Cependant, une autre difficulté à laquelle la Chine doit faire face sur le marché international c'est la
prolifération des accords commerciaux préférentiels (ACP) dans différentes parties du monde, en
particulier entre les pays industrialisés, desquels elle ne fait pas partie. La stratégie chinoise à cet
égard est d'intégrer autant d'accords que possible, mais ce qui compte sans doute encore davantage
c'est la quantité de programmes de développement infrastructurel que la Chine a lancés pour
conquérir les marchés jusque-là interdits ou non exploités. Ces méga-programmes (comme les routes
de la soie terrestre et maritime) ne serviront pas seulement à approvisionner les marchés, mais aussi
à ouvrir de nouvelles perspectives d'investissements dont les capitaux chinois, à la recherche des
meilleurs plans d'investissements comme tous les autres capitaux dans le monde après la crise
globale, ont tant besoin. Mais ces programmes de développement infrastructurel sont un autre
indicateur de changement de la politique chinoise : en effet, par le passé et malgré des rendements
très faibles, la Chine réinvestissait l’excédent des revenus en devises étrangères dans des actifs
occidentaux. Ces programmes, tout comme les institutions multilatérales de financement, la Banque
asiatique d'investissement pour les infrastructures (AIIB) et la Banque BRICS, qui ont été mis en
place sous l'impulsion de la Chine, leur permettra de diversifier et équilibrer leur portefeuille. De plus,
les décideurs politiques chinois doivent penser que la stabilité relative de leur économie et de leur
monnaie pourrait également attirer des investisseurs d'autres pays dans ces méga-programmes de
développement infrastructurel. Plutôt que de placer son argent dans des actifs occidentaux à des taux
de rendement très faibles, la Chine se prépare maintenant à utiliser son excédent pour ce qui peut
être appelé des méga-projets sino-centrés. Si tout va bien, de nombreuses banques centrales et
d'autres organismes de ce style pourraient également risquer de laisser en compte une partie de
leurs réserves en devise chinoise6.
Marché intérieur
Les planificateurs chinois ne semblent pas se faire de grandes illusions sur la croissance des
marchés mondiaux, et se consacrent davantage à stimuler la demande interne. L’énorme plan de
relance économique anticyclique introduit dans le sillage de la crise financière mondiale répondait à
cette volonté de stimuler la demande intérieure, mais un autre processus de rectification plus durable
a été initié par le Parti communiste chinois visant à faire le point sur les inégalités croissantes dans le
pays. L'une des conséquences a été de permettre une augmentation substantielle des salaires réels,
un contraste frappant avec la longue stagnation des salaires réels en Occident7. Normalement, une
amélioration de la répartition des revenus devrait s'accompagner d'une progression des dépenses de
consommation (au détriment de l’épargne des ménages) et, partant de là, accroître la demande pour
les biens de consommation. Le renversement conséquent de la balance entre consommation privée
et investissement serait d'un grand secours pour permettre de surmonter des périodes de
ralentissement de la croissance. Incontestablement, et comme le montre le résultat du programme de
stimulation chinois, l'avantage de ces politiques visant à cultiver la demande intérieure se répercutera
sur l'extérieur, au moins en partie. Mais, s’il est vrai que la mondialisation rend même les marchés
« intérieurs » intensément concurrentiels, en raison des coûts de transport et de divers autres
paramètres, les producteurs nationaux gardent un avantage certain sur le marché domestique.
Les périodes de croissance lente donnent lieu à des crises de confiance fréquentes de la part des
investisseurs et en conséquence à des réactions de panique dans le monde économique, mais l'État
6 Source: ECIPE (cf. note 4).
7 Contrairement aux pays occidentaux, le gouvernement chinois accroit ses efforts pour augmenter le
pouvoir d'achat des familles qui se traduit par une amélioration économique générale des salaires minimums,
l'élargissement des programmes de retraites, l'expansion des programmes sociaux, la promotion d'actions en
matière de logement pour les plus pauvres, intensification des dépenses gouvernementales dans les zones
rurales et l'agriculture, etc. Le résultat est que les dépenses de consommation sont devenues la première source
de la croissance économique en Chine. Selon les derniers rapports de l'OMC sur la Chine, alors que les
dépenses de consommation finales contribuaient respectivement à 55% et 50% pour les années 2012 et 2013, la
part des exportations était négative sur ces deux années (- 2,1% et – 4,4%).