Progrès en Urologie (1996), 6, 217-225 La poche de Miami : une dérivation urinaire continente fiable après exentération pelvienne Franck BLADOU (1), Gilles HOUVENAEGHEL (1), Dominique ROSSI (2) , Gérard SERMENT (2), Gérard GUERINEL (1), Jean-Robert DELPERO (1) (1) Département de Chirurgie, Institut Paoli-Calmettes, Marseille, (2) Service d’Urologie, Hôpital Salvator, Marseille En cas d’impossibilité de remplacement vésical orthotopique, une dérivation urinaire cutanée est le plus souvent proposée après cystectomie. L’urétérostomie cutanée transiléale type Bricker est la dérivation urinaire actuellement la plus utilisée dans ces indications, rapide à réaliser, avec des résultats satisfaisants à long terme [2]. Néanmoins, cette technique entraîne le port d’un collecteur à urine abdominal permanent avec les désagréments liés à cet appareillage. RESUME Buts : Décrire la technique et donner les résultats obtenus avec une dérivation urinaire continente, la poche de Miami, chez des patientes après exentération pelvienne pour tumeur gynécologique avancée. Méthodes : De janvier 93 à janvier 95, une poche de Miami a été réalisée chez 12 patientes. Un réservoir colique droit détubulé est réalisé à l’aide d’autosutures à agrafes résorbables, les uretères sont réimplantés dans le réservoir avec un système anti-reflux et le système de continence est réalisé en tubulisant la dernière anse iléale et en utilisant la valvule de Bauhin qui peut être renforcée si elle est incompétente. Un suivi postopératoire régulier a été réalisé (de 6 à 26 mois) avec contrôle des constantes biologiques, urographie intraveineuse, opacification du réservoir, et bilan urodynamique de la dérivation continente. Résultats : ll n’y a pas eu de complication chirurgicale liée à la dérivation urinaire. La continence urinaire a été obtenue dans tous les cas et après traitement médical de contractions péristaltiques résiduelles du réservoir colique détubulé chez 2 patientes. La protection du haut appareil urinaire reste satisfaisante après 2 ans de surveillance, sans apparition de sténose ou de reflux des anastomoses urétéro-coliques. La contenance moyenne du réservoir colique était de 465,5 +/- 101 ml à 6 mois avec des pressions de remplissage inférieures à 20 cm H2O. Conclusion : La poche de Miami est une dérivation urinaire continente de réalisation relativement simple et fiable sur le plan de la continence et de la protection du haut appareil. Un recul post-opératoire plus important est néanmoins souhaitable. La qualité de vie de patientes jeunes après exentération pelvienne est améliorée grâce à ce type de dérivation continente qui permet d’éviter un collecteur à urine abdominal au prix d’autosondages intermittents. Actuellement, une dérivation urinaire cutanée continente est une option plus satisfaisante en terme de qualité de vie et acceptabilité de la dérivation urinaire, tout en permettant une protection du haut appareil urinaire [12]. La dérivation idéale comporte un système de réimplantation urétérale antireflux dans un réservoir digestif compliant qui se remplit à basse pression, et une stomie cutanée continente fiable. Cependant, de telles dérivat ions conti nentes sont techniquement longues et difficiles à réaliser par rapport aux dérivations non continentes et donc réalisées par un nombre restreint d’urologues. L’exentération pelvienne est réalisée au cours du traitement des tumeurs gynécologiques localement avancées quand la radiothérapie est insuffisante ou non réalisable, ainsi que lors des récidives pelviennes tumorales après radiothérapie [5]. C’est une intervention dont la morbidité est lourde, notamment du fait de l’importance de l’exérèse chirurgicale, de lésions radiques pelviennes qui mettent en danger les anastomoses digestives et urinaires lors de la reconstruction pelvienne après exérèse. Des complications graves à type de fistule digestive et/ou urinaire sont fréquentes [3]. Jusqu’à récemment, une reconstruction pelvienne n’était réalisée que chez un nombre limité