variables   des   conceptions   délirantes,   dont   l’élément   principal   apparaît  
comme étant un certain rapport du sujet à la morale et à la loi ».
Binswanger   insiste   sur   le  sentiment   de   perte  comme   étant   un   thème 
fondamental   de   l’état   mélancolique   [7] ;   la  perte   mélancolique,   qui 
concerne tous les domaines de la vie, est une évidence pour la patiente : elle 
a perdu ses capacités, sa dignité et son honneur à tout jamais.
Selon Georges Dumas, la maladie a une origine intellectuelle : c’est à la 
suite d’un événement douloureux ou d’une idée fixe qu’elle se déclare et se 
maintient [13]. L’idée délirante, ici celle d’être indigne pour tous les péchés 
commis,   apparaît   la   première   et   forme   le   pivot   de   la   mélancolie, 
déterminant une dépression réactionnelle. L’auteur qualifie de létanie cette 
expression   réitérée   de   motifs   qui   varient   peu,   l’état   mélancolique   étant 
caractérisé par un  délire monotone, reflet de  l’invasion lente du Moi par 
l’état affectif du malade [9, 13].
La clinique renvoie également aux observations de Cotard sur le délire de 
négation du mélancolique [10]. Il s’agit ici d’une forme atténuée (honte, 
désespoir, déshonneur, perte irréparable) [21], avec cependant la notion de 
négation corporelle (vide intérieur, absence de cerveau, de coeur). L’auteur 
rattache ce délire à un état d’anesthésie sensitive. La culpabilité démesurée 
et   le   pouvoir  délirant   d’un  impact   sur   l’humanité   renvoient   à  la  notion 
d’énormité,   que   Cotard   nomme   « faux   délire   de   grandeur »,   le   délire 
prenant ici une forme mélancolique et négative.
Dans ce  tableau où prédominent  l’immobilité, la péjoration des idées, le 
pessimisme, résume bien le « syndrome mélancolique » décrit par Ey. On y 
retrouve les deux dimensions fondamentales de la conscience mélancolique, 
étant « dans un cas suspendue dans le vide du passé, dans l’autre ouverte 
sur le présent et l’avenir comme un gouffre béant » [14].
Diagnostic différentiel
La   persistance   du   délire   jusqu’à   ce   jour   réalise   un   tableau   de   délire 
chronique.   Il  se   différencie   du  délire   schizophrénique   par   son  caractère 
relativement systématisé, sa bonne adaptation à la réalité, et par l’absence 
de désorganisation et de dissociation [18].
L’association d’éléments thymiques et délirants évoque le trouble schizo-
affectif (TSA), concept évoluant entre les pôles schizophrénique et affectif 
[5, 6, 25]. Les troubles thymiques exclusivement dépressifs renvoient au 
sous-type dépressif du TSA [1]. Mais ici, la symptomatologie délirante est 
toujours congruente à l’humeur, ce qui récuse le TSA.
L’évolution   de   l’épisode   actuel   réalise   un   délire   chronique   non 
schizophrénique, permettant de discuter le diagnostic avec celui de 
paraphrénie   [16,   18,   19,   23] :   le   délire,  en   marge   de   la   réalité 
quotidienne n’envahit pas totalement la vie psychique de la patiente ; 
ses   capacités   intellectuelles   sont   intactes ;   les   mécanismes   sont 
essentiellement  imaginatifs,  intuitifs,   sans hallucinations ;   le délire 
manque   de   cohérence,   reste   stable   dans   le   temps,   sans   ajout