variée: un quart de clientèle
«loisirs» et trois quarts de clientèle
«affaires». Cette deuxième catégo-
rie étant constituée en bonne par-
tie d’équipages d’avions: 15% de
l’ensemble des hôtes. P.RK
L’économie dictera
sa loi aux Bourses
Après un bon cru
boursier en 2013, qui
saluait la poursuite
de la reprise
économique, les
indices ont connu une évolution
plus prudente cette année.
Les craintes sur la croissance
mondiale ont éloigné les
investisseurs des sociétés
exposées à cette variable et le
sentiment des investisseurs
affiche un certain décalage
vis-à-vis de l’évolution de
l’économie. Le marché
américain des actions offre une
bonne illustration de ce
phénomène. Malgré les deux
corrections du printemps et de
l’automne, l’indice S&P 500
affiche encore une performance
de 2% depuis le début de
l’année. Un regard plus proche
sur les moteurs de cette
progression montre que ce sont
les secteurs les plus défensifs qui
l’expliquent. La santé s’envole
de 10%, les services à la
collectivité dépassent les 15%
alors que l’industrie et la
consommation discrétionnaire
se contractent de près de 3% sur
la même période. Cette attitude
prudente contraste avec la
performance de l’économie
américaine saluée, par ailleurs,
par l’ensemble des
observateurs. La forte
progression du PIB, après un
accident climatique au premier
trimestre, est accompagnée d’un
regain de confiance des
consommateurs et des
industriels. Cet élément
encourageant permet
d’anticiper une progression
bénéficiaire des sociétés
exposées au cycle économique.
Les perspectives pour ce secteur
sont, en effet, plus fortes que
pour l’ensemble de la cote. Cette
incohérence entre l’évolution du
marché boursier à court terme
et la tendance à long terme,
propre à l’économie réelle, met
les investisseurs face à un choix
fondamental dont dépend la
construction de leur patrimoine
dans la durée. Nous
recommandons un alignement
sur l’évolution de l’économie.
* Asset management BCGE
«Le sentiment
des investisseurs
affiche un certain
décalage vis-à-vis
de l’évolution
de l’économie»
Electriciens confrontés
à la guerre des prix
Le secteur n’a aucun
problème pour recruter,
mais la rentabilité des
firmes peine à se maintenir
Les entreprises d’électricité repré-
sentent une branche importante
du secteur de la construction.
«L’électricien, c’est le docteur du
bâtiment», illustre Daniel Zaugg,
membre des comités de la FMB
(Fédération des métiers du bâti-
ment, qui regroupe 1400 entre-
prises et 12 000 employés) et de
l’AIEG (Association des installa-
teurs électriciens de Genève). Ses
interventions, il les réalise avec
doigté. Et ce métier ne cesse d’at-
tirer des jeunes. Environ 200 ap-
prentis sont actuellement formés,
par exemple, au sein des 50 en-
treprises membres de l’AIEG.
Côté sous, un électricien diplômé
gagne rapidement 5000 francs
par mois, le salaire moyen s’éta-
blissant à 5545 francs, selon les
estimations de l’AIEG.
En revanche, les patrons du
secteur sont unanimes sur un
point: ils ont des difficultés à
maintenir leurs marges, en raison
de la guerre des prix. «Dans le
cadre de grands projets, explique
Daniel Zaugg, les maîtres
d’ouvrage s’adressent à une en-
treprise générale. Celle-ci sous-
traite ensuite l’électricité aux
PME. Le problème, poursuit ce
chef d’entreprise, c’est que ces
groupes calculent à la louche ce
qui doit revenir à l’entreprise
d’électricité, qui doit s’en accom-
moder.» La PME est aussi coupée
de la relation directe avec son
client, et ne peut donc pas propo-
ser des solutions peut-être plus
chères mais aussi plus conviviales
ou efficaces en termes d’éclairage.
«Nous ne sommes plus que des
tireurs de câbles», se désole
Daniel Zaugg, qui est aussi patron
de l’entreprise Rhône-Electra
(60 personnes).
Le marché genevois est seg-
menté entre les petits travaux
(villa individuelle), les ouvrages
moyens et les grands projets, de
plus en plus réservés par les
géants du secteur, qui ont les
moyens de remplir des cahiers
des charges complexes. Patron
de EL TOP, une entreprise d’élec-
tricité qui emploie 140 personnes
et qui vient d’inaugurer ses nou-
veaux locaux aux Acacias, Nicolas
Bienz confirme cette tendance.
A 36 ans, Nicolas Bienz déve-
loppe, sur les traces de son père
René Bienz, une firme familiale
qui entend prospérer en propo-
sant une large palette de servi-
ces: domotique, télématique,
fibre optique mais aussi conseil.
«Nos clients sont d’horizons
très divers, privés comme pu-
blics», ajoute ce chef d’entre-
prise, dont la société réalise en-
viron 16 millions de francs de
chiffre d’affaires. Le canton
compte environ 130 entreprises
regroupant près de 2000 emplois
dont les trois-quarts de monteurs
ou de techniciens. R.R.
Découvrez notre
galerie de photos sur
www.poissons.tdg.ch
«Nous ne
sommes plus
que des tireurs
de câbles»
Daniel Zaugg
Membre du comité de l’Association
des installateurs électriciens
de Genève