de patients. Du fait de l’amélioration des techniques de radiothérapie externe, de chirurgie (utilisation de pinces automatiques) et d’une meilleure prise en charge péri-opératoire de ces patients, des protocoles de reconstruction pelvienne sont réalisés afin d’améliorer la qualité de vie de ces patients souvent jeunes [10]. Dès que possible, une reconstruction pelvienne comprend une anastomose colo-anale après exérèse rectosigmoïdienne, un remplacement vaginal après Mots clés : Dérivation urinaire, continence, exentération pel vienne, cancer gynécologique. Progrès en Urologie (1996), 6, 217-225. Manuscrit reçu le 18 octobre 1995, accepté : novembre 1995. Adresse pour correspondance : Dr. F. Bladou, Département de Chirurgie, Institut Paoli-Calmettes, 231, Boulevard de Sainte-Marguerite, 13273 Marseille Cedex 9. 217 colpectomie totale, et une dérivation urinaire continente après pelvectomie antérieure ou totale. Les critères de sélection des patientes ont été: 1) L’âge jeune de la patiente, 2) le caractère potentiellement curatif de l’exentération, 3) la motivation de la patiente. 4) l’âge moyen de ces patientes était de 45,5 ± 12,8 ans. La tumeur initiale était un cancer épidermoïde du col utérin dans tous les cas. Une radiothérapie avec chimiothérapie sensibilisante préopératoire a été réalisée chez 11 patientes sur 12, avec une dose pelvienne de 45 grays. Chez 7 patientes, l’exentération a été motivée par une récidive tumorale pelvienne après traitement initial (Tableau 1). Pendant de nombreuses années, nous avons réalisé de manière systématique une dérivation urinaire cutanée trans-iléale ou trans-colique non continente après exentération pelvienne [3]. Nous rapportons ici notre expérience récente sur la confection de la poche de Miami après exentération pelvienne avec un recul maximum de 2 ans. PATIENTS ET METHODES Patientes Méthodes De janvier 1993 à janvier 1995, une poche de Miami a été réalisée chez 12 patientes sélectionnées après exentération pelvienne pour cancer gynécologique avancé. Les patientes ont été suivies régulièrement en postopératoire, avec contrôle de l’urée et créatinine sanguines, Tableau 1. Indications et résultats urodynamiques et fonctionnels de la poche de Miami réalisée chez 12 patientes après exenté ration pelvienne. Patient/Age Tumeur initiale Irradiation pelvienne 1 Technique chirurgicale Capacité du réservoir 2 Continence B./41 Cancer du col récidivé 45 Gy Pelv. antérieure PMCGD PM 350 ml Bonne S.J./48 Cancer du col récidivé Pelv. Totale PM 400 ml P.P./40 Cancer du col récidivé 60 GY Pelv. antérieure PM N.V./64 Cancer du col primitif 45 Gy M./26 Cancer du col récidivé H./33 Reflux Suivi (grade) (mois) Normale Non 18 Bonne Normale Non 22 400 ml Fuites occasionnelles Normale Non 24 bromure de Prifinium Pelv. antérieure PM 550 ml Fuites occasionnelles Normale Non 17 bromure de Prifinium DCD méta. cérébrale 45 Gy Pelv. totale PMCGD PM 600 ml Bonne Normale Non 26 Cancer du col récidivé 45 Gy Pelv. totale PMCGD PM 600 ml Bonne Normale Non 26 L./39 Cancer du col primitif 45 Gy Pelv. antérieure Hépatectomie partielle PM 400 ml Bonne Normale Non 13 K./59 Cancer du col primitif 45 Gy Pelv. antérieure PM 650 ml Bonne Normale Non 11 V.B./65 Cancer du col récidivé 45 Gy Pelv. antérieure PMCGD PM 500 ml Bonne Normale Non 6 M.G./41 Cancer du col récidivé 45 Gy Pelv. antérieure PIM 550 ml Bonne Normale Non 7 B.S./56 Cancer du col primitif 45 Gy Pelv. totale, PIM Colostomie continence PMCGD - - - - DCD J8 choc septique B.F./34 Cancer du col primitif 45 Gy Pelv. antérieure PM 450 ml Bonne Normale Non 7 1. Radiothérapie préopératoire 2. Bilan urodynamique à 6 mois. PM : Poche de Miami UIV urinaire Pelv. Pelvectomie PMCGD : Plastie myo-cutanée de Grand Droit 218 ionogramme sanguin et urinaire, urographie intraveineuse et opacification du réservoir à 1, 3, 6 mois puis une fois par an. Un bilan urodynamique a été réalisé à 3, 6 et 12 mois après l’intervention puis une fois par an Une manométrie du réservoir a été réalisée à l’aide d’une sonde à trois voies (Porgès, France) de diamètre 12 CH, avec un remplissage de 50 ml/min. Un profil de pression de l’anse continente à été réalisé en fin de remplissage du réservoir, à l’aide d’un retrait motorisé de la sonde à vitesse constante (5 mm/sec.). Technique chirurgicale (Figure 1) L’éxentération pelvienne est réalisée dans un premier temps, associée à une cellulectomie pelvienne et rétropéritonéale (curages lymphatiques complets). Au cours des pelvectomies totales, une anastomose colo-anale est le premier temps de la reconstruction pelvienne, suivie de la confection de la dérivation urinaire continente, et enfin du remplacement vaginal. • Création du réservoir colique La gouttière pariétocolique droite est incisée et le côlon droit est mobilisé. Pour le prélèvement du greffon iléocolique, le colon droit est sectionné au niveau de l’angle colique droit et l’iléon à 15-20 centimètres de la valvule de Bauhin à l’aide de pinces mécaniques (GIA 30, Merlin Med., France). Le greffon iléo-colique est vascularisé par les vaisseaux coliques droits et iléo-bicaeco-appendiculaires. Une appendicectomie est réalisée systématiquement. Pour la remise en circuit de l’appareil digestif, une anastomose iléo-transverse est réalisée par agrafage mécanique trans-suturaire. Les lignes d’agrafes des extrémités du greffon iléo-colique sont excisées Le greffon est irrigué au sérum bétadiné dilué. Le greffon colique est détubulé à 1’aide de pinces automatiques à agrafes résorbables (PolyGIA, Merlin Med., France): le colon droit est replié sur lui-même en U le long de la bandelette antimésentérique, une branche de la pince PolyGIA est introduite par l’extrémité colique supérieure et l’autre branche par un orifice créé au niveau du bas-fond caecal. L’agrafage-section entraîne une détubulisation par anastomose latéro-latérale des jambages du greffon colique en U. Un second chargeur de PolyGIA est nécessaire pour compléter la détubulisation colique. Comme les rangées d’agrafes non résorbables ne peuvent pas se chevaucher, une application précise du second chargeur d’agrafes est réalisée idéalement en éversant le réservoir colique ce qui permet d’exposer la muqueuse colique et la première rangée d’agrafes et d’avoir un contrôle visuel de la position de la seconde rangée d’agrafes (Figure 2). Les rangées d’agrafes sont inspectées et cauthérisées si nécessaire. L’étanchéité du réservoir est complétée par des points résorbables de fil monobrin (PDS,4/0) appliqués à la jonction des rangées d’agrafes. • Réimplantation urétérocolique Une sonde urétérale est mise en place systématiquement dans chaque uretère en peropératoire et laissée en place en moyenne 12 jours après l’intervention. Chez les 6 premières patientes, une réimplantation urétérale selon la technique de Camey-Le Duc [6] a été réalisée, et une réimplantation urétérocolique latéroterminale laissant 1,5 à 2 cm d’uretère libre dans le réservoir colique [4] chez les 6 autres patientes (Figure 3). Dans tous les cas, l’uretère gauche a été mobilisé dans la fosse iliaque droite en sous-mésocolique gauche. Trois à quatre points de PDS 4/0 sont placés entre la séreuse colique et urétérale pour compléter l’étanchéité de l’anastomose urétérocolique. • Drainage du réservoir colique et contrôle de l’étan chéité Après réimplantation urétérale, les sondes urétérales sont extériorisées en trans-caeco-pariétal. Une sonde de Foley Charrière 24 (Porgès, France) est utilisée comme caecostomie de drainage et extériorisée en trans-caeco-pariétal direct dans la fosse iliaque droite, le ballonnet de la sonde étant gonflé à 10 ml dans le réservoir. Le réservoir colique est fermé par 2 hémisurjets de PDS 4/0. Une sonde de Foley Charrière 14 est introduite dans le réservoir à travers la dernière anse iléale et la valvule de Bauhin. Un remplissage du réservoir par cette sonde (300 à 350 ml de sérum physiologique) permet d’apprécier l’étanchéité du réservoir. Après remplissage du réservoir et contrôle de l’étanchéité, la sonde est retirée et une pression manuelle sur le réservoir apprécie la continence de la valvule de Bauhin: une augmentation progressive de la pression à l’intérieur du réservoir ne doit pas entraîner de fuite liquide par la dernière anse iléale en cas de valvule de Bauhin compétente. • Création du système de continence Après remise en place de la sonde de Foley Ch 14 dans le réservoir à travers la dernière anse iléale, un calibrage de l’iléon est réalisé par application de 2 chargeurs successifs de pince mécanique GIA 90 comme précédemment décrit [10] (Figure 4). En cas de valvule de Bauhin incompétente, un renforcement de la valve iléocaecale est réalisé à l’aide de 3 surjets circonférentiels musculoséreux de fil monobrin non résorbable (Ethicrin 3/0, Ethicon) (Figure 5). L’anse iléale calibrée est passée directement à travers la paroi abdominale et une iléostomie est réalisée en fosse iliaque droite. • Surveillance et soins post-opératoires Une irrigation du réservoir est réalisée toutes les 3 heures pour évacuer les sécrétions souvent abondantes de mucus pendant les 15 premiers jours post-opératoires. Les sondes urétérales et la sonde de Foley Ch24 sont enlevées respectivement au douzième et quinziè219 Figure 1. Description schématique de la technique opératoire de la poche de Miami. A : le greffon digestif utilisé comprend la totalité du côlon droit et les 15 derniers centimètres d’iléon. Le greffon est pédiculisé sur l’artère colique droite et l’artère bi-caeco-appendiculaire. B : le greffon colique est replié en U sur la bandelette caecale et détubulisé à l’aide de pinces à autosutures à agrafes résorbables. C : une éversion complète du greffon colique partiellement détubulisé est nécessaire à une bonne applica tion de la seconde pince automatique afin de compléter la détubulisation. D : la poche de Miami terminée : après une réimplantation urétéro-colique bilatérale et un calibrage de la dernière anse iléale à la pince GIA à agrafes non résorbables sur une sonde tutrice de Foley CH 14 un ren forcement de la valvule de Bauhin est réalisé à l’aide de 3 surjets circonférentiels de fil non résorbable. Une sonde de Foley CH 24 est extériorisée en transcaecopariétal pour le drainage du réservoir colique. Deux sondes d’entéro-urétérostomie (non représentées sur le schéma) sont extériorisées en transcaecopariétal. Figure 2. Création du réservoir colique à l’aide de pinces à autosutures à agrafes résorbables. Après l’application d’une première rangée d’agrafes, une seconde pince PolyGIA est appliquée idéalement en effectuant une éversion du réservoir colique afin d’exposer la muqueuse colique et la première rangée d’agrafes. Cette manoeuvre permet d’éviter un che vauchement des 2 lignées d’agrafes nécessaires pour une détubulisation complète du côlon droit. 220 Figure 3. Réimplantation urétérale directe dans le réservoir colique en laissant 1,5 à 2 cm d’uretère libre dans le réservoir. Figure 4. Le calibrage de la dernière anse iléale sur une sonde de Foley CH 14 est réalisé à la pince mécanique GIA 90. Une dernière application de pince GIA 30 est réalisée en fin de cali brage à proximité de la valvule iléo-caecale. Légende : Rc : réservoir colique, A : anse iléale calibrée, E : excédent d’iléon réséqué. Figure 5. Renforcement de la valvule iléo-caecale par 3 surjets circonférentiels de monofil non résorbable en cas de valvule incompétente. Figure 6. Manométrie d’un réservoir colique montrant sur la courbe du haut des contractions péristaltiques persistantes malgré la détubulisation colique et à l’origine de fuite uri naires intermittentes par hyperpression. Sur la courbe du bas, le même réservoir après injection IV de prifinium, montrant la disparition des contractions péristaltiques (examen réalisé 6 mois après confection de la poche de Miami). 221 me jours post-opératoires. La sonde stomiale est enlevée au vingt et unième jour après opacification du réservoir pour éliminer toute fuite éventuelle du réservoir. L’éducation du cathétérisme intermittent est débutée dès l’ablation de la sonde, avec un rythme de cathétérisation systématique toutes les 3 heures jour et nuit pendant un mois, puis toutes les 4 heures jour et nuit pendant 1 mois et enfin toutes les 4 heures le jour uniquement. L’autosondage est réalisé à l’aide d’une sonde droite à usage unique Charrière 16 (EasiCath® homme, Conveen; ou Urocath® homme, Porgès). Un lavage du réservoir au sérum physiologique est pratiqué par la patiente tous les jours pendant 1 mois puis une fois par semaine. RESULTATS Il n’y a eu aucune complication chirurgicale liée à la dérivation urinaire dans cette courte série de patientes. La morbidité opératoire a été liée à l’exentération pelvienne et représentait un cas de choc septique qui a entraîné le décès d’une patiente à J8 après l’exentération, un cas de phlébite du membre inférieur, un cas de colite pseudo-membraneuse. Une réintervention chirurgicale a été réalisée dans un cas de suppuration périnéale à J12 et un cas de déhiscence pariétale à J45. Chez 2 patientes, des troubles hydroélectrolytiques à type d’acidose hyperchlorémique avec hyponatrémie dûs à un syndrome de réabsorption par la muqueuse colique du réservoir urinaire sont apparus dans les jours suivant l’ablation du drainage du réservoir. Un drainage prolongé du réservoir pendant 15 jours a permis une normalisation spontanée du ionogramme sanguin. Chez la moitié des patientes, une augmentation du nombre de selles par jour (3 à 5 selles diarrhéiques par jour en moyenne) a nécessité un traitement symptomatique efficace dans la majorité des cas. Figure 7A. Contrôle radiologique à 6 mois chez une patiente porteuse d’une poche de Miami après exentération pelvienne. Urographie intraveineuse montrant un haut appareil urinaire normal, sans dilatation urétéro-pyélo-calicielle. mois puis une normalisation radiologique des cavités excrétrices a été obtenue dans tous les cas à 6 mois (Figure 7A). Ceci a été confirmé par une normalisation des valeurs biologiques de la fonction rénale à 6 mois chez toutes les patientes. Dix patientes sur 12 ont été continentes de jour et de nuit spontanément (Tableau 1). Chez 2 patientes, des fuites modérées d’urine par la stomie sont apparues précocement après le début des cathétérismes. Chez ces 2 patientes, un bilan urodynamique du réservoir colique a mis en évidence des contractions péristaltiques résiduelles qui ont cédées sous antispasmodique atropinique (prifinium, 210 mg par jour). Un test thérapeutique sous cystomanométrie a été réalisé et était positif dans les 2 cas (Figure 6). Il n’y a pas eu de problème lié au cathétérisme de l’anse iléale calibrée et chaque patiente a appris rapidement la technique d’autosondage et de lavage du réservoir. Quel que soit le type de réimplantation urétérocolique réalisé, il n’a pas été mis en évidence de reflux urétérorénal dans cette série (Figure 7B). La capacité du réservoir colique s’est accrue au fil des mois. Elle a été estimée par cystomanométrie à 3, 6 mois et I an après l’intervention avec une capacité moyenne du réservoir de 250, 500 et 600 ml respectivement. Les pressions de remplissage à l’intérieur du réservoir sont restées inférieures à 20 cm d’H2O, sauf pour les 2 cas de contractions péristaltiques du réservoir au cours desquels des pics réguliers de pression oscillaient entre 50 et 60 cm d’H2O avant traitement par prifinium. Les pressions au sein de l’anse iléale calibrée étaient en moyenne de 80 cm d’ H2O, avec un pic de pression maximum au niveau de la valvule de Bauhin. Une UIV et une opacification rétrograde du réservoir ont été réalisés systématiquement à 1, 3, 6 mois puis une fois par an. Une dilatation modérée des cavités rénales a été observée régulièrement sur l’UIV à I et 3 222 leur série actualisée (33 pat ientes avec un recul moyen de 17 mois) [11]. Une surveillance médicale stricte en post-opératoire immédiat et à long terme nous semble indispensable pour éviter les risques de complication lié à un dysfonctionnement du drainage chirurgical, un mauvais drainage des sécrétions de mucus souvent très abondantes lors du premier mois, une exploration systématique du moindre défaut de fonctionnement de la dérivation (fuites, infection urinaire...). Cela n’est possible qu’avec une éducation du personnel soignant et de la patiente elle-même à qui est remis un livret d’informations et de conseils avec des numéros téléphoniques pour contacter l’équipe soignante 24 heures sur 24. Figure 7B. Contrôle radiologique à 6 mois chez une patiente porteuse d’une poche de Miami après exentération pelvienne. Opacification rétrograde du réservoir colique ne montrant pas d’image de reflux urétéro-rénal chez la même patiente. DISCUSSION La poche de Miami est une dérivation urinaire continente fiable et de réalisation relativement simple. Dans cette série de patientes à haut risque chirurgical, il n’y a pas eu de reprise chirurgicale pour complication ou dysfonctionnement de la dérivation urinaire, malgré les antécédents d’irradiation pelvienne. Les avantages de ce type de dérivation continente sont sa simplicité et la fiabilité du système de continence par rapport notamment à la poche continente de Kock dont le taux de réintervention global est de 10-20%, du fait notamment d’un dysfonctionnement de la valve continente (désinvagination ou prolapsus de la valve)[1]. Nous réalisons ce type de dérivation urinaire continente chez des patientes jeunes, chez lesquelles le geste d’exérèse doit être curateur, et qui acceptent le principe d’autosondages évacuateurs intermittents à la place d’un collecteur à urine abdominal. Outre une amélioration sensible de la qualité de vie de ces patientes stomisées, nous obtenons une protection du haut appareil urinaire à long terme et un taux moindre de complications chirurgicales que dans les urétérostomies cutanées transiléales malgré la complexité chirurgicale plus importante de la poche de Miami [3]. Cependant, le taux important de complications urinaires que nous avons publié récemment sur une série antérieure de 97 exentérations pelviennes ne doit pas être comparé au taux de complication obtenu dans cette série de cas sélectionnés. PENALVER et al. ont décrit des résultats similaires à ceux de cette série en utilisant la même technique et dans les mêmes indications (exentérations pelviennes pour cancers gynécologiques avancés), avec un recul de 4- 8 mois [10] dans une première série de 9 patientes, puis à partir de L’utilisation de pinces mécaniques peut être jugée excessive du fait du coût élevé de ce matériel. Néanmoins, l’agrafage automatique a prouvé son efficacité tant sur le plan de la fiabilité et la reproductibilité des sutures que sur le gain en temps opératoire [9]. La durée d’intervention au cours d’une exentération pelvienne avec reconstruction est en moyenne de 7 à 8 heures et l’emploi de sutures mécaniques pour l’anastomose colo-anale comme pour la confection de la dérivation urinaire réduit d’au moins 2 heures le temps de reconstruction pelvienne. De plus, l’absence de toute fistule urinaire dans cette série réduit la morbidité et le nombre de réinterventions postopératoires au cours des exentérations pelviennes et peut avoir une répercussion sur le coût global de ces interventions. L’utilisation de sutures mécaniques à agrafes résorbables a déjà été publié pour la confection de réservoir urinaire colique [10] ou d’entérocystoplastie [8] avec d’excellents résultats à moyen terme. Les inconvénients de ces sutures résorbables sont, à notre avis, une trop grande rigidité de la rangée d’agrafes en peropératoire ainsi que l’impossibilité de chevauchement de 2 rangées d’agrafes, ce qui nécessite un soin particulier pour l’application du deuxième chargeur lors de la détubulisation colique avec l’artifice technique que nous avons décrit (éversion du réservoir colique). Nous avons changé la technique de réimplantation urétérocolique au cours de notre expérience essentiellement dans un souci de gain de temps opératoire. La réimplantation selon Le Duc-Camey reste un système antireflux fiable, dont le taux de sténose de l’anastomose n’excède pas selon une revue récente de la littérature 2 à 5% [7]. Il n’y a pas eu dans cette série de sténose urétérale chez les 6 premières patientes qui ont eu ce type d’anastomose. Nous réalisons actuellement une technique de réimplantation plus rapide avec un risque de sténose faible mais un risque de reflux plus élevé [12]. Néanmoins, le risque de reflux urétéro-rénal semblerait moins important en cas de réservoirs coliques détubulés de grande capacité dont les pressions de remplissage restent faibles [4]. Un recul de 10-15 ans est 223 nécessaire pour évaluer la fiabilité des différents types de réimplantation urétérale dans des réservoirs digestifs en terme de protection de la fonction rénale. La surveillance urodynamique est importante pour déceler les possibles contractions coliques résiduelles qui, même si elles sont asymptomatiques (absence de fuite urinaire), peuvent entraîner une destruction progressive à bas bruit du haut appareil urinaire. L’utilisation de bromure de prifinium (Riabal®) est une attitude originale qui n’a pas été décrite à notre connaissance dans cette indication et qui a permis de contrôler efficacement les contractions coliques résiduelles chez deux patientes de cette série. Il s’agit d’un antispasmodique atropinique anticholinergique utilisé essentiellement pour le traitement des colites spasmodiques et dont l’utilisation dans cette indication précise de contraction du réservoir est logique et efficace. En conclusion, la poche de Miami est une nouvelle génération de dérivations urinaires continentes qui allie les avantages suivants: une protection du haut appareil urinaire grâce à un réservoir compliant à basse pression et un système antireflux fiable, un système continent très simple à réaliser et efficace. L’utilisation de pinces automatiques et d’agrafes résorbables est un apport important pour la fiabilité et la rapidité d’exécution des sutures digestives. Cette dérivation devrait voir le champ de ses indications s’élargir au vu des bons résultats obtenus, notamment sur le plan de l’amélioration de la qualité de vie de patientes stomisées urinaires et à haut risque chirurgical. REFERENCES 1. 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Grise - Rouen) Il faut féliciter les auteurs qui rapportent une expérience de dérivation urinaire continente sur pelvis irradié, en association à une chirurgie lourde d’exentération pelvienne. Dans 4 cas l’exentération a même été totale avec anastomose colo-anale dans le même temps. La qualité des résultats post-opératoires est à souligner, à la fois au bénéfice des opérateurs et à celui de la technique elle-même qui ne comporte pas les complications des valves par invagination. Les auteurs ne précisent cependant pas le site, le trajet de la stomie, les risques éventuels de difficultés d’autosondages en cas de plicature de l’anse iléale. Le taux de sténose de l’anastomose selon le procédé du sillon de Camey Le Duc, rapporté à 25% doit être corrigé. En effet l’analyse concordante de la littérature, sur près de 600 cas rapportés, révèle 5% de sténoses et 14% de reflux. Les auteurs ont préféré, pour les cas récents, la technique de réimplantation avec uretère libre, technique qui méritera d’être évaluée ultérieurement sur un plus grand nombre de cas. En effet si nous souscrivons bien à l’avantage en terme de rapidité, les risques de sténose sont, dans notre propre expérience, majorés par rapport à la technique du sillon muqueux. Pour la moitié des patients un inconfort digestif est apparu qu’il ne faut pas minimiser. C’est probablement l’écueil principal de ce type de dérivation qui comporte un risque à la fois de retentissement fonctionnel (diarrhée dans la moitié des cas) mais aussi métabolique qui méritera d’être mieux évalué à long terme notamment compte tenu de l’association à un grêle potentiellement radique. Il est dommage que les auteurs ne précisent pas la continence anale, les traitements adoptés concernant la diarrhée et les résultats détaillés, les facteurs favorisants éventuels: radiothérapie, colectomie. Il n’en reste pas moins que cette dérivation a permis une qualité de vie et une image corporelle souhaitée chez ces patientes souvent jeunes. Réponse des auteurs L’anse iléale calibrée est extériorisée au point de Mac Burney droit par un trajet direct transpariétal, le réservoir colique étant couché dans la fosse iliaque droite, ce qui reste la position la plus naturelle de la poche de Miami, n’occasionnant pas de traction ou de torsion du méso du greffon iléo-colique. 224 Notre expérience de cette technique s’est accrue depuis le début de l’année 1995, et nous avons réalisé 12 nouvelles poches de Miami pour les mêmes indications. Nous avons noté récemment chez 2 patientes des difficultés de sondage qui sont apparues dès l’ablation du drainage postopératoire et qui ont obligé dans les 2 cas à réaliser un drainage percutané du réservoir colique dans un premier temps suivi d’une fibroscopie souple pour retrouver le passage et remettre en place un drainage à demeure pendant 2 semaines. Dans les 2 cas, l’impossibilité de sondage était liée à une plicature de l’anse iléale en amont de la valvule de Bauhin et l’autosondage a été repris avec succès à l’issue d’un sondage prolongé. continent diversion which avoids the need for an abdominal urine collector, although it requires intermittent self-catheteriza tion. Key words : Urinary diversion, continence, pelvic exenteration, gynaecological cancer. ___________________ Les diar rhée s post-opératoires peuvent ê tre ra ttachées d’une par t à la technique chirurgicale elle- même (l’ exclusion de la totalité du côlon droit au nive au duquel la réabsorption hydrique physiologique pr end une place importa nte lor s du tra nsit digestif, ainsi que la disparition de la va lvule iléo-cae cale), et d’autr e part a ux lésions digestives préexistantes (lé sions radiques du grèle et du sigm oïde , colectomies ga uches associé es, grèle court). Nous ré alisons actuellement e n c olla boration avec l’Unité INSERM 379 une é valuation obje ctive des séquelles dige stives e t de leurs traiteme nts chez ces patientes au sein d’une é tude générale de qualité de vie après exe ntération pelvienne. ____________________ SUMMARY The Miami reservoir : a reliable continent urinary diversion after pelvic exenteration. Objectives : To describe the technique and present the results obtained with the Miami reservoir, a continent urinary diversion, after pelvic exenteration for advanced gynaecological tumours. Methods : A Miami reservoir was performed in 12 patients bet ween January 1993 and January 1995. A detubed right colonic reservoir was created using automatic resorbable staples. The ureters were reimplanted into the reservoir using an anti-reflux system and continence was ensured by forming a tube with the terminal loop of ileum and by using a Bauhin valve, which can be reinforced when it is incompetent. Regular postoperative fol low-up was conducted (6 to 26 months) with monitoring of labo ratory parameters, intravenous urography, opacification of the reservoir, and urodynamic assessment of the continent diversion. Results : There were no surgical complications related to the uri nary diversion. Urinary continence was obtained in every case and after medical treatment of residual peristaltic contractions of the detubed colonic reservoir in 2 patients. Protection of the upper urinary tract was satisfactory after 2 years of follow-up, without stenosis or reflux of the uretero-colonic anastomoses. The mean capacity of the colonic reservoir was 465.5 ± 101 ml at 6 months, with filling pressures lower than 20 cm H 2O. Conclusion : The Miami reservoir is a continent urinary diver sion which is relatively easy to perform and reliable in terms of continence and protection of upper tract. However, a longer postoperative follow-up is required. The quality of life of young patients after pelvic exenteration is improved due to this type of 225